Notre porte-carte fabriqué intégralement à la main

Tous les détails essentiels sont présents dans la version publique de cet article mais sachez qu’il existe une version plus détaillée de cet article sur notre Patreon, avec des photos supplémentaires et plus de détails derrière la fabrication.

Dans le précédent article nous avons annoncé avoir lancé un Patreon, mais également mettre en vente une petite série de porte-cartes, c'est de cela que nous allons parler aujourd'hui.

La genèse

Contrairement à beaucoup d’autres influenceurs qui se seraient contentés de faire une collaboration avec une marque établie j’ai préféré mettre ma peau sur la table et proposer un porte-carte intégralement fabriqué à la main, et cela dans le véritable sens du terme. Il ne s’agit pas d’un énième produit fabriqué “à la main” façon projet en private label d’étudiant d’école de commerce qui va demander à une usine minable de Normandie de faire le travail pour lui. Non, non, mais bien d’un objet que j’ai fabriqué moi-même dans le petit coin d’atelier que j’ai chez moi. L’intégralité du projet, de sa conception, à sa réalisation, en passant par sa photographie, et l’article que vous êtes en train de lire est donc le travail d’une seule et même personne…. Personne dont ça n’est d’ailleurs pas le métier, même si j'ai une formation et un diplôme dans le milieu. Je n’ai jamais prétendu être un professionnel. Le travail du cuir est une passion que j’ai depuis plus de 10 ans maintenant, qu’il s’agisse de botterie, de cordonnerie ou de maroquinerie ce sont des artisanats qui me fascinent mais qui malheureusement sont en train de disparaître petit à petit. Pour se lancer aujourd’hui, il faut être un peu fou ou inconscient. Lors de la publication de mon article “état des lieux de la maroquinerie”, je me suis aperçu que beaucoup de gens ignoraient absolument tout du milieu maroquinier. Aujourd’hui ce que les gens connaissent se limite aux grands groupes du luxe (Vuitton, Hermès, Cartier, Chanel...) d’un côté, et des produits industriels minables en private label de l’autre, qui sont d’ailleurs parfois des grands groupes du luxe, l’un n’exclut pas l’autre. C’est de ce constat qu’est née la volonté de faire découvrir autre chose. Autant être clair, ce ne sont pas Sale Gueule, Macadam et les autres qui vont le faire, tout simplement car ça n’est pas financièrement profitable.

Je ne vais pas perdre mon temps à expliquer le “pourquoi” du porte carte. Certains blogs commerçants épiloguent là-dessus car c’est plus ou moins la seule chose qu’ils peuvent mettre en avant. Ils expliquent que cela procède d’une recherche philosophique intense, d’un besoin fondamental de reconnecter l’homme à ses accessoires, bref c’est tellurique quoi. En ce qui me concerne pour ce premier essai il fallait quelque chose qui soit à la fois pratique, pas trop cher, et qui parle au plus grand nombre, le choix du porte-cartes s’est imposé de lui-même. Ce qui va être plus intéressant est de raconter comment le projet s’est concrétisé et quel est le processus derrière la fabrication d’un objet de maroquinerie en indépendant. Malheureusement je n’ai pas beaucoup de photo de la fabrication en tant que telle, la raison est assez simple, c’est extrêmement chiant de devoir prendre des photos en même temps que vous travaillez. Comme je le disais en préambule, j’ai absolument tout fait de A à Z et devoir interrompre son travail pour le photographier est une perte de temps. Il faut installer les lumières, le trépied, tout démonter une fois les photos prises, vérifier sur l’ordinateur que le résultat est correct, etc.... Cet article n’est donc pas riche en photographies de fabrication et je m’excuse d’avance, si jamais ce porte carte à du succès et que je dois en refaire une autre série, alors peut-être que je m’organiserais pour photographier la fabrication plus en détails.

