Pose d’un patin et d’un fer encastré, tutoriel complet

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Avant-propos

Tout le monde n’a pas la chance d’avoir accès à un cordonnier réputé, et quand bien même ce serait le cas il existe toujours des déconvenues. Une fois n’est pas coutume nous allons vous conter une fable qui je l’espère vous laissera entrevoir l’intérêt qu’il peut y avoir à savoir faire quelques menus travaux de cordonnerie.

Dans notre infâme cité Parisienne,

Résidaient un cordonnier de grande renommée

Et Rat Minus, un avocat fortement cocufié.

L'avocat, au style vestimentaire peu flatteur,

Arborait des costumes ratés, digne d’un soupeur.

Un jour, Rat Minus, pressé par ses plaidoiries,

Déposa chez le cordonnier ses chaussures d’Italie.

"Prends-en grand soin, cher compagnon,

Car mes pas ne connaissent nulle limitation."

Le cordonnier, expert dans son noble métier,

Prit les chaussures et promit de bien les soigner.

L'avocat s'en alla, l'esprit à ses dossiers,

Sans se soucier de ses souliers.

Le temps passa, les saisons s'écoulèrent sans pitié,

Et Rat Minus, distrait, oublia ses chaussures délaissées.

Le cordonnier, à son tour, prit sa retraite bien méritée,

Laissant derrière lui son atelier, où tant de souliers avaient été sauvés.

Un jour, Rat Minus se souvint de ses chaussures d’Italie,

Il accourut chez le cordonnier, dandinant son fondement distendu.

Mais hélas, l'atelier était désert, dépourvu de vie,

Rat Minus réalisa alors que ses souliers étaient à jamais perdus.

Lors d'une discussion entre amis, Rat Minus se glorifia,

Il narra sa perte de souliers avec une fierté démesurée.

"Ignorez mes erreurs, mes chaussures négligées,

Elles ne me convenaient pas, me blessaient, la réalité assumée !"

Ses amis éclatèrent de rire, se moquant sans retenue,

De son choix précipité, ignorant le chaussant, quelle déconvenue !

"Rat Minus, tes achats impulsifs sont une tragédie,

Ton incompétence en matière de chaussures est une comédie !"

Je vous laisse le soin de trouver une morale à cette histoire, toujours est-il qu’il est regrettable que beaucoup des zélégants zexperts des zinternets ne sachent pas faire grand-chose de leurs 10 doigts dès qu’il ne s’agit pas de branlette en cercle ou de se triturer la nouille sur Instagram. Heureusement, nous vous donnons dans cet article les clefs pour ne pas être comme eux.

Avant d’entrer dans le vif du sujet nous allons faire un point sur les outils et fournitures nécessaires pour réaliser la pose d’un patin et d’un fer (que l’on appelle techniquement protecteur) et nous vous donnerons quelques propos introductifs qui servirons d’avertissements.

Ce tutoriel a été pensé pour être réalisable par tous (ou presque). Il ne requiert AUCUNE MACHINE et ne demande que l'achat de quelques outils et fournitures.

Tout d’abord je recommande chaudement d’effectuer la pose d’un patin et d’un fer sur un soulier neuf. Lorsqu’il s’agit de confier la paire à un cordonnier, ça n’est pas nécessaire. Mais dans le cas qui nous intéresse, il est infiniment plus facile de travailler sur un soulier neuf puisque tout va être à niveau. Le risque avec un soulier déjà porté est de devoir poser une redresse au niveau du protecteur encastré. Une redresse est une petite pièce de cuir qui vient se placer entre la semelle et le fer et qui vient mettre le fer à niveau. Je ne vais pas expliquer cette technique en détails ici, tout simplement car je n’avais pas de souliers usés qui nécessitaient l’utilisation d’une redresse à ma disposition. Ça n’est pas très compliqué à réaliser. Vous trouvez du croupon à redresse chez les fournisseurs mais n’importe quel croupon battu peut faire l’affaire.

Par ailleurs pour ce tutoriel j’utilise des chaussures avec un cousu Goodyear sous gravure. Cela ne change pas grand-chose pour un soulier cousu rainette. Il faudra simplement faire un peu plus attention à la couture. Si vous ne savez pas faire la différence entre cousu sous gravure et cousu rainette, il est préférable de vous arrêter là et de lire notre article "qu'est ce qu'un soulier de qualité

J'en profite pour remercier l'intégralité de nos contributeurs passés, présents et futurs. C'est grâce à eux que nous pouvons réaliser ce genre d'articles.

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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les semelles en cuir

Avant-propos

Cela fait plusieurs années que les semelles en caoutchouc gagnent du terrain et la tendance n’a aucune raison de s’inverser. Au contraire, elle ne fait que s’accélérer et chez certaines marques les semelles en caoutchouc sont même devenues majoritaires ou sont en passe de le devenir. Les raisons derrière ce succès sont nombreuses, mais elles peuvent se résumer à deux choses, une baisse de la qualité, et une baisse des coûts. Baisse de la qualité, non pas des semelles en gomme, mais des semelles en cuir, et baisse des coûts engendrés par les économies qu’une semelle gomme peut permettre de réaliser par rapport à une semelle en cuir. J’insiste sur le “peut permettre” mais nous verrons cela dans la seconde partie de cet article.

Les semelles en cuir

Avant d’entrer dans le vif du sujet il est bon de faire une rapide présentation des semelles en cuir qui existent sur le marché. Sans la trépointe (quand il y a en a une) l'épaisseur typique d'une semelle en cuir est comprise entre 4,5 et 5,5 mm. C’est bien évidemment une moyenne, il peut y avoir des semelles plus ou moins épaisses que cela, puisque le type de montage a une influence sur l’épaisseur de la semelle qui va être employée.

Dans certains cas, on trouve des semelles en cuir double, voire triple, qui sont normalement plus durables et qui sont en général destinées à des chaussures d’aspect plus rustique. Il existe aussi des semelles doubles qui deviennent simple en cambrure, communément appelées semelle “Haf” chez les anglophones, c’est une finition que l’on rencontre plus souvent en mesure mais Edward Green et d’autres marques de PAP la propose.

