Tous les secrets des sacs à main de luxe dévoilés, un guide complet

Avant-propos

Tout a commencé par une blague, une de plus à ajouter notre longue liste de méfaits. Un commentateur s’est plaint que le site ne parlait plus que de sujets techniques, alors qu'il voulait des "conseils". Un benêt de plus qui a besoin qu’on lui tienne la main. De temps en temps, vous avez comme ça des ploucs un peu plus débiles que la moyenne (déjà fort basse) qui pensent que nous devrions nous soucier de leur opinion, que nous écrivons pour satisfaire autre chose que notre envie d’amusement. C’est l’internet, rien d’étonnant. Pour nous moquer, nous avions répondu que le prochain article conseillerait justement aux ploucs fragiles dans son genre comment se choisir un sac à main. J'étais même allé jusqu'à commencer la rédaction de l'article en question, pour voir. Et puis, en cours de route, je me suis rendu compte qu'au fond, pourquoi pas. Le site a (paradoxalement) une petite base de lectrices, les articles sur la maroquinerie fonctionnent très bien, alors autant faire quelque chose de complet. 40 pages et plus de 18 000 mots plus tard, vous avez devant vous la blague la plus longue de l'histoire, derrière la carrière du 46ème président des États-Unis. Ça ne va pas faire rire les débiles, mais qu’importe ils adorent nous lire la bave aux lèvres. Bref, messieurs ramenez vos femmes, mesdames attachez vos ceintures, on va bien rigoler.

Introduction

Si nous en croyons nos données Google Analytics, une quantité surprenante de femmes lisent notre babillage. Est-ce que ces dames sont curieuses ? Cherchent-elles à emprunter des éléments au vestiaire masculin, où est-ce que nos lecteurs masculins ne savent pas proprement renseigner leur sexe sur leur compte Google ? Pire, serions-nous essentiellement lus par des invertis? Toujours est-il que nous culpabilisons un peu car nous ne connaissons pas grand-chose à la mode féminine et il nous est par conséquent impossible de façon extensive d’écrire sur le sujet. Nous en profitons pour dire en passant, que si une lectrice est calée sur son sujet et se sent suffisamment langue de pute pour écrire dans nos colonnes, nous sommes preneurs. Nous parlons bien évidemment de mode féminine qui soit classique et classieuse, histoire de rester un peu sur le sujet. Non que nous ayons une dent contre les femmes qui portent le costume, mais c’est un épiphénomène, pratiquement une légende. Un influenceur très célèbre qui se revendique “gentleman” malgré ses problèmes avec la justice habille sa femme de façon à ce qu’elle soit son parfait doppelgänger, poupée de cire poupée de son. Est-ce là une forme particulière d’onanisme ? Toujours est-il que Narcisse avait eu au moins la pudeur de tomber amoureux de son reflet, il n’a pas été jusqu’à faire de sa femme une travestie. Mais je digresse, je disais donc, mesdames, si vous vous sentez l’âme d’une paria et avez la langue d’une poissonnière, nos portes sont ouvertes.

En attendant, nous allons nous charger d’effectuer quelques incursions dans votre domaine. Mais, de loin, et en n’abordant que ce que nous connaissons, soit la maroquinerie et les chaussures. Vous, vous en doutez à la lecture du titre, nous allons aujourd’hui parler de sac à main. Pièce essentielle du vestiaire féminin. Trou noir insondable qui semble défier toutes les lois de la physique en matière de contenant et de contenu pour les hommes. Comme toujours, cet article n’a pas pour vocation de vous dire quoi acheter, mais plutôt de vous expliquer comment sont fabriqués vos sacs, ce qu’ils valent objectivement, ce à quoi vous pouvez vous attendre en échange de votre argent durement gagné ou de celui de votre conjoint. Bien évidemment il sera impossible de ne pas aborder la question du style et de l’image car ce sont des éléments en général déterminants dans l’achat d’un sac. J’ai bien conscience que ces aspects sont vus avec mon œil d’homme rétrograde et sexiste ou je ne sais quoi (blabla, patriarcat toussa toussa) votre avis différera sûrement du mien sur ces aspects et c’est tant mieux. J’espère que cela vous divertira ou dans le cas contraire que je serai au moins parvenu à vous faire perdre votre temps, l’écume aux lèvres voire à vous faire me mentionner auprès de votre thérapeute, assurez vous seulement que ça ne soit pas Gérard Miller, il semblerait que la bien-pensance incarnée ait potentiellement quelques problèmes en ce moment.

Cet article a été pensé pour être plus ou moins autonome par rapport aux autres articles sur la maroquinerie déjà présents sur le blog. Je traite donc d’éléments qui ont parfois déjà été abordés dans nos colonnes et je renvoie aux articles en question pour approfondissement si besoin est.

L'article est long, pour votre santé mentale, lisez-le en plusieurs fois. Si vous appréciez notre travail vous pouvez également nous soutenir en rejoignant notre Patreon ou en partageant cet article sur les réseaux sociaux et avec vos proches.

Quelques définitions, histoire de savoir de quoi nous parlons

Avant de commencer je tiens à préciser que je ne parle dans cet article que du sac à main de “maroquinerie fine”, au sens large, le terme "maroquinerie fine" étant largement vidé de sens. Il existe deux branches dans la maroquinerie, la fine et la rustique (certains parlent de tradition Européenne et de tradition Américaine). Les techniques ne sont pas les mêmes, le degré de complexité et de finition non plus. Je n’ai absolument rien contre la maroquinerie rustique quand elle est bien faite, mais ça n’est tout simplement pas le sujet ici.

Il existe principalement deux grandes traditions de la maroquinerie. La maroquinerie “fine” (à gauche), et la maroquinerie “rustique” (à droite), au sens non péjoratif du terme. Cette maroquinerie utilise beaucoup le repoussage et est par exemple très populaire chez les médiévistes ou aux États-Unis. Nous traitons uniquement de la maroquinerie fine. (Source : 20 minutes / tandy museum)
Il existe principalement deux grandes traditions de la maroquinerie. La maroquinerie “fine” (à gauche), et la maroquinerie “rustique” (à droite), au sens non péjoratif du terme. Cette maroquinerie utilise beaucoup le repoussage et est par exemple très populaire chez les médiévistes ou aux États-Unis. Nous traitons uniquement de la maroquinerie fine. (Source : 20 minutes / tandy museum)

Sac de luxe, sac industriel, sac artisanal... quelles différences?

Tout d’abord j’insiste sur le fait que nous allons avant tout traiter du sac à main “de luxe”, ce qui nous amène naturellement à la question suivante qu’est-ce qu’un sac de luxe ? Ou commence le sac de luxe ou termine le sac de bougresse (ou de plouqette), est-ce qu’il existe encore vraiment des sacs de luxe dans notre époque industrialisée à outrance ? Car c’est bien là le problème, est en général considéré comme luxueux ce qui est rare. Or avec l’avènement du luxe industriel, plus grand-chose n’est rare car TOUT ce qui est produit par des marques est fabriqué en masse. Nous verrons d’ailleurs que la gestion de la rareté est un critère qui est pris en compte par les marques, qui doivent mettre en place des stratégies totalement artificielles pour limiter la prolifération de leurs produits. J’ai volontairement choisi de parler de sac de luxe plutôt que de sac de “mode” ou de “designer” même si la différence est essentiellement sémantique. Car d’une part je ne suis pas un moddeux, et d’autre part le sac de mode n’obéit à aucune règle tangible. N’importe quel sac peut devenir tendance pour peu qu’une Karadachiante s’affiche avec. La mode ne procède pas d’une recherche qualitative, ce qui est au contraire l’essence de ce blog. À l’heure où le mot “luxe” est très galvaudé j’ai fait le choix de m’en tenir à une définition assez traditionnelle à savoir un produit qui soit exécuté selon les règles de l’art, qui soit composé de matériaux nobles, c’est donc face à ce standard que les sacs de designers seront jugés. J’ai bien conscience que cet article soit à contre-courant de ce qu’est le marché de la mode et du sac à main en général, mais c’est justement là tout son intérêt. D’autant plus que l’on parle de plus en plus du sac à main comme d’un investissement ou comme placement financier, ce qui est une nouveauté.

Par ailleurs, on peut diviser le marché du sac à main femme en 4 grandes catégories à savoir le sac industriel, le sac industriel dit de luxe, le sac semi-industriel (en réalité Hermès) et enfin le sac artisanal. Contrairement à ce qui est avancé par beaucoup de marques d’entrée de gamme ou de start-ups (Léon Flan ; Fourrès etc etc) ça n’est pas la taille d’une entreprise qui détermine son degré d’industrialisation mais les processus de fabrication qui sont utilisés. C’est assez simple à comprendre, et pourtant tout un travail de distorsion de la vérité est mené par de nombreuses entreprises qui veulent pouvoir prétendre faire de l’artisanat quand en réalité elles font du mauvais travail à la chaîne. Pour faire simple une personne qui travaille avec 50 machines fait de l’industriel, alors que 50 personnes qui travaillent à la main avec éventuellement une machine font de l’artisanat. C’est une façon assez synthétique de voir les choses, et donc au final assez simpliste, mais c’est la meilleure façon d’expliquer l’une des plus grosses arnaques de notre siècle, à savoir l’usurpation, pour ne pas dire le viol en masse organisé et répété de l’appellation artisanat par des industriels avides de shekels.

Maintenant que vous avez ces bases en tête, nous allons passer à l’étape suivante, à savoir qu’est-ce qui différencie le sac industriel, du sac industriel dit de luxe ?

Et bien pas grand-chose à vrai dire. Essentiellement, le prix. En fait on peut résumer les différences à 3 grands concepts, tout d’abord “l’expérience client” (les belles boutiques, le packaging poussé et créatif, le service après-vente…), ensuite la communication (les shows/défilés, la publicité, les influenceurs et célébrités à sponsoriser) et enfin, le plus important pour beaucoup : la marque (reconnaissance sociale et montrer que vous avez de la maille). Vous noterez que la qualité de fabrication n’est pas un critère de distinction déterminant dans l’industriel, car il n’existe pas véritablement de différence flagrante de ce point de vue entre un sac industriel Jacquanus à 700€ et un sac Balenciaga à 3000€. Du moins, pour ce qui concerne la production destinée aux pécores lambda. Les commandes spéciales des très grandes marques (LVMH/Hermès) peuvent parfois être réalisées dans des conditions (un peu) différentes, mais très honnêtement, cette production est minoritaire nous ne nous attarderons donc pas dessus. Donc au risque de vous surprendre, il est tout à fait possible de sortir un sac identique qualitativement parlant à ce que font Chanel ou Dior, pour le tiers du prix, c’est même ce que font pas mal de “nouvelles” marques en private label comme Polène etc. Est-ce que c’est bien ? Non, c’est toujours globalement pas terrible mais au moins le prix n’est pas (encore) abusé. Vous pouvez être certain qu’au fur et à mesure que ces “nouvelles” marques gagnent en popularité les prix vont augmenter. Attention toutefois, je ne parle ici que des marques qui sont aux alentours des 600/700€. En dessous de ce prix vous avez de nombreuses marques qui existent mais sont en général très en dessous en savoir-faire industriel et en qualité de fabrication. Toutes les marques qui disent faire “l’upcyclée gnagnan” qui disent fabriquer “100 % main en France” (les No(bo)dies et compagnie) et sortent un produit à 300€ font en général des produits nazes et qui n’ont pas vraiment d’intérêt en dehors d’être fonctionnels. Ces sont les Dacia du monde de la maroquinerie. Ça plaît à certains, c’est fonctionnel, mais ça n’a jamais fait briller en société.

Un sac Delvaux (à gauche) un sac Polène à droite. Foncièrement, il n’y a pas de différence majeure du point de vue de la qualité de fabrication entre les deux marques, pourtant le prix n’a rien à voir. Bien évidemment, les budgets marketing sont différents, la présence en boutique, le service etc etc. Mais tout de même, est-ce que cela suffit à expliquer un prix multiplié par 18!!
Un sac Delvaux (à gauche) un sac Polène à droite. Foncièrement, il n’y a pas de différence majeure du point de vue de la qualité de fabrication entre les deux marques, pourtant le prix n’a rien à voir. Bien évidemment, les budgets marketing sont différents, la présence en boutique, le service etc etc. Mais tout de même, est-ce que cela suffit à expliquer un prix multiplié par 18!!

Vous noterez également qu’en fonction de ces critères, certaines marques pourtant perçues comme luxueuses dans l’imaginaire collectif sont en réalité assez banales. Longchamp, par exemple c’est typiquement le sac qui est perçu comme luxueux par la lycéenne vaguement bourgeoise qui cherche à affirmer son statut avec prétention, mais qui passé 25 ans devient une marque lambda. Sauf peut-être si vous venez de l’étranger et que votre image mentale de la France c’est Amélie Poulain. Lancel tombe aussi dans cette catégorie, Yves Saint Laurent s’en approche très dangereusement, bref vous avez compris l’idée. Ça n’est pas parce qu’une marque se dit “luxueuse” qu’elle l’est vraiment, loin de là, nombre de marques sur Instagram s’auto-qualifient de luxueuses de façon totalement injustifiée. C’est une posture, de la comm. À la rigueur on pourrait qualifier certaines de ces marques de “premium”. Cette nouvelle catégorie qui fait son apparition un peu partout pour répondre à la lente mais certaine partition de la classe moyenne en classe moyenne populaire d’un côté et classe moyenne pas encore trop laborieuse de l’autre. Le premium ça n’est pas le luxe, où plutôt c’est le luxe des personnes sans imagination et sans moyens. Dans le monde du sac à main les marques “premium” sont en général d’anciennes marques de luxe qui ont diluées leur image pour vendre au plus grand nombre ou des private labels qui viennent de se lancer et cherchent une clientèle.

Maintenant, comment distinguer entre un sac industriel de luxe, et un sac artisanal ? Cette fois le prix n’est pas véritablement un facteur, car il tend à être similaire, ce qui est surprenant quand on considère que l’un est fabriqué intégralement à la main par (en général) une personne, et l’autre intégralement à la machine par plusieurs, c’est dire si les marges ne sont pas les mêmes. Toujours est-il que c’est surtout du côté de la qualité de fabrication que la différence se joue, et éventuellement de la personnalisation. Le service client et le marketing sont aussi des différenciateurs, puisque les artisans sont à un désavantage évident dans ce domaine dans la mesure où ils n’ont pas de département marketing pouvant inonder le monde et dicter ce qu’est LEUR image du luxe, et par conséquent, ce qui DOIT être la vôtre. L’artisanat c’est avant tout une personne qui assure la fabrication, parfois, seule, parfois en coopération avec d’autres, mais qui dans tous les cas met sa peau sur la table. Paradoxalement, c’est aussi le “véritable” luxe, comprendre par là celui des détenteurs du pouvoir réel amateurs de discrétion, pas des poseurs qui étalent leur existence dans les médias et les réseaux.

La plus grosse différence entre les industriels du luxe et les artisans réside dans l'attention aux détails... une notion vague chez beaucoup de marques comme l'illustre ce sac Prada. Fun fact, il s'agit du sac qui a été sélectionné pour le packshot... (Source: Prada)
La plus grosse différence entre les industriels du luxe et les artisans réside dans l'attention aux détails... une notion vague chez beaucoup de marques comme l'illustre ce sac Prada. Fun fact, il s'agit du sac qui a été sélectionné pour le packshot... (Source: Prada)

Qu’en est-il du sac semi-industriel ? C’est une solution intermédiaire qui se rencontre globalement assez peu dans le cadre du sac à main. Il s’agit d’un mélange de processus industriels et de fabrication traditionnelle à la main. C’est plus ou moins ce que peut faire Hermès, et encore cela va dépendre des sacs, toute la gamme n’est pas du tout sur un pied d’égalité. En réalité, c’est une façon de faire que l’on retrouve essentiellement dans les ateliers des industriels du luxe réservés aux commandes spéciales. Ces dernières sont, en général, réalisées en dehors des chaines d’assemblage propres au reste de la fabrication. Il s’agirait de ne pas se mettre à dos les célébrités qui passent commandes. On trouve également certains artisans qui font le choix du semi-industriel afin de pouvoir proposer des tarifs plus bas que s’ils travaillaient exclusivement à la main et donc d’être accessible à un plus grand nombre de clients.

Les sirènes du marketing

Lorsque vous êtes à la recherche d’un sac à main, qui plus est un peu “luxueux” et donc cher il est facile de se faire berner par les sirènes du marketing, qui vous mangeront sans hésitation. Dès lors il s’agit, tel Ulysse attaché au mat de son navire, de leur résister. Ou tout du moins de ne pas être dupe malgré la beauté de leurs fables. Car toutes les marques industrielles, de luxe ou non, racontent en général n’importe quoi.

Parfois certaines marques font l’effort louable de montrer les coulisses de manière vaguement transparente. Par exemple Camille Fournet dispose d’une page interactive sur leur site internet, qui montre pratiquement étape par étape la fabrication d’un de leur sac. Cette page montre clairement que leur production de sac est tout ce qu’il y a de plus industriel, le fait qu’ils appellent leurs ouvriers des “artisans” n’y changent rien. C’est d’ailleurs pour cela que je dis “vaguement transparente” car le montage est forcément avantageux, il ne montre pas tout, et les légendes sont parfois franchement en décalage avec ce qui est présenté en image. Comme c’est l’exemple dans l’illustration suivante :

Dire que l’outil de refente est réglé “savamment” alors qu’il s’agit de tourner une roue pour afficher les bons chiffres est révélateur. Quand les plus basiques des tâches sont élevées au rang de science “savante”, vous savez qu’il y a arnaque quelque part. C’est comme appeler un caissière, une “hôtesse de caisse”, ou un éboueur un “agent de maintenance”, ça n’est pas parce que l’adjectif est plus flatteur qu’il change la teneur du travail effectué (Source: camillefournet)
Dire que l’outil de refente est réglé “savamment” alors qu’il s’agit de tourner une roue pour afficher les bons chiffres est révélateur. Quand les plus basiques des tâches sont élevées au rang de science “savante”, vous savez qu’il y a arnaque quelque part. C’est comme appeler un caissière, une “hôtesse de caisse”, ou un éboueur un “agent de maintenance”, ça n’est pas parce que l’adjectif est plus flatteur qu’il change la teneur du travail effectué (Source: camillefournet)
Autre exemple que je trouve encore plus amusant dans cette image il est dit que de la colle à base aqueuse est utilisée car non toxique pour “nous, les artisans”. Sauf, que dans la vidéo, cette étape est 100 % automatisée, c’est un robot qui fait l’encollage. Qu’en déduire, sinon que c’est le robot, l’artisan. C’est le genre d’image totalement révélatrice qui est amusante car elle illustre parfaitement la déconnexion totale entre les marques de luxe et l’artisanat. Pour eux, tout peut devenir artisanat du moment que les marges sont juteuses. (Source: camillefournet)
Autre exemple que je trouve encore plus amusant dans cette image il est dit que de la colle à base aqueuse est utilisée car non toxique pour “nous, les artisans”. Sauf, que dans la vidéo, cette étape est 100 % automatisée, c’est un robot qui fait l’encollage. Qu’en déduire, sinon que c’est le robot, l’artisan. C’est le genre d’image totalement révélatrice qui est amusante car elle illustre parfaitement la déconnexion totale entre les marques de luxe et l’artisanat. Pour eux, tout peut devenir artisanat du moment que les marges sont juteuses. (Source: camillefournet)

Bref, utilisez votre jugement (si vous en avez), ça n’est pas parce qu’on vous montre une photo de Staline avec comme légende “le gros Roudoudou Bienveillant” qu’il cesse de devenir un taré génocidaire. Ça n’est pas parce qu’on vous montre une main actionner des machines avec comme légende “nos artisans ont du talent” que cela cesse d’être de l’industriel.

J’ai déjà longuement abordé cette question du marketing dans l’article état des lieux de la maroquinerie, je ne vais donc pas m’y attarder outre mesure. Néanmoins, les fables, mythes et mensonges qui circulent sur internet et dans l’imaginaire collectif ont la vie dure et il n’est pas mauvais de faire un rappel. Le marché de la maroquinerie brasse beaucoup d’argent. À titre de rappel, le chiffre d’affaires de la maroquinerie en France pour 2022 était de 4,9 milliards d’euros. Je rappelle également que 88 % de ce chiffre est réalisé par seulement 40 entreprises de plus de 200 salariés. Autrement dit, les gros bonnets du milieu que sont LVMH et compagnie. Au risque de vous choquer mesdames, cette réussite n’est pas due au marché national, les Françaises achètent des sacs plutôt cheapos dans l’ensemble. C’est à l’exportation que beaucoup d’argent est brassé puisque la maroquinerie Française a exporté pour 12 milliards d’euros de produits en 2022. Merci la Chine. Devant de tels enjeux économiques il est important pour les marques de ne pas négliger leur image.

