Guide d’entretien pour les souliers en cuir

Avant-propos

Vous venez de vous découvrir une passion pour les chaussures en cuir et à mesure de vos lectures sur les zinternets vous apprenez avec effroi (ou avec joie, c’est selon) qu’il ne faut pas seulement raquer pour les pompes mais qu’il faut également hypothéquer un rein en cirage, brosses et autres crachoirs pour la maintenance. Il fût un temps où l’on déléguait les bassesses de l’entretien au personnel de maison. Un tel luxe se trouve encore dans certains pays, un très bon ami à moi a grandi en Côte d’Ivoire avec tout l’attirail de la coloniale, hépatite comprise. Du boy au garde du corps en passant par la cuisinière, il avait tout. En guise de réveil on lui chatouillait les pieds et le jour où il est parti pour la métropole sa cuisinière s’est proposée de le suivre de crainte qu’il ne meure de faim. Aujourd’hui à moins d’être un expat dans le tiers monde ou un membre de la communauté fermée des 1 %, il n’y plus de petit personnel. Vous allez devoir vous farcir toutes les tâches ingrates vous-même, car le cirage de pompe c’est ingrat, d’où l’expression. C’est ingrat car c’est une perte de temps. Ce n’est pas pour rien que c’était un travail de rue pratiqué par des petites mains. Alors je sais que pour faire passer la pilule il est de bon ton de travestir cette corvée en une sorte de moment de détente. Si vous écouter Olga Squerri ça semble même être la recherche d’une volupté suprême. Mais ne vous y trompez pas, plus vous avez de paires et plus on se rapproche des galères voire même du bagne. Vous allez suivre la trajectoire classique, au début vous allez être un maniaque de l’entretien, un brossage après chaque port, une révision complète par semaine, des glaçages à la volée. Et puis, plus votre collection va s’agrandir plus vous allez trouver cela fastidieux. Les brossages vont devenir de plus en plus espacés, les nettoyages en profondeur hebdomadaires vont devenir mensuels et finalement annuels. Au début je peux concevoir que vous soyez amusé par l’idée de vous enfermer dans votre bureau pour astiquer vos chaussures en fumant un cigare tout en écoutant de la musique et en sirotant un cognac Louis XIII, mais plus les années passent et plus cela se transforme en excuse pour se pinter la ruche tranquillement sans avoir à supporter autrui. En réalité, après quelques années vous allez avoir tendance à balancer vos pompes dans un placard et à ne vous en soucier que si vous voulez les porter. Et puis un jour vous allez vous sentir coupable, ou vous allez avoir votre première paire bespoke et c’est alors vous recommencez le cycle jusqu’à ce que chacune de vos paires soient irréprochables. Au final l’entretien c’est un peu comme un bouquin fétiche. On le ponce jusqu’à la nausée et puis on le met de côté, presque à l’oublier. Jusqu’au jour où on le reprend et en voulant simplement parcourir les premières pages on se retrouve à le lire intégralement. Oui l’entretien est fastidieux mais comme il s’agit d’un passage inévitable autant en expliquer les bases surtout que vos parents, particulièrement s’ils sont de la génération 68, étaient trop occupés à militer en faveur des rouges et de la pédophilie pour vous apprendre à vous démerder dans la vie.

Avant de commencer, il est inutile de venir chouiner dans les commentaires pour dire “gnagna moi je fais pas comme ça”, d’une part je n’en ai absolument rien à cogner, d’autre part il n’existe pas une seule et unique façon de procéder mais des dizaines. Cet article a pour but d’être le plus complet possible et va donc couvrir l’entretien courant comme le décrassage intégral tel que certaines paires de seconde main peuvent en avoir besoin, à vous de piocher ce qui vous intéresse et d’utiliser la table des matières. Je décline également toute responsabilité si vous flinguez vos chaussures, les produits et techniques décrites sont normalement sans risques mais prudence est mère de sûreté.

Les principes

Le savoir de base

Quelle est la différence entre le cirage et le crémage ?

La majorité des gens s’imaginent qu’il faut “cirer” les chaussures à la Kiwi pour les entretenir. Les vendeurs de pompes en boutique ont tendance à entretenir ce mythe et essayent régulièrement de refiler une boite de cirage de leur marque aux clients les moins attentifs. Dès lors ces gens tombent des nues quand on leur explique qu’il existe deux produits différents que sont la pâte et la crème et que c’est ce dernier qu’il faut utiliser. La confusion est entretenue par des marques comme Saphir qui vendent les deux produits sous le label cirage, probablement pour ne pas être en décalage avec cette idée ancrée dans la société qu’il faut cirer les pompes. La crème est un produit semi solide qui va pénétrer en profondeur le cuir, afin de l’hydrater ou de le nourrir, c’est la même chose. Ce faisant la crème évite que le cuir ne se dessèche craquèle et finalement craque.
La pâte ("cirage"), est un produit plus dense que la crème qui va rester en surface et qui sert surtout à faire briller le cuir, mais qui dans une certaine mesure va également offrir une forme de protection contre les intempéries et les saletés. La pâte est également utilisée pour réaliser des glaçages, sujet que l’on ne va pas traiter dans cet article.
Il est impensable d'utiliser seulement de la pâte sans jamais crémer. Le cuir va devenir sec et finira par craquer car la pâte assèche le cuir. L’utilisation de la pâte est donc totalement facultative et relève d’une préférence personnelle plutôt que d’un réel besoin pour le cuir.

La pâte (à gauche) sert à faire briller et glacer, la crème (à droite) sert à nourrir le cuir. (Source: Sartorialisme)
La pâte (à gauche) sert à faire briller et glacer, la crème (à droite) sert à nourrir le cuir. (Source: Sartorialisme)
Quelle couleur choisir pour les crèmes et les pâtes ?

Le principe de base est de prendre une teinte légèrement plus foncée que celle des chaussures mais ça n’est pas une obligation. Il est possible de jouer avec les teintes et il existe quelques astuces. Par exemple pour donner un effet patiné à une paire de couleur bordeaux il peut sembler naturel d’utiliser du noir alors qu’en réalité cela produira un résultat “sale” assez peu réussi, et l’effet est beaucoup plus convaincant en utilisant du bleu marine. Vous pouvez en revanche utiliser du noir sur les coutures pour les faire ressortir.

Le matériel nécessaire pour l’entretien

Pour entretenir vos souliers vous aurez besoin d’un équipement de base, je ne liste ici que le minimum nécessaire à l’entretien du box calf classique, les autres cuirs seront traités à part.

- La crème : elle sert à nourrir le cuir, l’hydrater. Elle existe sous deux formes chez Saphir à savoir qu’il y a la surfine et le pommadier Médaille d’Or (MO). D’autres marques sont disponibles ailleurs (Boot Black, Colonil...)

