Guide d’achat des souliers aux alentours de 1000€

Avant-propos

À partir d’un certain prix les guides d’achat deviennent difficile à élaborer. Il est compliqué de mettre sur un même plan une marque comme Edward Green et une marque comme Aubercy, tout ou presque les séparent sauf le prix. Dans un guide d’achat dédié à l’entrée ou au milieu de gamme la logique est simple, En dessous de 200€ le client cherche avant tout un rapport qualité/prix qui va pencher en faveur du prix, à partir de 350€ le client cherche un rapport qualité/prix qui soit équilibré, au-delà des 500€ le client cherche un rapport qualité prix qui va pencher en faveur de la qualité. Bien évidemment, c’est une vision schématique qui vise uniquement à poser le principe, il y aura toujours des gens qui voudront des chaussures cousue trépointe dans un cuir génial pour moins de 300€, et d’autres qui voudront coûte que coûte une chaussure avec une patine bleu fluo. Mais ce sont des cas relativement isolés qui relèvent plus de la misère intellectuelle ou sociale que de la norme. À partir d’une certaine somme en revanche il n’y a plus vraiment de logique. Par exemple certaines personnes veulent impérativement une esthétique et se moquent totalement la qualité. C’est l’unique raison d’être du prêt-à-porter Corthay, cible facile mais ça pourrait être pire, on pourrait parler du PAP Berluti. Les deux marques sont absolument inattaquables en mesure, mais pour ce qui est du prêt à porter… C’est d’ailleurs un problème que l’on retrouve aussi dans le vêtement, mais là n’est pas la question. La question est de savoir comment articuler ce guide pour qu’il soit un minimum utile ?

Le problème de beaucoup de marques premium, est qu’elles offrent toutes (ou presque) une qualité… premium. Très peu de marques réputées font payer un prix exorbitant pour un produit douteux, à l’exception de quelques cas isolés et de Church’s, mais ça fait bien longtemps que plus personne ne prend la marque au sérieux. Que faire par exemple de l’offre en prêt à porter de Fukuda ? Cette dernière n’est pas du tout mauvaise, mais vous payez un premium pour sa notoriété et pour son style. Est-ce qu’il est possible de trouver quelque chose de techniquement similaire pour moins cher ? Possiblement. Mais si c’est le style Fukuda que vous cherchez, cela vous importe peu.

Dans ce guide je ne vais pas aborder de certaines lignes spécifiques qui appartiennent à des marques connues pour appartenir au milieu de gamme (ou légèrement au-dessus). Je pense par exemple à la ligne Handcrafted de Carlos Santos ou à la ligne Handgrade de Paul Sargent, tout simplement car ces marques figurent déjà dans notre guide 2023 des souliers que vous pouvez consultez ici. Ces deux lignes sont de très bonne qualité et méritent de figurer dans ce guide. Il faut tout de même noter que la ligne Handcrafted de Carlos Santos est virtuellement introuvable, et la Handgrade de Sargent est exclusivement en MTO. Je ne vais pas non plus parler des marques totalement de niche comme Yanagimachi qui a une ligne en MTO aux alentours de 1700€, Hung ou Mogada par exemple. Je pars du principe que si vous avez le budget pour et que vous avez un attrait pour ce genre de marques, vous les connaissez déjà, elles pourront éventuellement faire l'objet d'un guide à part. En revanche, si vous avez le budget, mais que vous lisez ce guide c’est que vous cherchez des pistes sur quoi acheter et que vous n’êtes donc pas un calcéophile forcené. Vous avez probablement donc besoin de marques relativement accessibles du point de vue géographique afin d’éviter les déceptions au niveau du chaussant. Je rappelle que la base d’un achat soulier doit être le chaussant, les considérations esthétiques ou qualitatives doivent venir après. La sélection peut donc paraître assez convenue, et elle l'est. L'objectif étant d'éviter de faire comme certains gogoles, acheter des chaussures et ne jamais les mettre car le chaussant ne convient pas, ces handicapés se reconnaîtront.

