La Bonne Coupe 1 – Le trench : longueur et cintrage.

Survivre aux tranchées

Que serait le beau sans le laid ? Les concepts se complètent un peu : on trouve une chose belle parce qu’on sait laquelle est hideuse et inversement. Il faut parfois vivre à Paris pour apprécier pleinement la campagne, tomber sur une œuvre contemporaine à chier pour s’intéresser à Courbet, ou alors voir un groupe de moches pour vouloir baiser la nana potable dans le tas. Le principe est le même pour les vêtements : c’est une alternance continue entre la vision du beau et du laid qui fait qu’on va développer un goût.
Vous l’aurez plus ou moins compris, dans cette rubrique on va mettre en perspective des tenues ratées et des tenues réussies. Petite clarification d’avance : le but n’est pas de s’acharner sur un blogueur en particulier et lui rappeler ses années de bizutage au collège, ni d’ailleurs de prétendre que tout le travail de telle ou telle personne est à jeter. Ici on croit plutôt au coup de ceinture pédagogique, la bonne tarte de daron à l’ancienne qui remet à la fois le mauvais garçon et la féministe hystérique sur le droit chemin : pas de brutalité gratuite donc.

La mode masculine est devenue un business important, et dans tout ce bordel certains proposent parfois des produits très moyens, vendent des conseils de merde, voire promeuvent un travail de sagouin si ça leur permet en échange de se faire un petit billet. On finit tous un peu par s’y perdre.
Tant qu’on est pauvres – donc impartiaux – et dans une ambiance de second degré dosée au camion-benne par un ouvrier polonais bourré on espère ainsi vous apporter un autre point de vue, le plus objectif possible, sur ce qui peut se faire et se voir sur la toile.  Pour l’heure installez-vous confortablement et découvrez le premier épisode de La Bonne Coupe !
Ce qu’on va décortiquer aujourd’hui tient de ce que j’appelle « le syndrome du chargeur d’iPhone » : les types ont un haut du corps cubique monté sur deux cannes toute fines. Le cas est assez récurrent sur les ports de manteau et peut en dégoûter certains de cette pièce pourtant noble.
Les tenues du jour sont donc composées d’un trench coat. À gauche la version moche, à droite sa copine bonne :

Identique sur le fond mais pas sur la forme : la différence de carrure et de prestance est flagrante.
Identique sur le fond mais pas sur la forme : la différence de carrure et de prestance est flagrante.
Les coupes en 2019.
Les coupes en 2019.

Commençons par l’élément principal qui est ce fameux trench. Pas besoin d’une longue présentation qu’on garde pour un article dédié : retenons juste que c’était le manteau imperméable militaire par excellence durant les deux guerres mondiales, qu’il a beaucoup changé depuis et qu’il est maintenant très apprécié des femmes et des connards qui se prennent déjà pour des ténors en arrivant en fac de droit.

Le trench maintenant.
Le trench maintenant.
Le trench avant.
Le trench avant.

Revenons à notre comparaison initiale. Le premier défaut sur la photo de gauche est la longueur du trench. Un manteau qui s’arrête au-dessus du genou a souvent un mauvais rendu pour des raisons simples de proportions : une bonne longueur donne du volume et de la présence, un effet « cape » en quelque-sorte que n’offre pas le rase-pet. A l’inverse un manteau trop long peut également briser le côté élancé de la silhouette, c’est pourquoi le bon compromis est au niveau du genou ou juste en-dessous comme sur la seconde photo. Le manteau court façon caban ne vous donne pas un côté « jeune et dynamique », comme le prétendent les grosses marques de prêt-à-porter qui cherchent juste à faire des marges de fou en produisant des vêtements raccourcis pauvres en matière, il vous rend juste ridicule en plus de vous donner froid au cul.

Illustration d’un manteau trop court. Source : Julien Scavini, Stiff Collar
Illustration d’un manteau trop court. Source : Julien Scavini, Stiff Collar
On voit de plus en plus de jeunes tenter de retrouver des manteaux à la bonne longueur en friperie.
On voit de plus en plus de jeunes tenter de retrouver des manteaux à la bonne longueur en friperie.
Ce défaut de longueur est omniprésent dans le prêt-à-porter actuel …
Ce défaut de longueur est omniprésent dans le prêt-à-porter actuel …
… même chez les marques réputées « sartoriales ».
… même chez les marques réputées « sartoriales ».

De plus, le niveau de la ceinture est légèrement trop bas. Elle est souvent utilisée sur les vêtements d’origine militaire et tout son intérêt est de marquer le point le plus étroit du corps, la taille donc, pour reformer les angles de la silhouette. La seconde tenue respecte correctement le principe, on a une ligne de taille bien tranchée qui fait apparaître la montée de dorsaux en V. Sur la première le rendu est celui d’un buste plus long et carré.

