Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les semelles en cuir

Avant-propos

Cela fait plusieurs années que les semelles en caoutchouc gagnent du terrain et la tendance n’a aucune raison de s’inverser. Au contraire, elle ne fait que s’accélérer et chez certaines marques les semelles en caoutchouc sont même devenues majoritaires ou sont en passe de le devenir. Les raisons derrière ce succès sont nombreuses, mais elles peuvent se résumer à deux choses, une baisse de la qualité, et une baisse des coûts. Baisse de la qualité, non pas des semelles en gomme, mais des semelles en cuir, et baisse des coûts engendrés par les économies qu’une semelle gomme peut permettre de réaliser par rapport à une semelle en cuir. J’insiste sur le “peut permettre” mais nous verrons cela dans la seconde partie de cet article.

Les semelles en cuir

Avant d’entrer dans le vif du sujet il est bon de faire une rapide présentation des semelles en cuir qui existent sur le marché. Sans la trépointe (quand il y a en a une) l'épaisseur typique d'une semelle en cuir est comprise entre 4,5 et 5,5 mm. C’est bien évidemment une moyenne, il peut y avoir des semelles plus ou moins épaisses que cela, puisque le type de montage a une influence sur l’épaisseur de la semelle qui va être employée.

Dans certains cas, on trouve des semelles en cuir double, voire triple, qui sont normalement plus durables et qui sont en général destinées à des chaussures d’aspect plus rustique. Il existe aussi des semelles doubles qui deviennent simple en cambrure, communément appelées semelle “Haf” chez les anglophones, c’est une finition que l’on rencontre plus souvent en mesure mais Edward Green et d’autres marques de PAP la propose.

Une double semelle est plus durable, plus épaisse et, bien sûr, permet d'isoler davantage la chaussure.

Semelle Haf chez Edward Green, avec un modèle Herrick (Source: EG)
Semelle Haf chez Edward Green, avec un modèle Herrick (Source: EG)
Semelle Haf chez Edward Green, avec un modèle Dover, comme quoi ces semelles ne sont pas exclusives aux bottines. (Source:EG)
Semelle Haf chez Edward Green, avec un modèle Dover, comme quoi ces semelles ne sont pas exclusives aux bottines. (Source:EG)
Derby triple semelle chez Weston. Autant dire que vous avez le temps de voir venir avant d’avoir besoin de faire un ressemelage. Il y a quand même un aspect chaussures du monstre de Frankenstein à prendre en compte. (Source: Weston)
Derby triple semelle chez Weston. Autant dire que vous avez le temps de voir venir avant d’avoir besoin de faire un ressemelage. Il y a quand même un aspect chaussures du monstre de Frankenstein à prendre en compte. (Source: Weston)

Je ne vais pas aborder les diverses finitions visuelles (patine, glaçage) qui sont possibles sur les semelles en cuir, car c’est uniquement de la coquetterie et cela dépend simplement des désirs des clients ou de la fantaisie (ou non) du fabricant.

Une patine sur une semelle JR par Winson Shoemaker. (Source: Winson Shoemaker)
Une patine sur une semelle JR par Winson Shoemaker. (Source: Winson Shoemaker)

La baisse de qualité des semelles en cuir

Le tannage

On parle très souvent de la baisse de qualité des cuirs de tige dans le monde de la chaussure, mais l’on parle beaucoup moins de la baisse de qualité des cuirs utilisés pour les semelles d’usure, et pourtant le déclin est tout aussi rapide. Le critère principal qui va déterminer de la durabilité d’une semelle est la dureté, plus le cuir va être dur plus il va être résistant, mais attention, il faut que le cuir conserve toujours un certain ressort. Un cuir trop dur risque de devenir friable. L’épaisseur joue bien évidemment un rôle mais il est secondaire, une semelle trop souple qui est épaisse ne va pas résister mieux qu’une semelle plus fine à la bonne dureté.
Pour que le cuir soit à la bonne rigidité il faut lui faire subir tout un processus pour obtenir une dureté optimale avec la bonne quantité de ressort. De base, sur une peau de bovin, il y a des zones qui sont plus ou moins rigides. Le centre de la peau est la zone la plus rigide et plus vous allez vers les extrémités plus le cuir devient souple et plus il a de prêtant ce qui est une caractéristique indésirable quand vous voulez travailler le cuir de façon générale, et quand vous voulez faire des semelles en particulier. C’est pour cette raison que la zone la plus prisée est celle que l’on appelle le croupon car elle est la plus stable dimensionnellement puisqu’elle a le moins de prêtant. Bien que le croupon soit une zone naturellement plus rigide que les autres, elle n’est pas suffisamment rigide pour qu’elle puisse être utilisée sur des semelles avec n’importe quelle forme de tannage. Pour qu’un croupon soit le plus rigide possible il faut qu’il soit tanné avec un tannage végétal, le tannage au chrome produit de façon générale un cuir souple même s’il existe évidemment des cuirs tannés au chrome qui sont plus rigides que d’autres.

Les différentes parties d’une peau. (Source: CTC)
Les différentes parties d’une peau. (Source: CTC)

Le problème du tannage végétal par rapport au tannage au chrome est sa durée, il est beaucoup plus chronophage et donc il coute beaucoup plus cher. Un tannage au chrome peut être effectué en 3 heures. Un tannage végétal peut être réalisé en 48h, mais pour des semelles, un tannage végétal dit “lent” demande au minimum 30 jours. En réalité il peut aller de 30 jours, à 30 mois. Enfin ça c’est historiquement, aujourd’hui on est plus aux alentours des 18 mois maximum, c’est pour cela que l’on parle parfois de tannage lent, voire même de tannage extra lent. Et 30 jours, ça n’est pas un tannage végétal extra lent à l’écorche de chêne, mais un tannage réalisé avec des agents chimiques qui sont censés reproduire un tannage à l’écorce de chêne, autrement dit c’est une version industrielle qui coûte beaucoup moins cher et qui est donc très populaire, c’est d’ailleurs plus ou moins la norme de nos jours en dehors de quelques irréductibles (Bastin, Garat, Baker, possiblement d’autres mais on a là les plus connus).

Lors d’un tannage végétal lent traditionnel il y a 3 grandes étapes à suivre (je ne compte pas la préparation, je ne parle que des étapes spécifiques au tannage végétal lent). Il y a tout d’abord ce qu’on appelle le passage en brasserie où les peaux sont saturées de tanins, cette étape dure en général deux mois mais elle peut durer plus, Baker dit faire 3 mois par exemple. L’étape la plus longue est le passage en cuve (également appelée fosse), c’est durant cette étape qu’on laisse les peaux reposer avec de l’écorce, en général de chêne mais d’autres essences sont utilisées comme du châtaignier. Cette étape peut à elle seule prendre 12 mois. On a l’habitude dans le milieu de dire qu’il faut laisser du temps au tan mais une telle lenteur est aujourd’hui impensable dans notre monde du “progrès technique” et des échanges globalisés. Car plus que jamais, le tan c’est de l’argent. C’est la première étape vers la “rationalisation” du tannage des semelles, le temps en fosse connaît de plus en plus de réductions et cela même chez les tanneries historiques et réputées. Bastin a fait passer son temps en cuve de 10 à 12 mois à 8 à 10 mois, d’après les divers reportages réalisés chez eux. Dans le monde du marketing, les délais fonctionnent à l’inverse de ceux du quotidien. Quand Bastin dit “de 8 à 10 mois” il faut comprendre que le temps passé en fosse est très vraisemblablement de 8 mois voire moins (j’ai entendu que parfois on était plus proche des 6 mois). Quand votre plombier vous dit qu’il faudra attendre “4 à 6 semaines” vous allez poireauter 6 semaines voire plus.