Une double semelle est plus durable, plus épaisse et, bien sûr, permet d'isoler davantage la chaussure.

Semelle Haf chez Edward Green, avec un modèle Herrick (Source: EG)
Semelle Haf chez Edward Green, avec un modèle Herrick (Source: EG)
Semelle Haf chez Edward Green, avec un modèle Dover, comme quoi ces semelles ne sont pas exclusives aux bottines. (Source:EG)
Semelle Haf chez Edward Green, avec un modèle Dover, comme quoi ces semelles ne sont pas exclusives aux bottines. (Source:EG)
Derby triple semelle chez Weston. Autant dire que vous avez le temps de voir venir avant d’avoir besoin de faire un ressemelage. Il y a quand même un aspect chaussures du monstre de Frankenstein à prendre en compte. (Source: Weston)
Derby triple semelle chez Weston. Autant dire que vous avez le temps de voir venir avant d’avoir besoin de faire un ressemelage. Il y a quand même un aspect chaussures du monstre de Frankenstein à prendre en compte. (Source: Weston)

Je ne vais pas aborder les diverses finitions visuelles (patine, glaçage) qui sont possibles sur les semelles en cuir, car c’est uniquement de la coquetterie et cela dépend simplement des désirs des clients ou de la fantaisie (ou non) du fabricant.

Une patine sur une semelle JR par Winson Shoemaker. (Source: Winson Shoemaker)
Une patine sur une semelle JR par Winson Shoemaker. (Source: Winson Shoemaker)

La baisse de qualité des semelles en cuir

Le tannage

On parle très souvent de la baisse de qualité des cuirs de tige dans le monde de la chaussure, mais l’on parle beaucoup moins de la baisse de qualité des cuirs utilisés pour les semelles d’usure, et pourtant le déclin est tout aussi rapide. Le critère principal qui va déterminer de la durabilité d’une semelle est la dureté, plus le cuir va être dur plus il va être résistant, mais attention, il faut que le cuir conserve toujours un certain ressort. Un cuir trop dur risque de devenir friable. L’épaisseur joue bien évidemment un rôle mais il est secondaire, une semelle trop souple qui est épaisse ne va pas résister mieux qu’une semelle plus fine à la bonne dureté.
Pour que le cuir soit à la bonne rigidité il faut lui faire subir tout un processus pour obtenir une dureté optimale avec la bonne quantité de ressort. De base, sur une peau de bovin, il y a des zones qui sont plus ou moins rigides. Le centre de la peau est la zone la plus rigide et plus vous allez vers les extrémités plus le cuir devient souple et plus il a de prêtant ce qui est une caractéristique indésirable quand vous voulez travailler le cuir de façon générale, et quand vous voulez faire des semelles en particulier. C’est pour cette raison que la zone la plus prisée est celle que l’on appelle le croupon car elle est la plus stable dimensionnellement puisqu’elle a le moins de prêtant. Bien que le croupon soit une zone naturellement plus rigide que les autres, elle n’est pas suffisamment rigide pour qu’elle puisse être utilisée sur des semelles avec n’importe quelle forme de tannage. Pour qu’un croupon soit le plus rigide possible il faut qu’il soit tanné avec un tannage végétal, le tannage au chrome produit de façon générale un cuir souple même s’il existe évidemment des cuirs tannés au chrome qui sont plus rigides que d’autres.

Les différentes parties d’une peau. (Source: CTC)
Les différentes parties d’une peau. (Source: CTC)

Le problème du tannage végétal par rapport au tannage au chrome est sa durée, il est beaucoup plus chronophage et donc il coute beaucoup plus cher. Un tannage au chrome peut être effectué en 3 heures. Un tannage végétal peut être réalisé en 48h, mais pour des semelles, un tannage végétal dit “lent” demande au minimum 30 jours. En réalité il peut aller de 30 jours, à 30 mois. Enfin ça c’est historiquement, aujourd’hui on est plus aux alentours des 18 mois maximum, c’est pour cela que l’on parle parfois de tannage lent, voire même de tannage extra lent. Et 30 jours, ça n’est pas un tannage végétal extra lent à l’écorche de chêne, mais un tannage réalisé avec des agents chimiques qui sont censés reproduire un tannage à l’écorce de chêne, autrement dit c’est une version industrielle qui coûte beaucoup moins cher et qui est donc très populaire, c’est d’ailleurs plus ou moins la norme de nos jours en dehors de quelques irréductibles (Bastin, Garat, Baker, possiblement d’autres mais on a là les plus connus).

Lors d’un tannage végétal lent traditionnel il y a 3 grandes étapes à suivre (je ne compte pas la préparation, je ne parle que des étapes spécifiques au tannage végétal lent). Il y a tout d’abord ce qu’on appelle le passage en brasserie où les peaux sont saturées de tanins, cette étape dure en général deux mois mais elle peut durer plus, Baker dit faire 3 mois par exemple. L’étape la plus longue est le passage en cuve (également appelée fosse), c’est durant cette étape qu’on laisse les peaux reposer avec de l’écorce, en général de chêne mais d’autres essences sont utilisées comme du châtaignier. Cette étape peut à elle seule prendre 12 mois. On a l’habitude dans le milieu de dire qu’il faut laisser du temps au tan mais une telle lenteur est aujourd’hui impensable dans notre monde du “progrès technique” et des échanges globalisés. Car plus que jamais, le tan c’est de l’argent. C’est la première étape vers la “rationalisation” du tannage des semelles, le temps en fosse connaît de plus en plus de réductions et cela même chez les tanneries historiques et réputées. Bastin a fait passer son temps en cuve de 10 à 12 mois à 8 à 10 mois, d’après les divers reportages réalisés chez eux. Dans le monde du marketing, les délais fonctionnent à l’inverse de ceux du quotidien. Quand Bastin dit “de 8 à 10 mois” il faut comprendre que le temps passé en fosse est très vraisemblablement de 8 mois voire moins (j’ai entendu que parfois on était plus proche des 6 mois). Quand votre plombier vous dit qu’il faudra attendre “4 à 6 semaines” vous allez poireauter 6 semaines voire plus.