Marquer la taille redonne des angles à la silhouette. La position de la ceinture par rapport au niveau du coude nous permet de dire qu’elle est un peu plus basse sur la première tenue, pas forcément placée à l’endroit optimal.
Marquer la taille redonne des angles à la silhouette. La position de la ceinture par rapport au niveau du coude nous permet de dire qu’elle est un peu plus basse sur la première tenue, pas forcément placée à l’endroit optimal.
Photo de face de la première tenue : l’impact du pur positionnement de la ceinture est difficile à cerner ici car l’emmanchure joue également un rôle important comme on va le voir juste après. Vous aurez néanmoins compris le principe de la taille marquée.
Photo de face de la première tenue : l’impact du pur positionnement de la ceinture est difficile à cerner ici car l’emmanchure joue également un rôle important comme on va le voir juste après. Vous aurez néanmoins compris le principe de la taille marquée.

On peut aussi remarquer une couture épaule haute avec une emmanchure étroite. C’est la tendance aujourd’hui : avoir une coupe « fittée » (pour reprendre le terme utilisé sur les blogs) avec une manche qui colle littéralement au bras. Le résultat est un manque de place pour les couches inférieures – assez dérangeant pour un manteau donc -, une carrure de gosse en sous-nutrition et une manche qui part tellement en accordéon qu’on te file une pièce si tu restes immobile plus de deux minutes Rue Mouffetard. La photo 2 présente une épaule raglan, pas de question de positionnement de la couture sur l’épaule donc, mais on remarque l’ouverture de manche plus importante et son effet sur la largeur.
Les manches très fines peuvent aussi poser problème si vous avez de grosses cuisses en créant une disproportion de volume entre les membres inférieurs et supérieurs.

Une petite ouverture de manche ne joue pas en faveur de la carrure sur un manteau.
Une petite ouverture de manche ne joue pas en faveur de la carrure sur un manteau.
Une manche raglan avec son arrondi d’épaule naturel, pas trop étroite et bien coupé : la différence est nette.
Une manche raglan avec son arrondi d’épaule naturel, pas trop étroite et bien coupé : la différence est nette.
Taille marquée, emmanchure sortante, ouverture de manche généreuse : la formule pour une caisse de dos argenté.
Taille marquée, emmanchure sortante, ouverture de manche généreuse : la formule pour une caisse de dos argenté.

Dernier point avec le trench, on peut noter la position des boutons : quatre au-dessus de la ceinture dans la tenue ratée, la volonté est ici encore d’amplifier un effet de longueur sur le haut au désavantage de la carrure.

Les boutons jouent un rôle dans les proportions en tant que repères visuels. Remarquez qu’ils sont purement alignés à gauche alors qu’ils suivent les courbes du corps à droite.
Les boutons jouent un rôle dans les proportions en tant que repères visuels. Remarquez qu’ils sont purement alignés à gauche alors qu’ils suivent les courbes du corps à droite.

Enfin le pantalon joue un rôle important dans l’aspect général de la silhouette même s’il est en partie caché avec un manteau. Le trench est ample dans sa partie inférieure pour des raisons fonctionnelles, ce qui fait qu’un bas de pantalon trop étroit peut faire paraitre la jambe très fine. Le slim avec un manque de matière au genou donne un rendu de jambes faiblardes, comme des baguettes. Sur la bonne tenue le bas du pantalon a plutôt une forme fuselée qui participe à la projection globale en V de l’ensemble.

Même si avec un manteau la majeure partie des jambes est masquée, la forme du bas du pantalon permet de l’évoquer inconsciemment par un jeu de proportions. Un pantalon correctement coupé donne l’aspect d’une base solide en conservant le côté élancé de l’ensemble.
Même si avec un manteau la majeure partie des jambes est masquée, la forme du bas du pantalon permet de l’évoquer inconsciemment par un jeu de proportions. Un pantalon correctement coupé donne l’aspect d’une base solide en conservant le côté élancé de l’ensemble.

Force est de constater que le prêt-à-porter n’est pas encore au point en terme de manteaux malgré un net regain d’intérêt pour la pièce. Si vous comptez vous en procurer un privilégiez actuellement l’occasion ou la fripe et retenez les essentiels de la coupe : une longueur satisfaisante, un cintrage ou ceinturage correct sur la taille, et une manche qui laisse respirer suffisamment le bras.

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23 réflexions au sujet de “La Bonne Coupe 1 – Le trench : longueur et cintrage.”

  1. Un grand bravo pour ce premier épisode de la Bonne Coupe! L’expertise technique du domaine sartorial jumelée à un style d’écriture percutant et énergique m’a amené à dévorer tous les autres billets du site internet. C’est vif, c’est frais, et en plus ça nous apprend beaucoup de choses! En attendant avec impatience le prochain article!

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  2. Je tiens également à saluer cet article qui m’a appris beaucoup de choses sur l’importance de la coupe (et pourtant j’ai lu beaucoup d’article). J’arrive désormais à mettre le doigt sur cet effet « rectangle » que je ressens à l’essayage de la plupart des manteaux (du fait de l’absence de la taille marquée).