Rappelons aussi la base, aucun des sacs des marques de “luxe” traditionnelles (en groupe ou non) ne sont fabriqués à la main. L’essentiel du marché de la maroquinerie est composé par des marques industrielles, qu’il s’agisse de Chanel, Balenciaga, Dior, Cartier, Céline, Polène, Vuitton…. En dehors d’Hermès qui par certain aspect (et par certains aspects seulement, j’insiste là-dessus) fait un peu cavalier seul, virtuellement tous les acteurs utilisent des processus industriels. Ce qui ne les empêchent pas de prétendre le contraire à travers leur communication. Elles emploient des techniques volontairement trompeuses pour vous faire croire que la fabrication est artisanale alors que ça n’est bien évidemment pas le cas, tout est calibré et tout est mécanisé. J’avais déjà utilisé cette vidéo de Chanel pour illustrer à quel point les marques mentent à leur clientèle et ou tout n’est plus ou moins que mise en scène.

Je trouve hilarant que Chanel mette bien en avant le mot “savoir-faire” quand en arrière-plan vous avez une machine CNC (contrôlée par ordinateur donc, même pas par un humain) qui s’occupe de faire le quilting  (matelassage si vous préférez) si cher à la marque. (Source: chanel)
Je trouve hilarant que Chanel mette bien en avant le mot “savoir-faire” quand en arrière-plan vous avez une machine CNC (contrôlée par ordinateur donc, même pas par un humain) qui s’occupe de faire le quilting (matelassage si vous préférez) si cher à la marque. (Source: chanel)

Mais Chanel n’est pas la seule marque à être coupable de ce genre de petit arrangement avec la réalité. Prenez Colombo par exemple, une marque Italienne spécialisée dans les sacs en peaux exotiques. C’est exactement le même principe, mais qui parodie un peu plus l’artisanat. Dans cette vidéo vous avez le sempiternel ouvrier à gant blanc qui “fabrique seul” un sac. Sauf que lors du montage de très nombreuses étapes sont sautées, vous ne voyez en réalité pas un tiers du processus de fabrication. La vidéo donne d’ailleurs l’étrange impression que le sac se fabrique tout seul tant il est montré à des stades de fabrications très différents. La raison derrière cela est bien simple, la marque n’a pas envie de montrer le travail qui est effectué, car il est réalisé à la machine. Concrètement, vous ne voyez que ce que l’on veut bien vous montrer. Et si vous faites vraiment attention, l’ouvrier ne fait pas grand-chose sinon couper, et tenir du cuir entre ses doigts…

Vous ne verrez jamais les usines gigantesques bondées de piqueuses, vous ne verrez jamais l’intégralité des machines qui sont utilisées, vous verrez encore moins les sous-traitants. Sauf à aller chercher dans la presse… et encore… Car bien évidemment, les marques ne sont pas les seules à travailler dans le sens du mensonge elles payent aussi des influenceurs pour cela. Et puis elles reçoivent aussi le concours des médias. La presse “du luxe” travaille bien évidemment main dans la main avec l’industrie du luxe. C’est un système qui fonctionne en symbiose et qui n’a aucun intérêt à ce que la réalité ne soit révélée. Donc quand vous lisez la presse du milieu, elle aborde toujours ce qui plait, jamais ce qui dérange.

Un article du New York Times qui sous-entend qu’Hermès est resté loyal à la façon de fonctionner des guildes du Moyen Age. L’image Américaine du Moyen Age c’est une fois l’an dans des foires médiévales pleines de cosplayers avec des armures en mousse et des épées en plastique, et ça se voit. Ils n’ont absolument aucune idée de ce dont ils parlent. Le monde moderne de la maroquinerie est autant éloigné des guildes du Moyen Age que Joe Bidon l’est de son cerveau. (Source : NYT)
Un article du New York Times qui sous-entend qu’Hermès est resté loyal à la façon de fonctionner des guildes du Moyen Age. L’image Américaine du Moyen Age c’est une fois l’an dans des foires médiévales pleines de cosplayers avec des armures en mousse et des épées en plastique, et ça se voit. Ils n’ont absolument aucune idée de ce dont ils parlent. Le monde moderne de la maroquinerie est autant éloigné des guildes du Moyen Age que Joe Bidon l’est de son cerveau. (Source : NYT)
Hermès dans les années 40 c’était ça. (Source: draeger)
Hermès dans les années 40 c’était ça. (Source: draeger)
L’usine d’Hermès à Guyenne de nos jours. Je peux vous assurer que ces gens ne travaillent pas de la même façon que les ouvriers de la photo précédente malgré tout ce que peut raconter la marque. (Source lefigaro)
L’usine d’Hermès à Guyenne de nos jours. Je peux vous assurer que ces gens ne travaillent pas de la même façon que les ouvriers de la photo précédente malgré tout ce que peut raconter la marque. (Source lefigaro)

Il en va bien évidemment de même avec les influenceurs, qui ne répandent que les opinions pour lesquelles ils sont payés. Un influenceur n’a pas de sens critique, il n’a qu’un compte en banque. Le seul endroit où vous pouvez trouver des informations qui sont contradictoires sont les cercles d’initiés qui vous sont par définition fermés (autrement dit faire partie du milieu), et la presse généraliste ou “d’investigation” qui malgré toutes ses lacunes cherche de temps en temps à aller chercher des histoires intéressantes… Encore faut-il qu’elle le puisse. Car dans les groupes du luxe, ce qui est important c’est la notion de groupe, vous êtes-vous jamais demandé pourquoi certaines marques dans ces groupes ne réalisent jamais de bénéfices ? Pourquoi ces groupes investissent dans des domaines parfois très éloignés de leurs compétences ? LVMH possède le Parisien et les Échos, François Pinault (Gucci, Yves Saint Laurent, Balenciaga via Kering) détient via sa holding Artémis Le Point. Je ne suis bien évidemment pas en train de dire que ces gens dictent mot à mot ce qui sort dans leurs journaux. Mais tout de même, je vous invite à avoir la curiosité d’aller voir combien d’articles du Parisien ou des Échos émettent la moindre critique, même à voix basse envers Louis Vuitton….

Si jamais vous avez la flemme d’aller voir par vous-même… voici le ton des articles que vous pouvez trouver sur Louis Vuitton sur le Parisien. Ça parle de savoir-faire ancestral (qui n’existe pas), de la méchante contrefaçon, des voleurs de magasins ou d’entrepôts, des défilés de mode et de directeurs artistiques “géniaux”. Ça n’est guère différent chez les Échos.

Petit florilège des articles du Parisien sur Vuitton, je ne doute pas une seule seconde de la qualité de travail journalistique ni de l’indépendance absolue de la rédaction. (Source : leparisien)
Petit florilège des articles du Parisien sur Vuitton, je ne doute pas une seule seconde de la qualité de travail journalistique ni de l’indépendance absolue de la rédaction. (Source : leparisien)
Petit florilège des articles sur LVMH/Vuitton dans les Echos. La brosse à reluire fonctionne pas mal. Pourquoi n’y a-t-il pas d’article sur les fondations d’art du propriétaire ou sur sa pratique habile de l’optimisation fiscale ? C’est de l’économie non ? (Source : lesechos)
Petit florilège des articles sur LVMH/Vuitton dans les Echos. La brosse à reluire fonctionne pas mal. Pourquoi n’y a-t-il pas d’article sur les fondations d’art du propriétaire ou sur sa pratique habile de l’optimisation fiscale ? C’est de l’économie non ? (Source : lesechos)
Bonus : assez peu critique envers LVMH (voire pas du tout) les Echos se payent en revanche le concurrent Kering. (Source : lesechos)
Bonus : assez peu critique envers LVMH (voire pas du tout) les Echos se payent en revanche le concurrent Kering. (Source : lesechos)

La qualité de fabrication, ça n’est pas parce que vous ne le voyez pas que ça n’existe pas.

Avant de commencer à détailler ce point je tiens à préciser que les marques ont des gammes vastes, et que tous les produits ne sont pas fabriqués selon les mêmes standards. Ils ne sont même pas tous fabriqués aux mêmes endroits. Il y a des sacs “ambassadeurs” qui tiennent le rôle d’icônes et dont le but est de faire rayonner la marque (au hasard, à l’heure actuelle le Birkin et le Kelly de chez Hermès), mais il y a aussi des produits à très forte marge (au hasard, la ligne petit H d’Hermès). En règle générale les produits iconiques peuvent bénéficier d’un traitement de faveur et être mieux fabriqués que les produits qui sont destinés à une plus grande diffusion. Mais il y a bien évidemment des exceptions, toutes les marques ne fonctionnent pas de la même façon. Il faut donc s’abstenir de juger une marque sur un seul de ses produits, et privilégier une vue d’ensemble.

Un sac ambassadeur à gauche (le steamer de Vuitton), un sac à très forte marge (le onthego de Vuitton). Seulement 2000€ (plus ou moins) séparent les deux modèles, pourtant l’un rapporte beaucoup plus au fabricant que l’autre. Le steamer a quelques passages mains, l’onthego, n’en a pas). (Source : LVMH)
Un sac ambassadeur à gauche (le steamer de Vuitton), un sac à très forte marge (le onthego de Vuitton). Seulement 2000€ (plus ou moins) séparent les deux modèles, pourtant l’un rapporte beaucoup plus au fabricant que l’autre. Le steamer a quelques passages mains, l’onthego, n’en a pas). (Source : LVMH)

Il se trouve que l’un des éléments sur lequel les marques mentent le plus est la qualité de fabrication, car c’est précisément l’un des aspects les plus honteux de leur production. Ça et les conditions de travail des salariés, mais ces derniers sont défendus par des syndicats… alors que la qualité de fabrication, bizarrement il n’y a personne pour la défendre. Le monde de la maroquinerie a considéré que l’industrie avait fait son œuvre et qu’il n’y avait pas d’autre façon valable de produire. Ils auraient tort d’y renoncer, puisque l’industrialisation leur permet de faire exploser les marges. Alors qu’à la base, le travail du sellier maroquinier est avant tout manuel. Je ne suis pas en train de dire qu’il faille lutter contre la technologie, que certaines étapes ne gagnent pas à être mécanisées ou automatisées… Mais cela ne veut pas dire qu’il soit pour autant nécessaire d’absolument tout sacrifier sur l’hôtel du progrès. Notamment quand on sait que la qualité de fabrication est en chute libre, et que même la clientèle commence à le remarquer.

J’ai déjà détaillé dans les précédents articles comment au sortir de la seconde guerre mondiale l’artisanat de luxe s’est petit à petit transformé en industrie du luxe. Aujourd’hui cette transition est terminée et toutes les marques se satisfont parfaitement d’utiliser des méthodes qui sont intégralement mécanisées. Ce que j’essaye d’expliquer par-là, c’est que dans les années 70 ou encore 80, toute la production n’était pas encore totalement industrielle partout. Certaines marques fonctionnaient encore de façon plus ou moins hybride. Un peu à la façon d’Hermès aujourd’hui. Aujourd’hui, ça n’est plus le cas. Hermès fait figure d’exception, et a maintenu, pour certains produits seulement, une façon de faire qui emprunte encore des techniques utilisées en artisanat. Notamment le cousu sellier, mais pas que.

Qu’est-ce que le cousu sellier ?

Le cousu sellier également appelé point sellier est une technique de couture réalisée à la main. Originellement assez régulièrement utilisé en maroquinerie “industrielle” il est aujourd’hui surtout utilisé par les artisans selliers-maroquiniers. Le point sellier n'est pas choisi par les artisans par hasard ou par caprice, il existe une raison derrière son utilisation en maroquinerie. Cette raison est simple : la solidité. Il s’agit d’une couture virtuellement indestructible. Et pour cause, le cousu sellier est comme son nom l’indique issu de l’univers de la sellerie où il est utilisé pour réaliser des pièces d’attelage pour le travail des chevaux. Comme vous pouvez l’imaginer ces pièces sont soumises à des contraintes particulièrement importantes. La sellerie-maroquinerie est la transposition en maroquinerie des techniques de fabrication de la sellerie, sur les sacs on devrait normalement trouver le point sellier à minima sur toutes les parties dites d’usure (poignées, lanières...) ou toutes les parties qui sont exposées à des forces importantes. C’est malheureusement de moins en moins le cas, car le point sellier est obligatoirement réalisé à la main, il n’existe pas de machine à coudre qui puisse effectuer ce type de couture. Il est réalisé avec un fil et deux aiguilles. Le fil passe donc alternativement du dessus au dessous pour se croiser, ce qui forme un point d’arrêt (un nœud si vous vous préférez) à chaque point de couture. Si un point “casse” car il est usé par des frottements, ou coupé, il n’entraine pas avec lui le reste de la couture… au contraire de la piqure machine. La piqure machine est effectuée avec deux fils, où le fil du dessus retient le fil du dessous. Comme un fil tient l’autre, si le moindre point casse, il suffit de tirer dessus et toute la couture se défait. C’est exactement le même problème lorsque vous tirez sur un fil qui a sauté dans la couture d’un vêtement, l’intégralité de la couture va venir avec.
L’inconvénient du cousu sellier c’est qu’il coûte très cher à réaliser. Car c’est une technique longue à apprendre, difficile à maitriser et lente à réaliser. Alors qu’une piqure machine est rapide à apprendre, (certaines formations professionnelles vous l’apprennent en 9h alors qu’il faut des jours voire des semaines pour maitriser le point sellier) et surtout elle est rapide à effectuer puisqu’elle ne demande que quelques secondes ou quelques minutes de temps de travail. À contrario réaliser un sac à main intégralement au point sellier demande plusieurs heures, pour ne pas dire plusieurs jours. Vous comprenez donc que les industriels du luxe dont le combat principal est l’augmentation de leur capacité de production font le choix de compromettre la durabilité de leurs produits au profit de la rapidité. Pour faire simple, plus ils vont vite, plus ils peuvent vendre cher des sacs de merde, plus ils feront de profit.

Illustration 11 exemple de point sellier. (Source : Sartorialisme)
Illustration 11 exemple de point sellier. (Source : Sartorialisme)

Le piquage machine bâclé des industriels

Il n’est pas rare de voir divers problèmes liés au piquage sur les sacs industriels. Pire, c’est en réalité assez commun. Parfois c’est déjà le cas sur des sacs neufs qui n’ont même pas encore quitté la boutique. Bien souvent ce sont des problèmes liés aux cadences élevées qui sont pratiquées dans les usines de maroquinerie (grand groupe de luxe, comme sous-traitant). Il arrive donc que les ouvrières piqueuses, qui je le rappelle sont à leur machine à coudre toute la journée, fassent des erreurs ou manquent de conscience professionnelle. Elles peuvent sauter des points, bien souvent certaines coutures ne sont pas droites, parfois elles ne terminent pas leurs coutures correctement, parfois les bons processus ne sont pas implémentés par l’usine. Par exemple, une fois qu’une couture est terminée elles devraient couper le fil, et dans la mesure où elles travaillent majoritairement avec du fil de polyester, elles devraient ensuite bruler “la queue” du fil qui dépasse de la couture. Lorsqu’elles travaillent avec du fil de lin (c’est le cas chez Hermès mais sinon c’est assez rare), ce dernier devrait être repoussé dans la couture et maintenu par un point de colle. Beaucoup d’usines ne prennent pas le temps de faire cela.

Fils qui n’ont pas été coupés/brulés par l’ouvrière une fois sa couture terminée sur un sac Vuitton (à gauche) et Chanel (à droite)
Fils qui n’ont pas été coupés/brulés par l’ouvrière une fois sa couture terminée sur un sac Vuitton (à gauche) et Chanel (à droite)

Globalement il y a un désintérêt assez marqué des industriels dans la question de la solidité de leurs coutures (et de leur produit), ce qui conduit à un certain nombre de problèmes, qui sont ensuite la source de retours. Mais les marques s’y retrouvent car les coûts engendrés par les retours sont moins importants que ceux qui seraient engendrés par la mise en place du cousu sellier ou par un contrôle qualité plus strict. À ce sujet je vais vous raconter une anecdote qui m’a été confié par un ancien employé de SIS, un sous-traitant de Louis Vuitton. Je tiens à préciser que je me contente de rapporter ce qui m’a été dit, je ne suis donc pas en mesure de confirmer la véracité ou non du propos. Toujours est-il que SIS dispose de plusieurs usines, certaines sont en France, mais le groupe est également présent en Asie et à Madagascar. Dans le cadre de la fabrication en sous-traitance du sac Speedy de Louis Vuitton SIS réaliserait le gros du travail dans son usine Française, et enverrait les sacs à Madagascar pour effectuer l’enchappage de la poignée et feraient ensuite renvoyer les sacs en France. L’enchappage ne présente pas de difficulté particulière, si ce n’est qu’il y a quelques pauvres petits points qui sont effectués en cousu sellier. En réalité, la véritable difficulté, c’est que cette partie du sac ne peut pas passer dans la machine… d’où la nécessité de faire la petite dizaine de points à la main. Visiblement, il est plus rentable de faire embraquer des sacs en conteneur, de leur payer une petite croisière aller-retour à Madagsacar pour que les employés locaux se chargent de cette étape, plutôt que de former le personnel Français à réaliser quelques points de couture sellier. On en est là aujourd’hui. Je vais revenir sur ce point plus tard, car cela soulève aussi une question sur l’hypocrisie massive des marques (et des clientes) en matière “d’écologie”.

L’enchape est cette pièce de cuir à la base des poignées (cercle rouge). La couture de cette enchape est réalisée à la main car la pièce ne peut pas passer dans une machine à coudre. (Source : LVMH)
L’enchape est cette pièce de cuir à la base des poignées (cercle rouge). La couture de cette enchape est réalisée à la main car la pièce ne peut pas passer dans une machine à coudre. (Source : LVMH)
Puisqu’on en est au piquage machine chez Vuitton, voilà un belle exemple de couture qui n’est pas rectiligne. Une preuve de l’excellent savoir-faire ancestral de la maroquinerie Française. (Source : Sartorialisme)
Puisqu’on en est au piquage machine chez Vuitton, voilà un belle exemple de couture qui n’est pas rectiligne. Une preuve de l’excellent savoir-faire ancestral de la maroquinerie Française. (Source : Sartorialisme)
Petit florilège de coutures nazes sur des sacs Dior, Chanel, Vuitton. Toutes les marques industrielles sont concernées, ne croyez pas que ça soit mieux ailleurs. (Source : Sartorialisme)
Petit florilège de coutures nazes sur des sacs Dior, Chanel, Vuitton. Toutes les marques industrielles sont concernées, ne croyez pas que ça soit mieux ailleurs. (Source : Sartorialisme)

Comment reconnaître un point sellier ?

Je vais commencer par dire que vous n’avez pas vraiment besoin d’être capable différencier un piquage machine d’une couture point sellier. Car en dehors d’Hermès, et de Vuitton (sur une toute petite partie du steamer bag), très peu de marques utilisent le point sellier de façon répandue. Personne dans le département marketing de ces marques n’est capable de faire la différence. Beaucoup de marques ne l’utilisent pas du tout en ce qui concerne les sacs, en dehors d’un point doublé ici où là, et encore. Mais comme toutes les marques aiment à faire croire que leurs coutures sont effectuées à la main (comme vous pouvez le voir ci-dessous), je vais vous donner l’astuce qui permet de faire la différence entre une piqûre machine et un point sellier noué. Car il existe plusieurs variantes du point sellier, mais je ne vais pas rentrer dans les détails. Celui qu’on rencontre le plus est le point sellier noué.

Simagrée chez Camille Fournet. Voilà le genre de mises en scène totalement mensongères qui sont réalisées par les grandes marques du soi-disant “luxe”. On vous montre TOUT pour vous faire croire que les coutures sont effectuées à la main, on vous met même négligemment dans un coin une alêne aux pinces (l’outil entouré en rouge) qui sert à la réalisation d’une couture main. Sauf que TOUTES les coutures que vous voyez dans cette photo sont réalisées à la machine. Le seul point qui n’est pas réalisé à la machine est le point à cheval (entouré en bleu, si, si, cherchez bien). Autrement dit, vous avez deux points réalisés à la main sur toute la photo…. Vous parlez d’un “savoir-faire” transmis de génération en génération. (Source: camillefournet)
Simagrée chez Camille Fournet. Voilà le genre de mises en scène totalement mensongères qui sont réalisées par les grandes marques du soi-disant “luxe”. On vous montre TOUT pour vous faire croire que les coutures sont effectuées à la main, on vous met même négligemment dans un coin une alêne aux pinces (l’outil entouré en rouge) qui sert à la réalisation d’une couture main. Sauf que TOUTES les coutures que vous voyez dans cette photo sont réalisées à la machine. Le seul point qui n’est pas réalisé à la machine est le point à cheval (entouré en bleu, si, si, cherchez bien). Autrement dit, vous avez deux points réalisés à la main sur toute la photo…. Vous parlez d’un “savoir-faire” transmis de génération en génération. (Source: camillefournet)

En général la piqure machine est réalisée avec une aiguille ronde, ce qui produit une couture droite. Parfois, les machines à coudre sont équipées d’une aiguille losangique, ce qui produit une couture avec un angle, c’est surtout décoratif. Il existe tout de même une raison derrière ce choix, les anguilles rondes sont essentiellement utilisées quand on travaille avec du tissu (sur une doublure par exemple), elles évitent de couper la trame de celui-ci, ce que ferait une aiguille losangique.