Cela étant dit, le temps de passage en fosse des concurrents n’est pas très éloigné de ça. Chez Garat on parle de 4 à 6 mois en cuve (d’après leur propre site internet), Baker dit laisser les peaux en cuve pendant 9 mois, pour un temps total de tannage de 12 mois et Rendenbach disait que le temps total de tannage prend 9 mois mais je n’ai pas trouvé le temps passé en cuve, de toute façon ça n’est plus la même tannerie qui produit les semelles. Au final ça n’est pas très important, le temps en cuve n’est pas un concours de distance, beaucoup de tanneries utilisent l’argument de la durée uniquement dans un but marketing, avec l’idée que plus c’est long plus c’est bon. En réalité, et selon le proverbe en vigueur chez les Anglois “you can’t polish a turd”, mettre un croupon naze en cuve pendant 36 mois ne le transformera pas en carrosse. Mieux vaut un temps plus court en cuve avec un cuir excellent qu’un temps long avec un cuir médiocre. Il est bon de le préciser car je vous laisse imaginez ce qui peut être fait (en matière d’utilisation de peausserie comme en matière de tannage) dans les tanneries de l’Inde, du Brésil ou de la Chine, qui sont de bien plus gros producteurs de cuir que la France ou l’Angleterre. C’est d’ailleurs là une autre raison de la baisse de qualité des cuirs de semelle, la concurrence des pays du tiers monde mais nous allons revenir à cela dans un court instant.

Les cuves (ou fosses) extérieures chez Bastin. (Source : pahmontsetbarrages)
Les cuves (ou fosses) extérieures chez Bastin. (Source : pahmontsetbarrages)

Après le passage en cuve, il existe quelques étapes intermédiaires (séchage, etc…), mais le stade final est le passage au battage et au cylindrage. Durant ces deux étapes il faut compresser les fibres du cuir au maximum afin de le rendre le plus solide et également le plus imperméable possible, car le cuir est par nature absorbant. Plus vous compressez les fibres, plus le cuir va être résistant et plus il sera résistant plus il sera durable. Le battage est une compression verticale, le cylindrage une compression horizontale. Le battage chez Bastin est fait en utilisant un marteau pilon de 10 tonnes qui a plus de 200 ans et qui a un rendement d’un autre monde, environ 6 à 7 croupons de l’heure. Cette machine réduit l’épaisseur du cuir de 25 % et surtout permet d’augmenter la résistance du croupon de 30 %, ce qui est considérable, mais en raison du temps que cela demande c’est une étape qui est aujourd’hui totalement bâclée voir simplement ignorée par de nombreuses tanneries. Ce qui résulte en un cuir avec des fibres beaucoup moins compactées, et donc beaucoup plus poreuses, ce qui est rédhibitoire en termes de longévité.

La compression des fibres chez Bastin (cylindrage à gauche, battage à droite). (Source : pahmontsetbarrages)
La compression des fibres chez Bastin (cylindrage à gauche, battage à droite). (Source : pahmontsetbarrages)

Le paysage actuel

La chaussure en cuir est en perte de vitesse depuis des années, c’est un reliquat qui est en train de disparaître et le solde de tout compte est proche. La majorité des gens ne jurent aujourd’hui plus que par les sneakers et c’est ce changement dans notre mode de vie qui est en partie à la source de la disparition de bien des tanneries et de bien des marques. Mais l’autre raison tient à la mondialisation et à l’ouverture des marchés aux pays du tiers monde. En 1920 la ville de Lynn dans le Massachusetts, juste au Nord de Boston était considérée comme la capitale mondiale de la chaussure, avec accrochez-vous bien, plus de 250 usines ! En 1981, il n’en restait plus une seule. Vous imaginez bien que pour qu’il existe autant d’usine il devait exister des tanneries, l’État du Michigan comptait à lui seul plus de 22 tanneries spécialisées dans la fabrication de semelles en cuir. Devinez combien il en reste aujourd’hui ? Pas une seule. Le changement de mode n’est pas à lui seul responsable de ce cataclysme, car ce dernier avait en réalité commencé dès les années 50, époque à laquelle le marché Américain de la chaussure s’est ouvert à la concurrence extérieure. L’industrie du cuir en général étant lente et coûteuse en main d’œuvre, elle n’était pas équipée pour résister à une concurrence asiatique où le coût de la main d’œuvre était négligeable et où la quantité primait sur la qualité. Ça a été un massacre. Cette stratégie à court terme a permis de faire baisser les prix et a assuré l’enrichissement rapide et facile de toute une génération, au prix d’une destruction presque intégrale de l’industrie de la chaussure américaine. Ce schéma a d’ailleurs été recréé dans d’autres secteurs industriels, et dans d’autres pays, mais ça n’est pas le sujet. Vous savez en revanche quelle génération remercier pour la désindustrialisation totale d’une grande partie de l’occident.

Un musée à Lynn, Massachusetts expose une œuvre d’art qui comporte 234 semelles de chaussures représentant les 234 fabricants qui existaient dans la ville en 1893. Aujourd’hui il n’en reste plus un seul. (Source : Lynn Museum)
Un musée à Lynn, Massachusetts expose une œuvre d’art qui comporte 234 semelles de chaussures représentant les 234 fabricants qui existaient dans la ville en 1893. Aujourd’hui il n’en reste plus un seul. (Source : Lynn Museum)

Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, il existe seulement trois tanneries dont les semelles en cuir sont véritablement réputées, Bastin, Garat et Baker. Bastin et Garat sont Français, Baker est la dernière tannerie Anglaise à faire un tannage lent traditionnel (comprendre par là que les autres tanneries Anglaises qui font du tannage lent utilisent des alternatives chimiques). J. Rendenbach n’existe plus, Kilger a racheté leur recette mais je ne sais pas quelle est la qualité actuelle de leur production. Il existe bien évidemment d’autres tanneries qui produisent des cuirs de semelle, mais aucune n’est autant réputée que ces trois-là. Comme toujours avec les tanneries ça n’est pas parce que ces trois-là sont les plus réputées qu’il n’en existe pas d’autres avec des produits qui peuvent être de bonne qualité, mais pour une raison ou une autre elles ne sont pas reconnues. De toute façon la reconnaissance ça ne fait pas tout, Rendenbach était de loin la marque la plus connue et la plus utilisée (Carmina, Vass, Meermin…) mais ils ont quand même décidé de vendre car l’activité n’était plus suffisamment profitable. Et puis il faut dire que toutes les tanneries ne sont pas nécessairement portées sur le marketing à outrance, surtout en France. On ne peut en effet pas dire que Bastin et Garat le soient, demandez à n’importe quel anglophone qui prétend connaître un peu le monde du soulier, il y a de grande chance qu’il n’ait jamais entendu ces noms. Les Français n’ont jamais su défendre ou promouvoir leurs intérêts nationaux et ça n’est pas demain que ça va changer. Toujours est-il que ces trois tanneries offrent des cuirs qui sont réputés, mais qui ont bien évidement leurs caractéristiques propres, enfin pour le client cela n’a au final pas beaucoup d’importance car ce qui l’intéresse ça n’est pas de savoir si une semelle est facile à travailler ou non, mais bien de savoir si elle est résistante, et le fait est que ça n’est bien souvent pas le cas.

La vaste majorité des semelles en cuir que l’on trouve sur le marché ne sont pas durables, pire, elles sont jetables car l’écrasante majorité des chaussures que l’on trouve sur le marché sont des chaussures d’entrée ou de milieu de gamme et leur prix de vente (sous les 500€) ne permet pas d’avoir à la fois un bon cuir de tige et un bon cuir de semelle (en réalité ces chaussures n’ont ni l’un ni l’autre). Rendenbach faisait un peu figure d’exception car on trouvait leurs semelles sur des chaussures relativement bas de gamme (la gamme Maestro de Meermin) mais c’était vraiment anecdotique comme positionnement. En général c’est bien sur la semelle que les marques rognent, car le client, forcément ignorant, je rappelle que le client lambda vient pour son mariage ou un entretien d’embauche, va se focaliser intégralement sur l’apparence du cuir de tige, car pour lui c’est la tige qui “fait” la chaussure et il n’a pas totalement tort. Quelle n’est pas sa surprise, quand après 2 ans de ports (je suis généreux et je vais vous dire pourquoi après) ses chaussures trop géniales de luxe en cuir ont un trou béant dans la semelle. Il se dit, “c’est vraiment de la merde ces chaussures”. Et vous savez quoi ? Il a raison. C’est de la merde. En réalité, aujourd’hui, vous avez des gens qui au bout de 3 mois d’utilisation se retrouvent avec des chaussures en cuir qui ont un trou béant dans la semelle. Surtout si ce sont des gens qui ne connaissent rien à la chaussure et qui vont avoir tendance à porter la même paire tous jours. Donc oui, quand je disais deux ans, j’étais bien généreux, chez certaines personnes c’est beaucoup, beaucoup moins que ça. Forcément, sur les forums les con-naisseurs ont tendance à se gausser “oh oh le noob, il ne savait pas qu’il fallait laisser reposer la chaussure entez 2 ports” alors qu’en réalité la majorité d’entre eux sont des cosplayeurs cocus (ou puceau selon l’âge) qui tirent une vanité déplacée d’un costume mal coupé par leur “copain tailleur” et leur paire de 7L. Ils ne valent donc guère mieux. En temps normal, j’aurais tendance à être méfiant avec les retours des gens sur les forums, car vous ne savez jamais ce qu’ils font avec leurs chaussures. Il est vrai que beaucoup de gens ne sont pas soigneux. Mais là ça n’est pas vraiment comme pour une voiture où vous ne savez pas si elle a été conduite pour aller à la pharmacie par un boomer à la retraite géante ou si elle a été conduite par un “jeune” pour faire du drift sur le parking du Franprix le dimanche soir. Non, je connais assez peu de gogoles qui vont dépenser 400€ dans un Richelieu pour se lancer dans l’ascension du Kilimanjaro. Enfin, maintenant plus rien ne m’étonne, ça doit bien exister, mais ça n’est pas la norme. Avec les chaussures, la majorité des gens les utilisent tout simplement pour marcher, et bien qu’il y ait une multitude de facteur qui peuvent accélérer l’usure d’une semelle (poids, humidité, démarche, distance parcourue...) les chaussures avec des semelles en cuir ont des siècles d’existences et il est absolument anormal qu’une semelle en cuir se troue en 3 mois. Les marques le savent bien, elles comptent un peu sur le fait que beaucoup de clients vont sortir leur paire une fois ou deux dans l’année, mais il y a “les autres” ces emmerdeurs qui portent des souliers toute l’année, c’est pour ça qu’elles poussent de plus en plus leur clientèle à adopter des semelles en caoutchouc.