Cela étant dit, le temps de passage en fosse des concurrents n’est pas très éloigné de ça. Chez Garat on parle de 4 à 6 mois en cuve (d’après leur propre site internet), Baker dit laisser les peaux en cuve pendant 9 mois, pour un temps total de tannage de 12 mois et Rendenbach disait que le temps total de tannage prend 9 mois mais je n’ai pas trouvé le temps passé en cuve, de toute façon ça n’est plus la même tannerie qui produit les semelles. Au final ça n’est pas très important, le temps en cuve n’est pas un concours de distance, beaucoup de tanneries utilisent l’argument de la durée uniquement dans un but marketing, avec l’idée que plus c’est long plus c’est bon. En réalité, et selon le proverbe en vigueur chez les Anglois “you can’t polish a turd”, mettre un croupon naze en cuve pendant 36 mois ne le transformera pas en carrosse. Mieux vaut un temps plus court en cuve avec un cuir excellent qu’un temps long avec un cuir médiocre. Il est bon de le préciser car je vous laisse imaginez ce qui peut être fait (en matière d’utilisation de peausserie comme en matière de tannage) dans les tanneries de l’Inde, du Brésil ou de la Chine, qui sont de bien plus gros producteurs de cuir que la France ou l’Angleterre. C’est d’ailleurs là une autre raison de la baisse de qualité des cuirs de semelle, la concurrence des pays du tiers monde mais nous allons revenir à cela dans un court instant.

Les cuves (ou fosses) extérieures chez Bastin. (Source : pahmontsetbarrages)
Les cuves (ou fosses) extérieures chez Bastin. (Source : pahmontsetbarrages)

Après le passage en cuve, il existe quelques étapes intermédiaires (séchage, etc…), mais le stade final est le passage au battage et au cylindrage. Durant ces deux étapes il faut compresser les fibres du cuir au maximum afin de le rendre le plus solide et également le plus imperméable possible, car le cuir est par nature absorbant. Plus vous compressez les fibres, plus le cuir va être résistant et plus il sera résistant plus il sera durable. Le battage est une compression verticale, le cylindrage une compression horizontale. Le battage chez Bastin est fait en utilisant un marteau pilon de 10 tonnes qui a plus de 200 ans et qui a un rendement d’un autre monde, environ 6 à 7 croupons de l’heure. Cette machine réduit l’épaisseur du cuir de 25 % et surtout permet d’augmenter la résistance du croupon de 30 %, ce qui est considérable, mais en raison du temps que cela demande c’est une étape qui est aujourd’hui totalement bâclée voir simplement ignorée par de nombreuses tanneries. Ce qui résulte en un cuir avec des fibres beaucoup moins compactées, et donc beaucoup plus poreuses, ce qui est rédhibitoire en termes de longévité.

La compression des fibres chez Bastin (cylindrage à gauche, battage à droite). (Source : pahmontsetbarrages)
La compression des fibres chez Bastin (cylindrage à gauche, battage à droite). (Source : pahmontsetbarrages)

Le paysage actuel

La chaussure en cuir est en perte de vitesse depuis des années, c’est un reliquat qui est en train de disparaître et le solde de tout compte est proche. La majorité des gens ne jurent aujourd’hui plus que par les sneakers et c’est ce changement dans notre mode de vie qui est en partie à la source de la disparition de bien des tanneries et de bien des marques. Mais l’autre raison tient à la mondialisation et à l’ouverture des marchés aux pays du tiers monde. En 1920 la ville de Lynn dans le Massachusetts, juste au Nord de Boston était considérée comme la capitale mondiale de la chaussure, avec accrochez-vous bien, plus de 250 usines ! En 1981, il n’en restait plus une seule. Vous imaginez bien que pour qu’il existe autant d’usine il devait exister des tanneries, l’État du Michigan comptait à lui seul plus de 22 tanneries spécialisées dans la fabrication de semelles en cuir. Devinez combien il en reste aujourd’hui ? Pas une seule. Le changement de mode n’est pas à lui seul responsable de ce cataclysme, car ce dernier avait en réalité commencé dès les années 50, époque à laquelle le marché Américain de la chaussure s’est ouvert à la concurrence extérieure. L’industrie du cuir en général étant lente et coûteuse en main d’œuvre, elle n’était pas équipée pour résister à une concurrence asiatique où le coût de la main d’œuvre était négligeable et où la quantité primait sur la qualité. Ça a été un massacre. Cette stratégie à court terme a permis de faire baisser les prix et a assuré l’enrichissement rapide et facile de toute une génération, au prix d’une destruction presque intégrale de l’industrie de la chaussure américaine. Ce schéma a d’ailleurs été recréé dans d’autres secteurs industriels, et dans d’autres pays, mais ça n’est pas le sujet. Vous savez en revanche quelle génération remercier pour la désindustrialisation totale d’une grande partie de l’occident.

Un musée à Lynn, Massachusetts expose une œuvre d’art qui comporte 234 semelles de chaussures représentant les 234 fabricants qui existaient dans la ville en 1893. Aujourd’hui il n’en reste plus un seul. (Source : Lynn Museum)
Un musée à Lynn, Massachusetts expose une œuvre d’art qui comporte 234 semelles de chaussures représentant les 234 fabricants qui existaient dans la ville en 1893. Aujourd’hui il n’en reste plus un seul. (Source : Lynn Museum)

Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, il existe seulement trois tanneries dont les semelles en cuir sont véritablement réputées, Bastin, Garat et Baker. Bastin et Garat sont Français, Baker est la dernière tannerie Anglaise à faire un tannage lent traditionnel (comprendre par là que les autres tanneries Anglaises qui font du tannage lent utilisent des alternatives chimiques). J. Rendenbach n’existe plus, Kilger a racheté leur recette mais je ne sais pas quelle est la qualité actuelle de leur production. Il existe bien évidemment d’autres tanneries qui produisent des cuirs de semelle, mais aucune n’est autant réputée que ces trois-là. Comme toujours avec les tanneries ça n’est pas parce que ces trois-là sont les plus réputées qu’il n’en existe pas d’autres avec des produits qui peuvent être de bonne qualité, mais pour une raison ou une autre elles ne sont pas reconnues. De toute façon la reconnaissance ça ne fait pas tout, Rendenbach était de loin la marque la plus connue et la plus utilisée (Carmina, Vass, Meermin…) mais ils ont quand même décidé de vendre car l’activité n’était plus suffisamment profitable. Et puis il faut dire que toutes les tanneries ne sont pas nécessairement portées sur le marketing à outrance, surtout en France. On ne peut en effet pas dire que Bastin et Garat le soient, demandez à n’importe quel anglophone qui prétend connaître un peu le monde du soulier, il y a de grande chance qu’il n’ait jamais entendu ces noms. Les Français n’ont jamais su défendre ou promouvoir leurs intérêts nationaux et ça n’est pas demain que ça va changer. Toujours est-il que ces trois tanneries offrent des cuirs qui sont réputés, mais qui ont bien évidement leurs caractéristiques propres, enfin pour le client cela n’a au final pas beaucoup d’importance car ce qui l’intéresse ça n’est pas de savoir si une semelle est facile à travailler ou non, mais bien de savoir si elle est résistante, et le fait est que ça n’est bien souvent pas le cas.