- Les brosses : il est préférable d’en avoir au moins trois. Un décrottoir, une pour les noirs, l’autre pour les marrons, ça n’est pas raciste. Il existe différents types de crins : cheval, sanglier… mais on en trouve aussi en poil de chèvre par exemple. La règle de base est la suivante, plus le crin va être rigide plus on aura tendance à utiliser cette brosse pour le décrottage, plus il est doux et plus on aura tendance à l’utiliser pour le lustrage. La brosse à reluire par excellence est toujours en poil de Jacomet.

- Un chiffon : de préférence en 100 % coton, si vous avez une chemise Lanieri c’est l’occasion idéale de lui trouver une utilité à la hauteur de sa qualité. Fonctionne également avec un t-shirt BG/Asphalte.

-La pâte ("cirage") : elle est facultative pour l’entretien mais devient obligatoire si vous voulez faire un glaçage. Il en existe un peu partout, évitez tout ce qui contient du silicone genre Kiwi “parade gloss”, c’est de la merde.

Le matériel de base pour l'entretien. À vous de construire votre kit selon vos besoins, vous pouvez parfaitement substituer ou ajouter des pièces, mais vous avez ici tout ce qu'il faut pour nettoyer et nourrir le cuir. La pâte (cirage) n'est pas obligatoire. (Source: Sartorialisme)
Le matériel de base pour l'entretien. À vous de construire votre kit selon vos besoins, vous pouvez parfaitement substituer ou ajouter des pièces, mais vous avez ici tout ce qu'il faut pour nettoyer et nourrir le cuir. La pâte (cirage) n'est pas obligatoire. (Source: Sartorialisme)
Les produits à manier avec précaution

Absolument tous les produits sont à manier avec un certain niveau de précaution (j’insiste), mais certains sont plus agressifs que d’autres et peuvent rapidement conduire à des catastrophes s’ils ne sont pas utilisés correctement.

- La crème universelle ou crème essentielle : elle sert de couteau Suisse de l’entretien mais est la source de nombreux problèmes en raison d’un pouvoir décapant souvent sous-estimé.

- Le Reno'Mat (ou Renomat) : un produit qui sert à décrasser en profondeur mais qui peut également décaper le cuir avec un peu d’effort.

- les solvants organiques : acétone, essence de térébenthine, alcool isopropylique... Ils ont la même fonction que le Reno'Mat et permettent de nettoyer le cuir en profondeur, mais peuvent également le décaper très rapidement.

- L'huile de vison, l'huile de pied de bœuf, la graisse... : produits au très fort pouvoir nourrissant, en grande quantité ils peuvent trop assouplir le cuir et le déformer. À ne jamais utiliser sur les exotiques comme le crocodile ou le caïman sous peine de les tâcher de manière définitive.

Tous les produits d'entretien sont à manier avec précaution, mais certains risquent d'avoir des conséquences néfastes s'ils sont mal utilisés. (Source: Sartorialisme)
Tous les produits d'entretien sont à manier avec précaution, mais certains risquent d'avoir des conséquences néfastes s'ils sont mal utilisés. (Source: Sartorialisme)
Fréquence d’entretien

C’est une question difficile puisqu’elle dépend de l’usage des souliers, mais également de la qualité de la peausserie utilisée etc etc. Il est recommandé de donner un premier grand décrassage à une paire lors de son achat. Les chaussure (dès le milieu de gamme) font en général l’objet d’un “bichonnage” avant de quitter l’usine où elles sont fabriquées durant lequel les ouvriers appliquent des cires et autres produits sur la chaussure afin de la rendre attractive au client. Le problème c’est que vous ne savez pas combien de temps s’est écoulé entre le moment où la chaussure a quitté l’usine et le moment où vous l’avez achetée, elle peut entre-temps avoir été stockée dans un coin pendant des mois sans que vous n’en sachiez rien. L’autre problème est que vous ne savez pas exactement ce qui a été utilisé par l’usine lors du bichonnage. Il est donc préférable de commencer sur une base saine et de décrasser complètement la chaussure.

En fonction de l’usage que vous faites de vos chaussures il est ensuite recommandé de faire un crémage environ tous les 15 jours pour des souliers portés très régulièrement et un crémage tous les 2 mois pour des souliers portés occasionnellement. Il est ensuite recommandé de faire un grand nettoyage une fois l’an. Le plus important n’étant pas de se fixer sur un calendrier mais d’observer l’état du cuir et de voir s’il a besoin d’être nourri ou non.

Entretien commun à toutes les chaussures

Dans cette partie nous allons essentiellement traiter des parties autres que la tige qui peuvent demander un entretien plus ou moins régulier.

Entretien de l’intérieur de la chaussure

Nous allons tout d’abord aborder un point qui n’est jamais mentionné par tous les spécialistes des zinternet, ça vaut également pour certains débilos de private label et autres influenceurs qui savent manier un bilan comptable plutôt qu’une alêne. Remarquez que ça n’est pas surprenant, ils sont souvent fringants à l’extérieur et moisis de l’intérieur.

Quand j’ai demandé il y a des années de cela à mon mentor ce qui faisait la durabilité d’une chaussure, il m’a répondu que c’était la température des pieds du client. C’est une réponse qui peut surprendre mais que j’ai eu l’occasion d’entendre chez plusieurs autres bottiers à travers les ans, dont certains sont aujourd’hui nonagénaires et ont plus de 50 ans d’expérience parfois acquise dans les plus grandes maisons. C’est bien évidemment une façon polie de parler de sudation. La transpiration et le cuir ne font pas bon ménage, c’est quelque chose qui est assez connu chez les amateurs de voitures de luxe à intérieur cuir, moins chez les calcéophiles alors que c’est pourtant dans leur intérêt.