Une petite sélection de semelles trouées comme on peut en voir passer sur les forums de temps en temps. Je rappelle que le client lambda ne poste pas spécialement sur les forums, chez un cordonnier vous en voyez passer beaucoup plus régulièrement qu’en ligne. Vous allez dire que les clients ne sont pas précautionneux, et c’est vrai, mais quand même. (Source: Ploucland)
Une petite sélection de semelles trouées comme on peut en voir passer sur les forums de temps en temps. Je rappelle que le client lambda ne poste pas spécialement sur les forums, chez un cordonnier vous en voyez passer beaucoup plus régulièrement qu’en ligne. Vous allez dire que les clients ne sont pas précautionneux, et c’est vrai, mais quand même. (Source: Ploucland)
Un bonbout lunaire sur une paire de Son of Henrey après simplement quelques ports (moins d’une dizaine) sur des trottoirs en béton par temps sec (j’ai des chaussures spécialement pour les jours de pluie). C’est de loin la paire qui a montré l’usure prématurée la plus grande parmi toutes celles que je possède dans l’entrée de gamme. Globalement j’ai remarqué que les chaussures qui sortent de chez Sendra (comme Son of Henrey ou Fitzpatrick) ont une propension à s’user plus rapidement au niveau des talons/semelles que leur concurrent chez Zarco, ne me demandez pas pourquoi, c’est aussi possiblement dépendant du donneur d’ordre. (Source: Sartorialisme)
Un bonbout lunaire sur une paire de Son of Henrey après simplement quelques ports (moins d’une dizaine) sur des trottoirs en béton par temps sec (j’ai des chaussures spécialement pour les jours de pluie). C’est de loin la paire qui a montré l’usure prématurée la plus grande parmi toutes celles que je possède dans l’entrée de gamme. Globalement j’ai remarqué que les chaussures qui sortent de chez Sendra (comme Son of Henrey ou Fitzpatrick) ont une propension à s’user plus rapidement au niveau des talons/semelles que leur concurrent chez Zarco, ne me demandez pas pourquoi, c’est aussi possiblement dépendant du donneur d’ordre. (Source: Sartorialisme)
À titre comparatif le bonbout d’une paire de Carlos Santos avec plus de ports (aucune idée du nombre exact). Je fais toujours plus ou moins le même trajet avec mes chaussures et dans les mêmes conditions et c’est en général le degré d’usure que j’ai sur la majorité des chaussures dans cette gamme de prix. C’est loin d’être une expérience empirique, juste une anecdote personnelle. (Source: Sartorialisme)
À titre comparatif le bonbout d’une paire de Carlos Santos avec plus de ports (aucune idée du nombre exact). Je fais toujours plus ou moins le même trajet avec mes chaussures et dans les mêmes conditions et c’est en général le degré d’usure que j’ai sur la majorité des chaussures dans cette gamme de prix. C’est loin d’être une expérience empirique, juste une anecdote personnelle. (Source: Sartorialisme)

Notez que je n’ai rien contre les semelles en caoutchouc, elles ont leurs avantages comme elles ont leurs inconvénients,mais nous aborderons toutes ces questions dans la seconde partie de cet article. Bien évidemment, comme leur nom l’indique, les semelles d’usure en cuir sont destinées à être remplacées. Elles ne sont pas éternelles, d’où l’intérêt des cordonniers. Mais les marques ont eu tendance à prendre cette expression un peu trop à la lettre, elles n’ont pas été pousser le vice jusqu’à créer des semelles à usage unique, ça ne serait pas vendeur, mais on n’en est pas loin. Et de toute façon elles peuvent toujours rejeter la faute sur l’utilisation du client, il y a déjà eu des discussions tenant de la cour des Miracles dans certaines boutiques, des boutiques tenues par des fous.

- “Mais que-ce que vous avez fait avec vos beaux souliers mon pauv’ Monsieur ?”

- “Bah, ce qu’on fait d’habitude avec des chaussures quoi, j’ai marché.”

- “Vous avez fait quoi ? Vous avez MARCHÉ avec ? Mais mon pauv’ Monsieur, des chaussures en cuir ça n’est pas fait pour marcher, c’est fait pour parler sur les forums, à la rigueur, poser sur Instagram en fumant un cigare.”

- “Bah oui d’accord, mais je fais quoi moi si j’ai besoin de sortir ma femme ou mon chien ?”

- “Faites comme tout le monde. Marchez sur vos mains.”

- “Et je fais comment pour tenir la laisse”

- “Avec les dents, évidemment”.

Plutôt que de demander aux clients de marcher en chaussettes ou sur les mains, il serait possiblement plus malin de proposer des doubles semelles, voire des triples semelles. Certaines marques le font mais là aussi, c’est cher et donc ça rogne, les doubles semelles de certaines marques sont plus épaisses que les triples semelles de leurs concurrents. Enfin, comme un lecteur l'a fait remarqué en commentaire, il faut tout de même relativiser la durabilité des doubles ou triples semelles, toutes ne se valent pas. Le mieux est simplement de ne pas utiliser des semelles de merde qui viennent d’on ne sait où, qui sont tannées on ne sait comment, et qui ont la même résistance que du papier mâché. Il suffisait d’y penser.

Mais les marques ça les emmerde de ne pas utiliser des semelles en carton, ça les emmerde car si ellesn ’utilisent plus du carton, elles ne peuvent plus vendre leurs pompes de merde à 200, 300 ou 400 euros. Et du coup elles ne peuvent plus habiller l’élégant wanabee, le cosplayeur des Discord et le marié bon à pigeonner. Et puis, il faut dire que certains, ça les arrange bien d’utiliser des semelles de merde, parce que derrière ils peuvent vendre le combo fer + patin directement au client et ça pour le double du prix d’un cordonnier. Quitte à être fils de pute, autant l’être complètement. Entendez-moi bien, je n’ai rien contre le combo fer + patin, je le recommande à tout le monde, tout le temps, sur toutes les marques. Les seules fois où je suis prêt à faire des exceptions c’est sur le bespoke, et encore si je sais quel cuir est utilisé pour les semelles. Il faut admettre une chose, le combo fer + patin, c’est une dérive, une réaction du client lésé qui vient palier à une défaillance systémique. Ça n’existait presque pas du temps où les semelles n’étaient pas découpées dans de la mozzarella. C’est comme les femmes qui n’osent plus sortir dehors après une certaine heure, c’est anormal, ça ne devrait pas arriver et ça n’arrivait pas avant, mais la société s’en est accommodée, alors vous pensez bien qu’elle peut s’accommoder d’autant plus facilement d’un petit fer et d’un petit patin. En même temps c’est une solution qui permet (pratiquement) de se passer des ressemelages, ça aussi les marques le savent, et elle se disent donc qu’elles n’ont pas besoin de payer pour des semelles de qualité, puisque le client fera poser un patin et un fer et que donc elle peut s’en laver les mains voire même choper un petit billet au passage si elles arrivent à pousser le client à faire l’opération chez eux à des tarifs proches de l’extorsion.