Une couture machine droite réalisée avec une aiguille ronde (Source : sailrite)
Une couture machine droite réalisée avec une aiguille ronde (Source : sailrite)
Une couture machine avec angle réalisée avec une anguille losangique. Le fil suit toujours la forme du trou. Comparez avec l’image précédente pour bien voir la façon dont le fil se comporte et comme cela affecte l’angle de la couture (Source sailrite)
Une couture machine avec angle réalisée avec une anguille losangique. Le fil suit toujours la forme du trou. Comparez avec l’image précédente pour bien voir la façon dont le fil se comporte et comme cela affecte l’angle de la couture (Source sailrite)

Le point sellier est assez facile à reconnaître, la couture forme un angle, comme pour une couture machine à aiguille losangique, mais son orientation est différente. Bien évidement l’orientation change selon si l’on est sur la face ou sur l’arrière de la couture.

Comparaison entre une couture main point sellier à gauche et une piqure machine à droite. (Source : Sartorialisme)
Comparaison entre une couture main point sellier à gauche et une piqure machine à droite. (Source : Sartorialisme)

Enfin, à titre d’information j’avais déjà réalisé une illustration qui montre plus ou moins quelle proportion d’un sac Birkin est cousu main

En bleu, la piqure machine, en orange la couture main point sellier.  (Source : Sartorialisme)
En bleu, la piqure machine, en orange la couture main point sellier. (Source : Sartorialisme)

Uniformisation du produit, rapport qualité-prix et perfection industrielle

Nous allons prendre un peu de hauteur et considérer maintenant la qualité de fabrication (ou le manque de) sous un angle passablement philosophique. Ne vous inquiétez pas, ça ne fait pas mal. Avant toute chose il est important de comprendre qu’aucun produit de maroquinerie industrielle ne sera jamais exempt de défaut. Ce que beaucoup de clients ont tendance à prendre pour une “qualité de fabrication” exceptionnelle est en réalité un degré d’uniformisation et d’industrialisation très poussé. Tous les produits sont calibrés, toutes les coupes sont effectuées au laser ou à la presse hydraulique, les pièces déjà parées sont livrées numérotées dans des bacs aux assembleuses, qui mettent le sac en forme et le passent aux piqueuses, qui le donnent ensuite aux ouvrières qui sont chargées de faire les finitions. Sur le principe il n’y a pas de problème à cette division du travail. Ce qui pose un problème c’est que toute cette chaine repose plus ou moins sur le travail de machines. L’humain intervient peu, dans la majorité des cas il n’est là que pour manier la machine. Or la machine est là pour permettre d’augmenter la productivité et de faire baisser les coûts. Notez comme je n’ai pas dit, faire baisser les prix. Car c’est là tout le génie du luxe industriel, c’est de pouvoir fabriquer beaucoup, vite, et à bas coûts. Les économies réalisées par les industriels ne sont pas reportées sur les clientes. Et c’est là que nous arrivons au problème du serpent qui se mord la queue. Puisque les prix pratiqués par les marques de la mode sont astronomiques, les clientes ont des exigences qui sont astronomiques. Parfois elles vont jusqu’à prendre pour défauts des éléments qui n’en sont pas. Leurs attentes sont irréalistes car les prix pratiqués sont irréalistes. Le travail de l’homme est par définition variable, mais LVMH vend de la “perfection”. On est en droit de se demander s’il y a le moindre mérite à faire payer aussi cher des objets qui ne sont pas le résultat d’un savoir-faire humain. Car c’est là que le client est berné. Les artisans travaillent très dur pour obtenir un niveau d’uniformité élevé (c’est ce que l’on appelait à une époque pas si lointaine, le savoir-faire) là où la machine ne travaille pas du tout. Pire, beaucoup des défauts qui existent sur les sacs de designers sont souvent le résultat des (rares) étapes effectuées à la main par leur main d’œuvre… Le client voit d’ailleurs dans ces défauts la preuve que leurs sacs sont fabriqués à la main par une main d’œuvre compétente, c’est au contraire une preuve de son manque de compétence. Car beaucoup des défauts que vous voyez sur les sacs des grands groupes du luxe sont facilement évitables, et sont en général absent de la production artisanale. Je dis en général, car l’artisan travaillant à la main il n’est jamais à l’abri d’une erreur. Certains préfèrent jeter un projet pratiquement complet s’il a un défaut, d’autre le vendent, c’est bien souvent une question d’éthique mais ça peut aussi être une question alimentaire.

un défaut typiquement évitable en artisanat de haut vol, mais terriblement commun dans l’industrie du luxe : une rigole longue et profonde comme un tranchée de Verdun sur la peinture de tranche d’un sac Jacquemus. Et c’est le modèle qui a été choisi pour le packshot, mais pour être honnête c’est comme ça chez toutes les marques. (Source : Jacquemus).
un défaut typiquement évitable en artisanat de haut vol, mais terriblement commun dans l’industrie du luxe : une rigole longue et profonde comme un tranchée de Verdun sur la peinture de tranche d’un sac Jacquemus. Et c’est le modèle qui a été choisi pour le packshot, mais pour être honnête c’est comme ça chez toutes les marques. (Source : Jacquemus).

La main d’œuvre

Je ne vais pas mettre tous les ouvriers de maroquinerie dans le même panier. Comme partout, il y en a des bons, et puis il y en a des mauvais. Le problème c’est que la proportion de mauvais dépasse largement celle des bons, à cause de la forte croissance de la maroquinerie “de luxe” cursus LVMH. J’ai déjà parlé des pratiques de sous-traitance dans les groupes de luxe, j’ai déjà parlé des employés recrutés par Pôle emploi qui sont formés pendant 9 mois avant d’être lâchés sur les lignes de production. La demande en maroquinerie de luxe est telle que la main-d’œuvre ne suit pas. La réalité c’est que la majorité des ouvriers ont une vision parcellaire de leur métier, beaucoup se plaignent de sa répétitivité (dans les grosses usines, vous êtes attaché à un poste et n’effectuez qu’une seule et même étape toute la journée). Beaucoup d’ouvrières s’imaginaient trouver un monde glamour, beaucoup en reconversion pensaient trouver un métier manuel qui faisait sens. Au final beaucoup trouvent que le métier est tout autant dénué de sens qu’un bête job de bureau. La vaste majorité des gens qui travaillent dans ces usines ne sont pas des maroquiniers, ils font ce qu’on leur dit de faire et n’ont aucune latitude dans l’exécution de leur travail. Pourquoi est-ce que je vous dis tout ça ? Pour vous faire rentrer dans la tête que le maroquinier expert à gant blanc que LVMH met en avant dans sa communication n’existe pas. Avec le blog je suis assez régulièrement en contact avec des gens qui passent ou sont passés dans les usines des sous-traitants, et beaucoup disent la même chose : ils sont déçus. Forcément, il y a aussi des ouvriers qui, touchés par le syndrome de Stockholm sont contents de leur boulot de misère. Je me promène aussi régulièrement sur les forums, sites, réseaux sociaux dédiés à la maroquinerie et je vois toujours des ouvriers des grandes marques qui ne comprennent tout simplement pas ce qu’ils font. Littéralement. C’est à dire qu’ils font ce qu’on leur dit de faire, et c’est tout. Encore récemment, je suis tombé sur une ouvrière de chez Maison Goyard qui disait que la peinture de tranche Uniters n’était pas supposée être chauffée. Alors que la documentation technique du fabricant dit le contraire, que tous les artisans maroquiniers que je connais font le contraire. Je sais que pour vous en tant que profane ça ne vous dit pas grand-chose, mais pour vous donner un point de comparaison que vous pouvez comprendre, c’est comme si un vendeur de voiture vous disait qu’un cabriolet n’était pas fait pour être conduit cheveux aux vents. Heureusement qu’il existe toujours des gens qui dans ces usines sont curieux, consciencieux, appliqués, heureusement, heureusement que certains font de leur mieux, et que certains en sortent et décident de se lancer dans l’artisanat.

Une discussion comme on en voit souvent sur les réseaux sociaux qui évoquent la maroquinerie. L’intervenant masqué en rouge mentionne que la peinture Uniters se chauffe (ce qui est correct et confirmé par le fabricant). L’intervenant masqué en noir dit que ça n’est pas conseillé. C’est faux. Mais d’où vient le “savoir-faire” de cette personne… (Source : facebook)
Une discussion comme on en voit souvent sur les réseaux sociaux qui évoquent la maroquinerie. L’intervenant masqué en rouge mentionne que la peinture Uniters se chauffe (ce qui est correct et confirmé par le fabricant). L’intervenant masqué en noir dit que ça n’est pas conseillé. C’est faux. Mais d’où vient le “savoir-faire” de cette personne… (Source : facebook)
Oh…. De chez Maison Goyard. L’orthographe est d’origine, je précise. Au passage, si ces grandes marques interdisent à leurs employés de chauffer la peinture de tranche, c’est justement parce que c’est une étape qui demande un peu de savoir-faire.... (Source : facebook)
Oh…. De chez Maison Goyard. L’orthographe est d’origine, je précise. Au passage, si ces grandes marques interdisent à leurs employés de chauffer la peinture de tranche, c’est justement parce que c’est une étape qui demande un peu de savoir-faire.... (Source : facebook)
Puisqu’on en est à parler d’ouvriers (in)compétents, il n’y a pas de raison pour ne pas mettre un taquet à Hermès puisque la marque sacralise parfois un peu trop sa main d’œuvre. Un sac Constance, avec une couture probablement réalisée par un collégien en stage d’entreprise. Les ouvriers d’Hermès considèrent que le Constance est un sac difficile à réaliser car il utilise beaucoup le point sellier. Je sais que les coutures contrastantes sont chiantes à faire et font que les défauts sautent aux yeux, mais là, il y a un peu d’abus. (Source : purseblog)
Puisqu’on en est à parler d’ouvriers (in)compétents, il n’y a pas de raison pour ne pas mettre un taquet à Hermès puisque la marque sacralise parfois un peu trop sa main d’œuvre. Un sac Constance, avec une couture probablement réalisée par un collégien en stage d’entreprise. Les ouvriers d’Hermès considèrent que le Constance est un sac difficile à réaliser car il utilise beaucoup le point sellier. Je sais que les coutures contrastantes sont chiantes à faire et font que les défauts sautent aux yeux, mais là, il y a un peu d’abus. (Source : purseblog)

La qualité des cuirs

Il y a deux façons de traiter de la qualité des cuirs, soit succinctement, soit en profondeur. Contrairement à nos habitudes je vais cette fois n’aborder cet aspect que succinctement. Il y a plusieurs raisons derrière ce choix. Tout d’abord le domaine est vaste et complexe, et il existe déjà beaucoup d’informations à ce sujet sur le blog. Par ailleurs la clientèle des sacs à main n’est en général pas tant préoccupée par la qualité du cuir que par son aspect visuel immaculé. Il y a une nuance majeure et j’espère que vous la saisissez, nous allons y revenir dans un instant.
Depuis que les grands groupes du luxe industriel se sont mis à racheter des tanneries à grand coups de cuillères à pot il existe plus ou moins deux cas de figure. Soit vous achetez un sac chez une marque dont le groupe possède des tanneries (LVMH, Chanel, Hermès...) soit vous achetez un sac chez une marque qui se fournit chez des fournisseurs tiers (tanneries indépendantes, ou revendeurs, qui peuvent dans certains cas appartenir à des grands groupes, tel HCP d’Hermès).
Au final, tout ça n’a que peu d’importance car la vaste majorité des cuirs qui sont utilisés pour la maroquinerie sont “maquillés”. Concrètement ils sont traités avec une couche de peinture, littéralement. Les marques n’aiment pas beaucoup parler de peinture sur leurs cuirs (même si ça en est, au sens littéral du terme) alors elles préfèrent parler de “finition”. Mais c’est un euphémisme destiné à ne pas effaroucher la clientèle. Il y a toujours eu des finitions sur le cuir, mais il faut distinguer entre une finition dite aniline (transparente) et une finition pigmentée (opaque). Il existe une finition intermédiaire que l’on appelle semi-aniline, et qui comme son nom l’indique se situe entre les deux précédentes. Les finitions pigmentées ne sont pas une nouveauté, mais elles gagnent en popularité ces dernières années car elles permettent plusieurs choses. La première, et c’est bien souvent l’objectif recherché par les marques, est de masquer les imperfections. Devant l’explosion des prix des sacs à main de luxe, la clientèle a des attentes irréalistes. Et exige donc des cuirs immaculés. Sauf qu’il existe une quantité finie de cuirs naturellement immaculés, et la demande dépasse l’offre. Dès lors, la solution est de peindre les cuirs pour leur donner un aspect immaculé, au détriment de leur aspect naturel. Autre avantage des finitions pigmentées, le cuir devient imperméable. Pour les marques les avantages sont évidents. Le premier est d’éviter aux clients d’avoir à entretenir le cuir et de réaliser des sacs qui résistent mieux au quotidien (griffures, tâches...). Le second est de pouvoir utiliser des cuirs de qualité visuelle variable et de masquer les potentielles imperfections. Mais il y a plusieurs contreparties à cela. La première est de donner au cuir un aspect uniforme. Plus la couche de peinture est épaisse, moins le cuir a l’air naturel. Cela veut aussi dire que le cuir ne se patine pratiquement pas avec le temps. Au contraire d’un cuir avec une finition aniline (ou semi aniline) qui ne se comporte pas de la même façon.

Comparaison entre les pores d’un cuir en finition aniline, finition semi-aniline et pigmenté. La pigmentation bouche les pores, rendant le cuir imperméable. (Source : colorlock)
Comparaison entre les pores d’un cuir en finition aniline, finition semi-aniline et pigmenté. La pigmentation bouche les pores, rendant le cuir imperméable. (Source : colorlock)

Malgré tout ce que je viens de dire, je ne vois pas de problème avec les cuirs légèrement pigmentés comme il peut en exister chez certaines tanneries, même si ma préférence va vers les couleurs naturelles obtenues par une teinte dans la masse. En réalité le problème n’est pas sur l’utilisation des pigments, tant que celle-ci est raisonnée tout va bien. Le problème c’est celui des cuirs pigmentés qui ont un aspect totalement artificiel (les roses pétants, les noirs profonds, les bleus vifs, les blancs…) et qui donnent une image totalement faussée de ce qu’est le cuir. Si l’on devait faire un parallèle, le cuir pigmenté des marques de luxe, c’est un peu comme les mannequins ultra-photoshopées en couverture des magazines, ça n’existe pas vraiment dans la réalité. Et cela fait naitre des attentes totalement irréalistes dans l’esprit de la clientèle.
Pire, cela conduit la clientèle à voir des défauts là où il n’y en a pas. J’ai découvert par hasard que sur les blogs, et forums féminins qui ont pour sujet les sacs de luxe le cuir Togo de chez Hermès avait la réputation d’être un cuir “veiné”. Ce qualificatif a normalement un sens, car si des veines étaient visibles sur le Togo cela serait considéré comme un défaut et les parties impactées seraient délaissées, or ça n’est pas le cas et les sacs réalisés par Hermès en Togo présentent assez souvent des plis assez marqués.

La saga des “veines” sur le cuir dit Togo d’Hermès sur les forums “spécialisés” dans le sac à main de luxe. (Source forumpurseblog)
La saga des “veines” sur le cuir dit Togo d’Hermès sur les forums “spécialisés” dans le sac à main de luxe. (Source forumpurseblog)
Selon cette “experte” Hermès, les “veines” du Togo seraient un signe d’une vache avec une plus grande vascularisation… (Source forumpurseblog)
Selon cette “experte” Hermès, les “veines” du Togo seraient un signe d’une vache avec une plus grande vascularisation… (Source forumpurseblog)
Le pire c’est que ce truc est validé par des publications qui font “autorité” parmi le public visé. (source:purseblog)
Le pire c’est que ce truc est validé par des publications qui font “autorité” parmi le public visé. (source:purseblog)
Ça n’est pas limité à Purse blog, si vous vous posiez la question, c’est un phénomène chez tous les anglophones. (Source: lemon8)
Ça n’est pas limité à Purse blog, si vous vous posiez la question, c’est un phénomène chez tous les anglophones. (Source: lemon8)

Ce sont justement ces plis que beaucoup de personnes mal informées qualifient de “veines” sur le Togo. Comme vous pouvez le voir sur les sacs Hermès ci-dessous la marque n’essaye pas du tout de les cacher, bien au contraire. Car il se trouve que c’est bien une caractéristique propre à ce cuiret non des veines.

Un Birkin de chez Hermès qui présente les plis et creux caractéristique du Togo. (source: instagram)
Un Birkin de chez Hermès qui présente les plis et creux caractéristique du Togo. (source: instagram)
Le phénomène est présent sur toutes les couleurs. (Source: instagram)
Le phénomène est présent sur toutes les couleurs. (Source: instagram)

Pour votre culture personnelle voilà à quoi ressemblent véritablement des veines sur le cuir, l’aspect est très différent des plis du Togo.

Notez la différence dans la direction prise par les veines par rapport aux plis du Togo, les veines sont beaucoup moins rectilignes.  (Source: leathershoppes)
Notez la différence dans la direction prise par les veines par rapport aux plis du Togo, les veines sont beaucoup moins rectilignes. (Source: leathershoppes)

En réalité il existe deux façons d’obtenir un cuir grainé comme le Togo, soit par utilisation d’une presse avec une plaque qui vient imprimer un motif sur le cuir (ce qui est le cas sur le Clémence). Soit par un processus de tannage qui vient rétracter la peau. C’est ce qui se passe dans le cadre du Togo qui est un cuir dit crispé, ce qui veut dire qu’il est tanné par des procédés spéciaux qui rétractent la fleur donnant à cette dernière un relief inégal de plis et de creux. Ce sont ces plis qui sont à l’origine de cette légende urbaine des “veines”. Si jamais vous voulez briller en société et impressionner votre SA Hermès, vous pouvez lui dire que lors du processus de tannage les peaux destinées au Togo perdent environ de 20 à 30 % de leur surface à cause du rétrécissement qu’elles subissent.
Puisque nous en sommes à parler du cuir, nous allons maintenant aborder la nouvelle tendance des cuirs “écologiques” mais nous allons le faire dans une nouvelle section.

L’hypocrisie écologique

Les marques de luxe sont en train de faire leur petit greenwashing car elles sentent que c’est une mode qui a le vent en poupe. Les industriels suivent toujours les grandes tendances de l’histoire, peu importe leur bien fondé, du moment qu’elles font fureur auprès des masses. L’objectif n’est donc pas de discuter de l’importance supposée d’une “économie plus verte” mais de pointer quelques contradictions et hypocrisies dans le milieu.

J’ai entendu parler du cuir “upcyclé” c’est quoi ?

C’est l’explication vaseuse des marques d’entrée de gamme (sub 600€) ou des private labels pour expliquer pourquoi ils ont bien souvent du cuir qui sort des poubelles de tanneries (no name ou réputées). Littéralement, ne vous laissez pas berner par cette expression, c’est à 2000 % du marketing pour gogol, la pratique ne date pas d’hier et ne procède pas d’une recherche écologique, mais d’une incapacité financière à commander les volumes minimums exigés par les grandes tanneries. Si vous avez assez d’argent, rien ne vous empêche de travailler directement avec les tanneries d’Hermès et des autres. Mais les prix sont élevés, car ces tanneries ne fabriquent pas des petites quantités. Du coup ces marques passent par des revendeurs tiers qui se fournissent (parfois littéralement) dans les poubelles des tanneries ou des usines de fabrication, ou qui rachètent les stocks d’invendus ou de surplus. Il arrive aussi simplement que ces revendeurs passent directement auprès des tanneries pour ensuite vendre au détail.
Cette tendance n’est pas encore parvenue chez les grandes marques de luxe, pour la simple raison que ce sont elles qui possèdent les tanneries. Elles n’ont pas investi des millions dans des tanneries parfois peu rentables pour utiliser les fonds de poubelles. La clientèle asiatique qui n’en a littéralement rien à branler de l’angoisse climatique du petit bobo blanc et urbain ne comprendrait pas. Les groupes qui possèdent des tanneries (Hermès/LVMH/Chanel) ont donc un contrôle total sur la production de leur matière première et se réserve logiquement le meilleur. Le reste est destiné au marché public et est acheté par des détaillants qui se chargent de la revente à des particuliers ou à des petits artisans. Les petits artisans font de l’upcyclage depuis des années sans vous le dire parce qu’il n’y a objectivement rien de glorieux à faire les poubelles. Comme quoi, ils sont encore à la pointe de l’écologie, c’est dommage que personne n’achète leur production parce qu’elle est “trop chère” et qu’à la place la clientèle préfère les industriels en private label d’entrée de gamme ou les marques de luxe à gros logos.