Volontairement ce guide n’inclut pas certaines marques sur lesquelles j’aimerais avoir plus de retours. Zonkey Boots ou Meccariello par exemple sont des marques qui ont le potentiel d’être intéressantes, mais elles comportent également leur lot de réserves (accessibilité géographique mais aussi qualité). Globalement il y a beaucoup de marques italiennes sur lesquels on peut se poser des questions. Si vous voulez de l’Italien solide, allez chez Bonafe, qui n’est pas dans le guide car les chaussures sont très difficilement trouvables en dehors de quelques offres en MTO ou GMTO. L’autre alternative est de passer par Aubercy mais vous avez le style maison et non le style Bonafe. J’ai également contacté d’autres marques basées en Chine ou en Roumanie, mais je n’ai pas eu de réponse positive à mes demandes de démontage, je préfère donc éviter de les recommander dans un guide pour l'instant.

Les prix sont donnés simplement à titre indicatifs, ils ne tiennent pas compte des frais éventuels (douane) et il peut y avoir des variations importantes entre les différentes gammes des marques citées.

Edward Green

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Prix aux alentours de 1200€
Site Internet: https://www.edwardgreen.com/

Le Rolls Royce (période pré-rachat par BMW) de la chaussure Goodyear industrielle, avec tout ce que cela comporte de bon et de moins bon. De façon amusante on peut d’ailleurs pousser cette analogie avec la marque automobile assez loin. Si vous avez les moyens et que vous ne voulez pas vous prendre la tête, vous allez là-bas et vous savez que vous allez être bien traité. Les clients se dirigent vers ces deux marques pour une qualité de fabrication soignée et une image impeccable. On ne va pas chez Green pour les dernières fioritures à la mode et bien souvent approximativement réalisées qui sortent d’ateliers semi-industriels de Transylvanie par exemple. Les montages sont bien effectués, les finitions sont très soignées, les cuirs sont très bons (sans égaler ceux de Lobb). L’expérience boutique est bonne, le personnel compétent. La marque propose également un service MTO excessivement complet. Elle dispose également d’un très gros parc de formes, de tailles et de largeurs, ce qui est essentiel pour les clients difficiles à chausser ou débutants.

Il y a malgré tout quelques petites tracasseries. Tout d’abord il y a des mesquineries incompréhensibles, comme le prix des embauchoirs ou le prix d’un ressemelage usine même si malheureusement la marque ne fait qu’imiter la concurrence. Et puis il y a l’esthétique des modèles, qui a un peu le cul entre deux chaises. D’un côté la marque maîtrise ses classiques, au point où l’on frise un peu l’ennui, et de l’autre elle est totalement incapable de proposer quelque chose qui sorte des canons et ne soit pas raté, ne cherchez pas des paires très racées ou quelque chose d’original chez EG.

Points positifs

- La qualité de fabrication très soignée (mais un peu banale)

- Très gros choix de modèles, tailles, largeurs

- Une très bonne boutique à Paris

Points négatifs

- Les modèles d’été non doublés, légers et flexibles genre Penzance sont à un prix exorbitant pour l’usage qui en sera fait et sont à mon avis un non-sens complet (pour le client, la marque doit y trouver son compte niveau marge)

- Leur idée du frisson c’est le missionnaire lumière éteinte, sans aller jusqu’à demander du crocodile bariolé, un brin d’originalité ne ferait pas de mal.

John Lobb

Lobb

Prix aux alentours de 1600€
Site Internet: https://www.johnlobb.com/

Les deux forces de Lobb sont les cuirs et les designs iconiques, pour le reste on repassera. Il faut reconnaître que malgré toutes les critiques que l’on peut formuler à l’égard de Lobb (et Dieu sait qu’il y en a) la marque propose toujours les meilleurs cuirs du marché. La chaussure idéale doit avoir un bon montage ET une bonne tige, mais si vous n’avez que l’un et pas l’autre, autant avoir une bonne tige sur un montage moyen que l’inverse. La tige représente la partie irremplaçable de la chaussure et chez Lobb le fait est que, pour l’instant, niveau cuir ils assurent toujours autant. En ce qui concerne le montage, et certains détails, Lobb n’est pas au niveau pour leur créneau tarifaire, mais dans l’absolu ça n’est pas non plus totalement infamant. Bien évidemment, il ne fait pas acheter autre chose que les modèles iconiques, ceux qui étaient des création des bottiers de la maison, (d'où le nom de William, Lopez etc etc) les trainers, les designs douteux (et pompés) de l’infâme Gerbaise on n’y touche pas, même avec un bâton. Forcément qui dit grosse marque dit gros parc de formes et de tailles, normalement si vous allez en boutique vous n’aurez pas de mal à trouver le chaussant idéal.

Points positifs

- Le cuir, le cuir, et encore le cuir.