Certaines personnes ont “les pieds chauds” et d’autres ont les “pieds froids”, comprendre par-là que certaines personnes transpirent beaucoup alors que d’autres transpirent peu. La transpiration est extrêmement mauvaise pour le cuir notamment en raison de son acidité et du sel qu’elle contient. Non seulement la sueur va brûler le cuir et à la longue le fragiliser, mais elle va également réagir avec les différents éléments en métal qui sont utilisés aujourd’hui dans la fabrication de souliers industriels (agrafes, clous, pointes, cambrion…) et provoquer leur corrosion. Corrosion qui à son tour va interagir avec le cuir et faire pourrir la chaussure de l’intérieur. Ça n’est pas pour rien qu’au Mexique ou qu’au Sud des États-Unis (surtout au Tegzas) les bottes de cow-boy à montage traditionnel sont chevillées avec des pointes de citronnier.
D’où l’importance des embauchoirs qui vont servir à absorber une partie de la sudation et de ne jamais porter la même paire deux jours de suite. Mais cela ne suffit pas, il faut passer un coup de chiffon humide ou d’éponge à l’intérieur de la chaussure au minimum une à deux fois par an. Certains vont plus loin et vont imbiber leur chiffon d’alcool isopropylique ce qui est également une solution valable. Peu importe la solution que vous décidez d’adopter, il faut ensuite nourrir le cuir. Car bien que de nombreuses marques vous refilent des doublures en cuir naze de Chine, d’Inde ou du Brésil ça n’en reste pas moins du cuir et il important de l’entretenir de la même façon que le cuir de tige.
Pour nourrir la doublure vous avez l’embarras du choix, vous pouvez utiliser le rénovateur Saphir médaille d’or, la crème surfine incolore 02, ou encore la lotion médaille d’or. Peu importe le produit que vous choisissez d’utiliser, il faut l’appliquer avec parcimonie et pas plus d’une à deux fois par an.

L’entretien des lisses et du talon

L’entretien des lisses est réservé aux amateurs très avertis, mais avec la disparition progressive des cordonniers traditionnels je partage au moins quelques éléments afin de permettre à ceux que ça intéresse d’en apprendre plus.
Normalement l’application de la déforme est une étape réservée au cordonnier, qui dispose en général d’un poste à déforme sur son banc de finissage. Un bon cordonnier pourra s’occuper de vos lisses rapidement et pour trois fois rien, mais si vous habitez en province vous n’avez peut-être pas cette chance. Et encore estimez-vous heureux, dans certains pays comme les États-Unis beaucoup n’ont pas le choix et doivent s’occuper de cela eux même puisqu’il y a au mieux 10 cordonniers compétents pour tout le pays…. Les lisses n’ont en général pas besoin de beaucoup d’entretien, un crémage régulier est normalement très largement suffisant. Sauf si vous avez des paires qui sont très usées ou qui sont dédiées à des utilisations spéciales, je pense par exemple à la neige. Les paires que je réserve à une utilisation hivernale sont exposées régulièrement à la neige et au sel ce qui a tendance à très rapidement faire perdre sa teinte aux lisses. Il existe dès lors deux options, la première consiste à utiliser des petits flacons de teinture pour lisse ou des crayons réparateurs. La seconde est la déforme traditionnelle. Les flacons applicateurs existent sous plusieurs marques, mais il s’agit toujours d’un flacon plastique avec tampon applicateur de très petit conditionnement, les marques Fiebing’s ou Tarrago en proposent, mais vous en trouvez également chez l’immonde marque Kiwi. Dans tous les cas c’est le même principe, il suffit de très bien nettoyer la lisse, et d’appliquer. Le crayon réparateur fonctionne sur le même principe, et est trouvable chez la marque Woly sous le nom de “heel renovator”. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit que d’une solution plus ou moins temporaire en attendant que vous puissiez avoir accès à un cordonnier ou que vous appreniez à appliquer de la déforme proprement.

L’application de la déforme est difficile et demande de la minutie ainsi que de la patience. Je ne vais pas en décrire le processus d’application en détail ici puisque ça n’est pas ce qu’il y a de plus visuel et ça n’est de toute façon pas le but de cet article. Sachez seulement que dans le cas d’une finition artisanale il faut procéder à un verrage de la lisse, appliquer la déforme, passer un fer à lisse… Sachez également que si vous êtes à la recherche de déforme cette dernière est généralement vendue au litre aux cordonniers mais qu’elle est très difficile à conserver car elle sèche rapidement. Il est possible d’en acheter dans des quantités plus petites, par exemple Saphir vendent de la déforme au millilitre sous le nom de “teinture cirante Tanil”. On trouve également de la déforme avec applicateur et en petit conditionnement chez la marque Allemande Top Finish.

Flacons de teinture Fiebing’s pour lisse et talon et deux flacons de déforme traditionnelle. La déforme existe en noir, marron et incolore. (Source: Sartorialisme)
Flacons de teinture Fiebing’s pour lisse et talon et deux flacons de déforme traditionnelle. La déforme existe en noir, marron et incolore. (Source: Sartorialisme)

Entretien de la semelle

Les semelles en caoutchouc deviennent de plus en plus communes et ont l’avantage de ne demander aucun entretien particulier. Les semelles en crêpes sont extrêmement salissantes et peuvent se nettoyer avec une brosse à dent et du savon de Marseille mais surtout pas de solvants.
En ce qui concerne les semelles en cuir, il y a ceux qui font poser un patin et un fer, ceux qui ne le font pas et ceux qui ne posent que l’un des deux. Nous n’allons pas aborder cette question aujourd’hui puisque nous lui consacrerons éventuellement un article.
En revanche sachez qu’il existe différents produits d’entretien destinés aux semelles en cuir mais tout ce qui touche à l’entretien des semelles a tendance à se transformer rapidement en débat interminable. C’est comme parler patin avec un vendeur Weston, il n’y a pas de fin.

Avant toute chose sachez que les semelles de qualité (donc le croupon à tannage lent de première qualité provenant de Baker, Bastin, Garat…) est à la fois souple et rigide. C’est un cuir résistant comme Pétain et toute tentative de trop le nourrir va le ramollir, ce qui est contreproductif. Bien évidemment ce qui est valable pour ces cuirs est également valable pour le cuir de semelle absolument immonde que l’on trouve sur énormément de paires d’entrée/milieu de gamme.

Chez Saphir on trouve “l’huile semelle” dans la gamme médaille d’or, plus communément appelée Sole Guard. Le nom Anglais me laisse penser à une huile de serpent à destination du marché Anglophone qui est assez client de ce genre de gadgets un peu débiles. Il s’agit d’une une huile protectrice 100% végétale qui imperméabilise le cuir et empêche l'eau et le sel de pénétrer et de faire gonfler la semelle. Enfin, ça c’est la version officielle, personnellement j’ai essayé sur quelques paires pour voir s’il y avait un effet notable et après plusieurs années, j’en doute encore. Je ne suis pas encore tombé sur un cordonnier (réputé) qui en vante les mérites, mais j’ai en revanche trouvé des cordonniers qui ont vu des semelles totalement ramollies par l’utilisation de ce genre de produit (il existe également un équivalent chez Burgol et Tapir) ce qui confirme que s’il faut l’utiliser, c’est avec parcimonie. Quand je vois que Kirby Midas Allison vend ce machin 30$ j’ai tendance à penser que c’est simplement un attrape couillon, mais encore une fois quand on voit la vitesse à laquelle la qualité du cuir de semelle qui est utilisé par beaucoup de marques décroit, on peut comprendre que certains s’en vouent aux huiles saintes et aux incantations magiques pour espérer prolonger la vie de leurs semelles. Si certains ont de bonnes expériences avec ces produits tant mieux pour eux, mais j’ai tendance à les considérer comme à manipuler avec précaution voire à les éviter et à leur préférer un patin.