Des chutes de box qui proviennent des poubelles d’Hermès. Vous pouvez voir les trous laissés par les emporte-pièces des ouvriers à l’usine. Beaucoup de petits artisans se fournissent de cette façon sans le dire. Certaines start-ups industrielles aussi, mais elles s’en vantent. (Source: Sartorialisme)
Des chutes de box qui proviennent des poubelles d’Hermès. Vous pouvez voir les trous laissés par les emporte-pièces des ouvriers à l’usine. Beaucoup de petits artisans se fournissent de cette façon sans le dire. Certaines start-ups industrielles aussi, mais elles s’en vantent. (Source: Sartorialisme)
L’étiquette identifiant ce lot de box comme provenant d’Hermès. (Source: Sartorialisme)
L’étiquette identifiant ce lot de box comme provenant d’Hermès. (Source: Sartorialisme)

Il est important de comprendre autre chose vis à vis de “l’upcyclage”. Cette expression ne veut rien dire, elle n’a pas de définition légale, il n’existe pas de cadre. Vous pouvez lui faire dire ce que vous voulez, dans le meilleur des cas il s’agit simplement de stocks inutilisés. Dans le pire il peut s’agit de faire passer des produits inférieurs (comme du salpa) pour du cuir. Mais là encore, la problématique ne concerne pas vraiment les marques de luxe.

Le "cuir" de poisson, d’ananas, de bambou, de plastique, de soleil vert on en fait quoi ?

Une marque de pseudo luxe dans des cuirs de poisson “upcyclés”. La cour des miracles (Source : instagram)
Une marque de pseudo luxe dans des cuirs de poisson “upcyclés”. La cour des miracles (Source : instagram)

On le jette à la poubelle, c’est la seule place qui soit convenable pour ces ersatz dignes des heures les plus sombres de notre histoire. Ça n’est pas du cuir, ça n’en a pas les caractéristiques, et c’est parfois fabriqué avec des dérivés du pétrole. Si vos achats de cuir vous font paniquer à ce point là pour vos “émissions carbones”, je recommande le suicide, mais insistez bien par testament sur l’inhumation. La crémation rejette du CO2.

La véritable raison derrière l’abandon des cuirs exotiques par Chanel

En 2018 Chanel a annoncé renoncer à l’utilisation des cuirs exotiques (alligator, crocodile, serpent, lézard…). Au détour de plusieurs communiqués, la marque justifie son choix en utilisant tout un tas de mots à la mode (développement durable, environnement, bien-être animal blabla). Vous êtes excessivement naïfs si vous pensez que ce sont là les véritables raisons derrière cet abandon. En réalité, Chanel, et Kering dans une moindre mesure, se sont fait couper l’herbe sous le pied par Hermès et LVMH qui ont massivement investi dans les fermes de reptiles et les tanneries spécialisées dans les cuirs exotiques. N’ayant pas été capable d’anticiper, Chanel s’est retrouvé devant le fait accompli, les meilleurs acteurs du marché avaient déjà été achetés. Dans l’impossibilité de trouver des peaux d’une qualité suffisante de façon fiable, le groupe a préféré se feindre d’une courbette et prétendre qu’il s’agissait d’une décision basée sur des considérations éthiques. Il n’est pas impossible que d’autres marques leur emboitent le pas et surfent sur cette vague, Kering (qui s’est surtout concentré sur les serpents) commence déjà à vendre de l’imitation de cuir d’alligator ou de crocodile (du cuir de vache avec un motif imprimé) à des prix délirants alors que ces copies sont des cuirs très bon marché. Je ne serai même pas étonné s’ils disaient faire cela pour des considérations “éthiques” alors que la motivation financière est évidente.

Logistique de fabrication et service client

D’une façon générale il est amusant de voir les marques de luxe essayer de surfer sur l’expansion de la religion écologiste quand on sait que littéralement toute leur structure, toute l’essence même de leur fonctionnement est l’antithèse de l’écologie. Souvenez-vous des sacs Speedy que nous avons évoqués plus haut, et de la façon dont ils seraient envoyés à l’autre bout du monde pour la réalisation d’une seule et unique étape de fabrication. Il serait amusant de voir de quelle façon LVMH et leur sous-traitant pourrait justifier cela. Il en va de même avec les problèmes de fabrication qui génèrent des retours, qu’il faut ensuite traiter. En fonction du problème les sacs sont réparés et remis au client, ou remplacés par du neuf et détruits. Détruits car ces marques n’ont pas d’outlet, ou ne font pas de soldes, ça affaibli l’image de marque. Alors qu’il serait probablement plus “écologique” de mettre en place des techniques de fabrication plus solides, et de renforcer le contrôle qualité. Mais, ça, les marques ne le veulent pas. Ce qu’il reste aux marques de luxe c’est justement leur service client souvent exceptionnel, la substance - elle - n’existe plus, elle a été sacrifiée pour faire du profit. Alors on vous sert souvent de la merde, mais avec des gants blancs, on accepte les échanges, les retours, peu importe la nature du défaut, peu importe s’il y a même un défaut. Imaginez un restaurant de grand standing, où l’on sert avec gants blancs des plat tout préparés achetés chez Metro pour ensuite vanter “la gastronomie locale” ou “le terroir”. C’est ça aujourd’hui la maroquinerie des groupes de luxe. Si vous croyez à leurs discours sur le développement durable vous êtes bien naïfs. Et si vous êtes un minimum logique dans votre conversion à l’écologisme, cesser d’acheter chez les industriels.

Les différents types de montage d’un sac à main

Maintenant que nous avons évoqué ces bases, nous allons commencer à parler des différents types de montage. Sachez qu’il existe plusieurs façons de “monter” un sac, ou de l’assembler si vous préférez. Ça n’est pas véritablement une question fondamentale pour le client, et je ne vais donc pas l’évoquer en profondeur, toutefois sachez que cela va avoir un impact sur “la tenue” du sac, comprendre par-là, sa capacité à maintenir sa forme sans s’affaisser, sa rigidité si je devais utiliser un mot simpliste. On voit trop souvent des clients acheter des sacs souples et se plaindre d’un manque de tenue, ou vis versa.

Nous allons donc essayer de donner quelques explications. Il existe trois grandes familles de montages qui se distinguent de la façon suivante : il y a le montage de sellerie, qui se caractérise par un bord d’objet “franc ou net”, le montage de maroquinerie qui regroupe les travaux dont le bord de la pièce est "rembordée", et le montage piqué retourné, qui est aussi un travail de maroquinerie. Aujourd’hui avec la démocratisation du sac souple et surtout l’industrialisation du milieu cette distinction est à prendre avec un grain de sel car la frontière entre sellerie et maroquinerie est devenue plus “poreuse” qu’elle ne pouvait l’être historiquement. Les techniques de sellerie et de maroquinerie pouvant très bien être utilisées ensembles sur un même objet. Nous allons y revenir sur la question du point sellier. Toujours est-il que ces trois grandes familles comportent plusieurs types de montages. Il existe par exemple le montage Allemand, le montage Cavour, le montage Gousset, le montage Mexicain le montage rembordé contrecollé (parfois simplement appelé contrecollé), le piqué retourné simple, le piqué retourné avec jonc… pour ne citer que les plus courants.

Dans l’industriel grossier voire même très grossier (de luxe ou non) on trouve assez régulièrement des montages contrecollés (comme c’est le cas dans l’illustration suivante) qui sont utilisés notamment en raison de leur grande simplicité, c’est un montage qu’on retrouve sur des sacs Fourrès à 200€, autrement dit, du montage “sac poubelle”, ça fait le taf, mais c’est tout.

Sac de la marque Darovia en montage contrecollé, le prix est délirant pour un sac aussi simple à réaliser (au delà de 1000€). On se penchera sur le cas dans un futur article histoire de se marrer un peu. (Source: Darovia)
Sac de la marque Darovia en montage contrecollé, le prix est délirant pour un sac aussi simple à réaliser (au delà de 1000€). On se penchera sur le cas dans un futur article histoire de se marrer un peu. (Source: Darovia)

L’autre montage qui a la faveur des industriels est le piqué retourné. Le sac est piqué sur l’envers (à l’intérieur donc), et est ensuite retourné à l’endroit. Cette technique de montage permet de masquer les coutures “structurantes”, mais elle requiert un cuir souple ce qui va forcément avoir une influence sur la tenue du sac qui sera moindre. C’est pour cette raison que l’on appelle parfois les sacs en piqués retournés des sacs “souples” (à l’époque où ces sacs sont devenus à la mode, les professionnels parlaient de sac chiffon, ou sac serpillière) et je sais que ce que je vais dire est une évidence, mais leur principale caractéristique est donc… leur souplesse. Dès lors j’ai été étonné d’apprendre que certaines clientes achetaient sur Amazon des plaques en acrylique fabriquées en Chine dans des dimensions correspondant spécifiquement à certains modèles (le Speedy notamment, qui est en piqué retourné avec jonc) pour les placer au fond du sac et le rigidifier. Comportement étrange qui conduit à ne pas vouloir qu’un sac souple soit... souple. C’est comme acheter un SUV et se plaindre qu’il soit trop gros pour la ville, ou choisir un mec violent qui vous met des tartes dans la gueule en espérant qu’il devienne doux. C’est une erreur de casting. Je ne vais pas prétendre que ce genre d’évènement est rare dans la société, bien au contraire c’est même trop fréquent. Toutefois je ne saurais que recommander chaudement d’acheter un sac pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il représente. C’est malheureusement trop souvent l’inverse et il est fatiguant de voir des gens acheter un Speedy parce que c’est un Speedy, pour ensuite se plaindre qu’il ne correspond pas à ce qu’ils voulaient.

Pour pallier à cette déficience du comportement humain certaines marques font le choix de proposer leurs sacs dans des montages différents. C’est le cas par exemple du célèbre Kelly d’Hermès. Dans sa version originelle des années 30 il s’agit d’abord d’un sac piqué retourné avec jonc. Plus tard la marque lance sa version sellier et dans cette configuration, il s’agit d’un sac à montage gousset. Si tout cela vous semble compliqué, les photos qui vont suivre vont éclaircir beaucoup de choses.

À gauche vous avez un sac Kelly en piqué retourné avec jonc, à droite un Kelly sellier, qui est en réalité un sac avec gousset. Le gousset est la partie centrale du sac qui détermine de son épaisseur et de sa profondeur. Observez bien la différence de tenue entre les deux sacs. Différence qui peut s’accentuer avec le temps en fonction de l’utilisation qui est faite et du soin qui est portée au sac. (Source: sartorialisme)
À gauche vous avez un sac Kelly en piqué retourné avec jonc, à droite un Kelly sellier, qui est en réalité un sac avec gousset. Le gousset est la partie centrale du sac qui détermine de son épaisseur et de sa profondeur. Observez bien la différence de tenue entre les deux sacs. Différence qui peut s’accentuer avec le temps en fonction de l’utilisation qui est faite et du soin qui est portée au sac. (Source: sartorialisme)
Une sélection d’éléments structurants plus ou moins efficace. (Source: amazon)
Une sélection d’éléments structurants plus ou moins efficace. (Source: amazon)

Si vous tenez absolument à rigidifier un sac souple, je recommande l’astuce de grand-mère qui consiste à remplacer la plaque Acrylique Chinoise d’Amazon par une brique. Il n’y a que du positif, non seulement vous allez rigidifier votre sac, mais vous allez en plus vous faire les bras sans avoir besoin de payer un abonnement au tarif prohibitif dans une salle de gym naze. Cerise sur le gâteau, votre sac deviendra une arme par destination qui pourra faire voler en éclat les dents de n’importe quel Jean-François ou Mathéo qui demande votre numéro dans la rue avec des sifflets. Starfoullah.

Un sac souple s’affaissera avec le temps, je comprends qu’on veuille limiter le processus, mais sachez qu’il existe des sacs rigides pour une raison… (Source : purseblog)
Un sac souple s’affaissera avec le temps, je comprends qu’on veuille limiter le processus, mais sachez qu’il existe des sacs rigides pour une raison… (Source : purseblog)

Comment entretenir et stocker son sac

Pour l’entretien, très franchement je n’ai pas envie de donner des conseils. Il est beaucoup trop facile de faire des erreurs et je ne tiens pas à être responsable d’un suicide par barbiturique ou par “accident de personne” dans le métro à cause d’une erreur de manipulation d’un produit sur votre sac favori. Les marques réputées proposent des services d’entretien utilisez-les, je pense notamment au “spa Hermès”. Le service client impeccable c’est ce que vous payez chez certaines de ces marques (presque plus que le produit), ayez au moins la cohérence de les utiliser même s’ils coûtent un peu d’argent et que votre sac sera indisponible pendant un certain temps.

Pour le stockage, loin de la lumière, dans un endroit sec mais loin du chauffage, dans la boite d’origine, à plat mais pas à vide. Si possible en hauteur pour éviter les dégâts causés par les enfants, les chiens, les chats, les maris jaloux… Il est préférable d’enlever les bandoulières. Vous pouvez laisser des poches d’airs en plastique telle qu’on les trouve dans les colis postaux pour éviter que le sac ne s’affaisse s’il est stocké pour une longue période. C’est particulièrement vrai pour les sacs en toile Vuitton. La toile enduite Vuitton est en PVC et il arrive très régulièrement qu’elle craque là où elle fait des plis. Si vous habitez Paris et n'avez pas la place, c'est votre choix d'habiter dans un trou à rats.

Le design et l’image

Une partie conséquence du prix des sacs de luxe tient à deux choses, le design et l’image. Je ne vais pas trop évoquer l’image, je vais plutôt le faire dans la partie guide des marques. En ce qui concerne le design il est évident que les grandes marques sont excessivement fortes. Elles ont des gens talentueux qui sont payés très chers, qui se droguent beaucoup et dont les déviances et perversions font passer celle de Casanova pour des enfantillages. Ce sont clairement des gens qui sont plus proches de Dutroux que du ciel et lorsqu’ils touchent la Grâce du doigt elle porte plainte pour attouchement. Toujours est-il qu’il y a des créations qui font mouche auprès du public et c’est pour ça que qu’ils sont adulés par les actionnaires. Il ne faut pas se voiler la face, il y a aussi des créations qui sont des échecs complets et qui ne rencontrent pas leur public. Hermès souffre un peu de cette tendance mais ils ne sont pas les seuls. Ils ont 3 designs qui sont très forts, le Kelly est un design qui date des années 30 et qui était à l’origine appelé “sac de voyage à courroies pour dame” il a existé 30 ans avant Grace Kelly cela fait plus de 30 ans qu’il existe après son décès tragique. Il ne fait aucun doute qu’il continuera à se vendre bien après le souvenir de la Princesse, si jamais l’on pouvait oublier un jour une existence aussi gracieuse. Ils ont aussi le Birkin, et puis dans une moindre mesure le Constance. La marque lance assez souvent des nouvelles déclinaisons de ces poids lourds, mais en face elle ne propose pas toujours des choses convaincantes. Il y a par exemple le modèle “verrou” qui s’est avéré être décevant, mais ça n’est pas le seul qui n’a pas rencontré le succès escompté. Hermès a tellement des designs iconiques qu’il est parfois difficile pour la concurrence de ne pas les imiter. C’est d’ailleurs le problème que l’on trouve sur une grande partie de la production artisanale, cette dernière est d’une qualité et d’une exclusivité incomparable à ce que l’on peut trouver chez les grandes marques, mais elle manque parfois de personnalité. C’est bien souvent une production de techniciens, de gens qui maitrisent parfaitement leur artisanat, mais qui ignorent tout des drogues dures et de la créativité débridée des designers. Les deux pourraient bénéficier d’une coopération mutuelle, mais ce sont deux mondes diamétralement opposés qui ne se côtoient que de temps en temps et dans des circonstances très particulières. De fait, bien que la production artisanale soit à mon sens la plus gratifiante, et la plus exclusive, elle manque malheureusement parfois de personnalité. Personnalité qui est LA caractéristique primordial pour la clientèle car elle en est souvent dépourvue et elle cherche par l’achat d’un sac de designer à affirmer quelque chose. Quand elle ne cherche pas souvent à combler une certaine vacuité. Nous le faisons tous plus ou moins, il n’y a rien d’étrange ou de mal dans cela mais il faut admettre que s’il y a bien une chose à mettre au crédit des sacs de designers c’est justement leur design… qui l’eu crut.

La grande force des marques et des designers est de pouvoir imaginer des designs qui vont s'imposer. La petite malle de Louis Vuitton est un exemple concret de ce phénomène puisqu'il s'agit d'un best-seller depuis des années. (Source: Sartorialisme)
La grande force des marques et des designers est de pouvoir imaginer des designs qui vont s'imposer. La petite malle de Louis Vuitton est un exemple concret de ce phénomène puisqu'il s'agit d'un best-seller depuis des années. (Source: Sartorialisme)
Autre exemple de réussite des designers, lancer des modes. Gucci comme d'autres sont en pleine vague "rétro" avec des designs qui s'inspirent du passé. Exemple le Diana qui avait été lancé en 91 et a été "relancé" en 2021 après un redesign. (Source: Gucci)
Autre exemple de réussite des designers, lancer des modes. Gucci comme d'autres sont en pleine vague "rétro" avec des designs qui s'inspirent du passé. Exemple le Diana qui avait été lancé en 91 et a été "relancé" en 2021 après un redesign. (Source: Gucci)

La limitation artificielle de la rareté

Le marché du sac à main de luxe s’est beaucoup développé ces 20 dernières années, rien qu’entre 2012 et 2021, la valeur de la production française de sacs à main a progressé de 91,2% tandis que la valeur des exportations augmentait de 152% sur la même période. La demande a toujours été forte aux États-Unis, mais de nouveaux marchés se sont ouverts notamment en Russie, Chine et au Moyen Orient. Devant cette forte augmentation de la demande les marque se sont ajustées et ont procédé à l’ouverture de nouvelles usines et ont de plus en plus recours à la sous-traitance. Malgré cette augmentation pratiquement constante des capacités de productions, plusieurs marques disent toujours avoir du mal à satisfaire la demande. Il existe là un léger paradoxe, les marques utilisent des techniques de productions industrielles (qui sont par définitions rapides), recrutent littéralement les premiers venus, et ont un recours massif à la sous-traitance, et malgré tout cela elles n’arriveraient toujours pas à satisfaire la demande. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que le marché de la revente est si vivace ? Est-ce que la demande est si forte qu’elle ne saurait avoir de limites ? Est-ce que les industriels sont des incapables ? Ou est-ce qu’ils ont au contraire tout intérêt à faire en sorte que la demande ne soit jamais satisfaite ? Pour éviter de diluer leur “prestige” et donc perdre en image de marque certains industriels limitent volontairement la disponibilité de leurs produits sur le marché, tout en produisant autant que possible. Même une marque comme Louis Vuitton, portant très largement disponible, et dont l’image est quand même déjà en partie diluée tente de limiter sa présence. La marque a fait pas mal de ménage dans ses réseaux de distributions, les produits Louis Vuitton sont vendus exclusivement dans les magasins de la marque et sur son site internet officiel. La société n'accorde pas de licence à d'autres pour la revente de ses produits. Paradoxalement la marque est l’une des plus agressive à l'égard des intermédiaires, des licences et des franchises, alors que vous pouvez trouver leurs sacs sur n’importe quelle escort Parisienne, marcheuses comprises. En plus de cette politique d’exclusivité sur leur réseau de distribution, Louis Vuitton limite également la quantité d’objets qu’un client peut acheter. Pas plus de 3 articles de maroquinerie (y compris la petite maroquinerie) par transaction, avec pas plus de 2 produits identiques par transaction. En outre, les clients ne peuvent, au cours de 4 semaines consécutives, acheter plus de 6 articles de maroquinerie (y compris la petite maroquinerie), ou acheter dans plus de 3 magasins LV différents dans le réseau mondial, ou effectuer plus de 8 transactions pour tous les types de produits. Restrictif…. mais pas trop. Louis Vuitton n’est bien évidemment pas la seule marque à avoir des canaux de distribution exclusifs limités et des quotas. De nombreuses autres ont suivies la tendance, mais certaines vont également plus loin. Chanel par exemple a décidé de limiter la vente de ses modèles “Classique” et “Coco Handle” à deux (voire un selon les marchés) par client par an. Ces politiques ne sont pas nouvelles, cela fait plus de 15 ans qu’elles sont en place. Les magasins Américains Saks Fifth Avenue, Neiman Marcus et Bergdorf Goodman limitaient déjà l’achat de certains sacs de designers à 3 par mois au début des années 2000. Il est simplement intéressant de voir qu’à l’heure ou le sac à main est devenu un investissement la politique des quotas a tendance à se généraliser.