Les tarifs pour un fer et un patin chez Jfitzpatrick sont inversement proportionnels à la taille de l’individu. À ce prix-là vous n’avez même pas le droit à des vis en laiton. (Source: JFitzpatrick)
Les tarifs pour un fer et un patin chez Jfitzpatrick sont inversement proportionnels à la taille de l’individu. À ce prix-là vous n’avez même pas le droit à des vis en laiton. (Source: JFitzpatrick)
Le prix avec un fer Triumph (je suis prêt à parier que les vis sont seulement plaquées laiton). Je rappelle quand même que ces pompes coutent environ 280€ (les soldes sont presque constantes), 110€ c’est pratiquement 40 % du prix total de vente. Pour rappel, je paye mes fers environ 6€ la douzaine (les Triumph sont plus chers, c’est 6€ le fer) et qu’un patin (en fonction de la marque et de la gamme) ça va de 2 à 5€ le patin. (Source: JFitzpatrick)
Le prix avec un fer Triumph (je suis prêt à parier que les vis sont seulement plaquées laiton). Je rappelle quand même que ces pompes coutent environ 280€ (les soldes sont presque constantes), 110€ c’est pratiquement 40 % du prix total de vente. Pour rappel, je paye mes fers environ 6€ la douzaine (les Triumph sont plus chers, c’est 6€ le fer) et qu’un patin (en fonction de la marque et de la gamme) ça va de 2 à 5€ le patin. (Source: JFitzpatrick)
Moi ce qui me fait toujours mourir de rire ce sont les clients pigeons qui disent “investir dans une chaussure de qualité”  alors qu'il s'agit d'un private label lambda et qu’on leur vend un patin et un fer pour 30 % du prix de la chaussure. 2 bouts de quincaillerie et 20 minutes de travail. Et il n’y a rien qui cloche dans leur tête. Il n’y a pas que le sole bottom qui soit "bottom" dans ce cas. (Source: JFitzpatrick)
Moi ce qui me fait toujours mourir de rire ce sont les clients pigeons qui disent “investir dans une chaussure de qualité” alors qu'il s'agit d'un private label lambda et qu’on leur vend un patin et un fer pour 30 % du prix de la chaussure. 2 bouts de quincaillerie et 20 minutes de travail. Et il n’y a rien qui cloche dans leur tête. Il n’y a pas que le sole bottom qui soit "bottom" dans ce cas. (Source: JFitzpatrick)

Conclusion

Pour conclure la première partie de cet article sachez qu’il n’est pas possible d’estimer la durée de vie d’une semelle en cuir. Il y a beaucoup trop de variables. Certaines personnes vont pouvoir attendre 10 ans entre les ressemelages, d’autres 5 et d’autres beaucoup moins. La fréquence d’utilisation est vraiment un facteur qui est déterminant, parmi bien d’autres comme la démarche, le poids, le climat, et cela devrait être une évidence pour tout le monde. Il est en revanche également évident qu’il y a eu une baisse drastique dans la qualité des semelles et le marché s’est adapté en généralisant les patins en caoutchouc. D’autant que l’avantage des patins est d’améliorer l’adhérence et que pour beaucoup de gens c’est presque une considération qui est supérieure à l’usure. Sachez également qu’il y a quelques petites astuces à connaître pour aider à prolonger la durée de vie de vos semelles en cuir. Tout d’abord, il est bon de savoir que la moquette (surtout celle des bureaux de ploucs en open space) est extrêmement abrasive et potentiellement pire que le bitume. Sachez également qu’il est préférable de laisser sécher une chaussure humide sur sa tranche, et ce afin de permettre à la semelle de respirer. Sans cela, il y a un risque que de la moisissure se forme, ce que vous voulez éviter à tout prix. Maintenant que vous savez plus ou moins tout ce qu’il y a à savoir sur les semelles en cuir, nous allons passer dans la seconde partie de cet article aux semelles en caoutchouc.

Guide d’achat des souliers aux alentours de 1000€

Avant-propos

À partir d’un certain prix les guides d’achat deviennent difficile à élaborer. Il est compliqué de mettre sur un même plan une marque comme Edward Green et une marque comme Aubercy, tout ou presque les séparent sauf le prix. Dans un guide d’achat dédié à l’entrée ou au milieu de gamme la logique est simple, En dessous de 200€ le client cherche avant tout un rapport qualité/prix qui va pencher en faveur du prix, à partir de 350€ le client cherche un rapport qualité/prix qui soit équilibré, au-delà des 500€ le client cherche un rapport qualité prix qui va pencher en faveur de la qualité. Bien évidemment, c’est une vision schématique qui vise uniquement à poser le principe, il y aura toujours des gens qui voudront des chaussures cousue trépointe dans un cuir génial pour moins de 300€, et d’autres qui voudront coûte que coûte une chaussure avec une patine bleu fluo. Mais ce sont des cas relativement isolés qui relèvent plus de la misère intellectuelle ou sociale que de la norme. À partir d’une certaine somme en revanche il n’y a plus vraiment de logique. Par exemple certaines personnes veulent impérativement une esthétique et se moquent totalement la qualité. C’est l’unique raison d’être du prêt-à-porter Corthay, cible facile mais ça pourrait être pire, on pourrait parler du PAP Berluti. Les deux marques sont absolument inattaquables en mesure, mais pour ce qui est du prêt à porter… C’est d’ailleurs un problème que l’on retrouve aussi dans le vêtement, mais là n’est pas la question. La question est de savoir comment articuler ce guide pour qu’il soit un minimum utile ?

Le problème de beaucoup de marques premium, est qu’elles offrent toutes (ou presque) une qualité… premium. Très peu de marques réputées font payer un prix exorbitant pour un produit douteux, à l’exception de quelques cas isolés et de Church’s, mais ça fait bien longtemps que plus personne ne prend la marque au sérieux. Que faire par exemple de l’offre en prêt à porter de Fukuda ? Cette dernière n’est pas du tout mauvaise, mais vous payez un premium pour sa notoriété et pour son style. Est-ce qu’il est possible de trouver quelque chose de techniquement similaire pour moins cher ? Possiblement. Mais si c’est le style Fukuda que vous cherchez, cela vous importe peu.