Il existe chez Weston une graisse à base de matières d’origine animales et de cires d’abeille qui sert à nourrir les semelles. Pour une raison qui m’échappe cette graisse est uniquement trouvable en boutique, et il me semble que c’est une graisse exclusivement fabriquée pour la marque. Je ne l’ai pas utilisée depuis une éternité puisque je fais poser des patins sur l’intégralité de mes souliers, en revanche à l’époque où je l’utilisais j’avais remarqué qu’elle avait l’avantage de ne pas ramollir le cuir. C’est à mon sens la meilleure option pour ceux qui veulent nourrir leur cuir de semelle sans prendre trop de risques, à condition que le produit soit resté le même.

Le sole guard de Saphir a également l’inconvénient d’être liquide, ce qui rend sont application moins pratique que celle d'une graisse. (Source: Sartorialisme)
Le sole guard de Saphir a également l’inconvénient d’être liquide, ce qui rend sont application moins pratique que celle d'une graisse. (Source: Sartorialisme)

L’entretien des lacets

Il n’est pas spécialement nécessaire d’entretenir les lacets cirés des chaussures de ville, toutefois il n’est pas une mauvaise idée de les passer de temps en temps à la cire, cela permet d’assurer leur maintien. Vous avez là aussi plusieurs solutions, personnellement j’utilise un simple pain de cire d’abeille mais vous pouvez également utiliser le cirage “pâte de luxe” de Saphir. Il suffit de mettre un peu de pâte incolore sur un chiffon et de pincer le lacet tout en le tirant vers le haut. Vous répétez cette opération plusieurs fois et vous laissez reposer un peu avant de recommencer, mais cette fois sur un coté du chiffon qui ne comporte pas de cirage afin d’enlever l’excédent.

L'entretien de la tige et de la trépointe

Avant de commencer il est important de préciser deux choses.

La première est que je vais essentiellement parler des produits Avel/Valmour/Saphir (tout ça c’est le même groupe) car je les connais et les utilise depuis des années et en plus comme dirait l’autre “pas mal non ? C’est Français” alors autant en profiter. Cela étant dit rien ne vous empêche d’aller voir les produits Colonil, Famaco ou Boot Black, la marque Japonaise qui ferait presque passer les produits Saphir pour bon marché, il n’y a rien de problématique avec ces marques. Le plus important est d’éviter les produits qui contiennent du silicone. Si vous décidez d’utiliser les produits Saphir souvenez-vous qu’il existe la gamme “normale” et la gamme Médaille d’Or. Elles ne sont pas nécessairement très différentes, en dehors du prix et en général un produit qui est présent dans l’une des gammes est également présent dans l’autre, sous un autre nom et avec une formule chimique légèrement différente. L’effet est plus ou moins le même. Si l’on prend par exemple le pommadier MO et qu’on le compare à la surfine vous allez remarquer une différence dans le nuancier, dans la texture, ou encore dans les solvants employés, mais au final le pouvoir nourrissant est similaire.

La seconde est qu’il n’est pas nécessaire d’investir dans beaucoup de produits pour entretenir vos chaussures, même dans le cas d’un grand nettoyage annuel. Le minimum dans ce cas est une bassine, de l’eau claire, une éponge, du savon de Marseille, une brosse et un pot de crème Surfine ou MO et c’est tout, comme nous allons le voir maintenant.

À gauche vous avez la crème surfine à droite la crème 1925, également appelée pommadier. En dehors d'un nuancier et d'une composition différentes les deux produits font la même chose. Il s'agit avant tout d'une histoire de prix et de préférence. (Source: Sartorialisme).
À gauche vous avez la crème surfine à droite la crème 1925, également appelée pommadier. En dehors d'un nuancier et d'une composition différentes les deux produits font la même chose. Il s'agit avant tout d'une histoire de prix et de préférence. (Source: Sartorialisme).

L’entretien annuel, première méthode

Cette technique est valable pour le box calf mais peut également fonctionner pour le veau velours.
Pensez à brosser vos chaussures avant de les immerger afin d’enlever le maximum de poussière, ensuite vous pouvez tremper vos chaussures dans une bassine d’eau tiède (j’insiste, mieux vaut une eau un peu froide que trop chaude), cela fonctionne également pour les trouvailles de seconde main à l’entretien douteux. Il n’y a pas vraiment de règle sur la façon de procéder, vous pouvez laisser vos chaussures immergées dans l’eau pendant 20 minutes ou plus comme vous pouvez simplement faire couler de l’eau dessus de façon abondante sans les immerger totalement. Si vous êtes vraiment frileux vous pouvez simplement passer une éponge humide plutôt que d’immerger les chaussures.

Une fois la chaussure bien mouillée vous les nettoyez avec une éponge savonneuse. Pour éviter les problèmes il est préférable d’utiliser du savon de Marseille traditionnel tout ce qu’il y a de plus simple. Une fois que vous avez bien nettoyé l’extérieur de la chaussure vous pouvez en profiter pour nettoyer l’intérieur également. Une fois cette opération réalisée rincez abondamment les chaussures à l'eau tiède pour enlever le savon.

Mettez ensuite les chaussures sur des embauchoirs bien adaptés à la forme et laissez sécher dans un endroit sec, loin des radiateurs. Quand vous faites sécher des chaussures, peu importe si c’est après une averse ou un nettoyage, n’ayez pas de source de chaleur à proximité. Vous pouvez remplacer les embauchoirs toutes les 3 ou 4 heures pour accélérer le processus de séchage. Une fois que les souliers sont parfaitement secs vous pouvez ensuite les crémer soit à la surfine ou à la MO. Pour le crémage ayez l’habitude de toujours passer sur la trépointe afin de nourrir la couture. Essayez de ne pas tartiner la paire, si vous n’avez pas de palot il est tout à fait possible d’utiliser un chiffon pour appliquer la crème. Laissez ensuite sécher et lustrez avec un chiffon ou une brosse. Si jamais vous en avez envie vous pouvez ensuite passer une couche de pâte de luxe pour augmenter la brillance.

L’entretien annuel, seconde méthode

Cette technique est valable pour le cuir box classique.

Cette méthode est similaire à la précédente, sauf qu’elle utilise un solvant plutôt que de l’eau et du savon. Comme pour la méthode du bain d’eau il faut brosser vos chaussures afin de les débarrasser de toute poussière.