- Des modèles iconiques (c’était ça ou j’allais remettre le cuir)

- Une bonne présence en boutique

Points négatifs

- Pléthores de modèles à éviter

- La qualité de fabrication est très en dessous de ce qu’on est en droit d’attendre à ce prix

Gaziano & Girling

G&G

Prix aux alentours de 1100€
Site Internet: https://www.gazianogirling.com/

Une alternative à Edward Green, pour continuer dans l’analogie de l’automobile Anglaise si Green sont Rolls, G&G sont Bentley. Vous avez une qualité de fabrication équivalente entre les deux marques, mais G&G ont des formes et un style plus racé, plus moderne tout en conservant tout de même un certain “British flair”. La gamme de prêt à porter s’est réduite, la marque mise de plus en plus sur le MTO et le bespoke. Le service MTO est d’ailleurs très poussé (en réalité, il en existe 2 mais leur offre Optimum lancée en 2021 dépasse allègrement les 3k€ et sort du contexte de ce guide) et vous laisse faire pratiquement tout ce que vous voulez. Il n’y a pas grand-chose à reprocher à la marque, les cuirs sont un peu en dessous de Green en prêt à porter, mais globalement c’est une offre qui est qualitativement similaire. Il n’existe pas de boutique Parisienne, mais la marque dispose d’un showroom à Londres sur Savile Row, si vous pouvez vous payer une paire, vous pouvez vous payer l’Eurostar. Un détail à noter, la marque propose un vaste panel de tailles et 3 largeurs, mais seule la largeur standard est disponible immédiatement. Il faut attendre 6 à 8 semaines pour une largeur D ou F, autant passer par le MTO.

Points positifs

- Très bonne qualité de fabrication

- Un équivalent plus flamboyant d’Edward Green

- Le service MTO de base est très poussé

Points négatifs

- L’offre en PAP est un peu limitée

- 3 largeurs en PAP, mais seulement la E est disponible immédiatement

- Pas de boutique en France

Aubercy

Aubercy

Prix aux alentours de 1200€
Site Internet: https://aubercy.com/

Pour ce qui concerne leur prêt à porter Aubercy est un private label, ce qui est relativement rare dans cette gamme de prix. Le fabricant est Enzo Bonafe, une marque Italienne tout à fait sérieuse. Il y a toujours eu une certaine forme de détestation envers Aubercy de la part des singes savants de l’internet, car oh mon Dieu c’est du cousu Blake. C’est bien évidemment un non-sens complet, et si le Blake vous dérange, faites poser un patin.... Aujourd’hui Aubercy a un cahier des charges exigeant, les chaussures sont bien fabriquées et le cuir est très bon. Si vraiment vous tenez impérativement à avoir un cousu trépointe, la marque propose ce montage en option (sur le PAP) pour un supplément de 200€. À voir avec eux si le cousu trépointe est intégralement fait main, ou partiellement machine, car ils parlent de « Goodyear trépointe » ce qui est une expression typiquement Italienne qui porte à confusion. Il faut savoir que les Italiens ont plusieurs acceptations de ce qu’est un cousu trépointe. (Mise à jour: il apparaît d'après un ancien employé que le cousu trépointe est bel et bien effectué intégralement à la main). Sinon j’ai toujours trouvé que le cuir de tige est un peu fin mais c’est également une caractéristique de l’esthétique de la marque, tout en finesse. Esthétique forte qui peut être clivante selon les modèles, la marque a une identité qui tire vraiment sur le dandysme. À vous de voir si cela vous convient ou non. Il est en revanche impossible de dire qu’Aubercy est insipide. En matière de chaussant la marque taille un peu petit et ne propose qu’une largeur standard pour le prêt à porter, mais il est possible sur demande spéciale d'avoir accès à d'autres largeurs.

Points positifs

- Bonne qualité de fabrication

- Cousu trépointe disponible contre supplément

- Très belle boutique Parisienne avec un excellent service

Point négatif

- Une esthétique clivante, parfois de mauvais goût

- Une seule largeur de disponible immédiatement en PAP, il faut prendre commande pour une largeur spécifique