La vaste majorité des semelles en cuir que l’on trouve sur le marché ne sont pas durables, pire, elles sont jetables car l’écrasante majorité des chaussures que l’on trouve sur le marché sont des chaussures d’entrée ou de milieu de gamme et leur prix de vente (sous les 500€) ne permet pas d’avoir à la fois un bon cuir de tige et un bon cuir de semelle (en réalité ces chaussures n’ont ni l’un ni l’autre). Rendenbach faisait un peu figure d’exception car on trouvait leurs semelles sur des chaussures relativement bas de gamme (la gamme Maestro de Meermin) mais c’était vraiment anecdotique comme positionnement. En général c’est bien sur la semelle que les marques rognent, car le client, forcément ignorant, je rappelle que le client lambda vient pour son mariage ou un entretien d’embauche, va se focaliser intégralement sur l’apparence du cuir de tige, car pour lui c’est la tige qui “fait” la chaussure et il n’a pas totalement tort. Quelle n’est pas sa surprise, quand après 2 ans de ports (je suis généreux et je vais vous dire pourquoi après) ses chaussures trop géniales de luxe en cuir ont un trou béant dans la semelle. Il se dit, “c’est vraiment de la merde ces chaussures”. Et vous savez quoi ? Il a raison. C’est de la merde. En réalité, aujourd’hui, vous avez des gens qui au bout de 3 mois d’utilisation se retrouvent avec des chaussures en cuir qui ont un trou béant dans la semelle. Surtout si ce sont des gens qui ne connaissent rien à la chaussure et qui vont avoir tendance à porter la même paire tous jours. Donc oui, quand je disais deux ans, j’étais bien généreux, chez certaines personnes c’est beaucoup, beaucoup moins que ça. Forcément, sur les forums les con-naisseurs ont tendance à se gausser “oh oh le noob, il ne savait pas qu’il fallait laisser reposer la chaussure entez 2 ports” alors qu’en réalité la majorité d’entre eux sont des cosplayeurs cocus (ou puceau selon l’âge) qui tirent une vanité déplacée d’un costume mal coupé par leur “copain tailleur” et leur paire de 7L. Ils ne valent donc guère mieux. En temps normal, j’aurais tendance à être méfiant avec les retours des gens sur les forums, car vous ne savez jamais ce qu’ils font avec leurs chaussures. Il est vrai que beaucoup de gens ne sont pas soigneux. Mais là ça n’est pas vraiment comme pour une voiture où vous ne savez pas si elle a été conduite pour aller à la pharmacie par un boomer à la retraite géante ou si elle a été conduite par un “jeune” pour faire du drift sur le parking du Franprix le dimanche soir. Non, je connais assez peu de gogoles qui vont dépenser 400€ dans un Richelieu pour se lancer dans l’ascension du Kilimanjaro. Enfin, maintenant plus rien ne m’étonne, ça doit bien exister, mais ça n’est pas la norme. Avec les chaussures, la majorité des gens les utilisent tout simplement pour marcher, et bien qu’il y ait une multitude de facteur qui peuvent accélérer l’usure d’une semelle (poids, humidité, démarche, distance parcourue...) les chaussures avec des semelles en cuir ont des siècles d’existences et il est absolument anormal qu’une semelle en cuir se troue en 3 mois. Les marques le savent bien, elles comptent un peu sur le fait que beaucoup de clients vont sortir leur paire une fois ou deux dans l’année, mais il y a “les autres” ces emmerdeurs qui portent des souliers toute l’année, c’est pour ça qu’elles poussent de plus en plus leur clientèle à adopter des semelles en caoutchouc.

Une petite sélection de semelles trouées comme on peut en voir passer sur les forums de temps en temps. Je rappelle que le client lambda ne poste pas spécialement sur les forums, chez un cordonnier vous en voyez passer beaucoup plus régulièrement qu’en ligne. Vous allez dire que les clients ne sont pas précautionneux, et c’est vrai, mais quand même. (Source: Ploucland)
Une petite sélection de semelles trouées comme on peut en voir passer sur les forums de temps en temps. Je rappelle que le client lambda ne poste pas spécialement sur les forums, chez un cordonnier vous en voyez passer beaucoup plus régulièrement qu’en ligne. Vous allez dire que les clients ne sont pas précautionneux, et c’est vrai, mais quand même. (Source: Ploucland)
Un bonbout lunaire sur une paire de Son of Henrey après simplement quelques ports (moins d’une dizaine) sur des trottoirs en béton par temps sec (j’ai des chaussures spécialement pour les jours de pluie). C’est de loin la paire qui a montré l’usure prématurée la plus grande parmi toutes celles que je possède dans l’entrée de gamme. Globalement j’ai remarqué que les chaussures qui sortent de chez Sendra (comme Son of Henrey ou Fitzpatrick) ont une propension à s’user plus rapidement au niveau des talons/semelles que leur concurrent chez Zarco, ne me demandez pas pourquoi, c’est aussi possiblement dépendant du donneur d’ordre. (Source: Sartorialisme)
Un bonbout lunaire sur une paire de Son of Henrey après simplement quelques ports (moins d’une dizaine) sur des trottoirs en béton par temps sec (j’ai des chaussures spécialement pour les jours de pluie). C’est de loin la paire qui a montré l’usure prématurée la plus grande parmi toutes celles que je possède dans l’entrée de gamme. Globalement j’ai remarqué que les chaussures qui sortent de chez Sendra (comme Son of Henrey ou Fitzpatrick) ont une propension à s’user plus rapidement au niveau des talons/semelles que leur concurrent chez Zarco, ne me demandez pas pourquoi, c’est aussi possiblement dépendant du donneur d’ordre. (Source: Sartorialisme)
À titre comparatif le bonbout d’une paire de Carlos Santos avec plus de ports (aucune idée du nombre exact). Je fais toujours plus ou moins le même trajet avec mes chaussures et dans les mêmes conditions et c’est en général le degré d’usure que j’ai sur la majorité des chaussures dans cette gamme de prix. C’est loin d’être une expérience empirique, juste une anecdote personnelle. (Source: Sartorialisme)
À titre comparatif le bonbout d’une paire de Carlos Santos avec plus de ports (aucune idée du nombre exact). Je fais toujours plus ou moins le même trajet avec mes chaussures et dans les mêmes conditions et c’est en général le degré d’usure que j’ai sur la majorité des chaussures dans cette gamme de prix. C’est loin d’être une expérience empirique, juste une anecdote personnelle. (Source: Sartorialisme)

Notez que je n’ai rien contre les semelles en caoutchouc, elles ont leurs avantages comme elles ont leurs inconvénients,mais nous aborderons toutes ces questions dans la seconde partie de cet article. Bien évidemment, comme leur nom l’indique, les semelles d’usure en cuir sont destinées à être remplacées. Elles ne sont pas éternelles, d’où l’intérêt des cordonniers. Mais les marques ont eu tendance à prendre cette expression un peu trop à la lettre, elles n’ont pas été pousser le vice jusqu’à créer des semelles à usage unique, ça ne serait pas vendeur, mais on n’en est pas loin. Et de toute façon elles peuvent toujours rejeter la faute sur l’utilisation du client, il y a déjà eu des discussions tenant de la cour des Miracles dans certaines boutiques, des boutiques tenues par des fous.

- “Mais que-ce que vous avez fait avec vos beaux souliers mon pauv’ Monsieur ?”

- “Bah, ce qu’on fait d’habitude avec des chaussures quoi, j’ai marché.”

- “Vous avez fait quoi ? Vous avez MARCHÉ avec ? Mais mon pauv’ Monsieur, des chaussures en cuir ça n’est pas fait pour marcher, c’est fait pour parler sur les forums, à la rigueur, poser sur Instagram en fumant un cigare.”