Cahier des charges et choix du cuir

Le cahier des charges que je m’étais imposé était assez concis mais exigeant, je voulais quelque chose qui soit petit, pratique tout en étant fin et résistant. En matière de capacité d’emport je me suis basé sur mes habitudes, 2 ou 3 cartes et un peu de cash est largement suffisant pour parer à la majorité des éventualités. En hiver ou si j’ai besoin de plus je prends un portefeuille. Je ne suis pas spécialement amateur des porte-cartes sur lesquels la face avant et arrière sont occupées par des cartes, ils ont leur place, mais personnellement je trouve qu’ils deviennent rapidement trop épais, surtout une fois pleins. J’ai réalisé le premier prototype avec 2 emplacements cartes, mais j’ai trouvé ça insuffisant et je me suis donc dirigé vers 3 cartes pour le second prototype et le modèle définitif. En matière de dimension le porte-cartes tel qu’il est vendu fait donc 10,5cm de largeur pour 8,5cm de hauteur, avec une épaisseur en bord de 2,6mm. Il y a 3 espaces format carte de crédit sur la face avant, et une poche centrale qui peut accommoder une bonne quantité de billets. La carte d’identité Française ancien format ne rentre pas dans les emplacements carte de crédit, elle peut éventuellement se mettre dans la poche centrale mais elle dépassera.

S’est ensuite posé la question du choix du cuir. Comme il s’agit d’un petit projet je n’ai pas la nécessité d’acheter de grandes quantités, ce qui veut dire que je ne vais pas passer par une tannerie directement mais par des revendeurs.

Mon choix s’est porté sur un cuir Museum calf vert de la tannerie Italienne Ilcea pour la face avant. Le Museum calf, Radica de son vrai nom, est un cuir tanné au chrome dont j’aime beaucoup l’aspect, il est fini à la main avec une teinture aniline qui lui donne son aspect marbré caractéristique. C’est un cuir qui est utilisé fréquemment dans le monde de la chaussure mais il est aussi présent en maroquinerie. Ilcea est une tannerie sur laquelle il y a beaucoup à dire et peut être qu’un jour cela fera l’objet d’un article. Pour faire simple, les cuirs sont beaux, mais inégaux. Une alternative aurait été d’aller chez la tannerie concurrente qu’est Zonta et qui propose un cuir similaire sous le nom de misty calf. En revanche Zonta ne propose pas (plus?) de misty calf en vert et c’était une couleur que j’étais déterminé à conserver.
Le reste du porte carte est réalisé dans un cuir de chèvre vert foncé au tannage végétal provenant de Mégisserie Julien, une tannerie du groupe HCP. Comprendre par-là, une tannerie qui appartient à Hermès. Le grain est discret et la couleur est un excellent complément au museum calf. En ce qui concerne les cuirs de chèvre Alran a généralement ma préférence, notamment car ce sont des indépendant, malheureusement ils n’avaient pas de vert dans la bonne teinte.

Le cuir Radica Museum calf d'Ilcea qui a été sélectionné pour ce projet.
Le cuir Radica Museum calf d'Ilcea qui a été sélectionné pour ce projet.
Sélection de cuir provenant de Mégisserie Julien, pour ce projet la couleur "colvert" a été sélectionnée.
Sélection de cuir provenant de Mégisserie Julien, pour ce projet la couleur "colvert" a été sélectionnée.

Une fois que j’ai déterminé le cuir que je veux utiliser, je passer par la réalisation de plusieurs prototypes afin de régler de nombreux détails de fabrication et de m’assurer que le produit final correspond à mon niveau d’exigence. Dans le cas de ce porte carte j’ai réalisé un total de 4 prototypes, vous pouvez en savoir plus sur ce processus dans la version Patreon de cet article.

La fabrication

Une fois l’élaboration des prototype terminés, je passe donc à la fabrication des exemplaires destinés à la vente. Le processus comporte plusieurs étapes, à savoir encartage, découpe, parage, assemblage des poches à fentes de la face avant, puis assemblage du compartiment central, filetage, préparation pour ma couture, couture au point sellier, finition des tranches et enfin bichonnage. Je ne vais pas détailler outre mesure chacune des étapes, car je ne souhaite pas spécialement dévoiler certains secrets de fabrications qui vont ensuite se retrouver sur tous les blogs nazes façon Valérien, et même la version Patreon de cet article ne comporte pas tous les détails. Je peux en revanche dire combien de temps demande la fabrication d’un porte carte. En fonction du temps qu’il me faut pour finir les tranches, une étape chronophage au possible, il me faut entre 4h30 et 5h30 pour réaliser un porte-carte du début à la fin. Les étapes qui demandent le plus de temps sont la couture au point sellier, et comme déjà mentionné la peinture des tranches. C’est de loin la finition la plus exigeante sur un produit réalisé en bord franc. Nous publierons d’ailleurs bientôt sur le blog un article dédié à la peinture de tranche, article déjà disponible sur notre Patreon.