Bien évidemment, au sommet de cette pyramide de l’exclusivité artificiellement organisée, il y a Hermès. La marque est championne dans ce domaine puisque l’expérience boutique pour l’achat de la maroquinerie, en particulier des sacs, s’apparente à un mélange entre un jeu de piste, une loterie et une partie de poker menteur. Une version condensée des 12 travaux.
Hermès commence par vous demander de prendre un rendez-vous, ouverture de la loterie à 10h30, il y a quelques centaines de places au maximum pour plusieurs milliers de candidats. Vous trouvez une place et recevez confirmation de votre rendez-vous. Mais leur conception du rendez-vous est étrange car l’heure change. Ça c’est la partie jeu de piste qui commence. Vous avez rendez-vous à 14h. Et puis vous recevez un message vous indiquant que votre rendez-vous est déplacé à 13h30… il est 12h45 et vous êtes à l’autre bout de Paris en pantoufle en train de glander tranquillement. Vous sautez dans le premier Uber venu, vous lui demandez de se grouiller autant que possible… vous avez à peine le temps d’attacher votre ceinture que vous recevez un nouveau message, votre rendez-vous est avancé à 13h… cette fois vous savez que c’est mort. Vous vous dites que foutu pour foutu vous y allez quand même. À peine arrivé devant la porte du magasin votre téléphone sonne à nouveau, votre rendez-vous est de nouveau décalé à 14h30… Cette fois vous entrez bien décidé à en découdre… On vous demande votre laisser-passer A38… pardon, l’heure de votre rendez-vous. Vous vous expliquez, ils disent qu’ils vont vous accommoder et on vous amène au fond du magasin. Vous vous détendez, erreur de débutant, ils vous mettent en confiance afin de faire baisser votre garde pour la séance de poker menteur qui se prépare. Hermès sait que si vous êtes une femme, relativement jeune, et aisée, vous voulez un Birkin ou un Kelly. Ils ont une position facile, ils connaissent vos désirs et ont préparés leur ligne de défense en conséquence. Ils demandent tout de même ce que vous voulez. Vous répondez un Kelly 28 bleu foncé, mais vous dites que vous n’avez rien contre le rouge ou le bordeaux. Le vendeur prend l’air grave, jette un coup d’œil à sa tablette (où il a accès à l’inventaire) et disparaît dans la réserve. Il revient 20 minutes plus tard, l’air triomphant. “J’ai quelque chose qui devrait vous plaire !”. Et il déballe un Constance rose vif, le sourire aux lèvres. Vous êtes perplexe, et demandez des explications. “On n’a pas de Kelly en stock, il est très demandé en ce moment”. Ça c’est en général le cul de sac, il n’y a pas d’issue. Il y a des dizaines de variation autour de scénario. Parfois ils vont dire qu’ils ont des Kelly ou des Birkin, mais pas dans la taille que vous désirez, parfois ils vont dire qu’ils n’ont pas votre couleur, ou le cuir de vos souhaits. Mais est-ce la vérité ? Le plus souvent, non. Toutes les boutiques ont des Kelly et des Birkin en stock, bien souvent ils ont mêmes des modèles exotiques, pourtant si “inaccessibles”.

Vous êtes-vous déjà demandé ce que font les vendeurs Hermès dans la réserve pendant que vous poireautez ? Voilà la réponse :

37 jacquemus

Bon en réalité, si vous vous demandez vraiment à quoi ça ressemble une réserve Hermès, c’est une salle plus ou moins grande avec plein de boites. Un peu comme toutes les réserves. Les images sont relativement rares, mais elles existent comme celles de dessous.

Le stock d'une boutique Hermès, il y a de tout. (Source: purseblog)
Le stock d'une boutique Hermès, il y a de tout. (Source: purseblog)

Vous pouvez voir qu’il y a du Kelly 35 en crocodile, du Birkin 30 en crocodile et beaucoup d’autres choses. Les boutiques Hermès servent de goulot d’étranglement, en réalité il n’y a pas tellement de difficulté d’approvisionnement de leur côté. Ils veulent tout simplement préserver une image d’exclusivité, même s’ils ont pratiquement de tout dans leurs réserves. Il y a eu des gangs qui se sont montés, de “faux acheteurs” qui recrutaient des comédiens. Pour ensuite alimenter un marché de revente parallèle. Ils se sont fait choper. Je suis d’ailleurs étonné qu’aucun vendeur Hermès n’ait pensé à monter un trafic de sac en échange de services sexuels ou quelque autre truc un peu sordide. Peut-être qu’ils n’ont pas l’initiative de la vente et que c’est réservé au responsable boutique, mais même là je ne serais pas étonné qu’il y a des combines. Bref, vous avez compris, quand Hermès vous dit qu’ils n’ont pas votre sac en stock, c’est très probablement un bobard aussi gros que leurs bénéfices.

D’autres images des réserves Hermès (Source : Instagram)
D’autres images des réserves Hermès (Source : Instagram)

Est-ce que les sacs à main peuvent être de bons placements financiers ?

Oui et non. En réalité, la question est plutôt de se demander si c’est une bonne idée de considérer les sacs à main comme des investissements financiers. Pas vraiment. Mais il faut nuancer un peu. Ça ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de faire beaucoup d’argent. Mais que c’est très risqué, c’est un marché hautement spéculatif et versatile. La valeur d’un sac est surtout dictée par la mode, or la mode est un élément volatile et imprévisible. Aujourd’hui le Kelly mini est un sac excessivement populaire, il se vend vite et bien. Mais ça ne sera pas toujours le cas. Si je prends le Bolide par exemple il était très populaire de 2002 à 2012. Et puis le bolide a perdu de la vitesse, si vous me passez l’expression, pour pratiquement disparaître des boutiques et de la rue. Quand la mode était aux gros sacs (à main, ça va de soi) le Birkin 40 était Roi, aujourd’hui vous devez presque payer pour vous en débarrasser. Il ne faut pas non plus croire que n’importe quelle marque a le potentiel de représenter un investissement, certaines sont plus représentées que d’autres dans les enchères. Hermès est en bonne place, suivi par Vuitton et Chanel, le reste est loin derrière. Si l’on prend le Downtown bag d’Yves Saint Laurent il a été très populaire au début des années 2000 mais est aujourd’hui trouvable pour une bouchée de pain un peu partout, comme beaucoup d’autres modèles de la marque. À moins d’être excessivement affûté, et surtout très chanceux, il est difficile de prévoir quel sac présente le potentiel d’un bon retour sur investissement ou non. Surtout chez les marques de fast fashion à la Gucci. Mais même chez Hermès, il y a des choses qui me font tiquer, vous avez peut-être entendu parler du Birkin en crocodile “Himalaya” qui a dépassé allègrement les $300 000. Heureusement que la bijouterie était en or blanc et qu’elle était incrustée de diamants car au risque de vous décevoir il n’y a pas de crocodiles en Himalaya. Je précise parce que je suis persuadé que beaucoup se sont posés la question. C’est juste le nom d’une finition qui “rappelle les sommets Himalayens” enfin ça c’est que dit le marketing, vous me dites que ça vous rappelle Bure sur Yvette un jour de neige ça marche aussi hein. Bref c’est à 100 % du marketing, il n’y a rien de spécial à ce sac, cette finition n’est pas rare, elle n’est pas difficile à obtenir, elle coûte plus ou moins exactement le même prix que toutes les autres finitions que l’on peut trouver sur le crocodile, le prix reflète juste le caprice de quelqu’un de très riche et n’a aucun lien avec la valeur intrinsèque de l’objet. Et ça n’est même pas de l’artisanat, encore moins de l’art, on est sur de la bête fabrication semi industrielle à la Hermès. Je doute très fortement qu’une fois la mode passée le sac puisse prétendre à réaliser le même prix aux enchères, mais je ne peux pas prévoir le futur et donc peut-être que je me trompe. Enfin, et pour conclure sur le sujet, rappelez-vous que les sacs à main de designers ne sont pas rares, les marques limitent artificiellement leur rareté en imposant des quotas ou en utilisant des petites astuces de boutiquiers. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’il existe un marché de la revente, et c’est ce qui tire les prix vers le haut. Mais allez faire un tour sur Ebay et sur tous les autres sites de seconde main. Si je veux un Birkin ou un Kelly dans une taille et une couleur définie, j’en trouve des centaines voire des milliers. Beaucoup sont des contrefaçons, en fonction des marques, la majorité même. Mais pas tous et l’on ne peut pas dire qu’entre les dizaines et les dizaines de sites de reventes il y a exactement une pénurie de sacs de designer.

Un Birkin "Himalaya" du genre de celui qui a défrayé la chronique aux enchères. Ça n'est que de la hype. (Source: christies)
Un Birkin "Himalaya" du genre de celui qui a défrayé la chronique aux enchères. Ça n'est que de la hype. (Source: christies)

La contrefaçon

Puisque je viens de l’évoquer nous allons maintenant nous pencher sur la question de la contrefaçon. Je ne vais pas m’étendre dessus, bien qu’elle soit une offre attractive, le fait qu’elle soit également illégale m’empêche de la recommander comme une alternative sérieuse. Et pourtant elle n’a probablement jamais été aussi attirante, notamment car il devient de plus en plus difficile de faire la différence entre les contrefaçons et les originaux. En partie car l’accès à l’information et aux fournisseurs s’est démocratisé (merci internet), et parce que les processus industriels standardisés facilitent le travail des contrefacteurs. D’autant plus que certains contrefacteurs sont des anciens ouvriers des marques de luxe ou de leurs sous-traitants. Devant l’explosion des prix ils trouvent là un moyen facile et rentable d’arrondir leurs fins de mois et s’organisent en de véritables réseaux. Il existe même des ouvriers d’usines parfaitement légitimes qui organisent leur propre production de contrefaçon avec leur outil de travail. Autrement dit, ils s’arrangent pour fabriquer sur leur temps de travail, quelques sacs qu’ils essayent ensuite de mettre de côté pour les revendre sur le marché parallèle. Les marques font tout pour éviter ces pratiques, mais puisqu’elles disposent de beaucoup de sous-traitants, parfois dans des pays lointains où les questions d’éthique ne sont pas aussi poussées qu’elles peuvent l’être ailleurs… il est difficile pour elles de totalement enrayer ce phénomène. Vous avez donc sur le marché noir, des sacs qui ne sont pas des contrefaçons mais qui sont illégitimes car ils n’ont pas été fabriqués pour la vente dans le cadre du marché légal. Hermès a été confronté à un cas similaire, la marque permettait à ses ouvriers de fabriquer un sac par an pour leur usage personnel à condition qu’ils ne soient ni en box, ni en exotique. Ces sacs étaient identifiés avec une étoile filante et ne devaient en principe pas se retrouver sur le marché. Des ouvriers ont trouvé des failles dans le système, et se sont mis à faire leur production de “vrai faux” sacs Birkin et Kelly. D'autres revendaient purement et simplement les sacs qu'ils fabriquaient malgré l'interdiction. Hermès a depuis révoqué ce privilège, les ouvriers n’ont plus le droit de fabriquer de sac pour leur usage personnel.
Il est aussi amusant de noter que de nos jours contrefaçon ne rime plus avec mauvaise qualité. Les marques diront forcément le contraire, mais la qualité de leur production a tellement décliné ces dernières décennies qu’il n’est pas rare aujourd’hui de trouver des copies qui sont largement mieux fabriquées que les produits qu’elles imitent. C’est notamment le cas des copies asiatiques où vous pouvez trouver des imitations de Birkin ou Kelly intégralement en cousu sellier. La tendance s’est donc inversée par rapport aux 20/30 dernières années où contrefaçon était presque toujours synonyme de mauvaise qualité. Comme il est possible d’acheter les mêmes cuirs que les grandes marques, qu’il est possible d’acheter les mêmes outils, les mêmes colles, les mêmes peintures de tranche, la seule limite de nos jours se situe au niveau de la bijouterie (les fermoirs, loquets, clefs…). Eeeet encore, c’était sans compter sur l’ingéniosité des Chinois, si je sais où trouver des fermoirs estampillés de grand noms, vous pouvez être certain que les contrefacteurs le savent également.

Le plus grand risque avec la contrefaçon réside bien évidement sur le marché de l’occasion. Si vous pensez pouvoir échapper aux contrefaçons en utilisant les services d’authentification en ligne de grands sites (real real, ebay et j’en passe) vous vous trompez. Ces experts authentifient des faux, et rejettent parfois des vrais. En passant, c'est aussi parfois le cas de certains grandes maisons de ventes aux enchères. Car ils n’ont globalement pas d’expérience réelle de ce qu’ils font. Ils se contentent de suivre de la documentation fournie par les marques. Or les méthodes de fabrication évoluent avec le temps, les marques changent leurs processus, et il est impossible de fournir une documentation exhaustive qui couvre toutes les variations d’un seul et même sac des années 60 à nos jours. Par exemple je rappelle que le Kelly est un design qui date des années 30… il y a eu des changements sur la façon de faire chez Hermès depuis… D’ailleurs n’importe quelle personne qui prétend pouvoir authentifier le sac de n’importe quelle marque est un menteur. En général les gens qui connaissent leur métier se spécialisent dans une ou deux marques, il y a trop de modèles, trop de variations, trop paramètres qui entrent en compte pour tout connaître. Ne vous fiez donc pas aux site qui prétendent pouvoir authentifier tout et n'importe quoi du genre de legitgrails évitez également de faire confiance aux sites qui font des comparaisons de sacs "real vs fake", en général ils ne savent pas trop de quoi ils parlent.

Enfin pour finir sur ce sujet, il faut dire que la contrefaçon n’est plus réservée aux gens pauvres. Il existe aujourd’hui divers degrés de contrefaçons, avec des contrefaçons très haut de gamme qui peuvent coûter quelques milliers d’euros. Certains contrefacteurs sont même plus compétents que les ouvriers des marques qu'ils copient (surtout en Asie). Et puis je peux vous assurer que certains clients (très) fortunés achètent des copies, tout simplement car ça les fait marrer, car ils savent que personne ne peut faire la différence, et que de toute façon personne ne les suspecterait de faire une chose pareille. Ils ont donc leur petite dose de frisson à moindre prix et ont enfin l’impression de vivre.

Une reproduction d'un Kelly (le sac ne porte pas la marque Hermès) réalisée par un artisan ou un amateur. Le travail est plus que convaincant. (Source: Kaia)
Une reproduction d'un Kelly (le sac ne porte pas la marque Hermès) réalisée par un artisan ou un amateur. Le travail est plus que convaincant. (Source: Kaia)

J’ai entendu parler d’un type sur TikTok qui démontait les sacs de grandes marques, Marie Claire dit que c’est un expert est-ce que je peux lui faire confiance ?

D’une oreille seulement, et en vous bouchant le nez. Un peu comme le font ceux qui sont les premier à cliquer dès nous publions un nouvel article, pour ensuite avoir le plaisir de pleurnicher sur les réseaux sociaux parce que nous sommes des méchants. Mais je m’égare. Je disais donc, d’une oreille et en vous bouchant le nez. Fondamentalement il est intéressant de démonter la production des grandes marques pour voir ce qu’il y a derrière. Mais il y a plusieurs problèmes très conséquents avec le personnage. Ayant un QI à 3 chiffres comme toute personne un tantinet civilisée j’ignorais tout de TikTok, et j’ignore en général tout des réseaux sociaux. Quelqu’un a attiré mon attention sur cet “expert” et j’ai été y jeter un œil (très) distrait. À première vue je pensais juste que c’était quelqu’un qui faisait son petit buzz en se contentant de démontrer des sacs de grandes marques pour les clasher. Pour cet article j’ai été creuser le sujet un peu plus en profondeur et j’ai rapidement découvert qu’il n’est lui-même qu’un maroquinier très médiocre, et qu’il profite de sa popularité pour vendre ses propres produits de merde. Malin. Pour paraphraser Claude Riche (un mort, ne cherchez pas) il fait sans doute autorité en matière de buzz, d’algorithme et d’audience, mais ses opinions sur la maroquinerie et sur le cuir en général je vous conseille de ne les utiliser qu'en suppositoire, et encore, pour enfants. D’ailleurs ça tombe bien, il sort beaucoup de ses estimations en matière de coût de fabrication de son derrière. Ça, ça n’était pas dans la citation originale, je me suis permis un petit ajout de circonstance. Bref, vous avez compris qu’à mon avis il n’est pas une référence.

Un expert selon Marie Claire. Il est effectivement expert, mais en communication. (Source: marieclaire)
Un expert selon Marie Claire. Il est effectivement expert, mais en communication. (Source: marieclaire)

Guide des marques

guide_sac_de_luxe

Voici enfin le moment que vous attendiez toutes et tous (..?), le guide des marques.

Nous allons diviser ce guide en deux parties, d’un côté l’industriel, de l’autre l’artisanal. Le classement n’est bien évidemment pas exhaustif. L’objectif du côté des industriels est d’aborder un peu l’image de certaines marques et puis surtout de présenter les modèles qui vous en donnent plus pour votre argent. Coté artisanat l’objectif est de présenter des gens dont vous n’avez probablement jamais entendu parler et qui travaillent dans les règles de l’art, pour un prix bien souvent similaire aux grandes marques du "luxe".

Les industriels du luxe

Chanel

(Source : Chanel)
(Source : Chanel)

Une marque au look typiquement traditionnel, qui est en général reflété chez une partie de la clientèle qui normalement plutôt BCBG/femme active urbaine jamais très loin des positions de cadre quand elles ne sont pas cadres elles même. En général c’est là qu’on trouve le combo tailleur/trench crème sac Chanel Classique noir. C’est aussi un sac qui est typiquement perçu comme “parisian chic” et est accommodé tel quel. Pensez t-shirt blanc, veste décontractée et jean/ trench coat crème/tailleur. Malheureusement la qualité de fabrication des sacs Chanel est en baisse constante depuis la fin des années 80. Les problèmes sont assez communs, mais vous avez le service client pour y remédier. Il y a une gamme qui est un peu plus “rock n roll” dans l’esprit et que je trouve personnellement d’assez mauvais goût mais ça n’a pas d’importance. En revanche ils sont aussi en général encore plus bâclés. Enfin il ne faut pas négliger que devant la popularité de la marque ses sacs sont trouvables partout et à tous les prix, ce qui donne assez souvent un grand écart dans le style des propriétaires, mais c’est une remarque qui est valable pour beaucoup de marques. En neuf les prix sont éclatés et sans rapport avec le produit, quand je pense que pour moins cher vous pouvez vous payer un Birkin ou un Kelly…

L’image “traditionnelle” de Chanel à gauche, le tout venant à droite. (Source : whowhatwear)
L’image “traditionnelle” de Chanel à gauche, le tout venant à droite. (Source : whowhatwear)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : probablement un Classique noir. Sinon, un modèle vintage d’avant les années 80 en bonne condition.

Le Classique de Chanel (Source : Chanel)
Le Classique de Chanel (Source : Chanel)

Colombo

(Source : Colombo)
(Source : Colombo)

Une marque pratiquement inconnue du grand public Occidental qui peine à gagner en visibilité même si elle est d’origine Italienne et existe depuis 1937. Je dis bien d’origine italienne car Colombo appartient aujourd’hui au géant Coréen Samsung qui a une “petite” présence dans le domaine du vêtement et de la mode. La marque fait la majorité de son business en Corée avec pas loin de 13 points de vente, mais elle dispose aussi d’une boutique en Italie sur la célèbre Via della Spiga de Milan. Le cœur de cible de la marque étant les populations fortunées de Corée du Sud le style est excessivement classique et Européen. La marque s’est spécialisée dans l’exotique, et propose diverses finitions ainsi que des couleurs originales. Le Pantheon et le Hera sont plutôt sympa. La marque essaye quand même de proposer quelques modèles plus “actuels” (ce qui n’est pas forcément une bonne chose) il existe donc des modèles en exotique moins traditionnels et il y a une gamme en cuir lisse. Les modèles en cuir lisse sont un peu plus tapageurs et pas toujours de bon goût... La fabrication est toujours italienne mais il ne faut pas se laisser berner par le marketing, c’est du 100 % industriel, pas de point sellier. Comme il s’agit essentiellement d’exotique, le prix est forcément élevé, l’avantage est que vous êtes certaines de ne voir personne avec le même sac… Le manque d’image de marque fait que ce ne sont pas des sacs spéculatifs, mais l'exotique tend à mieux conserver sa valeur.

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : probablement un Pantheon small ou medium vert foncé. Même si je trouve le système de fermeture naze.

Le Panthéon de Colombo (Source : Colombo)
Le Panthéon de Colombo (Source : Colombo)

Balenciaga

(Source : Balenciaga)
(Source : Balenciaga)

La marque a tendance fin de race par excellence, entre leurs penchants ayant une odeur de pédophilie affichés en campagne marketing (suivie d’une grosse séance de damage control), la laideur sans fin de leur gamme et les prix délirants (plus de 3000€ pour de la vache imprimée crocodile…) je doute que si vous lisez ces colonnes quelque chose vous attire chez eux. Pour couronner le tout la qualité de fabrication est catastrophique. On s’en doutait un peu mais c’est la cerise sur le gâteau à la merde.