- “Bah oui d’accord, mais je fais quoi moi si j’ai besoin de sortir ma femme ou mon chien ?”

- “Faites comme tout le monde. Marchez sur vos mains.”

- “Et je fais comment pour tenir la laisse”

- “Avec les dents, évidemment”.

Plutôt que de demander aux clients de marcher en chaussettes ou sur les mains, il serait possiblement plus malin de proposer des doubles semelles, voire des triples semelles. Certaines marques le font mais là aussi, c’est cher et donc ça rogne, les doubles semelles de certaines marques sont plus épaisses que les triples semelles de leurs concurrents. Enfin, comme un lecteur l'a fait remarqué en commentaire, il faut tout de même relativiser la durabilité des doubles ou triples semelles, toutes ne se valent pas. Le mieux est simplement de ne pas utiliser des semelles de merde qui viennent d’on ne sait où, qui sont tannées on ne sait comment, et qui ont la même résistance que du papier mâché. Il suffisait d’y penser.

Mais les marques ça les emmerde de ne pas utiliser des semelles en carton, ça les emmerde car si ellesn ’utilisent plus du carton, elles ne peuvent plus vendre leurs pompes de merde à 200, 300 ou 400 euros. Et du coup elles ne peuvent plus habiller l’élégant wanabee, le cosplayeur des Discord et le marié bon à pigeonner. Et puis, il faut dire que certains, ça les arrange bien d’utiliser des semelles de merde, parce que derrière ils peuvent vendre le combo fer + patin directement au client et ça pour le double du prix d’un cordonnier. Quitte à être fils de pute, autant l’être complètement. Entendez-moi bien, je n’ai rien contre le combo fer + patin, je le recommande à tout le monde, tout le temps, sur toutes les marques. Les seules fois où je suis prêt à faire des exceptions c’est sur le bespoke, et encore si je sais quel cuir est utilisé pour les semelles. Il faut admettre une chose, le combo fer + patin, c’est une dérive, une réaction du client lésé qui vient palier à une défaillance systémique. Ça n’existait presque pas du temps où les semelles n’étaient pas découpées dans de la mozzarella. C’est comme les femmes qui n’osent plus sortir dehors après une certaine heure, c’est anormal, ça ne devrait pas arriver et ça n’arrivait pas avant, mais la société s’en est accommodée, alors vous pensez bien qu’elle peut s’accommoder d’autant plus facilement d’un petit fer et d’un petit patin. En même temps c’est une solution qui permet (pratiquement) de se passer des ressemelages, ça aussi les marques le savent, et elle se disent donc qu’elles n’ont pas besoin de payer pour des semelles de qualité, puisque le client fera poser un patin et un fer et que donc elle peut s’en laver les mains voire même choper un petit billet au passage si elles arrivent à pousser le client à faire l’opération chez eux à des tarifs proches de l’extorsion.

Les tarifs pour un fer et un patin chez Jfitzpatrick sont inversement proportionnels à la taille de l’individu. À ce prix-là vous n’avez même pas le droit à des vis en laiton. (Source: JFitzpatrick)
Les tarifs pour un fer et un patin chez Jfitzpatrick sont inversement proportionnels à la taille de l’individu. À ce prix-là vous n’avez même pas le droit à des vis en laiton. (Source: JFitzpatrick)
Le prix avec un fer Triumph (je suis prêt à parier que les vis sont seulement plaquées laiton). Je rappelle quand même que ces pompes coutent environ 280€ (les soldes sont presque constantes), 110€ c’est pratiquement 40 % du prix total de vente. Pour rappel, je paye mes fers environ 6€ la douzaine (les Triumph sont plus chers, c’est 6€ le fer) et qu’un patin (en fonction de la marque et de la gamme) ça va de 2 à 5€ le patin. (Source: JFitzpatrick)
Le prix avec un fer Triumph (je suis prêt à parier que les vis sont seulement plaquées laiton). Je rappelle quand même que ces pompes coutent environ 280€ (les soldes sont presque constantes), 110€ c’est pratiquement 40 % du prix total de vente. Pour rappel, je paye mes fers environ 6€ la douzaine (les Triumph sont plus chers, c’est 6€ le fer) et qu’un patin (en fonction de la marque et de la gamme) ça va de 2 à 5€ le patin. (Source: JFitzpatrick)
Moi ce qui me fait toujours mourir de rire ce sont les clients pigeons qui disent “investir dans une chaussure de qualité”  alors qu'il s'agit d'un private label lambda et qu’on leur vend un patin et un fer pour 30 % du prix de la chaussure. 2 bouts de quincaillerie et 20 minutes de travail. Et il n’y a rien qui cloche dans leur tête. Il n’y a pas que le sole bottom qui soit "bottom" dans ce cas. (Source: JFitzpatrick)
Moi ce qui me fait toujours mourir de rire ce sont les clients pigeons qui disent “investir dans une chaussure de qualité” alors qu'il s'agit d'un private label lambda et qu’on leur vend un patin et un fer pour 30 % du prix de la chaussure. 2 bouts de quincaillerie et 20 minutes de travail. Et il n’y a rien qui cloche dans leur tête. Il n’y a pas que le sole bottom qui soit "bottom" dans ce cas. (Source: JFitzpatrick)

Conclusion

Pour conclure la première partie de cet article sachez qu’il n’est pas possible d’estimer la durée de vie d’une semelle en cuir. Il y a beaucoup trop de variables. Certaines personnes vont pouvoir attendre 10 ans entre les ressemelages, d’autres 5 et d’autres beaucoup moins. La fréquence d’utilisation est vraiment un facteur qui est déterminant, parmi bien d’autres comme la démarche, le poids, le climat, et cela devrait être une évidence pour tout le monde. Il est en revanche également évident qu’il y a eu une baisse drastique dans la qualité des semelles et le marché s’est adapté en généralisant les patins en caoutchouc. D’autant que l’avantage des patins est d’améliorer l’adhérence et que pour beaucoup de gens c’est presque une considération qui est supérieure à l’usure. Sachez également qu’il y a quelques petites astuces à connaître pour aider à prolonger la durée de vie de vos semelles en cuir. Tout d’abord, il est bon de savoir que la moquette (surtout celle des bureaux de ploucs en open space) est extrêmement abrasive et potentiellement pire que le bitume. Sachez également qu’il est préférable de laisser sécher une chaussure humide sur sa tranche, et ce afin de permettre à la semelle de respirer. Sans cela, il y a un risque que de la moisissure se forme, ce que vous voulez éviter à tout prix. Maintenant que vous savez plus ou moins tout ce qu’il y a à savoir sur les semelles en cuir, nous allons passer dans la seconde partie de cet article aux semelles en caoutchouc.

Démontage d’une veste bespoke Francesco Rovito

Note: Cet article est exclusif à nos soutiens Patreon qui sont membres des tiers "plouc de compète" et "plouc interstellaire".

Avant-propos

Note de la rédaction: cet article a été rédigé par un contributeur externe, nous le remercions pour son travail.

Je remercie le site de m’avoir ouvert ses colonnes pour présenter le démontage d’une veste réalisée par Francesco Rovito. La présentation de la veste (1) sera suivie d’un démontage de son corps (2), de ses épaules (3) et de son dos (4).

Extrait de l'article:

2) Démontage du corps

J’ai commencé par retirer la doublure dans le bas de la veste.

B1

La première couche d’entoilage (1) part des épaules pour descendre jusqu’en bas de la veste. Cette première couche se situe juste en dessous du tissu de la veste et est composée d’un canvas de crin de cheval très classique.