    Vivement le prochain ! (Le ton acide est sans doute clivant mais je le trouve amusant).

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  3. N’y aurait-il qu’une seule vérité concernant la mode?

    Certains vous diront que oui, d’autres non. Cela s’applique d’ailleurs à biens d’autres domaines.

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  4. Comment donner un quelconque crédit aux idées de quelqu’un sortant des phrases comprenant « qui remet à la fois le mauvais garçon et la féministe hystérique sur le droit chemin ». C’est dommage on aurait pu avoir envie de lire son article, mais on remarque bien trop vite que c’est écrit par quelqu’un de pitoyable. Et encore je suis surpris qu’il n’en fasse pas plus sur le 2 nd degré pour se dédouaner de ses commentaires moisis. Ça casse forcément l’intérêt. Ça me rappelle lorsque le boulanger au coin de ma rue se met à parler de ses idées sur la politique. Après je n’ai plus vraiment envie d’y retourner prendre la baguette, que voulez vous…
    N B : Ériger son point de vue en vérité universelle relève bien souvent d’un manque de culture générale.

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  5. Peut-on avoir une idée de la source des images de la personne que vous décrivez ayant la bonne coupe ou même simplement son nom ?
    Merci d’avance,
    Schouben Antoine.

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  6. Bonjour,
    Le contenu de votre article m’a appris beaucoup de choses, par contre j’ai trouvé que vous aviez des réflexions sexistes, un peu grossophobes. Vous devriez absolument travailler votre ton : se vouloir ironique ou décalé ne veut pas dire insultant. Et vous devriez vous excuser.

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  7. Pas nécessaire le ton faussement ironique, vraiment sardonique, taper sur les féministes sur internet ne fais pas de l’auteur quelqu’un d’edgy ou de rebelle, j’espère qu’il en est conscient.

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  8. Bonjour,

    J’ai littéralement explosé de rire quand j’ai vu la photo de Luca en guise d’exemple à ne pas suivre.
    J’adore voir ces petits prétentieux de chez BonneGueule se faire remettre à leur place. Un article de Sartorialisme, ça vaut plus que dix de leurs articles sur les T-shirt japonais à 200 balles ou leur vidéo sur «comment porter un bonnet orange fluo avec un col roulé».
    Merci pour cette belle calotte de virilité!

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  9. Je me fais la série des LBC, top 😉 Précis et technique, et je commence à prendre le recul conseillé ailleurs, pour le ton de l’article, ce qui me fait apprécier d’autant le parti pris. Le contenu est de qualité, et c’est le plus important 😉

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  10. Bonsoir. Cet article est très bien expliqué et fort intéressant. Pourriez-vous s’il vous plait me donner des infos sur le superbe trench porté par l’homme au parapluie ? C’est exactement ce que je recherche et j’avoue avoir un peu de mal à trouver mon bonheur. Merci d’avance !

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  11. Vraiment passionnant d’entendre enfin de nouveau parler raisonnablement d’anatomie et de proportions dans le vetement! Bravo et merci!
    Je déplore moi aussi l’agressivité de certains propos, qui malgré des tournures parfois assez bien senties, desservent la crédibilité de l’auteur.

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  12. Bonjour,
    Il aurait été de meilleur alois d’annoncer d’emblée que le trench de gauche est du PAP tandis que son comparse de droite vient tout droit du bespoke (le « vrai » sur-mesure) et que l’on prenait un exemple d’un blogueur qui se veut être dans le style casual-chic (ou plouc raffiné selon votre vocabulaire) vs un tailleur.
    Sinon, article très intéressant pour éviter les erreurs que tout novice en la matière aurait accumuler. Merci

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  13. Bonjour,
    Je vous remercie pour votre article qui m’a beaucoup aidé dans la compréhension de l’harmonie d’une silhouette.
    Cela étant dit, j’aimerais revenir sur la longueur idéale du trench. Vous nous conseillez de partir sur une longueur qui nous arrive en dessous du genou mais lorsque je regarde des photos datant de la seconde guerre mondiale, les trenchs ont tendance à descendre plutôt jusqu’à disons, le bas du mollet.
    Par conséquent, quel choix serait le plus optimal pour vous, étant donné ma petite/moyenne taille (1,75 m) ? J’ai effectivement un peur que cela me tasse.

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    • Bonjour,

      À ce prix, en neuf, il est difficile de trouver quelque chose sans faire de grosses concessions.
      La sélection va se limiter à du classique d’entrée de gamme donc Spier Mackay, Pozteka, Suit Supply.

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  14. Bonjour,

    Même si l’article à été publié en 2019, je tiens à saluer le travail fait dedans qu’on ne trouve pas vraiment ailleurs.
    Je trouve le fond excellent (même si j’aime beaucoup BG), la forme est plutôt du politiquement incorrect.
    Cela dit, je ne comprend pas certains commentaires qui parlent de sexisme dans cette article, alors qu’il n’y en a tout simplement pas…

    Merci

    Edwin

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