Dans ce guide je ne vais pas aborder de certaines lignes spécifiques qui appartiennent à des marques connues pour appartenir au milieu de gamme (ou légèrement au-dessus). Je pense par exemple à la ligne Handcrafted de Carlos Santos ou à la ligne Handgrade de Paul Sargent, tout simplement car ces marques figurent déjà dans notre guide 2023 des souliers que vous pouvez consultez ici. Ces deux lignes sont de très bonne qualité et méritent de figurer dans ce guide. Il faut tout de même noter que la ligne Handcrafted de Carlos Santos est virtuellement introuvable, et la Handgrade de Sargent est exclusivement en MTO. Je ne vais pas non plus parler des marques totalement de niche comme Yanagimachi qui a une ligne en MTO aux alentours de 1700€, Hung ou Mogada par exemple. Je pars du principe que si vous avez le budget pour et que vous avez un attrait pour ce genre de marques, vous les connaissez déjà, elles pourront éventuellement faire l'objet d'un guide à part. En revanche, si vous avez le budget, mais que vous lisez ce guide c’est que vous cherchez des pistes sur quoi acheter et que vous n’êtes donc pas un calcéophile forcené. Vous avez probablement donc besoin de marques relativement accessibles du point de vue géographique afin d’éviter les déceptions au niveau du chaussant. Je rappelle que la base d’un achat soulier doit être le chaussant, les considérations esthétiques ou qualitatives doivent venir après. La sélection peut donc paraître assez convenue, et elle l'est. L'objectif étant d'éviter de faire comme certains gogoles, acheter des chaussures et ne jamais les mettre car le chaussant ne convient pas, ces handicapés se reconnaîtront.

Volontairement ce guide n’inclut pas certaines marques sur lesquelles j’aimerais avoir plus de retours. Zonkey Boots ou Meccariello par exemple sont des marques qui ont le potentiel d’être intéressantes, mais elles comportent également leur lot de réserves (accessibilité géographique mais aussi qualité). Globalement il y a beaucoup de marques italiennes sur lesquels on peut se poser des questions. Si vous voulez de l’Italien solide, allez chez Bonafe, qui n’est pas dans le guide car les chaussures sont très difficilement trouvables en dehors de quelques offres en MTO ou GMTO. L’autre alternative est de passer par Aubercy mais vous avez le style maison et non le style Bonafe. J’ai également contacté d’autres marques basées en Chine ou en Roumanie, mais je n’ai pas eu de réponse positive à mes demandes de démontage, je préfère donc éviter de les recommander dans un guide pour l'instant.

Les prix sont donnés simplement à titre indicatifs, ils ne tiennent pas compte des frais éventuels (douane) et il peut y avoir des variations importantes entre les différentes gammes des marques citées.

Edward Green

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Prix aux alentours de 1200€
Site Internet: https://www.edwardgreen.com/

Le Rolls Royce (période pré-rachat par BMW) de la chaussure Goodyear industrielle, avec tout ce que cela comporte de bon et de moins bon. De façon amusante on peut d’ailleurs pousser cette analogie avec la marque automobile assez loin. Si vous avez les moyens et que vous ne voulez pas vous prendre la tête, vous allez là-bas et vous savez que vous allez être bien traité. Les clients se dirigent vers ces deux marques pour une qualité de fabrication soignée et une image impeccable. On ne va pas chez Green pour les dernières fioritures à la mode et bien souvent approximativement réalisées qui sortent d’ateliers semi-industriels de Transylvanie par exemple. Les montages sont bien effectués, les finitions sont très soignées, les cuirs sont très bons (sans égaler ceux de Lobb). L’expérience boutique est bonne, le personnel compétent. La marque propose également un service MTO excessivement complet. Elle dispose également d’un très gros parc de formes, de tailles et de largeurs, ce qui est essentiel pour les clients difficiles à chausser ou débutants.

Il y a malgré tout quelques petites tracasseries. Tout d’abord il y a des mesquineries incompréhensibles, comme le prix des embauchoirs ou le prix d’un ressemelage usine même si malheureusement la marque ne fait qu’imiter la concurrence. Et puis il y a l’esthétique des modèles, qui a un peu le cul entre deux chaises. D’un côté la marque maîtrise ses classiques, au point où l’on frise un peu l’ennui, et de l’autre elle est totalement incapable de proposer quelque chose qui sorte des canons et ne soit pas raté, ne cherchez pas des paires très racées ou quelque chose d’original chez EG.

Points positifs

- La qualité de fabrication très soignée (mais un peu banale)

- Très gros choix de modèles, tailles, largeurs

- Une très bonne boutique à Paris

Points négatifs

- Les modèles d’été non doublés, légers et flexibles genre Penzance sont à un prix exorbitant pour l’usage qui en sera fait et sont à mon avis un non-sens complet (pour le client, la marque doit y trouver son compte niveau marge)

- Leur idée du frisson c’est le missionnaire lumière éteinte, sans aller jusqu’à demander du crocodile bariolé, un brin d’originalité ne ferait pas de mal.

John Lobb

Lobb

Prix aux alentours de 1600€
Site Internet: https://www.johnlobb.com/

Les deux forces de Lobb sont les cuirs et les designs iconiques, pour le reste on repassera. Il faut reconnaître que malgré toutes les critiques que l’on peut formuler à l’égard de Lobb (et Dieu sait qu’il y en a) la marque propose toujours les meilleurs cuirs du marché. La chaussure idéale doit avoir un bon montage ET une bonne tige, mais si vous n’avez que l’un et pas l’autre, autant avoir une bonne tige sur un montage moyen que l’inverse. La tige représente la partie irremplaçable de la chaussure et chez Lobb le fait est que, pour l’instant, niveau cuir ils assurent toujours autant. En ce qui concerne le montage, et certains détails, Lobb n’est pas au niveau pour leur créneau tarifaire, mais dans l’absolu ça n’est pas non plus totalement infamant. Bien évidemment, il ne fait pas acheter autre chose que les modèles iconiques, ceux qui étaient des création des bottiers de la maison, (d'où le nom de William, Lopez etc etc) les trainers, les designs douteux (et pompés) de l’infâme Gerbaise on n’y touche pas, même avec un bâton. Forcément qui dit grosse marque dit gros parc de formes et de tailles, normalement si vous allez en boutique vous n’aurez pas de mal à trouver le chaussant idéal.