Les sacs de poches sont fait de percaline de coton. La poche 2 est une poche dont l’entrée est à l’intérieur de la veste tandis que la poche 3 est une poche dont l’entrée est à l’extérieure de la veste. Les coutures des sacs de poche sont fait à la machine.

B2

Le reste de l'article comporte plus de 50 photos. Pour lire la suite, merci de rejoindre notre page Patreon. Rejoindre notre page vous donne accès à divers avantages et cela nous permet de continuer à produire du contenu. .

Patreon

Méthodes de fabrication dans la maroquinerie: les finitions de tranche

Note: Cet article est disponible depuis Mars sur notre Patreon, nous soutenir via Patreon nous permet de proposer plus de contenu et vous donne accès aux articles en avance, mais donne également accès à des articles exclusifs.

Avant-propos

Voilà un sujet qui pourrait paraître bien trivial, pourquoi alors lui consacrer un article ? Tout simplement car nous nous sommes aperçus avec notre article « état des lieux dans la maroquinerie » que beaucoup de gens n’avaient pas la moindre idée de comment est fabriqué la maroquinerie et ignorent plus ou moins ce qui permet de différencier les produits ou de déterminer leur valeur.

En maroquinerie les tranches ne sont normalement pas laissées nues, car en plus d’être inesthétique cela diminue la longévité du produit final. Je dis bien normalement car vous trouverez toujours des escrocs qui sous prétexte de “rusticité” vendent des produits volontairement mal fabriqués ou à moitié terminés. Ce genre de ploucs pullulent sur Youtube, je ne compte pas le nombre de gogoles qui se prétendent “artisans” parce qu’ils mettent du Tokonole sur des tranches et frottent un peu fort ou qui font des vidéos ultra pute à clic “comment fabriquer un portefeuille Hermès pour $70”. Notez que c’est rigolo de se moquer d’Hermès, encore faut-il en avoir les moyens. Cela vaut également pour la multitude d’entreprises de maroquinerie industrielle (en private label ou non) qui existe en France et qui avec leurs produits bâclés “haut de gamme” s’adresse aux bobos urbains.

La finition des tranches en maroquinerie est une étape particulièrement importante car elle permet dans certains cas de juger immédiatement de l’attention au détail qui est portée à un produit et donc de sa qualité. C’est donc un “outil” intéressant pour le consommateur, puisque de nos jours les grands groupes du luxe pratiquent des prix toujours plus exorbitants pour leur maroquinerie. Est-ce que vous payez pour du savoir-faire et de la finesse ou est-ce que vous payez avant tout une image ? Bien évidemment cette question est rhétorique et nous savons tous que la plus grande part du prix est constitué par la marque. Néanmoins, quels sont les fabricants qui vous prennent pour des dindons complets (souvent à juste titre), et ceux qui ne se foutent pas totalement de votre tronche ? Les marques savent parfaitement le temps qu’il faut pour réaliser des belles tranches, mais elles savent également que la majorité des clients ignorent ce point quand ils ne s’en foutent pas tout simplement, obnubilés qu’ils peuvent être par un logo et le soi-disant prestige social qu’il apporte.

Il existe différentes façons de finir les tranches (également appelées bords, sinon ça va devenir monotone) et chacune a ses avantages et inconvénients. Bien évidement toutes ces finitions ne se valent pas, il existe, comme pour tout, une hiérarchie. Certaines demandent plus de temps et de minuties que d’autres, certaines sont plus ou moins industrialisées. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il faille tout observer sur le plan de la technique, certaines finitions peuvent être choisie en raison de leur aspect esthétique ou en raison de contraintes techniques, le tout est de faire preuve de cohérence dans le choix de la finition et surtout de l’exécuter proprement. Le problème c’est que ça n’est bien souvent pas le cas. Car la finitions des tranches est une étape chronophage, et bien évidemment le temps c’est de l’argent. Et d’un coup, vous trouvez LE point commun entre la maroquinerie en private label pour bobos urbains et celle des marques du luxe : des tranches nazes. En même temps, comme tout ça sort bien souvent des mêmes usines, ça n’est guère surprenant.

Évolution des finitions

Traditionnellement la maroquinerie utilisait le rembord, une technique qui consiste à amincir le cuir et le “replier” sur lui-même afin de cacher la tranche, alors que la sellerie utilisait le bord franc, une technique où la coupe, l’arrête du cuir si vous préférez, est visible et est ensuite finie soit à la teinture soit via diverses techniques tels que le brunissage, une action qui vise à lisser les tranches par friction. Aujourd’hui cette distinction n’a plus lieu d’être car le bord franc est devenu extrêmement courant dans la maroquinerie et c’est pour cette raison que nous allons l’aborder en premier. D’ailleurs ne vous étonnez pas si cet article est excessivement disproportionné, le bord franc étant devenu LA norme dans la maroquinerie nous allons parler abondamment de celui-ci, notamment de sa version peinte qui est de loin la finition la plus utilisée de nos jours. Nous n’allons d’ailleurs pas (du tout) aborder toutes les jointures, les bords et les assemblages qui existent, nous allons nous concentrer sur ce que vous allez rencontrer essentiellement en maroquinerie fine.

Nous allons commencer par illustrer ce changement de « mode » afin de vous permettre de cerner de quoi il est question dans cet article.

Selle Hermès utilisant le bord franc, le bord traditionnellement utilisé en sellerie. (Source : artcurial)
Selle Hermès utilisant le bord franc, le bord traditionnellement utilisé en sellerie. (Source : artcurial)
Portefeuille du XVIIIe siècle avec un rembord très fin. Source : fleuronducuir)
Portefeuille du XVIIIe siècle avec un rembord très fin. Source : fleuronducuir)
Maroquinerie pour femme dans un catalogue de 1910, comme finition de tranche vous n’avez que du rembord. (Source : bnf)
Maroquinerie pour femme dans un catalogue de 1910, comme finition de tranche vous n’avez que du rembord. (Source : bnf)
Un portefeuille en crocodile de fabrication industrielle datant des années 50, avec un rembord. (Source: Sartorialisme)
Un portefeuille en crocodile de fabrication industrielle datant des années 50, avec un rembord. (Source: Sartorialisme)
Petite maroquinerie pour femme Cartier, de nos jours vous avez essentiellement du bord franc, c’est le cas sur tous les objets dans cette image. (Source : Cartier)
Petite maroquinerie pour femme Cartier, de nos jours vous avez essentiellement du bord franc, c’est le cas sur tous les objets dans cette image. (Source : Cartier)

La raison de l’apparition du bord franc en maroquinerie est assez simple et est liée à l’invention de la peinture de tranche, nous allons revenir là-dessus dans un instant.

Le bord franc

Le bord franc n’est pas à proprement parler une finition en elle-même puisqu’il désigne avant tout une tranche dont on voit la coupe.

Illustration concrète de ce qu’est un bord franc pour ceux qui ont un peu de mal, c’est une tranche nue où vous pouvez voir les différentes épaisseurs de cuir. Sur cette tranche une finition doit être appliquée. (Source : Sartorialisme)
Illustration concrète de ce qu’est un bord franc pour ceux qui ont un peu de mal, c’est une tranche nue où vous pouvez voir les différentes épaisseurs de cuir. Sur cette tranche une finition doit être appliquée. (Source : Sartorialisme)

Nous allons regrouper dans cette catégorie toutes les finitions qui peuvent être appliquées sur un bord franc. Il existe essentiellement deux grandes familles de finitions que l’on peut réaliser sur un bord franc. Il y la peinture de tranche et le lissage (également appelé brunissage). Nous allons commencer par parler de la peinture de tranche.