Utilisez ensuite du Reno'Mat en petite quantité sur un chiffon pour enlever les anciennes couches de crème et/ou de cirage. Il est important de frotter sans appuyer et de ne pas utiliser trop de produit à la fois, le plus simple est de mettre le chiffon directement sur le goulot de la bouteille et de l’humidifier très rapidement. Dans le cas où vous êtes en train de travailler sur une paire d’occasion, il est possible que le précédent propriétaire ait tartiné la chaussure de cirage, dans ce cas l’acétone ou l’alcool isopropylique sont des alternatives plus agressives que le Reno'Mat. En fonction de la couche de cirage, c’est un travail qui peut demander plusieurs heures. Parfois il sera nécessaire de décaper la paire et de la reteindre ensuite, certains cirages anciens formant pratiquement une sorte de goudron sur la chaussure. Si jamais la paire doit être décapée, il faut alors utiliser la teinture Française de Saphir pour la recolorer mais on dépasse le cadre de l’entretien et on entre vraiment dans de la restauration.

Une fois que la chaussure est débarrassée de toutes les anciennes couches de crème il est important de la laisser reposer pendant une vingtaine de minutes. Les solvants ont tendance à assécher le cuir vous pouvez ensuite utiliser le rénovateur à l’huile de vison, ou la lotion Saphir afin de nourrir le cuir en profondeur. N’en abusez pas, puisque la prochaine étape consiste à appliquer de la surfine qui a également un pouvoir nourrissant. Insistez bien sur les plis d'usure pour les repasser et ainsi les atténuer. Une fois la surfine appliquée, laissez le soulier sécher et lustrez avec un chiffon ou une brosse. Là aussi vous pouvez ensuite passer une couche de pâte de luxe pour plus de brillance.

Vous pouvez faire des substitutions ou des ajouts mais voilà le matériel de base nécessaire pour l'entretien en profondeur. (Source: Sartorialisme)
Vous pouvez faire des substitutions ou des ajouts mais voilà le matériel de base nécessaire pour l'entretien en profondeur. (Source: Sartorialisme)

L’entretien régulier

Dans le cadre de l’entretien régulier on utilise une version raccourcie de la technique énoncée ci-dessus, il suffit en général de bien brosser le soulier afin de le débarrasser de toutes les impuretés et autres poussières et d’appliquer ensuite de la surfine. Avant de mettre de la surfine certains décrassent la chaussure avec un peu de crème universelle, c’est une question de choix. Là encore respectez bien les temps de séchage et lustrez avec une brosse ou un chiffon.

L'entretien régulier nécessite surtout du brossage. Vous pouvez même ajouter une brosse à reluire en poil de Jaco ou en poil de chèvre, c'est la même chose. (arrière plan, à gauche). (Source: Sartorialisme)
L'entretien régulier nécessite surtout du brossage. Vous pouvez même ajouter une brosse à reluire en poil de Jaco ou en poil de chèvre, c'est la même chose. (arrière plan, à gauche). (Source: Sartorialisme)

Les cas particuliers

Le cuir gras

Le cuir gras est un cuir qui est aisément reconnaissable par son aspect mat et qui demande relativement peu d’entretien.
Comme toujours il est important de commencer par bien brosser le soulier. Une fois cette étape effectuée vous pouvez graisser le cuir à l’aide de différents produits Saphir, il existe la “graisse de phoque” ou le baume "étalon noir" mais vous pouvez également utiliser leur “crème cuir gras”.

À noter que vous pouvez entretenir un cuir gras comme un cuir box, mais dans ce cas vous allez perdre les avantages du cuir gras, je ne vois donc pas l’intérêt.

Le cuir gras est simple d'entretien. Il existe plusieurs options pour la graisse mais la Dubbin (incorrectement appelée graisse de phoque) est la plus courante. Elle existe en incolore. Vous pouvez utiliser une brosse à dent pour la trépointe. (Source: Sartorialisme)
Le cuir gras est simple d'entretien. Il existe plusieurs options pour la graisse mais la Dubbin (incorrectement appelée graisse de phoque) est la plus courante. Elle existe en incolore. Vous pouvez utiliser une brosse à dent pour la trépointe. (Source: Sartorialisme)

Le veau velours

Le veau velours comme le nubuck demande très peu d’entretien surtout si vous avez l’intelligence de le choisir foncé, le veau velours clair étant plus salissant et surtout plus plouc. Une fois que vous achetez vos souliers pensez à les faire imperméabiliser à l’aide de la bombe imperméabilisante Saphir (opération à réaliser tous les ans environ). Il suffit ensuite d’entretenir le cuir à l’aide de deux brosses. La brosse en crêpe sert pour l’entretien courant, la brosse en laiton sert pour l’entretien annuel. Certains trouvent la brosse en laiton trop agressive et préfèrent ne pas l’utiliser.
Comme pour toutes les chaussures il est parfaitement possible d’utiliser une brosse en crin pour le dépoussiérage. Si jamais vous avez une tâche de gras sur vos souliers elle peut être efficacement traitée si elle est rapidement recouverte de terre de Sommières, que l'on laissera agir au moins 24 heures. Il peut être intéressant d’utiliser un gommadin pour traiter les petites tâches surtout si la paire est claire. Quand le veau velours commence à vraiment trop perdre sa teinte il est possible de lui donner un coup de spray rénovateur, ce dernier existe dans plusieurs couleurs différentes.

Le veau velours est extrêmement simple d'entretien. La brosse en laiton (à gauche) est optionelle. (Source: Sartorialisme)
Le veau velours est extrêmement simple d'entretien. La brosse en laiton (à gauche) est optionelle. (Source: Sartorialisme)

Le cordovan

Le cordovan est un cuir très gras qui demande peu d’entretien, le plus important est de brosser le cuir énergiquement de façon occasionnelle. Saphir ont une crème pommadier spéciale cordovan que vous pouvez utiliser une à deux fois l’an mais il est inutile de l’utiliser de manière plus régulière. Si vous récupérez une paire en cordovan de seconde main et qu’elle est très encrassée par des couches de crème, vous pouvez passer la paire au Reno'Mat, cela ne pose pas de problème si c’est fait correctement.
Vous pouvez également investir dans un os de cerf, il sert notamment à atténuer les plis du cordovan, et fonctionne très bien mais demande de fournir un effort assez long. Cela permet aussi d’effacer les traces laissées par l’eau de pluie.