Chez Balenciaga on aime les enfants… (Source : balenciaga)
Chez Balenciaga on aime les enfants… (Source : balenciaga)
… mais pas les lignes droites. (Source : balenciaga)
… mais pas les lignes droites. (Source : balenciaga)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : un modèle vintage des années 80 en lézard noir et bijouterie or. Tout achat dans la gamme moderne serait motif de divorce pour faute (de goût).

Un sac d'avant la déchéance (Source: ebay)
Un sac d'avant la déchéance (Source: ebay)

Gucci

(Source: Gucci)
(Source: Gucci)

La marque propose une gamme qui mélange le classique et le moderne, elle a un peu mauvaise réputation en raison de la très grande quantité de copies qui circulent, mais leur gamme n’est actuellement pas trop dégueulasse. Au contraire de la qualité de fabrication qui est quand même assez moyenne, l’attention aux détails n’est pas vraiment une priorité, mais c’est la norme et leurs concurrents ne sont pas différents. En général chez les grandes marques du luxe j’ai tendance à recommander les produits en peaux exotiques, tout simplement parce qu’ils sont parfois un peu plus soignés. Chez Gucci c’est plutôt l’inverse Kering (les propriétaires) ont massivement investi dans le serpent et ça se voit, la marque en propose beaucoup et si c’est votre truc je vous recommande ça plutôt que leurs crocodiles. Gucci est visiblement à la ramasse sur le crocodile. Les peaux ne sont pas belles, la pigmentation est vraiment abusive afin de masquer les défauts, pour le prix qu’ils font payer ça n’est vraiment pas la peine. Pareil pour l’autruche, je ne vois pas l’intérêt de la tartiner dans une mer de pigments alors qu’elle n’en a pas besoin. J’aime bien l’utilisation de bambou pour les poignées sur certains modèles de la gamme. En général les poignées en cuir sont assez moches sur les sacs industriels, et elles s’abiment assez vite (ce qui n’est pas de leur faute, la sueur et la friction sont en cause). Du coup les poignées en bambou sont une solution que je trouve élégante, tant qu’ils ne décident pas de les remplacer par du plastique, je suis preneur.

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : le Gucci Diana shoulder bag, dans sa version small ou medium. Probablement le noir ou le crème.

Le Gucci Diana (Source: Gucci)
Le Gucci Diana (Source: Gucci)

Delvaux

(Source: Delvaux)
(Source: Delvaux)

Delvaux est une marque très ancienne, qui a été pendant longtemps sous contrôle Chinois avant d’être rachetée en 2021 par le groupe Suisse Richemont. Le style est classique chic et assez moderne mais pas vraiment à l'avant garde, ni toujours de bon goût..

Ce qui est un succès chez Hermès (le crocodile Himalaya) est un désastre chez Delvaux. (Source: Delvaux)
Ce qui est un succès chez Hermès (le crocodile Himalaya) est un désastre chez Delvaux. (Source: Delvaux)

Il y a quelques modèles qui se veulent vaguement irrévérencieux (motif camouflage, ou griffé “ceci n’est pas un Delvaux” façon citation conne pour adolescent) et qui sont ratés. Globalement Delvaux est une marque qui doit probablement souffrir de la concurrence offerte par des marques comme Polène. Sans aller jusqu’à dire que c’est la même chose, le concept est similaire et Polène le fait pour beaucoup moins cher. Delvaux aime bien se faire mousser sur la qualité de fabrication mais elle n’a rien de spécial, pire elle est même en dessous de ce qu’on peut trouver chez Vuitton qui n’est pas aussi mauvais qu’on aime à la dire. Enfin, c’est plutôt que toutes les marques sont médiocres, Vuitton l’est juste un peu moins. Donc chez Delvaux, pas de point sellier, pas de points doublés, les finitions de tranche sont simplistes, bref c’est dans la norme des autres marques de luxe. Il n’y a pas d’exotique, probablement car la marque n’a pas de chaine d’approvisionnement adéquate. Les couleurs sont sympas, les modèles sont bien pensés, le prix est juste difficilement justifiable, plus que pour d’autres marques de luxe, mais on ne peut pas dire qu’ils soient une exception dans ce domaine.

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Le brillant PM est sympa et passe partout.

Le Birllant PM de Delvaux (Source: Delvaux)
Le Birllant PM de Delvaux (Source: Delvaux)

Fendi

(Source: Fendi)
(Source: Fendi)

Fendi est une marque de la galaxie LVMH et ça se voit, puisqu’ils racontent n’importe quoi, comme essayer de faire passer un point gantier pour un point sellier.

Un point gantier que Fendi essaye de faire passer pour un point sellier... (Source: Fendi)
Un point gantier que Fendi essaye de faire passer pour un point sellier... (Source: Fendi)

Forcément, la gamme est large et essaye de satisfaire le plus grand nombre. Fendi est une marque qui se cherche un peu et qui n’est peut-être plus aussi populaire que durant les années où Karl Lagerfeld était à la direction créative. Le Fendi First est assez orignal, le Baguette et le Peekaboo sont des classiques. À titre personnel les seuls modèles que je trouve regardables sont ceux en exotiques, le reste est beaucoup trop de mauvais goût, comme le Fendi Baguette en paillasson de bain. J’espère pour eux que c’est du paillasson d’élevage, où ils auront des problèmes avec les écolos.

Tapis de bain à $4k où sac de luxe? (Source: Fendi)
Tapis de bain à $4k où sac de luxe? (Source: Fendi)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Le baguette "à peindre soit même".... Non je déconne, c'est de la merde. Autant donner mon argent à un artisan.

Fendi, sponsor des artistes en herbe (Source: Fendi)
Fendi, sponsor des artistes en herbe (Source: Fendi)

Yves Saint Laurent

(Source: Yves Saint Laurent)
(Source: Yves Saint Laurent)

Je mentionne uniquement pour éviter que quelqu'un vienne me dire que j’ai “oublié” Yves Saint Laurent. Globalement, aucun intérêt tant l’image a été diluée ça n’est ni beau, ni innovant, ni bien fait, et le prix est délirant. Aux alentours de 3500€ pour un sac en vache imprimée crocodile, pas de doute on est bien chez Kering. À la rigueur les sacs en lézard sont passables et encore… il y a tellement mieux ailleurs pour le même prix.

De la vache motif crocodile au prix de l'or. (Source: YSL)
De la vache motif crocodile au prix de l'or. (Source: YSL)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Même pas en rêve, autant se payer un week-end dans un relais & château ou acheter un bijou.

Cartier

(Source: Cartier)
(Source: Cartier)

Il y a des choses sympas chez Cartier de temps en temps, surtout si vous aimez le bordeaux, le noir et le vert. Niveau qualité de fabrication ce ne sont pas les pires des industriels, même si ça dépend des années. Bon il ne faut pas rêver non plus, la marque ne fait pas dans le point sellier, et globalement ça reste quand même très basique. Il y a quelques créations intéressantes parfois, notamment la collection Cactus qui était absolument hors de prix (plus de 100K pour des petits sacs) mais la bijouterie y était pour beaucoup. L’image de la marque est sinon pas mal diluée.

Une partie de la gamme Cactus (Source: Cartier)
Une partie de la gamme Cactus (Source: Cartier)
Le prix était absolument délirant, mais au moins la marque a fait quelque chose d'original (Source: Cartier)
Le prix était absolument délirant, mais au moins la marque a fait quelque chose d'original (Source: Cartier)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Il y a tellement de modèles (authentiques) de seconde main qui viennent du Japon pour presque rien que ça n'est la peine de vous ruiner pour du neuf.

Hermès

(Source: Hermès)
(Source: Hermès)

La seule marque de luxe qui fait dans le semi-industriel et non dans l’industriel complet. Je suis le premier à me moquer d’Hermès, mais ce sont les seuls à encore fabriquer certains de leurs modèles avec de véritables étapes à la main. Même si un Birkin ou un Kelly n’a que 10 à 15 % de coutures en cousu sellier, c’est mieux que 99,9 % de la concurrence qui en a… 0 %. Le Kelly et le Birkin sont des designs éprouvés, j’aime moins le Constance, mais si c’est votre truc et que vous en trouvez un qui n’a pas été bâclé, c’est aussi un bon sac. Posséder un sac Hermès est à double tranchant, en posséder un sans avoir l’air de détenir le compte en banque qui va avec vous rangera immédiatement dans la catégorie des pauvres bougresses qui ont une copie chinoise. Autre élément à considérer, on pourrait penser la clientèle d’Hermès un peu classieuse, mais il y a une proportion non négligeable de Nabila Karadashian eco+.

Pas mal de gens pense que la clientèle Hermès c'est ça. (Source: agencevu)
Pas mal de gens pense que la clientèle Hermès c'est ça. (Source: agencevu)
Alors qu'en réalité c'est plutôt ça. Ça peut surprendre quand on pense qu'il s'agit d'une marque pour la bourgeoisie versaillaise. (Source: cnbc)
Alors qu'en réalité c'est plutôt ça. Ça peut surprendre quand on pense qu'il s'agit d'une marque pour la bourgeoisie versaillaise. (Source: cnbc)

Au passage, des influenceurs profitent de leur position pour refourguer des copies de sacs Hermès (ou autre), la clientèle du sac de luxe, ça n'est vraiment plus ce que c'était...

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : il n’est pas possible de se tromper avec un Kelly, un Birkin ou un Constance de préférence dans une couleur un peu originale genre vert cyprès. Le reste est un peu comme un enfant non désiré, on l’aime quand même, mais ça reste une erreur.

Sac Kelly de Hermès (Source: Hermès)
Sac Kelly de Hermès (Source: Hermès)

Louis Vuitton

(Source: Louis Vuitton)
(Source: Louis Vuitton)

Une marque clivante si elle en est. La dilution de l’image est très forte, notamment à cause des innombrables contrefaçons, mais aussi à cause de la prévalence de la marque parmi certaines catégories socio-professionnelles. Le nom de Louis Vuitton est associé à la profession des marcheuses de rue comme pouvait l’être la chtouille ou la syphilis à une époque. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas s’intégrer idéalement dans une tenue. Mais c’est une association aussi automatique que touriste allemand = tong chaussette. Ça n’est pas péjoratif, mais il faut être au courant. Le Steamer Bag est le dernier sac Vuitton à incorporer du point sellier autrement que de façon anecdotique. Bon il n’y a que la couture du bas qui est encore faite au point sellier, mais comme c’est la plus importante on ne va pas trop se plaindre. Les prix ont tendance à s'envoler chez Louis Vuitton, et il y a de plus en plus de sacs laids, mais la marque propose encore des choses qui restent relativement classiques

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : une des nombreuses versions de la petite malle, de préférence celle en crocodile vert foncé ou bleu.

La petite malle par Louis Vuitton (Source: Louis Vuitton)
La petite malle par Louis Vuitton (Source: Louis Vuitton)

Goyard

(Source: Goyard)
(Source: Goyard)

Goyard est un peu le sous Louis Vuitton de la personne qui ne voulait pas de LV par simple esprit de contradiction tout en gardant un style similaire. Pour preuve, les modèles sont très similaires à LV, mais moins bien fabriqués. Si l'on prend simplement comme exemple le steamer de Goyard n’a aucune couture au point sellier, là où celui de Vuitton a encore sa base cousue de cette façon. Globalement il y a quelques modèles originaux, la Dé trunk (le nom est stupide) ou le Saïgon mini trunk (le nom évoque plus les bordels d’Indo et les fumeries d’opium que le luxe) par exemple… dommage que Gucci ait déjà eu l’idée des poignées en bambou, du coup le Saïgon a des poignées moches qui jurent un peu.

Le Saïgon, la poignée fait ultra cheap pour un sac à 10k. (Source: Goyard)
Le Saïgon, la poignée fait ultra cheap pour un sac à 10k. (Source: Goyard)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Le Bellechasse Biaude PM, parce qu'on peut le trouver avec l’immonde toile PVC à l’intérieur et non à l’extérieur, mais c'est uniquement sous la menace, sinon autant aller chez LV voire mieux, Hermès.

Le Bellechasse Biaude PM par Goyard (Source: Goyard)
Le Bellechasse Biaude PM par Goyard (Source: Goyard)

Moynat

(Source: Moynat)
(Source: Moynat)

Un énième ancien malletier qui a été racheté par LVMH pour faire des sacs en toile PVC. Cela étant dit il y a quelques modèles très sympathiques. Les modèles en toile sont presque abordables, signifiant leur place en bas de l’échelle LVMH de la toile enduite, avec Goyard juste au-dessus et Louis Vuitton couronnant le tout. En revanche les sacs sont globalement plutôt modernes et sobres ce qui change de certaines autres marques du groupe. Il y a quelques belles réussites notamment le Réjane ou le Flori (en nano).

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Le Réjane BB, dans une couleur sympathique.

Le Réjane par Moynat (Source: Moynat)
Le Réjane par Moynat (Source: Moynat)

Les artisans

Nous n’allons pas évoquer les prix dans cette section, car ils sont assez proches de ce que vous allez payer pour les grandes marques, ils commencent environ à 3 ou 4000€ pour un sac et peuvent monter beaucoup plus haut. Cela étant dit, contrairement aux grandes marques industrielles, les prix sont directement corrélés à la valeur de l’objet, vous payez essentiellement de la main d’œuvre et de la matière première et une petite marge. Alors que dans l’industriel vous payez essentiellement la marge Les produits artisanaux sont fabriqués intégralement à la main, les prix varient donc un peu en fonction des artisans (le coût de la vie n’est pas identique partout), en fonction des cuirs et bijouteries utilisés, et dans le cas des commandes sur mesure en fonction de la difficulté du projet.

L’artisanat est un univers différent du monde mécanique et calibré des grandes marques, vous travaillez directement avec un être humain et non avec une multinationale gigantesque, cela comporte des avantages, mais aussi des inconvénients.

Il existe assez peu d'artisans en France qui vont produire des sacs intégralement à la main, qui développent leurs propres modèles et qui contrôlent tous les aspects de la fabrication, je limite pour l'instant cette section à trois noms, donc un est étranger mais travaille en Suisse. Il faut se méfier de certains "maroquiniers" qui utilisent leur nom, ou leur titre de MOF pour vendre de la maroquinerie bas de gamme fabriquée dans une usine. Comme il faut se méfier des marques qui prétendent faire de l'artisanal et n'en sont pas. Je ne liste pas Hosoï, bien qu'il s'agisse d'un des meilleurs maroquiniers en France, il travaille surtout sur du sac homme.

Si certains artisans veulent figurer dans cette liste et que ce qu'ils font nous plait, ils peuvent toujours nous contacter.

Serge Amoruso

(Source: Amoruso)
(Source: Amoruso)

Serge Amoruso est un maroquinier Parisien, vous trouverez sa boutique au 37 Av. Daumesnil, dans le Viaduc des Arts. Il a été formé à l’école Grégoire, est passé par le département malles d’Hermès puis a enseigné la maroquinerie pendant plusieurs années avant de se lancer en indépendant. Comme pour beaucoup de maroquiniers il bénéficie d’une certaine popularité en dehors des frontières hexagonales, notamment au Japon. En 2010 Serge Amoruso a obtenu le titre de Maitre d’Art, ce titre est décerné à vie aux professionnels des métiers d'art possédant un savoir-faire remarquable et rare, qui s'engagent pendant trois ans dans un processus de transmission à un élève. Ses créations sont épurées et modernes et en plus du cuir il travaille de nombreux types de matériaux différents. Il s’occupe également de réalisations sur mesure.

Peter Nitz

Peter Nitz n’est pas un maroquinier de formation. Originaire des États-Unis il a d’abord travaillé pour une maison d’enchère à Chicago. Il a ensuite déménagé en Europe où il s’est lancé dans la revente en lignes de vêtement et accessoires de luxe d’occasion à une époque où le marché était encore désert. Il a rapidement acquis une certaine notoriété dans ce domaine et une clientèle. Il s’est lancé dans la maroquinerie aux alentours de 2008 après avoir rencontré une ouvrière d’Hermès, avec laquelle il a appris le métier. Depuis il a ouvert son atelier indépendant à Zurich.

Plusieurs variations du dream bag de Peter Nitz en alligator et crocodile (Source: Peter Nitz)
Plusieurs variations du dream bag de Peter Nitz en alligator et crocodile (Source: Peter Nitz)

Sa production est moderne et imite par certains aspects la communication des designers des grandes marques mais la qualité est évidemment irréprochable. Son sac le plus populaire est le dream bag mais il a d’autres créations et propose aussi de la fabrication sur mesure.

Victor Dast

Victor Dast est un jeune maroquinier Parisien excessivement prometteur qui ne laisse rien au hasard dans ses créations. Il est passé par une école d’arts appliqués puis a rejoint les Compagnons du Devoir. Il commence son Tour de France en 2016, il se forme auprès de maîtres d'art de renom dont Jacques Ferrand. Durant son apprentissage il est amené à travailler pour les grands groupes de luxe, position qu’il quitte lassé par le manque d’intérêt flagrant que portent ces marques envers la qualité de leurs produits. Poussé par son amour des belles matières et de la précision du geste il lance Atelier Dast avec sa compagne en 2022. À l’heure actuelle Atelier Dast travaille à la réalisation de leur premier modèle de sac à main. Ce modèle sera décliné dans deux variantes, une medium et une mini.

Nous vous proposons quelques images du prototype. Le style se veut moderne et coloré, Victor réalise également des créations sur mesure dans un style feutré et moderne. C'est un maroquinier très sympathique, un ami de la maison, qui nous a laissé le suivre durant toutes les étapes de l'élaboration du nouveau sac. Nous allons donc pouvoir proposer à ceux qui nous suivent sur Patreon du contenu très rare sur toutes les étapes qui accompagnent la naissance d'un nouveau produit intégralement fabriqué à la main. C'est plus que rare de nos jours.

Élaboration de la maquette (Source: Victor Dast)
Élaboration de la maquette (Source: Victor Dast)
Le prototype terminé (Source: Victor Dast)
Le prototype terminé (Source: Victor Dast)

Méthodes de fabrication dans la maroquinerie: les finitions de tranche

Note: Cet article est disponible depuis Mars sur notre Patreon, nous soutenir via Patreon nous permet de proposer plus de contenu et vous donne accès aux articles en avance, mais donne également accès à des articles exclusifs.

Avant-propos

Voilà un sujet qui pourrait paraître bien trivial, pourquoi alors lui consacrer un article ? Tout simplement car nous nous sommes aperçus avec notre article « état des lieux dans la maroquinerie » que beaucoup de gens n’avaient pas la moindre idée de comment est fabriqué la maroquinerie et ignorent plus ou moins ce qui permet de différencier les produits ou de déterminer leur valeur.

En maroquinerie les tranches ne sont normalement pas laissées nues, car en plus d’être inesthétique cela diminue la longévité du produit final. Je dis bien normalement car vous trouverez toujours des escrocs qui sous prétexte de “rusticité” vendent des produits volontairement mal fabriqués ou à moitié terminés. Ce genre de ploucs pullulent sur Youtube, je ne compte pas le nombre de gogoles qui se prétendent “artisans” parce qu’ils mettent du Tokonole sur des tranches et frottent un peu fort ou qui font des vidéos ultra pute à clic “comment fabriquer un portefeuille Hermès pour $70”. Notez que c’est rigolo de se moquer d’Hermès, encore faut-il en avoir les moyens. Cela vaut également pour la multitude d’entreprises de maroquinerie industrielle (en private label ou non) qui existe en France et qui avec leurs produits bâclés “haut de gamme” s’adresse aux bobos urbains.

La finition des tranches en maroquinerie est une étape particulièrement importante car elle permet dans certains cas de juger immédiatement de l’attention au détail qui est portée à un produit et donc de sa qualité. C’est donc un “outil” intéressant pour le consommateur, puisque de nos jours les grands groupes du luxe pratiquent des prix toujours plus exorbitants pour leur maroquinerie. Est-ce que vous payez pour du savoir-faire et de la finesse ou est-ce que vous payez avant tout une image ? Bien évidemment cette question est rhétorique et nous savons tous que la plus grande part du prix est constitué par la marque. Néanmoins, quels sont les fabricants qui vous prennent pour des dindons complets (souvent à juste titre), et ceux qui ne se foutent pas totalement de votre tronche ? Les marques savent parfaitement le temps qu’il faut pour réaliser des belles tranches, mais elles savent également que la majorité des clients ignorent ce point quand ils ne s’en foutent pas tout simplement, obnubilés qu’ils peuvent être par un logo et le soi-disant prestige social qu’il apporte.