F1

Réalisation des poches à fente. Les poches internes sont réalisées dans un coton renforcé au nylon ripstop afin de garantir une plus grande durabilité. Ce n’est pas du tout le matériau le plus noble mais c’est un choix qui est issu d’une contrainte technique. Ne disposant pas de pareuse mécanique, ni de refendeuse je suis limité dans le choix des poches que je peux proposer. Des poches de type bord franc prises dans la tranche comme on en trouve assez souvent sont plus difficilement réalisables sans ces outils, une prochaine fois peut-être.

F2

Réalisation de ma peinture de tranche. Il s’agit ici d’un prototype, l’objectif est de déterminer si la couleur se marie bien à la teinte du cuir. La peinture de tranche a tendance à s’éclaircir un peu quand elle sèche, il faut donc s’assurer qu’elle ne devienne pas trop claire une fois sèche.

tranches

Un crachat gratuit vers les marques du "grand luxe" et leur "savoir-faire centenaire". La peinture de tranche sur les porte-cartes d'une marque très connue, avec des rigoles tellement profondes qu'on dirait des tranchées de 1914. Vous payez plus de 400€ pour ça.

Je ne prétends pas être meilleur ouvrier de France, très loin de là, mais voici les tranches sur mes porte-cartes définitifs:

4
5

Le prototype numéro 3 avec sa couture jaune, une couleur qui n’a pas été retenue car elle “encadre” trop l’objet. Au passage cela me permet également de parler du fil utilisé sur ce porte-carte. C'est du fil de lin de la marque Française "fil au chinois". Le fil de lien est celui qui est traditionnellement utilisé en maroquinerie. Et c'est aussi ce qu'il y avait de plus solide avant l'invention des matières synthétiques. C'est très cher comme fil, mais c'est aussi beaucoup plus beau que du fil polyester, fil majoritairement utilisé en industrie. Ce dernier est certes plus résistant, mais il a un aspect plastique assez désagréable.

Cette photo permet également de voir deux caractéristiques que j’aime beaucoup du museum calf. La première est son aspect marbré avec ses sublimes variations de couleurs. La seconde est le grain du cuir qui est parfaitement visible. Le cuir Radica d’Ilcea n’est pas noyé sous les pigments et permet d’avoir un cuir qui maintient tout son aspect naturel contrairement à la majorité des cuirs que l’on trouve en maroquinerie aujourd’hui.

F3

Nos porte-cartes terminés

Passons maintenant au résultat final. Je m’excuse d’avance mais les photos ont été réalisées par mes soins et ça n’est pas du tout mon domaine. J'ai essayé de varier les lumières et les ambiances pour que vous ayez un aperçu assez large.

6
11
8
10
9

Pas de marque? Pas d’initiales?

Certaines marques proposent au client d'ajouter leurs initiales en lettres dorées, ça n'est pas le cas ici. La raison derrière cela est assez simple, pour ajouter une griffe ou des initiales, il me faut une doreuse à chaud. Je n’en possède pas car je n’en ai pas l’utilité. Ces machines coûtent plus de 2000€ et avec ma production actuelle ça n’est tout simplement pas envisageable d’en acheter une. De plus le logo du site ne se prête pas spécialement au marquage à chaud et je ne pense pas que le résultait serait esthétique

L’entretien

En matière d’entretien, il n’est pas nécessaire de faire grand-chose. Le plus important est de ne pas maltraiter votre porte-carte, si ce sont des objets qui ont une durée de vie assez limitée c’est bien souvent car les gens ont tendance à ne pas y faire attention. J'insiste sur le fait qu'il est préférable d'éviter de mettre votre porte-carte dans la même poche que vos clefs. Ces dernières peuvent endommager le cuir ou les tranches. Le cuir Museum calf est un cuir non pigmenté qui marque assez facilement. La bonne nouvelle c’est que les griffures disparaissent également assez facilement, je rappelle tout de même que c’est un cuir que l’on rencontre très souvent sur des chaussures et qu’il est donc quand même suffisamment résistant. Il suffit de le frotter avec un chiffon très légèrement imbibé de lotion Saphir. Attention toutefois à ne pas frotter trop vigoureusement. Je ne recommande pas d’appliquer d’autres produits que la lotion Saphir, et encore une fois, il n’est nécessaire d’utiliser cette dernière de façon régulière. Une fois l’an est très largement suffisant. Et dans le doute mieux vaut ne rien mettre plutôt que d’appliquer un mauvais produit. Même traitement en ce qui concerne le cuir de chèvre, ce dernier devrait plutôt bien résister aux griffures.