Si vous faites le choix d'utiliser de la crème sur votre cordovan, assurez-vous qu'elle est adaptée. N'utilisez pas non plus cette crème sur le box. (Source: Sartorialisme)
Si vous faites le choix d'utiliser de la crème sur votre cordovan, assurez-vous qu'elle est adaptée. N'utilisez pas non plus cette crème sur le box. (Source: Sartorialisme)

Les cuirs exotiques

Le cuir exotique recouvre beaucoup de matières différentes, et il est inutile d’évoquer les spécificités du cuir de baleine, de requin ou d’éléphant tant il est rare de rencontrer ces peaux. Le crocodile, le caïman et le lézard s’entretiennent avec une simple brosse et avec la crème Reptan de Saphir. Cette crème est à appliquer avec parcimonie et avec un chiffon. N’utilisez en revanche jamais d’huile de vison sous peine de tâcher le cuir de façon pratiquement définitive. Si la paire devient trop encrassée il est parfaitement possible de passer un coup de Reno'Mat mais cela assèche en général assez fortement les peaux de reptiles, il faut donc penser à bien nourrir le cuir par la suite.

Le Reptan est l'équivalent de la surfine mais pour les exotiques. (Source: Sartorialisme)
Le Reptan est l'équivalent de la surfine mais pour les exotiques. (Source: Sartorialisme)

Les cuirs rectifiés (bookbinder, etc...)

Un coup d’éponge humide et c’est marre. Le cuir était protégé par une couche de matière plastique il n’est pas possible de le nourrir.

Inspirations sartoriales sur Instagram : Nathaniel Asseraf

Avant-propos

Avec le printemps qui débute voici notre quatrième article dans la série "inspirations sartoriales sur Instagram", les tenues sont majoritairement estivales, comme ça vous avez le temps de faire votre shopping. Si vous ne connaissez pas le principe, vous pouvez lire le premier article ici

Inspiration: Nathaniel Asseraf

Instagram: Nathaniel Asseraf

1 Asseraf

Le marine du short et le vert délavé de la chemise fonctionnent assez bien, surtout dans une tenue estivale. Le short est un peu ample et la chemise l’est tout autant, surtout avec les grosses poches poitrines. Les manches sont roulottées de façon négligée pour aller avec le short.
N’hésitez pas à déboutonner largement la chemise, au pire mettez un t-shirt en dessous (blanc ou gris) si vous ne voulez pas que l’on voit votre torse.
Pourrait fonctionner avec des mocassins en veau velours mais l’idéal est d’utiliser des sneakers minimalistes en toile ou des espadrilles.

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Plus intéressant, la tenue n’est pas très riche en couleurs. Les gros ploucs de plus de 50 ans qui découvrent la joie de s’habiller après des décennies à porter des vêtements noirs en polyplouc seront très certainement déçus, et leur femme sans doute encore plus (vous voyez, le genre de bonnes femmes qui recommandent à leur mari de porter une cravate rose pâle ou un chino bleu clair).

La chemise est assez ample, idéale pour l’été, et le fait qu’elle soit terne / délavée va particulièrement bien avec le chino coupé pour en faire un short. Une négligence toute estivale et appréciable.
Le choix des sneakers en toile semble être un optimum, les espadrilles auraient sans doute trop clochardisé la tenue alors que des mocassins auraient sans doute été trop formels.

Si vous voulez vous essayer à l’ampleur mais que les pantalons larges vous effraient, profitez de l’été pour tenter les shorts. Si jamais c’est trop ample, vous pouvez toujours roulotter le bas du short le temps de vous habituer.

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Possiblement une des seules personnes à savoir porter ce genre de short sans passer pour un demeuré. Si vous voulez absolument porter un short avec ce genre de ceinture, évitez de mettre des mocassins car le décalage est trop fort en terme de registre. Des sneakers en toile et rien d’autre, à l’extrême limite des espadrilles en toile. Le chambray de la chemise s’associe parfaitement. Roulottez sur l’avant-bras et laissez sortir négligemment le bas de la chemise plutôt que de la rentrer bien proprement (dès qu’une chemise est ample, vous devez la laisser un peu sortir contrairement à une chemise slim).

Inutile de revenir sur le blanc des sneakers et l’accord beige / bleu clair, vous voyez ça depuis plus de dix ans maintenant.

Asseraf collage

Il est manifestement obsédé par les pantalons blancs. On ne va pas se mentir, ça fait souvent plouc dans une tenue formelle. Mais en été dans une tenue décontractée, ça peut se tenter.
Les photos ci-dessus montrent une assez grande variété de tenues possibles.
La première, en haut à gauche, associe une chemise militaire dans les tons beiges / terre qui va bien avec le blanc du pantalon (on ne vous apprend rien ici j’espère). Rien de particulier à noter, si ce n’est que le motif camo de la chemise permet de remplacer une chemise hawaïenne si vous trouvez ça trop beauf.

La dernière photo en bas à droite montre un pantalon blanc assez ample avec une chemise olive. On ne va pas se mentir, une chemise rentrée dans un pantalon ample taille haute donne souvent un résultat étrange en l’absence de veste ou de manteau pour équilibrer la silhouette. Profitez de l’été pour porter la chemise hors du pantalon. Attention, la chemise doit être ample pour que le résultat soit convaincant, n’allez pas vous foutre en chemise slim de stagiaire dans une startup.

Inutile de commenter le reste, vous avez normalement déjà tout compris.

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Bien que ce soit une tenue de femme, vous pouvez tenter l’association col roulé foncé sous une veste en jean, le tout sous une gabardine beige. La gabardine sera raglan, ample, longue et très fluide. Les gabardines modernes ont un rendu cartonneux littéralement dégueulasse qui semble beaucoup plaire aux ploucs de la défense. A fuir.

Notez : Pas de gabardine avec une tenue formelle, sauf si vous êtes pédophile.

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Le vert clair du blouson se marie bien avec le bleu assez vif de la chemise. Notez également le col relevé de la chemise ainsi que celui du blouson.
Profitez d’avoir une taille haute pour porter des blousons courts et amples (le résultat est catastrophique avec une taille basse).

Le pantalon peut être remplacé par un jean brut coupe droite ample. Le blouson militaire peut être
remplacé par une barbour (beaufort, voire bedale) délavée ou un blouson A1 en veau velours couleur tabac.

Démontage d’une paire de Carlos Santos

Toutes les photos du démontage sont la propriété de Sartorialisme.com et ne peuvent être utilisées sans autorisation.