La peinture de tranche

Tout d’abord il est important de clarifier un point de vocabulaire, nous parlons bien de peinture de tranche, et non de teinture de tranche. Et il ne s’agit pas d’un point de détail de l’histoire mais bien d’une explication importante, car il est également possible de teindre les tranches, mais il s’agit alors d’une autre finition utilisant un produit différent. Je précise car les fabricants de peinture de tranche vendent souvent leur produit sous la dénomination de “teinture” de tranche, mensonge ensuite répété par littéralement TOUTE l’industrie, les revendeurs, les grands groupes du luxe, les private labels nazes, et bien évidemment nos experts en expertise favoris : les influenceurs. (Coucou les cons). Concrètement la différence entre une peinture et une teinture tient en leur pouvoir couvrant. La peinture de tranche vient recouvrir les fibres du cuir, les pigments sont déposés sur le cuir, qu’ils ne pénètrent donc pas. C’est d’ailleurs là le défaut principal de cette finition, qui peut littéralement se détacher de la tranche comme une vulgaire peau de saucisson. La teinture quant à elle est un colorant (à base aqueuse ou alcoolique) qui vient pénétrer les fibres du cuir. Contrairement à la peinture, la teinture ne se dépose pas sur le cuir, elle rentre dans les fibres et ne peut donc pas être “pelée”.

Les revendeurs parlent de “teinture de tranche”. (Source: cuirenstock)
Les revendeurs parlent de “teinture de tranche”. (Source: cuirenstock)
Cartier parle de “teinture de tranche” et propose même un service de réparation.  (Source: Cartier)
Cartier parle de “teinture de tranche” et propose même un service de réparation. (Source: Cartier)
Et enfin les influenceurs, ici Valérien Cuck, parlent également de “teinture de tranche”. Au passage 10 minutes pour l’application, c’est le temps qu’il faut en industrie, le produit est présenté comme artisanal... (Source: jamaisvulgaire)
Et enfin les influenceurs, ici Valérien Cuck, parlent également de “teinture de tranche”. Au passage 10 minutes pour l’application, c’est le temps qu’il faut en industrie, le produit est présenté comme artisanal... (Source: jamaisvulgaire)

La raison derrière ce mensonge éhonté de toute une industrie est facile à comprendre et tient tout simplement à l’image. Dans la tête du clampin lambda, la peinture s’applique sur un mur ou sur une toile, pas sur un sac Hermès à 8000€. Voilà, c’est tout. Il ne faut pas chercher plus loin. Le marché de la maroquinerie fait preuve d’une extrême préciosité notamment chez les industriels du luxe, qui tentent de justifier leurs marges exorbitantes d’une façon ou d’une autre. Alors on enjolive et tel Didier qui se change en Brigitte la peinture devient miraculeusement de la teinture. C’est juste du folklore grammatical, tout le monde utilise de la peinture. Les gens achètent de l’image alors autant leur servir des fables, ils adorent ça. Notez que cette “confusion” est également présente chez les Anglophones même si ces derniers parlent beaucoup plus ouvertement “d’edge paint”, l’un des rares cas où ils sont moins puritains que les francophones dans leur langage.

Avant d’aborder en quoi consiste la peinture de tranche nous allons expliquer rapidement d’où elle vient. Nous expliquions qu’historiquement la finition de tranche la plus commune de la maroquinerie était le rembord. Le rembord c’est deux mille cinq cents ans de civilisation occidentale, le Parthénon, l’Odyssée, Versailles, Haendel. Or les rembords sont difficiles et donc chronophage à réaliser. C’est dans l’optique d’accélérer les cadences de production que la peinture de tranche a été développée. Seulement, la peinture de tranche c’est le Mal. Tout comme le diable, elle vous susurre à l’oreille : je suis progrès ; je suis modernité ; je suis séduction. Vois ma facilité d’utilisation, admire mes teintes chatoyantes. Sans surprise, c’est aujourd’hui devenu l’une des finitions les plus chiantes et surtout les plus consommatrices en temps si on veut qu’elle soit effectuée correctement, ce qui est un amusant cas d’hétérotélie. Beaucoup de marques ne prennent donc pas la peine de finir leurs tranches proprement et vous rient à la gueule avec leurs bords dégueulasses.

La peinture de tranche est un produit bien souvent de base acrylique mélangé à de la cire et à divers produits qui varient en fonction du fabricant. Peu importe qu’il s’agisse de Giardini, Uniters, Stahl, Fenice, ce sont toutes des putes. Car une fois à l’œuvre la peinture de tranche révèle sa vraie nature : rétive sous l’homme, hypocrite avec l’applicateur, chafouine avec le support, tortillant sans cesse du cul, incapable de décider si elle va se poser ici où là. Bien évidemment, certaines sont plus putes que d’autres. Giardini est la plus vicelarde du lot. Uniters et Stalh, les plus dociles. Fenice, entre les deux. Mais ça n’est pas tout, non seulement la peinture de tranche est une pute, mais c’est une pute de luxe : elle ne tolère pas la médiocrité. Elle exige le mariage en blanc, même après 30 ans de rue Saint-Denis. La peinture de tranche s’applique lors d’un long processus contenant plusieurs étapes dont l’astiquage (ça n’est pas sale). Nous allons vous expliquez cela en détails.

La longueur du processus est l’une des raisons pour laquelle la vaste majorité des tranches peintes que vous allez trouver sur le marché sont médiocres, puisque pour économiser du temps de plus en plus de marques utilisent des machines, qui ne donnent pas un bon résultat. Mais il faut aussi prendre en considération que l’opération demande également de la minutie. Il existe d’ailleurs des astuces chez les industriels du luxe (Vuitton et compagnie) afin de faciliter la tâche à leur main d’œuvre d’handicapés mais chaque chose en son temps. Il est bien évident que chaque entreprise (et chaque artisan) à sa propre façon de procéder, car vous l’ignorez certainement, mais les fabricants de ces peintures de Satan sont assez vagues quant à la façon dont vous êtes censés les utiliser. Il s’est dès lors développé une sorte de religion secrète de l’application de la peinture de tranche à mi-chemin entre le culte de Cthulhu et le maraboutage qui promet santé + réussite + retour de l'être aimé en 24 h Chrono. Sérieusement, je ne compte plus le nombre de tutoriaux, conseils, astuces et autres trucs que l’on voit passer sur le sujet. Il est donc entendu que je ne présente pas ma manière de faire, mais celle qui est plus ou moins la plus répandue au sein des adorateurs de ChtulUniters. Tout d’abord, il faut préparer les tranches et agiter légèrement les fibres du cuir avec du papier de verre. Ensuite vous pouvez optez pour l’application d’une sous-couche spéciale (un primer), mais même là, ça n’est pas un choix qui est canon. Certaines liturgies l’imposent, d’autres l’interdisent. Une fois la sous-couche appliquée, vous pouvez mettre votre première couche de peinture. À partir de là trois étapes principales se succèdent et vont se répéter jusqu’à l’obtention du résultat désiré. Il faut poncer la peinture, la lisser à l’aide d’un fer à fileter et enfin appliquer une nouvelle couche. C’est cela qu’on appelle l’astiquage. Vous devez répéter ces 3 opérations, dans cet ordre jusqu’à obtenir un bord qui soit légèrement bombé et lisse au toucher comme à la vue. Il n’est pas rare de devoir répéter toutes ces opérations au moins 3 ou 4 fois de suite. Tout en laissant le temps à la peinture de sécher entre les différentes couches, ce qui peut prendre 40 minutes pour la première couche et 20 minutes pour les couches suivantes. Et forcément, la peinture étant comme nous l’avons établi une pute, s’il fait froid et humide dans votre atelier la durée de séchage peut être multipliée par deux.