Points positifs

- Le cuir, le cuir, et encore le cuir.

- Des modèles iconiques (c’était ça ou j’allais remettre le cuir)

- Une bonne présence en boutique

Points négatifs

- Pléthores de modèles à éviter

- La qualité de fabrication est très en dessous de ce qu’on est en droit d’attendre à ce prix

Gaziano & Girling

G&G

Prix aux alentours de 1100€
Site Internet: https://www.gazianogirling.com/

Une alternative à Edward Green, pour continuer dans l’analogie de l’automobile Anglaise si Green sont Rolls, G&G sont Bentley. Vous avez une qualité de fabrication équivalente entre les deux marques, mais G&G ont des formes et un style plus racé, plus moderne tout en conservant tout de même un certain “British flair”. La gamme de prêt à porter s’est réduite, la marque mise de plus en plus sur le MTO et le bespoke. Le service MTO est d’ailleurs très poussé (en réalité, il en existe 2 mais leur offre Optimum lancée en 2021 dépasse allègrement les 3k€ et sort du contexte de ce guide) et vous laisse faire pratiquement tout ce que vous voulez. Il n’y a pas grand-chose à reprocher à la marque, les cuirs sont un peu en dessous de Green en prêt à porter, mais globalement c’est une offre qui est qualitativement similaire. Il n’existe pas de boutique Parisienne, mais la marque dispose d’un showroom à Londres sur Savile Row, si vous pouvez vous payer une paire, vous pouvez vous payer l’Eurostar. Un détail à noter, la marque propose un vaste panel de tailles et 3 largeurs, mais seule la largeur standard est disponible immédiatement. Il faut attendre 6 à 8 semaines pour une largeur D ou F, autant passer par le MTO.

Points positifs

- Très bonne qualité de fabrication

- Un équivalent plus flamboyant d’Edward Green

- Le service MTO de base est très poussé

Points négatifs

- L’offre en PAP est un peu limitée

- 3 largeurs en PAP, mais seulement la E est disponible immédiatement

- Pas de boutique en France

Aubercy

Aubercy

Prix aux alentours de 1200€
Site Internet: https://aubercy.com/

Pour ce qui concerne leur prêt à porter Aubercy est un private label, ce qui est relativement rare dans cette gamme de prix. Le fabricant est Enzo Bonafe, une marque Italienne tout à fait sérieuse. Il y a toujours eu une certaine forme de détestation envers Aubercy de la part des singes savants de l’internet, car oh mon Dieu c’est du cousu Blake. C’est bien évidemment un non-sens complet, et si le Blake vous dérange, faites poser un patin.... Aujourd’hui Aubercy a un cahier des charges exigeant, les chaussures sont bien fabriquées et le cuir est très bon. Si vraiment vous tenez impérativement à avoir un cousu trépointe, la marque propose ce montage en option (sur le PAP) pour un supplément de 200€. À voir avec eux si le cousu trépointe est intégralement fait main, ou partiellement machine, car ils parlent de « Goodyear trépointe » ce qui est une expression typiquement Italienne qui porte à confusion. Il faut savoir que les Italiens ont plusieurs acceptations de ce qu’est un cousu trépointe. (Mise à jour: il apparaît d'après un ancien employé que le cousu trépointe est bel et bien effectué intégralement à la main). Sinon j’ai toujours trouvé que le cuir de tige est un peu fin mais c’est également une caractéristique de l’esthétique de la marque, tout en finesse. Esthétique forte qui peut être clivante selon les modèles, la marque a une identité qui tire vraiment sur le dandysme. À vous de voir si cela vous convient ou non. Il est en revanche impossible de dire qu’Aubercy est insipide. En matière de chaussant la marque taille un peu petit et ne propose qu’une largeur standard pour le prêt à porter, mais il est possible sur demande spéciale d'avoir accès à d'autres largeurs.

Points positifs

- Bonne qualité de fabrication

- Cousu trépointe disponible contre supplément

- Très belle boutique Parisienne avec un excellent service

Point négatif

- Une esthétique clivante, parfois de mauvais goût

- Une seule largeur de disponible immédiatement en PAP, il faut prendre commande pour une largeur spécifique

Weston

Weston

Prix aux alentours de 900€
Site Internet: https://eu.jmweston.com/

Terminons par un sujet épineux, Weston. La marque est à mon avis en perdition depuis plusieurs années, les prix grimpent, la qualité baisse, les immondices se multiplient. D’ailleurs la marque enregistre des pertes de façon constante depuis maintenant 3 ans. Au final vous en avez de moins en moins pour votre argent, mais encore une fois, dans ce segment tarifaire, c’est un concept un peu vague. Sauf que Weston ne se trouvait pas vraiment dans ce segment tarifaire à l’origine… la marque a petit à petit fait son chemin vers les cimes du luxe pour le meilleur, du point de vue des actionnaires, et pour le pire, du point de vue des clients. Pour autant les cuirs restent bon, et ce qui fait surtout la force de la marque c’est son vaste parc de formes, de taille et de largeurs ainsi qu’un gros réseau de boutiques en France. C'est donc une destination évidente si vous avez les moyens et que vous êtes un néophyte Il y a également ses modèles iconiques, qui un peu comme Lobb génèrent toujours un gros attrait. D’ailleurs ce sont sur ces modèles qu’il faut rester, car le reste commence à franchement être d’un goût douteux.

Oh et tant que j'y suis l'image qui illustre cet article est "la chasse", n'espérez pas l'avoir aux alentours des 1000€...sauf à l'acheter en seconde main.

Points positifs

- Gros réseau de boutiques

- Beaucoup de choix niveau chaussants

Points négatifs

- Les prix en hausse constante

- La qualité en baisse constante

- De plus en plus de modèles immondes