Avant-propos

La paire qui fait l’objet du démontage est le modèle Andrew 6942 de Carlos Santos vendu à 339€. Cette paire a été achetée usagée mais a été portée moins d’une dizaine de fois par le précédent propriétaire. Il s’agit d’une double boucle avec un montage Goodyear rainette qui est trouvable chez d’autres marques sous divers noms. En effet, Carlos Santos est surtout réputé pour fournir via son usine Zarco bon nombre de private labels disponible en France. Loding, Malfroid, JM Legazel, Monsieur Chaussure, Gustavia, Marc Guyot, Prince Jorge et j’en passe font fabriquer ou on fait fabriquer certains de leurs modèles par Carlos Santos. Parmi toutes ces marques certaines proposent une double boucle très similaire, pour ne pas dire identique au modèle Andrew 6942 que nous allons démonter. Loding appelle leur modèle Melleray 473, chez Malfroid c’est Scapin (un lien avec les fourberies ?), quant à Monsieur Chaussure le nom est moins évocateur : MC01. En dehors de la communication faite par ces marques respectives et de quelques détails (notamment les peausseries), il ne s’agit que d’un seul et même modèle qui fait l’objet de plusieurs déclinaisons. Cet article n’a pas pour vocation à comparer ces différentes chaussures et à illustrer les différences existantes (ou non) dans le cahier des charges. Nous effectuerons sans doute ce travail un jour, mais pour l’instant nous allons nous contenter de démonter le modèle disons “originel”. Comme toutes ces chaussures sortent de la même usine, et sont fabriquées sur le même montage, vous saurez déjà très largement à quoi vous en tenir.

Le modèle en question sur le site de la marque. (Source: Carlos Santos)
Le modèle en question sur le site de la marque. (Source: Carlos Santos)
Et ses déclinaisons chez les private labels. (Source: Monsieur chaussure, Malfroid, Loding)
Et ses déclinaisons chez les private labels. (Source: Monsieur chaussure, Malfroid, Loding)

Puisque nous parlons du montage il est toujours bon de rappeler la façon dont s’articule la gamme de chaussures produites par Zarco, la marque ayant à juste titre la réputation d’être illisible à ce sujet. L’usine produit 4 gammes de chaussures. La première est en Blake, la seconde en Goodyear rainette, la troisième en Goodyear sous gravure (Handgrade), et enfin la quatrième est en Goodyear avec une cambrure en Blake (Handcrafted). Le modèle que nous allons démonter ainsi que ses copies vendues sous d’autres marques proviennent donc de la seconde gamme offerte par Zarco, ce qui correspond à la ligne principale de la marque.

Pour la première fois dans notre série de démontages nous allons mettre en parallèle nos commentaires avec ceux de “reviews, tests, avis” publiés par d’autres blogs. Cela afin d’exposer la différence qu’il peut exister entre les “attentes” issus de ces “tests” et la réalité. Et puis c’est toujours drôle de voir le babillage débile des influenceurs. À croire qu’il existe un concours secret entre eux pour savoir qui sortira la plus grosse connerie.

Cet article est par définition technique et assume que le lecteur a au moins lu notre article “Qu’est-ce qu’un soulier de qualité”.

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Avant de démonter la paire nous commençons par vérifier si le cuir comporte des défauts. Carlos Santos n’indique pas la provenance du cuir mais la marque se fournit essentiellement chez les tanneries du Puy et Annonay. Les photos donnent une fausse impression de l’état d’usure de la paire, cette dernière est vraiment presque neuve et tout ce qu’il lui faudrait c’est un bon entretien. Une fois que l’on fait abstraction des plis d’aisance, marques causées par l’usage et du manque hydratation de la peau il n’y a globalement pas de problèmes majeurs avec le cuir. Ce dernier frisote pas mal par endroits mais c’est attendu à ce prix, et bien que la paire n’ait pas été entretenue le cuir demeure assez souple.

Chez Comme un Camion ils ont essayé le modèle Melleray de Loding et ils sous entendent que Loding y serait pour quelque chose dans le design du modèle, ce qui n’est évidemment pas le cas. Crasse incompétence ou mauvaise foi, c’est à vous de juger. Les private labels aiment se voir attribuer des mérites qu’ils n’ont pas et payent en général assez bien pour cela. (Source: Comme un camion)
Chez Comme un Camion ils ont essayé le modèle Melleray de Loding et ils sous entendent que Loding y serait pour quelque chose dans le design du modèle, ce qui n’est évidemment pas le cas. Crasse incompétence ou mauvaise foi, c’est à vous de juger. Les private labels aiment se voir attribuer des mérites qu’ils n’ont pas et payent en général assez bien pour cela. (Source: Comme un camion)
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Pour ce qui est du montage ce modèle étant issu de la gamme principale il est en cousu Goodyear sous rainette. À 339€ c’est un peu mesquin car beaucoup de marques dans cette gamme de prix proposent du Goodyear sous gravure. Chez Carlos Santos si vous voulez accéder au Goodyear sous gravure il faut vous diriger vers la gamme Handgrade qui commence à 419€.

Jesper de Shoegazing a réalisé une review sur un modèle différent de la main line et arrive à la même conclusion, en même temps c’est une simple question de bon sens. (Source: Shoegazing)
Jesper de Shoegazing a réalisé une review sur un modèle différent de la main line et arrive à la même conclusion, en même temps c’est une simple question de bon sens. (Source: Shoegazing)
Chez Jamais Vulgaire qui ont écrit un article sur le modèle Scapin de Malfroid visiblement on ne sait pas très bien à quoi ça sert un cousu sous gravure alors on bave un peu n’importe quoi. (Source: Jamais vulgaire)
Chez Jamais Vulgaire qui ont écrit un article sur le modèle Scapin de Malfroid visiblement on ne sait pas très bien à quoi ça sert un cousu sous gravure alors on bave un peu n’importe quoi. (Source: Jamais vulgaire)
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En ce qui concerne la qualité de finition, le soin apporté à la paire est tout à fait correct, il n’y a rien de particulier à signaler. La roulette d’emboitage est, comme souvent dans ces prix, pas très belle et peu profonde mais il n’y a aucun défaut rédhibitoire. La jointure trépointe/couche point est bien effectuée contrairement à ce que l’on trouve chez Meermin par exemple. Le piquage de la tige avec 10 stitches per inch (SPI) est dans la moyenne de ce qui existe dans cette gamme de prix, il y a mieux ailleurs, mais il y a aussi pire. La couture petit point est régulière et ne comporte pas de défauts.

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Nous commençons par le démontage du bloc talon et déjà ça commence mal puisque non seulement ce dernier est en salpa, mais il est en plus très facile à faire sauter. Le bloc talon est maintenu en place par 5 clous vissés et de la néoprène. À titre d’exemple chez Bridlen et Meermin on avait 7 clous vissés (et de la néoprène), mais surtout le bloc talon était en cuir. Sans que ça soit la fin du monde, cela reste un point négatif.