Weston

Weston

Prix aux alentours de 900€
Site Internet: https://eu.jmweston.com/

Terminons par un sujet épineux, Weston. La marque est à mon avis en perdition depuis plusieurs années, les prix grimpent, la qualité baisse, les immondices se multiplient. D’ailleurs la marque enregistre des pertes de façon constante depuis maintenant 3 ans. Au final vous en avez de moins en moins pour votre argent, mais encore une fois, dans ce segment tarifaire, c’est un concept un peu vague. Sauf que Weston ne se trouvait pas vraiment dans ce segment tarifaire à l’origine… la marque a petit à petit fait son chemin vers les cimes du luxe pour le meilleur, du point de vue des actionnaires, et pour le pire, du point de vue des clients. Pour autant les cuirs restent bon, et ce qui fait surtout la force de la marque c’est son vaste parc de formes, de taille et de largeurs ainsi qu’un gros réseau de boutiques en France. C'est donc une destination évidente si vous avez les moyens et que vous êtes un néophyte Il y a également ses modèles iconiques, qui un peu comme Lobb génèrent toujours un gros attrait. D’ailleurs ce sont sur ces modèles qu’il faut rester, car le reste commence à franchement être d’un goût douteux.

Oh et tant que j'y suis l'image qui illustre cet article est "la chasse", n'espérez pas l'avoir aux alentours des 1000€...sauf à l'acheter en seconde main.

Points positifs

- Gros réseau de boutiques

- Beaucoup de choix niveau chaussants

Points négatifs

- Les prix en hausse constante

- La qualité en baisse constante

- De plus en plus de modèles immondes

Annonce: Les bonnes affaires

Le blog a toujours essayé de mettre en avant la seconde main, en partie car c’est une façon efficace de se procurer des vêtements d’une qualité aujourd’hui disparue. Force est de constater que le contexte économique actuel n’est guère réjouissant, les prix ne cessent de grimper et il devient de plus en plus difficile d’en avoir pour son argent. N’importe quel costume en demi-mesure naze tutoie facilement les 1000€, il en est de même chez les Chinois de SuitSupply (en réalité on y est déjà en fonction des options sélectionnées). Le constat est identique pour les chaussures, avec Weston, Church’s Crockett & Jones (et bien d’autres) qui ont augmenté leurs prix de façon parfois impressionnante (50 % d’augmentation dans le cas de Church’s et cela en 24h, je le rappelle histoire de rigoler). Un article expliquant ces hausses est d’ailleurs en préparation.

Un récent mail de Collaro annonçant une augmentation prochaine des prix. Ce genre de mails sont devenus courants ces derniers temps.
Un récent mail de Collaro annonçant une augmentation prochaine des prix. Ce genre de mails sont devenus courants ces derniers temps.

Cette tendance semble s’inscrire dans la durée et la réaction ne s’est pas fait attendre : il y a un ralentissement des dépenses du coté des consommateurs. Et cela se voit aussi sur le marché de la seconde main, les vendeurs font moins d’affaires, beaucoup d’objets restent en vente longtemps et donc les prix sont plutôt à la baisse. Je le constate aussi personnellement, je n’ai pas une activité de revendeur professionnel, mais il m’arrive comme tout le monde de faire le ménage dans ce que je possède. Des vêtements qui partaient en 48h ou quelques jours me restent maintenant sur les bras pendant des semaines voire même des mois. Il faut ajouter au contexte économique difficile une baisse d’intérêt très notable pour le vêtement classique. La tendance était à la hausse avant la crise sanitaire, depuis qu’elle est passée par là il y a un désintérêt global qui commence à se manifester. Tout cela peut sembler bien sombre, mais c’est aussi une bonne nouvelle, car jusque là nous étions dans un marché favorisant le vendeur, nous sommes maintenant en train d’entrer dans un marché qui favorise l’acheteur. Si votre pouvoir d’achat n’a pas été trop entaché par l’inflation, ou si vous voulez rediriger votre budget, il y a de bonnes affaires qui se profilent à l’horizon.

Malheureusement, chiner, même en ligne, est une activité chronophage, surtout quand on ne sait pas quoi chercher ou que l’on ne connaît pas toutes les ficelles qui permettent de gagner du temps. Il se trouve que ces ficelles nous les connaissons, certaines sont d’ailleurs dans nos guides, puisque cela fait très longtemps que nous chinons. Nous laçons donc nos listings de bonnes affaires. Nous l’avons déjà fait dans notre guide de la seconde main sur la chaussure, et l’expérience avait été concluante. Nous allons donc le faire sur Patreon, et cela pour tous les tiers. C’est une façon de partager des trouvailles avec ceux qui nous soutiennent.