Application d'une peinture de tranche à la main. (Source: ksblade)
Application d'une peinture de tranche à la main. (Source: ksblade)
La tranche de notre porte-carte, entièrement réalisé à la main. (Source: Sartorialisme)
La tranche de notre porte-carte, entièrement réalisé à la main. (Source: Sartorialisme)

Bien évidemment, toutes des étapes répétitives, ces histoires de séchage interminable c’est du temps perdu. Et le temps perdu c’est de l’argent qui n’est pas gagné, et donc de l’essence en moins dans les jets des grands de ce monde. Et de l’essence en moins c’est autant moins d’occasion pour eux de se rendre à leurs ballets ros… pardon, parties fin… euh, non, galas de charité, c’est ça le mot que je cherchais. Quelle tristesse. Aujourd’hui la vaste majorité des usines (petites comme grandes) sont équipées dans le but d’automatiser au maximum le processus de peinture des tranches. Des accélérateurs sont ajoutés aux peintures afin de les faire sécher plus vite, des agents chimiques sont ajoutés pour bomber les tranches artificiellement (on parle de bombeur de tranche), des fours permettent ensuite d’expédier encore plus rapidement le processus, et même l’application de la peinture est déléguée aux machines.
Le problème, c’est que le résultat n’est pas terrible… certes, ça aide la main-d’œuvre sans savoir-faire mais c’est du vite fait mal fait. Hermès fait un peu plus attention que les autres, mais ça n’est pas pour autant toujours parfait. Le pire c’est bien souvent “les petits ateliers de Normandie” des private labels, comprendre par-là les petites usines qui ne sont pas parvenues à faire de la sous-traitance par Vuitton. Ils n’ont bien souvent ni le matériel dernier cri ni le temps (ou la capacité humaine) de bien faire et vous obtenez souvent quelque chose de proprement risible.

Un parfait exemple d’application industrielle des tranches. Ces images proviennent du même atelier et permettent donc de juger du résultat obtenu. C’est particulièrement criant sur la tranche bleue claire qui n’est absolument pas uniforme avec ses creux, ses bosses...
Un parfait exemple d’application industrielle des tranches. Ces images proviennent du même atelier et permettent donc de juger du résultat obtenu. C’est particulièrement criant sur la tranche bleue claire qui n’est absolument pas uniforme avec ses creux, ses bosses...
Vous avez bien évidemment une grande variété de machines, certaines sont sophistiquées, d’autres moins. (Source: gallipolycolor)
Vous avez bien évidemment une grande variété de machines, certaines sont sophistiquées, d’autres moins. (Source: gallipolycolor)
Petit florilège de tranches nazes. Avec dans l’ordre, Lotuff et une superbe tranchée digne de la guerre 14. Hermès, porte feuille à plus de 8000€, dans l’absolu le résultat est correct, mais pour le prix on distingue quand même très nettement un sillon sur le bord de la languette, un problème très courant chez toutes les marques. John Lobb, là aussi irrégularité générale et superbe sillon central. Enfin mention spéciale pour el famoso Vuitton, qui mélange les styles avec sillon, pâtés, coulures, et irrégularités.
Petit florilège de tranches nazes. Avec dans l’ordre, Lotuff et une superbe tranchée digne de la guerre 14. Hermès, porte feuille à plus de 8000€, dans l’absolu le résultat est correct, mais pour le prix on distingue quand même très nettement un sillon sur le bord de la languette, un problème très courant chez toutes les marques. John Lobb, là aussi irrégularité générale et superbe sillon central. Enfin mention spéciale pour el famoso Vuitton, qui mélange les styles avec sillon, pâtés, coulures, et irrégularités.
Mais qu’en est-il des “petits-ateliers” de Normandie, de Paris ou de nos private labels adorés ? Bah c’est pareil. Là aussi dans l’ordre, Valet de pique donne dans le sillon de profondeur agraire. Guibert appliquent leur peinture à la truelle et en font littéralement un boudin, on n’est plus dans la maroquinerie mais dans la charcuterie. Léon Flan, pardon, Léon Flam font des photos floues en espérant cacher la misère, mais on voit quand même bien les sillons et les pâtés, et enfin, on termine par BG avec un travail pratiquement aussi sale que Vuitton.
Mais qu’en est-il des “petits-ateliers” de Normandie, de Paris ou de nos private labels adorés ? Bah c’est pareil. Là aussi dans l’ordre, Valet de pique donne dans le sillon de profondeur agraire. Guibert appliquent leur peinture à la truelle et en font littéralement un boudin, on n’est plus dans la maroquinerie mais dans la charcuterie. Léon Flan, pardon, Léon Flam font des photos floues en espérant cacher la misère, mais on voit quand même bien les sillons et les pâtés, et enfin, on termine par BG avec un travail pratiquement aussi sale que Vuitton.
Pour référence, des tranches ultra vénères en artisanat, c’est ça. Travail de Steven Wu.
Pour référence, des tranches ultra vénères en artisanat, c’est ça. Travail de Steven Wu.
On notre quand même que chez Hermès, plus le prix est élevé, plus ils font un effort, les tranches du Kelly par exemple c’est ça : 
C’est loin d’être parfait, et pour le prix c’est toujours aussi abusif, mais au moins ils essayent. En général, chez les autres marques, plus l’objet est gros plus les tranches sont grossières.  (Source: Hermès)
On notre quand même que chez Hermès, plus le prix est élevé, plus ils font un effort, les tranches du Kelly par exemple c’est ça : C’est loin d’être parfait, et pour le prix c’est toujours aussi abusif, mais au moins ils essayent. En général, chez les autres marques, plus l’objet est gros plus les tranches sont grossières. (Source: Hermès)

Chez les industriels, même industrialisée cette étape peut mobiliser jusqu’à 1/3 du temps de production à elle seule. Si vous pensez que c’est beaucoup, gardez en mémoire que c’est relatif, car ils ne passent vraiment pas beaucoup de temps sur les autres étapes. TOUT est automatisé ou presque. Néanmoins, comme ils doivent tenir des cadences infernales c’est cette raison qui les pousse à expédier l’astiquage. Ce qui ne les empêche pas de revendiquer tout le contraire dans leur communication.

Application d’une peinture de tranche à la machine chez Chanel dans les ateliers Verneuil. (Source: Chanel)
Application d’une peinture de tranche à la machine chez Chanel dans les ateliers Verneuil. (Source: Chanel)
Un bombeur de tranche. C’est un produit qui essaye d’imiter le rendu bombé de plusieurs couches de peinture. L’idée est intéressante, mais en réalité c’est un produit qui décuple le risque de voir la peinture s’enlever comme une pelure. (Source: decocuir)
Un bombeur de tranche. C’est un produit qui essaye d’imiter le rendu bombé de plusieurs couches de peinture. L’idée est intéressante, mais en réalité c’est un produit qui décuple le risque de voir la peinture s’enlever comme une pelure. (Source: decocuir)
Un portefeuille avec le syndrome de la "pelure de saucisson", un problème courant avec la peinture de tranche. (Source: Reddit)
Un portefeuille avec le syndrome de la "pelure de saucisson", un problème courant avec la peinture de tranche. (Source: Reddit)
Même chose chez Vuitton, avec la peinture de tranche qui commence à peler là où les tensions sont fortes. Le problème ne va qu'empirer. (Source: purseblog)
Même chose chez Vuitton, avec la peinture de tranche qui commence à peler là où les tensions sont fortes. Le problème ne va qu'empirer. (Source: purseblog)

Bien qu’elle soit devenue le contraire de ce qu’elle était originalement prévue pour, à savoir un produit rapide à appliquer, la peinture de tranche présente quand même de nombreux avantages. Certes, elle est difficile à utiliser mais elle n’en demeure pas moins très pratique. D’un point de vue technique, c’est une finition qui est extrêmement versatile qui trouve très facilement sa place sur n’importe quel objet de maroquinerie. C’est également une finition qui se soumet extrêmement bien aux réparations et qui permet une grande flexibilité dans le choix des couleurs (vous pouvez par exemple partir sur des couleurs contrastantes, ce qu’un rembord ne permet pas) et de la brillance. Elle est également assez résistante à l’eau et salissures. Enfin c’est une finition qui est applicable sur le cuir tanné au chrome, cuir qui ne se prête pas au brunissage qui est la finition que nous allons aborder maintenant.