Chez misiuacademy il existe une review du modèle Andrew de notre démontage, mais dans une couleur différente. Le contenu de la review est assez amusant puisqu’il parle d’une petite usine familiale, d’artisans experts qui n’utilisent presque pas de machines, bref au final une œuvre d’art…. Et vlan, derrière on se retrouve avec un bloc talon en salpa. La vilaine économie mesquine. Bon, il faut l’excuser, le type en question est depuis devenu un revendeur de la marque Carlos Santos alors forcément… (Source: misiuacademy/sartorialisme)
Chez misiuacademy il existe une review du modèle Andrew de notre démontage, mais dans une couleur différente. Le contenu de la review est assez amusant puisqu’il parle d’une petite usine familiale, d’artisans experts qui n’utilisent presque pas de machines, bref au final une œuvre d’art…. Et vlan, derrière on se retrouve avec un bloc talon en salpa. La vilaine économie mesquine. Bon, il faut l’excuser, le type en question est depuis devenu un revendeur de la marque Carlos Santos alors forcément… (Source: misiuacademy/sartorialisme)
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Je ne vais pas m’amuser à retirer toutes les couches du bloc talon, j’ai juste enlevé un sous-bout supplémentaire. À titre de comparaison sur cette photo vous avez à gauche le bloc talon qui provient de Bridlen.

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J’enlève ensuite la demi-première de propreté. En dessous de cette dernière se trouve un morceau de mousse caoutchouteuse de bonne densité. Rien de vraiment spécial dans ce domaine, la première de montage est en cuir et présente une épaisseur qui est très correcte.

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Passons maintenant au montage, il y a beaucoup à dire. Commençons par le cambrion en bois. L’avantage du bois par rapport à l’acier est bien évidemment qu’il ne rouille pas. Alors, je sais bien que ça fait traditionnel d’utiliser un cambrion en bois, encore faut-il que cela soit fait proprement. Le cambrion est pratiquement tombé de lui-même au moment d’ouvrir la chaussure. Il est fort probable que le temps de séchage de la néoprène n’ait pas été respecté. Si vous avez déjà eu des chaussures qui grincent ou couinent le coupable est bien souvent le cambrion qui s’est décollé.
Le couche point est maintenu en place par des agrafes, ce qui est très commun pour les productions Européennes mais n’a pas ma préférence.

La review de Jamais Vulgaire fait mention d’un double cambrion en bois. On peut voir que sur notre modèle ce n’est pas le cas. N’ayant pas démonté le modèle Scapin de Malfroid, j’accorde le bénéfice du doute. Les marques en private label peuvent choisir des options spécifiques que l’usine peut décider de ne pas inclure sur leur ligne en nom propre. Nous aurons la réponse définitive à cette question lorsque nous démonterons une paire de Malfroid. (Source: Jamais vulgaire)
La review de Jamais Vulgaire fait mention d’un double cambrion en bois. On peut voir que sur notre modèle ce n’est pas le cas. N’ayant pas démonté le modèle Scapin de Malfroid, j’accorde le bénéfice du doute. Les marques en private label peuvent choisir des options spécifiques que l’usine peut décider de ne pas inclure sur leur ligne en nom propre. Nous aurons la réponse définitive à cette question lorsque nous démonterons une paire de Malfroid. (Source: Jamais vulgaire)
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Une bonne nouvelle, le mur de montage est collé (sans surprise) mais également agrafé en place. Cela afin d’éviter que le mur de montage ne se mette à bouger si la colle se désagrège (ce qu’elle fera tôt ou tard) ou si vous mettez trop de pression sur le mur de montage en utilisant des embauchoirs inadaptés. Une solution qui gagnerait à être adoptée par toutes les marques qui utilisent des murs collés.

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J’expose ensuite les renforts, Comme toujours le bout dur est en celastic. Ce dernier est d’une qualité assez correcte, supérieur à ce qui est utilisé par Meermin ou Bridlen par exemple.

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À l’arrière le contrefort est en salpa, mais ce dernier est très souple, probablement pour favoriser un plus grand confort immédiat au détriment de la durabilité. C’est toujours mieux que du celastic. Il n’y a pas d’ailette de renforts. Dans cette gamme de prix ce n’est absolument pas surprenant et dans nos démontages seule la paire de Bridlen en avait.

Selon Jamais Vulgaire Malfroid utilise un cuir de 16 mm d’épaisseur. La valeur de 16 mm est donnée à au moins deux reprises dans l’article donc s’il s’agit d’une coquille cette dernière est persistante et très amusante car elle est d’une ineptie totale. Mais si jamais vous aviez des doutes sur la stupidité de la valeur qui est donnée, voilà pour référence l’épaisseur du cuir utilisé par Carlos Santos. (Souce: Jamais vulgaire)
Selon Jamais Vulgaire Malfroid utilise un cuir de 16 mm d’épaisseur. La valeur de 16 mm est donnée à au moins deux reprises dans l’article donc s’il s’agit d’une coquille cette dernière est persistante et très amusante car elle est d’une ineptie totale. Mais si jamais vous aviez des doutes sur la stupidité de la valeur qui est donnée, voilà pour référence l’épaisseur du cuir utilisé par Carlos Santos. (Souce: Jamais vulgaire)
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Le cuir de tige fait environ 1.20 mm d’épaisseur. En réalité il est légèrement moins épais, mais obtenir une mesure précise tout en prenant une photo est délicat. Et je vois ceux qui vont me dire : « Mais peut être qu’ils parlaient de la première de montage ?…. ». Celle-ci mesure environ 3.46 mm d’épaisseur. Vous en tirez les conclusions que vous voulez quant aux experts en expertises et à leur (in)compétence.

Conclusion

Ce modèle est une bonne illustration du principe de segmentation au sein d’une même usine. Zarco sait faire des chaussures techniquement très avancées (avec la ligne Handcrafted par exemple) et ce savoir-faire est mis au service des lignes inférieures. Le choix d’agrafer le mur de montage collé en est une bonne illustration. La paire est également finie avec soin, et on est loin de trouver la même négligence qu’avec les productions Chinoises de Meermin par exemple. Pas de trépointes baladeuses, pas de déforme appliquée n’importe comment etc etc. Pour autant nous ne sommes pas non plus en présence d’un soulier qui soit techniquement radicalement différent de ce que Meermin propose. Pour le double du prix, vous avez un travail qui est bien effectué, mais qui n’est pas non plus sans reproches. Les productions de Carlos Santos en leur nom propre et dans leur gamme principale sont donc honnêtes et pêchent surtout par certains choix économiques qui peuvent trouver leur explication dans la concurrence. En effet, la ligne principale en Goodyear rainette est mise en vente à un prix assez proche de ce qui se fait chez les Espagnols d’Andrès Sendra alors que la ligne Handgrade et son cousu sous gravure semble plus lorgner du côté de Carmina.