Les modalités sont simples. Une fois par mois (au minimum) nous allons lister des annonces trouvées sur Ebay (Vinted, le Bon Coin et d’autres peuvent aussi être au programme). L’accent sera mis sur les vestes, costumes, et chaussures car c’est ce qui est le plus demandé. Mais il y aura aussi des accessoires ou d’autres choses en fonction de ce que nous trouvons. La majorité des objets seront localisés en Europe, mais il peut y avoir des exceptions si cela en vaut la peine (attention donc aux douanes). Bien évidemment, nous n’avons pas de liens avec les vendeurs, et nous ne sommes pas responsables en cas de problème. Nous choisissons les annonces en nous assurant qu’il n’y ait rien qui soit suspicieux, mais même avec notre expertise il est possible que nous nous trompions ou que nous rations quelque chose.

Les liens Ebay sont affiliés, ce qui veut dire que nous touchons une petite commission (de 1 à 4%) si vous achetez en suivant notre lien. Cela ne change rien pour vous, et très honnêtement ça n’est pas vraiment la motivation derrière ces articles car ça ne rapporte absolument rien dans le cadre d’un petit commité comme notre Patreon. C’est tout simplement qu’Ebay propose cette option, alors autant l’utiliser. Les liens vers les autres sites (Vinted etc) ne seront pas affiliés.

Méthodes de fabrication dans la maroquinerie: les finitions de tranche

Note: Cet article est disponible depuis Mars sur notre Patreon, nous soutenir via Patreon nous permet de proposer plus de contenu et vous donne accès aux articles en avance, mais donne également accès à des articles exclusifs.

Avant-propos

Voilà un sujet qui pourrait paraître bien trivial, pourquoi alors lui consacrer un article ? Tout simplement car nous nous sommes aperçus avec notre article « état des lieux dans la maroquinerie » que beaucoup de gens n’avaient pas la moindre idée de comment est fabriqué la maroquinerie et ignorent plus ou moins ce qui permet de différencier les produits ou de déterminer leur valeur.

En maroquinerie les tranches ne sont normalement pas laissées nues, car en plus d’être inesthétique cela diminue la longévité du produit final. Je dis bien normalement car vous trouverez toujours des escrocs qui sous prétexte de “rusticité” vendent des produits volontairement mal fabriqués ou à moitié terminés. Ce genre de ploucs pullulent sur Youtube, je ne compte pas le nombre de gogoles qui se prétendent “artisans” parce qu’ils mettent du Tokonole sur des tranches et frottent un peu fort ou qui font des vidéos ultra pute à clic “comment fabriquer un portefeuille Hermès pour $70”. Notez que c’est rigolo de se moquer d’Hermès, encore faut-il en avoir les moyens. Cela vaut également pour la multitude d’entreprises de maroquinerie industrielle (en private label ou non) qui existe en France et qui avec leurs produits bâclés “haut de gamme” s’adresse aux bobos urbains.

La finition des tranches en maroquinerie est une étape particulièrement importante car elle permet dans certains cas de juger immédiatement de l’attention au détail qui est portée à un produit et donc de sa qualité. C’est donc un “outil” intéressant pour le consommateur, puisque de nos jours les grands groupes du luxe pratiquent des prix toujours plus exorbitants pour leur maroquinerie. Est-ce que vous payez pour du savoir-faire et de la finesse ou est-ce que vous payez avant tout une image ? Bien évidemment cette question est rhétorique et nous savons tous que la plus grande part du prix est constitué par la marque. Néanmoins, quels sont les fabricants qui vous prennent pour des dindons complets (souvent à juste titre), et ceux qui ne se foutent pas totalement de votre tronche ? Les marques savent parfaitement le temps qu’il faut pour réaliser des belles tranches, mais elles savent également que la majorité des clients ignorent ce point quand ils ne s’en foutent pas tout simplement, obnubilés qu’ils peuvent être par un logo et le soi-disant prestige social qu’il apporte.

Il existe différentes façons de finir les tranches (également appelées bords, sinon ça va devenir monotone) et chacune a ses avantages et inconvénients. Bien évidement toutes ces finitions ne se valent pas, il existe, comme pour tout, une hiérarchie. Certaines demandent plus de temps et de minuties que d’autres, certaines sont plus ou moins industrialisées. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il faille tout observer sur le plan de la technique, certaines finitions peuvent être choisie en raison de leur aspect esthétique ou en raison de contraintes techniques, le tout est de faire preuve de cohérence dans le choix de la finition et surtout de l’exécuter proprement. Le problème c’est que ça n’est bien souvent pas le cas. Car la finitions des tranches est une étape chronophage, et bien évidemment le temps c’est de l’argent. Et d’un coup, vous trouvez LE point commun entre la maroquinerie en private label pour bobos urbains et celle des marques du luxe : des tranches nazes. En même temps, comme tout ça sort bien souvent des mêmes usines, ça n’est guère surprenant.