À partir d’un bord franc vous pouvez aussi décider de simplement teindre les tranches et de les lisser, à condition que le cuir soit au tannage végétal.

Le lissage des tranches

Le lissage des tranches, également appelé brunissage, est une finition qui est effectuée avec de la gomme adragante, ou des dérivés, tels que la gomme arabique, le tokonole, de la colle de farine, voire tout simplement de l’eau. Il est possible au préalable de teindre les tranches, avec de la teinture qui va pénétrer les fibres en profondeur ou vous pouvez les laisser brutes. On parle de brunissage car sous l’effet de la friction la tranche va s’assombrir et se polir, donnant au cuir une teinte foncée.

C’est une finition que l’on rencontre majoritairement sur la maroquinerie dite “rustique” même s’il est possible de la trouver chez des artisans de maroquinerie fine, c’est en revanche une finition qui est assez rare en maroquinerie industrielle. Le lissage des tranches comporte un avantage majeur, il s’agit d’une technique très facile à maitriser et le résultat est pratiquement instantané. C’est de loin celle qui demande le moins de savoir-faire. À partir d’un bord franc vous appliquez un peu de gomme et vous frottez avec un chiffon ou un brunissoir. Le brunissage a l’avantage de produire des bords extrêmement brillants, façon glaçage miroir sur des souliers. En revanche cette brillance ne perdure pas dans le temps. Au contact de l’humidité et des frottements elle s’estompe extrêmement rapidement (on parle en semaine voire jours) et vous vous retrouvez rapidement avec un bord mat. Il existe certaines techniques qui permettent de maintenir cette brillance plus longtemps mais le but est de vous permettre de comprendre ce que vous achetez, pas de donner des conseils gratuits à tous les amateurs du travail du cuir.

Une tranche lissée avec un effet miroir très impressionnant mais qui ne va pas durer dans le temps.  (Source: reddit)
Une tranche lissée avec un effet miroir très impressionnant mais qui ne va pas durer dans le temps. (Source: reddit)
Lissage des tranches au Tokonole, un produit de hipster par excellence. Non qu’il soit mauvais, mais la hype autours me dépasse totalement. (Source: aacrak)
Lissage des tranches au Tokonole, un produit de hipster par excellence. Non qu’il soit mauvais, mais la hype autours me dépasse totalement. (Source: aacrak)

Le rembord

Nous l’avons déjà dit, le rembord est la finition la plus traditionnelle qui soit dès que l’on parle de maroquinerie de luxe. Le rembord était virtuellement présent sur toutes les pièces de maroquinerie de luxe du début du 20ème siècle. En raison de sa technicité il a petit à petit laissé place à la peinture de tranche. Certaines marques de maroquinerie industrielle comme Chanel utilise encore énormément le rembord car cela correspond à l’image un peu “vintage” et vaguement “traditionnelle” qu’elle souhaite donner à ses produits. C’est une finition qui est simple à comprendre, il s’agit tout simplement de parer le cuir et de le rabattre sur lui-même afin de former une sorte d’ourlet. L’intérêt de cette finition repose dans l’uniformité et la continuité visuelle qu’elle permet. Vous avez un produit qui utilise le même cuir sur sa face avant et sur ses tranches ce qui est esthétiquement plaisant. En revanche le rembord est assez sensible aux frottements et il est difficile à réparer. Prise individuellement cette finition n’est plus indicative d’un savoir-faire particulièrement poussé car elle a beaucoup perdu de sa superbe, notamment en raison de la mécanisation de la maroquinerie. C’est donc une finition que l’on trouve indifféremment sur de la maroquinerie industrielle comme traditionnelle. Traditionnellement le rembord demande un bon niveau de compétence et était effectué intégralement à la main (ou avec une pareuse mécanique). Cela demandait de la minutie, notamment en coins. Aujourd’hui il existe des rembordeuses automatiques. Ce n’est donc pas en regardant uniquement un rembord que vous allez pouvoir vous faire une idée sur la qualité d’une pièce. Il est toutefois important de noter que bien qu’il existe des rembordeuses automatiques, ces dernières ne permettent pas de toujours d’effectuer un rembord en raison de contraintes techniques, certains industriels font donc toujours des rembords mains quand ils n’ont pas le choix. Mais en général, tout le travail de préparation aura déjà été fait en amont.

Un rembord fait main. (Source: fingersstyle)
Un rembord fait main. (Source: fingersstyle)
 Il existe aujourd’hui des machines à remborder (Source: francecuir)
Il existe aujourd’hui des machines à remborder (Source: francecuir)
Le rembord permet une belle continuité visuelle. (Source: Chanel)
Le rembord permet une belle continuité visuelle. (Source: Chanel)

Le bord à cheval

Le bord à cheval est une finition que l’on voit assez souvent sur les sacs, notamment au niveau de l’ouverture mais pas seulement, elle se retrouve dans la bagagerie, dans la sellerie et parfois même en botterie. Il s’agit simplement de masquer le bord par une autre pièce de cuir placée dessus “à cheval”. C’est une finition très facile à mettre en place, c’est d’ailleurs là son intérêt principal. En revanche comme c’est une finition souvent utilisée à des endroits exposés à des frottements importants (ouvrir/fermer le sac, chercher dedans etc etc) elle a tendance à s’user assez vite, d’autant plus vite que peu de gens entretiennent correctement leur maroquinerie. C’est une finition un peu à double tranchant car elle s’use vite et n’est pas facile à réparer, en revanche son remplacement intégral est relativement simple à réaliser, d’où son intérêt. Elle permet également une grande diversité dans le choix des couleurs, puisque vous pouvez partir sur des cuirs contrastants ou non. C’est une finition que l’on retrouve parfois sur la petite maroquinerie, même si c’est assez rare. Elle est employée par les industriels comme les artisans, sauf que les industriels n’hésitent pas à utiliser des matières synthétiques plutôt que du cuir…

Exemple typique de bord à cheval sur un sac Vuitton. (Source: LVMH)
Exemple typique de bord à cheval sur un sac Vuitton. (Source: LVMH)

Conclusion

Les tranches sont l'une des nombreuses finitions qui sont totalement bâclées en industrie, peu importe la marque. L'industrialisation de la maroquinerie permet de diminuer le temps de production, mais c'est au détriment du soin qui est apporté aux produits. Autant il est compréhensible que pour des produits utilitaires cela ne soit pas dramatique, mais TOUTES les marques évoquées dans cet se targuent de faire du “luxe”, même quand elles n'en font pas.