Il existe différentes façons de finir les tranches (également appelées bords, sinon ça va devenir monotone) et chacune a ses avantages et inconvénients. Bien évidement toutes ces finitions ne se valent pas, il existe, comme pour tout, une hiérarchie. Certaines demandent plus de temps et de minuties que d’autres, certaines sont plus ou moins industrialisées. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il faille tout observer sur le plan de la technique, certaines finitions peuvent être choisie en raison de leur aspect esthétique ou en raison de contraintes techniques, le tout est de faire preuve de cohérence dans le choix de la finition et surtout de l’exécuter proprement. Le problème c’est que ça n’est bien souvent pas le cas. Car la finitions des tranches est une étape chronophage, et bien évidemment le temps c’est de l’argent. Et d’un coup, vous trouvez LE point commun entre la maroquinerie en private label pour bobos urbains et celle des marques du luxe : des tranches nazes. En même temps, comme tout ça sort bien souvent des mêmes usines, ça n’est guère surprenant.

Évolution des finitions

Traditionnellement la maroquinerie utilisait le rembord, une technique qui consiste à amincir le cuir et le “replier” sur lui-même afin de cacher la tranche, alors que la sellerie utilisait le bord franc, une technique où la coupe, l’arrête du cuir si vous préférez, est visible et est ensuite finie soit à la teinture soit via diverses techniques tels que le brunissage, une action qui vise à lisser les tranches par friction. Aujourd’hui cette distinction n’a plus lieu d’être car le bord franc est devenu extrêmement courant dans la maroquinerie et c’est pour cette raison que nous allons l’aborder en premier. D’ailleurs ne vous étonnez pas si cet article est excessivement disproportionné, le bord franc étant devenu LA norme dans la maroquinerie nous allons parler abondamment de celui-ci, notamment de sa version peinte qui est de loin la finition la plus utilisée de nos jours. Nous n’allons d’ailleurs pas (du tout) aborder toutes les jointures, les bords et les assemblages qui existent, nous allons nous concentrer sur ce que vous allez rencontrer essentiellement en maroquinerie fine.

Nous allons commencer par illustrer ce changement de « mode » afin de vous permettre de cerner de quoi il est question dans cet article.

Selle Hermès utilisant le bord franc, le bord traditionnellement utilisé en sellerie. (Source : artcurial)
Selle Hermès utilisant le bord franc, le bord traditionnellement utilisé en sellerie. (Source : artcurial)
Portefeuille du XVIIIe siècle avec un rembord très fin. Source : fleuronducuir)
Portefeuille du XVIIIe siècle avec un rembord très fin. Source : fleuronducuir)
Maroquinerie pour femme dans un catalogue de 1910, comme finition de tranche vous n’avez que du rembord. (Source : bnf)
Maroquinerie pour femme dans un catalogue de 1910, comme finition de tranche vous n’avez que du rembord. (Source : bnf)
Un portefeuille en crocodile de fabrication industrielle datant des années 50, avec un rembord. (Source: Sartorialisme)
Un portefeuille en crocodile de fabrication industrielle datant des années 50, avec un rembord. (Source: Sartorialisme)
Petite maroquinerie pour femme Cartier, de nos jours vous avez essentiellement du bord franc, c’est le cas sur tous les objets dans cette image. (Source : Cartier)
Petite maroquinerie pour femme Cartier, de nos jours vous avez essentiellement du bord franc, c’est le cas sur tous les objets dans cette image. (Source : Cartier)

La raison de l’apparition du bord franc en maroquinerie est assez simple et est liée à l’invention de la peinture de tranche, nous allons revenir là-dessus dans un instant.

Le bord franc

Le bord franc n’est pas à proprement parler une finition en elle-même puisqu’il désigne avant tout une tranche dont on voit la coupe.

Illustration concrète de ce qu’est un bord franc pour ceux qui ont un peu de mal, c’est une tranche nue où vous pouvez voir les différentes épaisseurs de cuir. Sur cette tranche une finition doit être appliquée. (Source : Sartorialisme)
Illustration concrète de ce qu’est un bord franc pour ceux qui ont un peu de mal, c’est une tranche nue où vous pouvez voir les différentes épaisseurs de cuir. Sur cette tranche une finition doit être appliquée. (Source : Sartorialisme)

Nous allons regrouper dans cette catégorie toutes les finitions qui peuvent être appliquées sur un bord franc. Il existe essentiellement deux grandes familles de finitions que l’on peut réaliser sur un bord franc. Il y la peinture de tranche et le lissage (également appelé brunissage). Nous allons commencer par parler de la peinture de tranche.

La peinture de tranche

Tout d’abord il est important de clarifier un point de vocabulaire, nous parlons bien de peinture de tranche, et non de teinture de tranche. Et il ne s’agit pas d’un point de détail de l’histoire mais bien d’une explication importante, car il est également possible de teindre les tranches, mais il s’agit alors d’une autre finition utilisant un produit différent. Je précise car les fabricants de peinture de tranche vendent souvent leur produit sous la dénomination de “teinture” de tranche, mensonge ensuite répété par littéralement TOUTE l’industrie, les revendeurs, les grands groupes du luxe, les private labels nazes, et bien évidemment nos experts en expertise favoris : les influenceurs. (Coucou les cons). Concrètement la différence entre une peinture et une teinture tient en leur pouvoir couvrant. La peinture de tranche vient recouvrir les fibres du cuir, les pigments sont déposés sur le cuir, qu’ils ne pénètrent donc pas. C’est d’ailleurs là le défaut principal de cette finition, qui peut littéralement se détacher de la tranche comme une vulgaire peau de saucisson. La teinture quant à elle est un colorant (à base aqueuse ou alcoolique) qui vient pénétrer les fibres du cuir. Contrairement à la peinture, la teinture ne se dépose pas sur le cuir, elle rentre dans les fibres et ne peut donc pas être “pelée”.

Les revendeurs parlent de “teinture de tranche”. (Source: cuirenstock)
Les revendeurs parlent de “teinture de tranche”. (Source: cuirenstock)
Cartier parle de “teinture de tranche” et propose même un service de réparation.  (Source: Cartier)
Cartier parle de “teinture de tranche” et propose même un service de réparation. (Source: Cartier)
Et enfin les influenceurs, ici Valérien Cuck, parlent également de “teinture de tranche”. Au passage 10 minutes pour l’application, c’est le temps qu’il faut en industrie, le produit est présenté comme artisanal... (Source: jamaisvulgaire)
Et enfin les influenceurs, ici Valérien Cuck, parlent également de “teinture de tranche”. Au passage 10 minutes pour l’application, c’est le temps qu’il faut en industrie, le produit est présenté comme artisanal... (Source: jamaisvulgaire)

La raison derrière ce mensonge éhonté de toute une industrie est facile à comprendre et tient tout simplement à l’image. Dans la tête du clampin lambda, la peinture s’applique sur un mur ou sur une toile, pas sur un sac Hermès à 8000€. Voilà, c’est tout. Il ne faut pas chercher plus loin. Le marché de la maroquinerie fait preuve d’une extrême préciosité notamment chez les industriels du luxe, qui tentent de justifier leurs marges exorbitantes d’une façon ou d’une autre. Alors on enjolive et tel Didier qui se change en Brigitte la peinture devient miraculeusement de la teinture. C’est juste du folklore grammatical, tout le monde utilise de la peinture. Les gens achètent de l’image alors autant leur servir des fables, ils adorent ça. Notez que cette “confusion” est également présente chez les Anglophones même si ces derniers parlent beaucoup plus ouvertement “d’edge paint”, l’un des rares cas où ils sont moins puritains que les francophones dans leur langage.

Avant d’aborder en quoi consiste la peinture de tranche nous allons expliquer rapidement d’où elle vient. Nous expliquions qu’historiquement la finition de tranche la plus commune de la maroquinerie était le rembord. Le rembord c’est deux mille cinq cents ans de civilisation occidentale, le Parthénon, l’Odyssée, Versailles, Haendel. Or les rembords sont difficiles et donc chronophage à réaliser. C’est dans l’optique d’accélérer les cadences de production que la peinture de tranche a été développée. Seulement, la peinture de tranche c’est le Mal. Tout comme le diable, elle vous susurre à l’oreille : je suis progrès ; je suis modernité ; je suis séduction. Vois ma facilité d’utilisation, admire mes teintes chatoyantes. Sans surprise, c’est aujourd’hui devenu l’une des finitions les plus chiantes et surtout les plus consommatrices en temps si on veut qu’elle soit effectuée correctement, ce qui est un amusant cas d’hétérotélie. Beaucoup de marques ne prennent donc pas la peine de finir leurs tranches proprement et vous rient à la gueule avec leurs bords dégueulasses.

La peinture de tranche est un produit bien souvent de base acrylique mélangé à de la cire et à divers produits qui varient en fonction du fabricant. Peu importe qu’il s’agisse de Giardini, Uniters, Stahl, Fenice, ce sont toutes des putes. Car une fois à l’œuvre la peinture de tranche révèle sa vraie nature : rétive sous l’homme, hypocrite avec l’applicateur, chafouine avec le support, tortillant sans cesse du cul, incapable de décider si elle va se poser ici où là. Bien évidemment, certaines sont plus putes que d’autres. Giardini est la plus vicelarde du lot. Uniters et Stalh, les plus dociles. Fenice, entre les deux. Mais ça n’est pas tout, non seulement la peinture de tranche est une pute, mais c’est une pute de luxe : elle ne tolère pas la médiocrité. Elle exige le mariage en blanc, même après 30 ans de rue Saint-Denis. La peinture de tranche s’applique lors d’un long processus contenant plusieurs étapes dont l’astiquage (ça n’est pas sale). Nous allons vous expliquez cela en détails.

La longueur du processus est l’une des raisons pour laquelle la vaste majorité des tranches peintes que vous allez trouver sur le marché sont médiocres, puisque pour économiser du temps de plus en plus de marques utilisent des machines, qui ne donnent pas un bon résultat. Mais il faut aussi prendre en considération que l’opération demande également de la minutie. Il existe d’ailleurs des astuces chez les industriels du luxe (Vuitton et compagnie) afin de faciliter la tâche à leur main d’œuvre d’handicapés mais chaque chose en son temps. Il est bien évident que chaque entreprise (et chaque artisan) à sa propre façon de procéder, car vous l’ignorez certainement, mais les fabricants de ces peintures de Satan sont assez vagues quant à la façon dont vous êtes censés les utiliser. Il s’est dès lors développé une sorte de religion secrète de l’application de la peinture de tranche à mi-chemin entre le culte de Cthulhu et le maraboutage qui promet santé + réussite + retour de l'être aimé en 24 h Chrono. Sérieusement, je ne compte plus le nombre de tutoriaux, conseils, astuces et autres trucs que l’on voit passer sur le sujet. Il est donc entendu que je ne présente pas ma manière de faire, mais celle qui est plus ou moins la plus répandue au sein des adorateurs de ChtulUniters. Tout d’abord, il faut préparer les tranches et agiter légèrement les fibres du cuir avec du papier de verre. Ensuite vous pouvez optez pour l’application d’une sous-couche spéciale (un primer), mais même là, ça n’est pas un choix qui est canon. Certaines liturgies l’imposent, d’autres l’interdisent. Une fois la sous-couche appliquée, vous pouvez mettre votre première couche de peinture. À partir de là trois étapes principales se succèdent et vont se répéter jusqu’à l’obtention du résultat désiré. Il faut poncer la peinture, la lisser à l’aide d’un fer à fileter et enfin appliquer une nouvelle couche. C’est cela qu’on appelle l’astiquage. Vous devez répéter ces 3 opérations, dans cet ordre jusqu’à obtenir un bord qui soit légèrement bombé et lisse au toucher comme à la vue. Il n’est pas rare de devoir répéter toutes ces opérations au moins 3 ou 4 fois de suite. Tout en laissant le temps à la peinture de sécher entre les différentes couches, ce qui peut prendre 40 minutes pour la première couche et 20 minutes pour les couches suivantes. Et forcément, la peinture étant comme nous l’avons établi une pute, s’il fait froid et humide dans votre atelier la durée de séchage peut être multipliée par deux.

Application d'une peinture de tranche à la main. (Source: ksblade)
Application d'une peinture de tranche à la main. (Source: ksblade)
La tranche de notre porte-carte, entièrement réalisé à la main. (Source: Sartorialisme)
La tranche de notre porte-carte, entièrement réalisé à la main. (Source: Sartorialisme)

Bien évidemment, toutes des étapes répétitives, ces histoires de séchage interminable c’est du temps perdu. Et le temps perdu c’est de l’argent qui n’est pas gagné, et donc de l’essence en moins dans les jets des grands de ce monde. Et de l’essence en moins c’est autant moins d’occasion pour eux de se rendre à leurs ballets ros… pardon, parties fin… euh, non, galas de charité, c’est ça le mot que je cherchais. Quelle tristesse. Aujourd’hui la vaste majorité des usines (petites comme grandes) sont équipées dans le but d’automatiser au maximum le processus de peinture des tranches. Des accélérateurs sont ajoutés aux peintures afin de les faire sécher plus vite, des agents chimiques sont ajoutés pour bomber les tranches artificiellement (on parle de bombeur de tranche), des fours permettent ensuite d’expédier encore plus rapidement le processus, et même l’application de la peinture est déléguée aux machines.
Le problème, c’est que le résultat n’est pas terrible… certes, ça aide la main-d’œuvre sans savoir-faire mais c’est du vite fait mal fait. Hermès fait un peu plus attention que les autres, mais ça n’est pas pour autant toujours parfait. Le pire c’est bien souvent “les petits ateliers de Normandie” des private labels, comprendre par-là les petites usines qui ne sont pas parvenues à faire de la sous-traitance par Vuitton. Ils n’ont bien souvent ni le matériel dernier cri ni le temps (ou la capacité humaine) de bien faire et vous obtenez souvent quelque chose de proprement risible.

Un parfait exemple d’application industrielle des tranches. Ces images proviennent du même atelier et permettent donc de juger du résultat obtenu. C’est particulièrement criant sur la tranche bleue claire qui n’est absolument pas uniforme avec ses creux, ses bosses...
Un parfait exemple d’application industrielle des tranches. Ces images proviennent du même atelier et permettent donc de juger du résultat obtenu. C’est particulièrement criant sur la tranche bleue claire qui n’est absolument pas uniforme avec ses creux, ses bosses...
Vous avez bien évidemment une grande variété de machines, certaines sont sophistiquées, d’autres moins. (Source: gallipolycolor)
Vous avez bien évidemment une grande variété de machines, certaines sont sophistiquées, d’autres moins. (Source: gallipolycolor)
Petit florilège de tranches nazes. Avec dans l’ordre, Lotuff et une superbe tranchée digne de la guerre 14. Hermès, porte feuille à plus de 8000€, dans l’absolu le résultat est correct, mais pour le prix on distingue quand même très nettement un sillon sur le bord de la languette, un problème très courant chez toutes les marques. John Lobb, là aussi irrégularité générale et superbe sillon central. Enfin mention spéciale pour el famoso Vuitton, qui mélange les styles avec sillon, pâtés, coulures, et irrégularités.
Petit florilège de tranches nazes. Avec dans l’ordre, Lotuff et une superbe tranchée digne de la guerre 14. Hermès, porte feuille à plus de 8000€, dans l’absolu le résultat est correct, mais pour le prix on distingue quand même très nettement un sillon sur le bord de la languette, un problème très courant chez toutes les marques. John Lobb, là aussi irrégularité générale et superbe sillon central. Enfin mention spéciale pour el famoso Vuitton, qui mélange les styles avec sillon, pâtés, coulures, et irrégularités.
Mais qu’en est-il des “petits-ateliers” de Normandie, de Paris ou de nos private labels adorés ? Bah c’est pareil. Là aussi dans l’ordre, Valet de pique donne dans le sillon de profondeur agraire. Guibert appliquent leur peinture à la truelle et en font littéralement un boudin, on n’est plus dans la maroquinerie mais dans la charcuterie. Léon Flan, pardon, Léon Flam font des photos floues en espérant cacher la misère, mais on voit quand même bien les sillons et les pâtés, et enfin, on termine par BG avec un travail pratiquement aussi sale que Vuitton.
Mais qu’en est-il des “petits-ateliers” de Normandie, de Paris ou de nos private labels adorés ? Bah c’est pareil. Là aussi dans l’ordre, Valet de pique donne dans le sillon de profondeur agraire. Guibert appliquent leur peinture à la truelle et en font littéralement un boudin, on n’est plus dans la maroquinerie mais dans la charcuterie. Léon Flan, pardon, Léon Flam font des photos floues en espérant cacher la misère, mais on voit quand même bien les sillons et les pâtés, et enfin, on termine par BG avec un travail pratiquement aussi sale que Vuitton.
Pour référence, des tranches ultra vénères en artisanat, c’est ça. Travail de Steven Wu.
Pour référence, des tranches ultra vénères en artisanat, c’est ça. Travail de Steven Wu.
On notre quand même que chez Hermès, plus le prix est élevé, plus ils font un effort, les tranches du Kelly par exemple c’est ça : 
C’est loin d’être parfait, et pour le prix c’est toujours aussi abusif, mais au moins ils essayent. En général, chez les autres marques, plus l’objet est gros plus les tranches sont grossières.  (Source: Hermès)
On notre quand même que chez Hermès, plus le prix est élevé, plus ils font un effort, les tranches du Kelly par exemple c’est ça : C’est loin d’être parfait, et pour le prix c’est toujours aussi abusif, mais au moins ils essayent. En général, chez les autres marques, plus l’objet est gros plus les tranches sont grossières. (Source: Hermès)

Chez les industriels, même industrialisée cette étape peut mobiliser jusqu’à 1/3 du temps de production à elle seule. Si vous pensez que c’est beaucoup, gardez en mémoire que c’est relatif, car ils ne passent vraiment pas beaucoup de temps sur les autres étapes. TOUT est automatisé ou presque. Néanmoins, comme ils doivent tenir des cadences infernales c’est cette raison qui les pousse à expédier l’astiquage. Ce qui ne les empêche pas de revendiquer tout le contraire dans leur communication.

Application d’une peinture de tranche à la machine chez Chanel dans les ateliers Verneuil. (Source: Chanel)
Application d’une peinture de tranche à la machine chez Chanel dans les ateliers Verneuil. (Source: Chanel)
Un bombeur de tranche. C’est un produit qui essaye d’imiter le rendu bombé de plusieurs couches de peinture. L’idée est intéressante, mais en réalité c’est un produit qui décuple le risque de voir la peinture s’enlever comme une pelure. (Source: decocuir)
Un bombeur de tranche. C’est un produit qui essaye d’imiter le rendu bombé de plusieurs couches de peinture. L’idée est intéressante, mais en réalité c’est un produit qui décuple le risque de voir la peinture s’enlever comme une pelure. (Source: decocuir)
Un portefeuille avec le syndrome de la "pelure de saucisson", un problème courant avec la peinture de tranche. (Source: Reddit)
Un portefeuille avec le syndrome de la "pelure de saucisson", un problème courant avec la peinture de tranche. (Source: Reddit)
Même chose chez Vuitton, avec la peinture de tranche qui commence à peler là où les tensions sont fortes. Le problème ne va qu'empirer. (Source: purseblog)
Même chose chez Vuitton, avec la peinture de tranche qui commence à peler là où les tensions sont fortes. Le problème ne va qu'empirer. (Source: purseblog)

Bien qu’elle soit devenue le contraire de ce qu’elle était originalement prévue pour, à savoir un produit rapide à appliquer, la peinture de tranche présente quand même de nombreux avantages. Certes, elle est difficile à utiliser mais elle n’en demeure pas moins très pratique. D’un point de vue technique, c’est une finition qui est extrêmement versatile qui trouve très facilement sa place sur n’importe quel objet de maroquinerie. C’est également une finition qui se soumet extrêmement bien aux réparations et qui permet une grande flexibilité dans le choix des couleurs (vous pouvez par exemple partir sur des couleurs contrastantes, ce qu’un rembord ne permet pas) et de la brillance. Elle est également assez résistante à l’eau et salissures. Enfin c’est une finition qui est applicable sur le cuir tanné au chrome, cuir qui ne se prête pas au brunissage qui est la finition que nous allons aborder maintenant.

À partir d’un bord franc vous pouvez aussi décider de simplement teindre les tranches et de les lisser, à condition que le cuir soit au tannage végétal.

Le lissage des tranches

Le lissage des tranches, également appelé brunissage, est une finition qui est effectuée avec de la gomme adragante, ou des dérivés, tels que la gomme arabique, le tokonole, de la colle de farine, voire tout simplement de l’eau. Il est possible au préalable de teindre les tranches, avec de la teinture qui va pénétrer les fibres en profondeur ou vous pouvez les laisser brutes. On parle de brunissage car sous l’effet de la friction la tranche va s’assombrir et se polir, donnant au cuir une teinte foncée.