Évolution des finitions

Traditionnellement la maroquinerie utilisait le rembord, une technique qui consiste à amincir le cuir et le “replier” sur lui-même afin de cacher la tranche, alors que la sellerie utilisait le bord franc, une technique où la coupe, l’arrête du cuir si vous préférez, est visible et est ensuite finie soit à la teinture soit via diverses techniques tels que le brunissage, une action qui vise à lisser les tranches par friction. Aujourd’hui cette distinction n’a plus lieu d’être car le bord franc est devenu extrêmement courant dans la maroquinerie et c’est pour cette raison que nous allons l’aborder en premier. D’ailleurs ne vous étonnez pas si cet article est excessivement disproportionné, le bord franc étant devenu LA norme dans la maroquinerie nous allons parler abondamment de celui-ci, notamment de sa version peinte qui est de loin la finition la plus utilisée de nos jours. Nous n’allons d’ailleurs pas (du tout) aborder toutes les jointures, les bords et les assemblages qui existent, nous allons nous concentrer sur ce que vous allez rencontrer essentiellement en maroquinerie fine.

Nous allons commencer par illustrer ce changement de « mode » afin de vous permettre de cerner de quoi il est question dans cet article.

Selle Hermès utilisant le bord franc, le bord traditionnellement utilisé en sellerie. (Source : artcurial)
Selle Hermès utilisant le bord franc, le bord traditionnellement utilisé en sellerie. (Source : artcurial)
Portefeuille du XVIIIe siècle avec un rembord très fin. Source : fleuronducuir)
Portefeuille du XVIIIe siècle avec un rembord très fin. Source : fleuronducuir)
Maroquinerie pour femme dans un catalogue de 1910, comme finition de tranche vous n’avez que du rembord. (Source : bnf)
Maroquinerie pour femme dans un catalogue de 1910, comme finition de tranche vous n’avez que du rembord. (Source : bnf)
Un portefeuille en crocodile de fabrication industrielle datant des années 50, avec un rembord. (Source: Sartorialisme)
Un portefeuille en crocodile de fabrication industrielle datant des années 50, avec un rembord. (Source: Sartorialisme)
Petite maroquinerie pour femme Cartier, de nos jours vous avez essentiellement du bord franc, c’est le cas sur tous les objets dans cette image. (Source : Cartier)
Petite maroquinerie pour femme Cartier, de nos jours vous avez essentiellement du bord franc, c’est le cas sur tous les objets dans cette image. (Source : Cartier)

La raison de l’apparition du bord franc en maroquinerie est assez simple et est liée à l’invention de la peinture de tranche, nous allons revenir là-dessus dans un instant.

Le bord franc

Le bord franc n’est pas à proprement parler une finition en elle-même puisqu’il désigne avant tout une tranche dont on voit la coupe.

Illustration concrète de ce qu’est un bord franc pour ceux qui ont un peu de mal, c’est une tranche nue où vous pouvez voir les différentes épaisseurs de cuir. Sur cette tranche une finition doit être appliquée. (Source : Sartorialisme)
Illustration concrète de ce qu’est un bord franc pour ceux qui ont un peu de mal, c’est une tranche nue où vous pouvez voir les différentes épaisseurs de cuir. Sur cette tranche une finition doit être appliquée. (Source : Sartorialisme)

Nous allons regrouper dans cette catégorie toutes les finitions qui peuvent être appliquées sur un bord franc. Il existe essentiellement deux grandes familles de finitions que l’on peut réaliser sur un bord franc. Il y la peinture de tranche et le lissage (également appelé brunissage). Nous allons commencer par parler de la peinture de tranche.