Le prix

En ce qui concerne la douloureuse, le prix est de 250€, s’ajoutent à cela 17€ de frais de ports. Si vous préférez, je peux vous la faire façon e-commerce du 21ème siècle et dire que le prix est de 267€ avec frais de ports gratuits. C’est selon.

Je suis conscient que c’est un prix qui peut paraître élevé, mais il faut compter environ 50€ de cuir par porte-cartes, plus 5h de travail à 30€ de l’heure et on arrive à un prix de 210€, sans compter les fournitures (colle, fil de lin, cire, peinture de tranche…) qui l’air de rien viennent s’ajouter à la balance. Je ne vous cache rien, niveau marge je suis loin de me foutre de vos gueules. Je suis d’ailleurs dans la tranche basse de ce qui proposent les artisans, vous pouvez trouver moins cher, mais vous pouvez également trouver beaucoup plus cher. Comme je l’ai déjà mentionné je ne sais combien de fois, je ne suis pas un professionnel mais j’ai essayé de m’attacher à ce que le travail soit le plus propre possible. Est-ce qu’il y a des imperfections ? Oui, forcément, il est beaucoup plus difficile d’obtenir un résultat parfaitement uniforme quand on travaille intégralement à la main, surtout quand ça n’est au final pas votre métier. Mais quand je parle d’imperfections, je parle bien évidemment de petits détails qui ne sont qu’esthétiques, et que vous n’allez très probablement même pas remarquer. Il est possible qu’un point de couture ne soit pas parfaitement droit, il est possible qu’il y ait une légère imperfection sur une tranche, il est possible que le cuir ait une marque ici ou là, même si je n’ai sélectionné que les parties les plus belles, le cuir museum calf n’est pas pigmenté et il n’est pas facile de trouver beaucoup de zones qui soient à 100 % immaculées sur les peaux disponibles chez les revendeurs. Je n’ai sélectionné que le meilleur de la peau que j’avais à ma disposition, et dans la mesure du possible je me suis arrangé pour que s’il y avait des marques elles soient dans des zones discrètes. Pour faire simple, ce que vous voyez sur les photos est ce que vous allez recevoir.

Pour passer commande, merci de me contacter à l’adresse suivante : commande.sartorialisme (at) gmail.com

Je précise que la quantité est extrêmement limitée. Si je reçois beaucoup d’emails je peux envisager de produire une seconde série, mais pour l’instant il n’y a qu’un très petit nombre d’exemplaires de disponible à la vente.

N'attendez pas un emballage grand luxe, pour l'instant c'est de la très petite série. L'envoi sera soigné dans une enveloppe bulle, mais il n'y a aucun packaging spécial, ce qui permet au passage de garder un prix assez restreint pour une série aussi petite, intégralement fabriquée à la main.

3 réflexions au sujet de “Notre porte-carte fabriqué intégralement à la main”

  1. Bonjour, merci infiniment pour votre travail absolument remarquable sur ce blog.
    J’aurais voulu savoir s’il y avait des ouvrages que vous recommanderiez concernant les cuirs en général, leur tannage et leurs diverses qualités, quelque chose d’un peu technique comme vos articles ; tout ce qui est en rapport avec cette matière en elle-même pour approfondir mes connaissances de plouc (essentiellement construites grâce aux articles de ce blog).

    Répondre
    • Bonjour,

      Je ne recommande aucun ouvrage en particulier car je n’en connais aucun qui se démarque. La plus grande sélection sur le sujet est disponible sur la librairie du CTC. Mais beaucoup de livres sont datés ou sur des sujets très spécifiques. Si le blog a ce rôle vulgarisateur c’est en partie car il y a peu de littérature accessible sur le sujet.

      Répondre
    • Si vous êtes à Paris, la bibliothèque Forney est spécialisée dans les métiers d’art. On peut y consulter (et emprunter dans certains cas) d’anciens manuels d’apprentissage ou des traités sur le cuir et les métiers liés. La librairie des Compagnons du devoir qui est dans le même quartier est aussi une bonne piste.

      Répondre

Laisser un commentaire