C’est une finition que l’on rencontre majoritairement sur la maroquinerie dite “rustique” même s’il est possible de la trouver chez des artisans de maroquinerie fine, c’est en revanche une finition qui est assez rare en maroquinerie industrielle. Le lissage des tranches comporte un avantage majeur, il s’agit d’une technique très facile à maitriser et le résultat est pratiquement instantané. C’est de loin celle qui demande le moins de savoir-faire. À partir d’un bord franc vous appliquez un peu de gomme et vous frottez avec un chiffon ou un brunissoir. Le brunissage a l’avantage de produire des bords extrêmement brillants, façon glaçage miroir sur des souliers. En revanche cette brillance ne perdure pas dans le temps. Au contact de l’humidité et des frottements elle s’estompe extrêmement rapidement (on parle en semaine voire jours) et vous vous retrouvez rapidement avec un bord mat. Il existe certaines techniques qui permettent de maintenir cette brillance plus longtemps mais le but est de vous permettre de comprendre ce que vous achetez, pas de donner des conseils gratuits à tous les amateurs du travail du cuir.

Une tranche lissée avec un effet miroir très impressionnant mais qui ne va pas durer dans le temps.  (Source: reddit)
Une tranche lissée avec un effet miroir très impressionnant mais qui ne va pas durer dans le temps. (Source: reddit)
Lissage des tranches au Tokonole, un produit de hipster par excellence. Non qu’il soit mauvais, mais la hype autours me dépasse totalement. (Source: aacrak)
Lissage des tranches au Tokonole, un produit de hipster par excellence. Non qu’il soit mauvais, mais la hype autours me dépasse totalement. (Source: aacrak)

Le rembord

Nous l’avons déjà dit, le rembord est la finition la plus traditionnelle qui soit dès que l’on parle de maroquinerie de luxe. Le rembord était virtuellement présent sur toutes les pièces de maroquinerie de luxe du début du 20ème siècle. En raison de sa technicité il a petit à petit laissé place à la peinture de tranche. Certaines marques de maroquinerie industrielle comme Chanel utilise encore énormément le rembord car cela correspond à l’image un peu “vintage” et vaguement “traditionnelle” qu’elle souhaite donner à ses produits. C’est une finition qui est simple à comprendre, il s’agit tout simplement de parer le cuir et de le rabattre sur lui-même afin de former une sorte d’ourlet. L’intérêt de cette finition repose dans l’uniformité et la continuité visuelle qu’elle permet. Vous avez un produit qui utilise le même cuir sur sa face avant et sur ses tranches ce qui est esthétiquement plaisant. En revanche le rembord est assez sensible aux frottements et il est difficile à réparer. Prise individuellement cette finition n’est plus indicative d’un savoir-faire particulièrement poussé car elle a beaucoup perdu de sa superbe, notamment en raison de la mécanisation de la maroquinerie. C’est donc une finition que l’on trouve indifféremment sur de la maroquinerie industrielle comme traditionnelle. Traditionnellement le rembord demande un bon niveau de compétence et était effectué intégralement à la main (ou avec une pareuse mécanique). Cela demandait de la minutie, notamment en coins. Aujourd’hui il existe des rembordeuses automatiques. Ce n’est donc pas en regardant uniquement un rembord que vous allez pouvoir vous faire une idée sur la qualité d’une pièce. Il est toutefois important de noter que bien qu’il existe des rembordeuses automatiques, ces dernières ne permettent pas de toujours d’effectuer un rembord en raison de contraintes techniques, certains industriels font donc toujours des rembords mains quand ils n’ont pas le choix. Mais en général, tout le travail de préparation aura déjà été fait en amont.

Un rembord fait main. (Source: fingersstyle)
Un rembord fait main. (Source: fingersstyle)
 Il existe aujourd’hui des machines à remborder (Source: francecuir)
Il existe aujourd’hui des machines à remborder (Source: francecuir)
Le rembord permet une belle continuité visuelle. (Source: Chanel)
Le rembord permet une belle continuité visuelle. (Source: Chanel)

Le bord à cheval

Le bord à cheval est une finition que l’on voit assez souvent sur les sacs, notamment au niveau de l’ouverture mais pas seulement, elle se retrouve dans la bagagerie, dans la sellerie et parfois même en botterie. Il s’agit simplement de masquer le bord par une autre pièce de cuir placée dessus “à cheval”. C’est une finition très facile à mettre en place, c’est d’ailleurs là son intérêt principal. En revanche comme c’est une finition souvent utilisée à des endroits exposés à des frottements importants (ouvrir/fermer le sac, chercher dedans etc etc) elle a tendance à s’user assez vite, d’autant plus vite que peu de gens entretiennent correctement leur maroquinerie. C’est une finition un peu à double tranchant car elle s’use vite et n’est pas facile à réparer, en revanche son remplacement intégral est relativement simple à réaliser, d’où son intérêt. Elle permet également une grande diversité dans le choix des couleurs, puisque vous pouvez partir sur des cuirs contrastants ou non. C’est une finition que l’on retrouve parfois sur la petite maroquinerie, même si c’est assez rare. Elle est employée par les industriels comme les artisans, sauf que les industriels n’hésitent pas à utiliser des matières synthétiques plutôt que du cuir…

Exemple typique de bord à cheval sur un sac Vuitton. (Source: LVMH)
Exemple typique de bord à cheval sur un sac Vuitton. (Source: LVMH)

Conclusion

Les tranches sont l'une des nombreuses finitions qui sont totalement bâclées en industrie, peu importe la marque. L'industrialisation de la maroquinerie permet de diminuer le temps de production, mais c'est au détriment du soin qui est apporté aux produits. Autant il est compréhensible que pour des produits utilitaires cela ne soit pas dramatique, mais TOUTES les marques évoquées dans cet se targuent de faire du “luxe”, même quand elles n'en font pas.

Notre porte-carte fabriqué intégralement à la main

Avant-propos

Tous les détails essentiels sont présents dans la version publique de cet article mais sachez qu’il existe une version plus détaillée de cet article sur notre Patreon, avec des photos supplémentaires et plus de détails derrière la fabrication.

Dans le précédent article nous avons annoncé avoir lancé un Patreon, mais également mettre en vente une petite série de porte-cartes, c'est de cela que nous allons parler aujourd'hui.

La genèse

Contrairement à beaucoup d’autres influenceurs qui se seraient contentés de faire une collaboration avec une marque établie j’ai préféré mettre ma peau sur la table et proposer un porte-carte intégralement fabriqué à la main, et cela dans le véritable sens du terme. Il ne s’agit pas d’un énième produit fabriqué “à la main” façon projet en private label d’étudiant d’école de commerce qui va demander à une usine minable de Normandie de faire le travail pour lui. Non, non, mais bien d’un objet que j’ai fabriqué moi-même dans le petit coin d’atelier que j’ai chez moi. L’intégralité du projet, de sa conception, à sa réalisation, en passant par sa photographie, et l’article que vous êtes en train de lire est donc le travail d’une seule et même personne…. Personne dont ça n’est d’ailleurs pas le métier, même si j'ai une formation et un diplôme dans le milieu. Je n’ai jamais prétendu être un professionnel. Le travail du cuir est une passion que j’ai depuis plus de 10 ans maintenant, qu’il s’agisse de botterie, de cordonnerie ou de maroquinerie ce sont des artisanats qui me fascinent mais qui malheureusement sont en train de disparaître petit à petit. Pour se lancer aujourd’hui, il faut être un peu fou ou inconscient. Lors de la publication de mon article “état des lieux de la maroquinerie”, je me suis aperçu que beaucoup de gens ignoraient absolument tout du milieu maroquinier. Aujourd’hui ce que les gens connaissent se limite aux grands groupes du luxe (Vuitton, Hermès, Cartier, Chanel...) d’un côté, et des produits industriels minables en private label de l’autre, qui sont d’ailleurs parfois des grands groupes du luxe, l’un n’exclut pas l’autre. C’est de ce constat qu’est née la volonté de faire découvrir autre chose. Autant être clair, ce ne sont pas Sale Gueule, Macadam et les autres qui vont le faire, tout simplement car ça n’est pas financièrement profitable.

Je ne vais pas perdre mon temps à expliquer le “pourquoi” du porte carte. Certains blogs commerçants épiloguent là-dessus car c’est plus ou moins la seule chose qu’ils peuvent mettre en avant. Ils expliquent que cela procède d’une recherche philosophique intense, d’un besoin fondamental de reconnecter l’homme à ses accessoires, bref c’est tellurique quoi. En ce qui me concerne pour ce premier essai il fallait quelque chose qui soit à la fois pratique, pas trop cher, et qui parle au plus grand nombre, le choix du porte-cartes s’est imposé de lui-même. Ce qui va être plus intéressant est de raconter comment le projet s’est concrétisé et quel est le processus derrière la fabrication d’un objet de maroquinerie en indépendant. Malheureusement je n’ai pas beaucoup de photo de la fabrication en tant que telle, la raison est assez simple, c’est extrêmement chiant de devoir prendre des photos en même temps que vous travaillez. Comme je le disais en préambule, j’ai absolument tout fait de A à Z et devoir interrompre son travail pour le photographier est une perte de temps. Il faut installer les lumières, le trépied, tout démonter une fois les photos prises, vérifier sur l’ordinateur que le résultat est correct, etc.... Cet article n’est donc pas riche en photographies de fabrication et je m’excuse d’avance, si jamais ce porte carte à du succès et que je dois en refaire une autre série, alors peut-être que je m’organiserais pour photographier la fabrication plus en détails.

Cahier des charges et choix du cuir

Le cahier des charges que je m’étais imposé était assez concis mais exigeant, je voulais quelque chose qui soit petit, pratique tout en étant fin et résistant. En matière de capacité d’emport je me suis basé sur mes habitudes, 2 ou 3 cartes et un peu de cash est largement suffisant pour parer à la majorité des éventualités. En hiver ou si j’ai besoin de plus je prends un portefeuille. Je ne suis pas spécialement amateur des porte-cartes sur lesquels la face avant et arrière sont occupées par des cartes, ils ont leur place, mais personnellement je trouve qu’ils deviennent rapidement trop épais, surtout une fois pleins. J’ai réalisé le premier prototype avec 2 emplacements cartes, mais j’ai trouvé ça insuffisant et je me suis donc dirigé vers 3 cartes pour le second prototype et le modèle définitif. En matière de dimension le porte-cartes tel qu’il est vendu fait donc 10,5cm de largeur pour 8,5cm de hauteur, avec une épaisseur en bord de 2,6mm. Il y a 3 espaces format carte de crédit sur la face avant, et une poche centrale qui peut accommoder une bonne quantité de billets. La carte d’identité Française ancien format ne rentre pas dans les emplacements carte de crédit, elle peut éventuellement se mettre dans la poche centrale mais elle dépassera.

S’est ensuite posé la question du choix du cuir. Comme il s’agit d’un petit projet je n’ai pas la nécessité d’acheter de grandes quantités, ce qui veut dire que je ne vais pas passer par une tannerie directement mais par des revendeurs.

Mon choix s’est porté sur un cuir Museum calf vert de la tannerie Italienne Ilcea pour la face avant. Le Museum calf, Radica de son vrai nom, est un cuir tanné au chrome dont j’aime beaucoup l’aspect, il est fini à la main avec une teinture aniline qui lui donne son aspect marbré caractéristique. C’est un cuir qui est utilisé fréquemment dans le monde de la chaussure mais il est aussi présent en maroquinerie. Ilcea est une tannerie sur laquelle il y a beaucoup à dire et peut être qu’un jour cela fera l’objet d’un article. Pour faire simple, les cuirs sont beaux, mais inégaux. Une alternative aurait été d’aller chez la tannerie concurrente qu’est Zonta et qui propose un cuir similaire sous le nom de misty calf. En revanche Zonta ne propose pas (plus?) de misty calf en vert et c’était une couleur que j’étais déterminé à conserver.
Le reste du porte carte est réalisé dans un cuir de chèvre vert foncé au tannage végétal provenant de Mégisserie Julien, une tannerie du groupe HCP. Comprendre par-là, une tannerie qui appartient à Hermès. Le grain est discret et la couleur est un excellent complément au museum calf. En ce qui concerne les cuirs de chèvre Alran a généralement ma préférence, notamment car ce sont des indépendant, malheureusement ils n’avaient pas de vert dans la bonne teinte.

Le cuir Radica Museum calf d'Ilcea qui a été sélectionné pour ce projet.
Le cuir Radica Museum calf d'Ilcea qui a été sélectionné pour ce projet.
Sélection de cuir provenant de Mégisserie Julien, pour ce projet la couleur "colvert" a été sélectionnée.
Sélection de cuir provenant de Mégisserie Julien, pour ce projet la couleur "colvert" a été sélectionnée.

Une fois que j’ai déterminé le cuir que je veux utiliser, je passer par la réalisation de plusieurs prototypes afin de régler de nombreux détails de fabrication et de m’assurer que le produit final correspond à mon niveau d’exigence. Dans le cas de ce porte carte j’ai réalisé un total de 4 prototypes, vous pouvez en savoir plus sur ce processus dans la version Patreon de cet article.

La fabrication

Une fois l’élaboration des prototype terminés, je passe donc à la fabrication des exemplaires destinés à la vente. Le processus comporte plusieurs étapes, à savoir encartage, découpe, parage, assemblage des poches à fentes de la face avant, puis assemblage du compartiment central, filetage, préparation pour ma couture, couture au point sellier, finition des tranches et enfin bichonnage. Je ne vais pas détailler outre mesure chacune des étapes, car je ne souhaite pas spécialement dévoiler certains secrets de fabrications qui vont ensuite se retrouver sur tous les blogs nazes façon Valérien, et même la version Patreon de cet article ne comporte pas tous les détails. Je peux en revanche dire combien de temps demande la fabrication d’un porte carte. En fonction du temps qu’il me faut pour finir les tranches, une étape chronophage au possible, il me faut entre 4h30 et 5h30 pour réaliser un porte-carte du début à la fin. Les étapes qui demandent le plus de temps sont la couture au point sellier, et comme déjà mentionné la peinture des tranches. C’est de loin la finition la plus exigeante sur un produit réalisé en bord franc. Nous publierons d’ailleurs bientôt sur le blog un article dédié à la peinture de tranche, article déjà disponible sur notre Patreon.

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Réalisation des poches à fente. Les poches internes sont réalisées dans un coton renforcé au nylon ripstop afin de garantir une plus grande durabilité. Ce n’est pas du tout le matériau le plus noble mais c’est un choix qui est issu d’une contrainte technique. Ne disposant pas de pareuse mécanique, ni de refendeuse je suis limité dans le choix des poches que je peux proposer. Des poches de type bord franc prises dans la tranche comme on en trouve assez souvent sont plus difficilement réalisables sans ces outils, une prochaine fois peut-être.

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Réalisation de ma peinture de tranche. Il s’agit ici d’un prototype, l’objectif est de déterminer si la couleur se marie bien à la teinte du cuir. La peinture de tranche a tendance à s’éclaircir un peu quand elle sèche, il faut donc s’assurer qu’elle ne devienne pas trop claire une fois sèche.

tranches

Un crachat gratuit vers les marques du "grand luxe" et leur "savoir-faire centenaire". La peinture de tranche sur les porte-cartes d'une marque très connue, avec des rigoles tellement profondes qu'on dirait des tranchées de 1914. Vous payez plus de 400€ pour ça.

Je ne prétends pas être meilleur ouvrier de France, très loin de là, mais voici les tranches sur mes porte-cartes définitifs:

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Le prototype numéro 3 avec sa couture jaune, une couleur qui n’a pas été retenue car elle “encadre” trop l’objet. Au passage cela me permet également de parler du fil utilisé sur ce porte-carte. C'est du fil de lin de la marque Française "fil au chinois". Le fil de lien est celui qui est traditionnellement utilisé en maroquinerie. Et c'est aussi ce qu'il y avait de plus solide avant l'invention des matières synthétiques. C'est très cher comme fil, mais c'est aussi beaucoup plus beau que du fil polyester, fil majoritairement utilisé en industrie. Ce dernier est certes plus résistant, mais il a un aspect plastique assez désagréable.

Cette photo permet également de voir deux caractéristiques que j’aime beaucoup du museum calf. La première est son aspect marbré avec ses sublimes variations de couleurs. La seconde est le grain du cuir qui est parfaitement visible. Le cuir Radica d’Ilcea n’est pas noyé sous les pigments et permet d’avoir un cuir qui maintient tout son aspect naturel contrairement à la majorité des cuirs que l’on trouve en maroquinerie aujourd’hui.

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Nos porte-cartes terminés

Passons maintenant au résultat final. Je m’excuse d’avance mais les photos ont été réalisées par mes soins et ça n’est pas du tout mon domaine. J'ai essayé de varier les lumières et les ambiances pour que vous ayez un aperçu assez large.

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Pas de marque? Pas d’initiales?

Certaines marques proposent au client d'ajouter leurs initiales en lettres dorées, ça n'est pas le cas ici. La raison derrière cela est assez simple, pour ajouter une griffe ou des initiales, il me faut une doreuse à chaud. Je n’en possède pas car je n’en ai pas l’utilité. Ces machines coûtent plus de 2000€ et avec ma production actuelle ça n’est tout simplement pas envisageable d’en acheter une. De plus le logo du site ne se prête pas spécialement au marquage à chaud et je ne pense pas que le résultait serait esthétique

L'entretien

En matière d’entretien, il n’est pas nécessaire de faire grand-chose. Le plus important est de ne pas maltraiter votre porte-carte, si ce sont des objets qui ont une durée de vie assez limitée c’est bien souvent car les gens ont tendance à ne pas y faire attention. J'insiste sur le fait qu'il est préférable d'éviter de mettre votre porte-carte dans la même poche que vos clefs. Ces dernières peuvent endommager le cuir ou les tranches. Le cuir Museum calf est un cuir non pigmenté qui marque assez facilement. La bonne nouvelle c’est que les griffures disparaissent également assez facilement, je rappelle tout de même que c’est un cuir que l’on rencontre très souvent sur des chaussures et qu’il est donc quand même suffisamment résistant. Il suffit de le frotter avec un chiffon très légèrement imbibé de lotion Saphir. Attention toutefois à ne pas frotter trop vigoureusement. Je ne recommande pas d’appliquer d’autres produits que la lotion Saphir, et encore une fois, il n’est nécessaire d’utiliser cette dernière de façon régulière. Une fois l’an est très largement suffisant. Et dans le doute mieux vaut ne rien mettre plutôt que d’appliquer un mauvais produit. Même traitement en ce qui concerne le cuir de chèvre, ce dernier devrait plutôt bien résister aux griffures.

Le prix

En ce qui concerne la douloureuse, le prix est de 250€, s’ajoutent à cela 17€ de frais de ports. Si vous préférez, je peux vous la faire façon e-commerce du 21ème siècle et dire que le prix est de 267€ avec frais de ports gratuits. C’est selon.

Je suis conscient que c’est un prix qui peut paraître élevé, mais il faut compter environ 50€ de cuir par porte-cartes, plus 5h de travail à 30€ de l’heure et on arrive à un prix de 210€, sans compter les fournitures (colle, fil de lin, cire, peinture de tranche…) qui l’air de rien viennent s’ajouter à la balance. Je ne vous cache rien, niveau marge je suis loin de me foutre de vos gueules. Je suis d’ailleurs dans la tranche basse de ce qui proposent les artisans, vous pouvez trouver moins cher, mais vous pouvez également trouver beaucoup plus cher. Comme je l’ai déjà mentionné je ne sais combien de fois, je ne suis pas un professionnel mais j’ai essayé de m’attacher à ce que le travail soit le plus propre possible. Est-ce qu’il y a des imperfections ? Oui, forcément, il est beaucoup plus difficile d’obtenir un résultat parfaitement uniforme quand on travaille intégralement à la main, surtout quand ça n’est au final pas votre métier. Mais quand je parle d’imperfections, je parle bien évidemment de petits détails qui ne sont qu’esthétiques, et que vous n’allez très probablement même pas remarquer. Il est possible qu’un point de couture ne soit pas parfaitement droit, il est possible qu’il y ait une légère imperfection sur une tranche, il est possible que le cuir ait une marque ici ou là, même si je n’ai sélectionné que les parties les plus belles, le cuir museum calf n’est pas pigmenté et il n’est pas facile de trouver beaucoup de zones qui soient à 100 % immaculées sur les peaux disponibles chez les revendeurs. Je n’ai sélectionné que le meilleur de la peau que j’avais à ma disposition, et dans la mesure du possible je me suis arrangé pour que s’il y avait des marques elles soient dans des zones discrètes. Pour faire simple, ce que vous voyez sur les photos est ce que vous allez recevoir.

Pour passer commande, merci de me contacter à l’adresse suivante : commande.sartorialisme (at) gmail.com

Je précise que la quantité est extrêmement limitée. Si je reçois beaucoup d’emails je peux envisager de produire une seconde série, mais pour l’instant il n’y a qu’un très petit nombre d’exemplaires de disponible à la vente.

N'attendez pas un emballage grand luxe, pour l'instant c'est de la très petite série. L'envoi sera soigné dans une enveloppe bulle, mais il n'y a aucun packaging spécial, ce qui permet au passage de garder un prix assez restreint pour une série aussi petite, intégralement fabriquée à la main.