La peinture de tranche

Tout d’abord il est important de clarifier un point de vocabulaire, nous parlons bien de peinture de tranche, et non de teinture de tranche. Et il ne s’agit pas d’un point de détail de l’histoire mais bien d’une explication importante, car il est également possible de teindre les tranches, mais il s’agit alors d’une autre finition utilisant un produit différent. Je précise car les fabricants de peinture de tranche vendent souvent leur produit sous la dénomination de “teinture” de tranche, mensonge ensuite répété par littéralement TOUTE l’industrie, les revendeurs, les grands groupes du luxe, les private labels nazes, et bien évidemment nos experts en expertise favoris : les influenceurs. (Coucou les cons). Concrètement la différence entre une peinture et une teinture tient en leur pouvoir couvrant. La peinture de tranche vient recouvrir les fibres du cuir, les pigments sont déposés sur le cuir, qu’ils ne pénètrent donc pas. C’est d’ailleurs là le défaut principal de cette finition, qui peut littéralement se détacher de la tranche comme une vulgaire peau de saucisson. La teinture quant à elle est un colorant (à base aqueuse ou alcoolique) qui vient pénétrer les fibres du cuir. Contrairement à la peinture, la teinture ne se dépose pas sur le cuir, elle rentre dans les fibres et ne peut donc pas être “pelée”.

Les revendeurs parlent de “teinture de tranche”. (Source: cuirenstock)
Les revendeurs parlent de “teinture de tranche”. (Source: cuirenstock)
Cartier parle de “teinture de tranche” et propose même un service de réparation.  (Source: Cartier)
Cartier parle de “teinture de tranche” et propose même un service de réparation. (Source: Cartier)
Et enfin les influenceurs, ici Valérien Cuck, parlent également de “teinture de tranche”. Au passage 10 minutes pour l’application, c’est le temps qu’il faut en industrie, le produit est présenté comme artisanal... (Source: jamaisvulgaire)
Et enfin les influenceurs, ici Valérien Cuck, parlent également de “teinture de tranche”. Au passage 10 minutes pour l’application, c’est le temps qu’il faut en industrie, le produit est présenté comme artisanal... (Source: jamaisvulgaire)

La raison derrière ce mensonge éhonté de toute une industrie est facile à comprendre et tient tout simplement à l’image. Dans la tête du clampin lambda, la peinture s’applique sur un mur ou sur une toile, pas sur un sac Hermès à 8000€. Voilà, c’est tout. Il ne faut pas chercher plus loin. Le marché de la maroquinerie fait preuve d’une extrême préciosité notamment chez les industriels du luxe, qui tentent de justifier leurs marges exorbitantes d’une façon ou d’une autre. Alors on enjolive et tel Didier qui se change en Brigitte la peinture devient miraculeusement de la teinture. C’est juste du folklore grammatical, tout le monde utilise de la peinture. Les gens achètent de l’image alors autant leur servir des fables, ils adorent ça. Notez que cette “confusion” est également présente chez les Anglophones même si ces derniers parlent beaucoup plus ouvertement “d’edge paint”, l’un des rares cas où ils sont moins puritains que les francophones dans leur langage.

Avant d’aborder en quoi consiste la peinture de tranche nous allons expliquer rapidement d’où elle vient. Nous expliquions qu’historiquement la finition de tranche la plus commune de la maroquinerie était le rembord. Le rembord c’est deux mille cinq cents ans de civilisation occidentale, le Parthénon, l’Odyssée, Versailles, Haendel. Or les rembords sont difficiles et donc chronophage à réaliser. C’est dans l’optique d’accélérer les cadences de production que la peinture de tranche a été développée. Seulement, la peinture de tranche c’est le Mal. Tout comme le diable, elle vous susurre à l’oreille : je suis progrès ; je suis modernité ; je suis séduction. Vois ma facilité d’utilisation, admire mes teintes chatoyantes. Sans surprise, c’est aujourd’hui devenu l’une des finitions les plus chiantes et surtout les plus consommatrices en temps si on veut qu’elle soit effectuée correctement, ce qui est un amusant cas d’hétérotélie. Beaucoup de marques ne prennent donc pas la peine de finir leurs tranches proprement et vous rient à la gueule avec leurs bords dégueulasses.

La peinture de tranche est un produit bien souvent de base acrylique mélangé à de la cire et à divers produits qui varient en fonction du fabricant. Peu importe qu’il s’agisse de Giardini, Uniters, Stahl, Fenice, ce sont toutes des putes. Car une fois à l’œuvre la peinture de tranche révèle sa vraie nature : rétive sous l’homme, hypocrite avec l’applicateur, chafouine avec le support, tortillant sans cesse du cul, incapable de décider si elle va se poser ici où là. Bien évidemment, certaines sont plus putes que d’autres. Giardini est la plus vicelarde du lot. Uniters et Stalh, les plus dociles. Fenice, entre les deux. Mais ça n’est pas tout, non seulement la peinture de tranche est une pute, mais c’est une pute de luxe : elle ne tolère pas la médiocrité. Elle exige le mariage en blanc, même après 30 ans de rue Saint-Denis. La peinture de tranche s’applique lors d’un long processus contenant plusieurs étapes dont l’astiquage (ça n’est pas sale). Nous allons vous expliquez cela en détails.

La longueur du processus est l’une des raisons pour laquelle la vaste majorité des tranches peintes que vous allez trouver sur le marché sont médiocres, puisque pour économiser du temps de plus en plus de marques utilisent des machines, qui ne donnent pas un bon résultat. Mais il faut aussi prendre en considération que l’opération demande également de la minutie. Il existe d’ailleurs des astuces chez les industriels du luxe (Vuitton et compagnie) afin de faciliter la tâche à leur main d’œuvre d’handicapés mais chaque chose en son temps. Il est bien évident que chaque entreprise (et chaque artisan) à sa propre façon de procéder, car vous l’ignorez certainement, mais les fabricants de ces peintures de Satan sont assez vagues quant à la façon dont vous êtes censés les utiliser. Il s’est dès lors développé une sorte de religion secrète de l’application de la peinture de tranche à mi-chemin entre le culte de Cthulhu et le maraboutage qui promet santé + réussite + retour de l'être aimé en 24 h Chrono. Sérieusement, je ne compte plus le nombre de tutoriaux, conseils, astuces et autres trucs que l’on voit passer sur le sujet. Il est donc entendu que je ne présente pas ma manière de faire, mais celle qui est plus ou moins la plus répandue au sein des adorateurs de ChtulUniters. Tout d’abord, il faut préparer les tranches et agiter légèrement les fibres du cuir avec du papier de verre. Ensuite vous pouvez optez pour l’application d’une sous-couche spéciale (un primer), mais même là, ça n’est pas un choix qui est canon. Certaines liturgies l’imposent, d’autres l’interdisent. Une fois la sous-couche appliquée, vous pouvez mettre votre première couche de peinture. À partir de là trois étapes principales se succèdent et vont se répéter jusqu’à l’obtention du résultat désiré. Il faut poncer la peinture, la lisser à l’aide d’un fer à fileter et enfin appliquer une nouvelle couche. C’est cela qu’on appelle l’astiquage. Vous devez répéter ces 3 opérations, dans cet ordre jusqu’à obtenir un bord qui soit légèrement bombé et lisse au toucher comme à la vue. Il n’est pas rare de devoir répéter toutes ces opérations au moins 3 ou 4 fois de suite. Tout en laissant le temps à la peinture de sécher entre les différentes couches, ce qui peut prendre 40 minutes pour la première couche et 20 minutes pour les couches suivantes. Et forcément, la peinture étant comme nous l’avons établi une pute, s’il fait froid et humide dans votre atelier la durée de séchage peut être multipliée par deux.

Application d'une peinture de tranche à la main. (Source: ksblade)
Application d'une peinture de tranche à la main. (Source: ksblade)
La tranche de notre porte-carte, entièrement réalisé à la main. (Source: Sartorialisme)
La tranche de notre porte-carte, entièrement réalisé à la main. (Source: Sartorialisme)

Bien évidemment, toutes des étapes répétitives, ces histoires de séchage interminable c’est du temps perdu. Et le temps perdu c’est de l’argent qui n’est pas gagné, et donc de l’essence en moins dans les jets des grands de ce monde. Et de l’essence en moins c’est autant moins d’occasion pour eux de se rendre à leurs ballets ros… pardon, parties fin… euh, non, galas de charité, c’est ça le mot que je cherchais. Quelle tristesse. Aujourd’hui la vaste majorité des usines (petites comme grandes) sont équipées dans le but d’automatiser au maximum le processus de peinture des tranches. Des accélérateurs sont ajoutés aux peintures afin de les faire sécher plus vite, des agents chimiques sont ajoutés pour bomber les tranches artificiellement (on parle de bombeur de tranche), des fours permettent ensuite d’expédier encore plus rapidement le processus, et même l’application de la peinture est déléguée aux machines.
Le problème, c’est que le résultat n’est pas terrible… certes, ça aide la main-d’œuvre sans savoir-faire mais c’est du vite fait mal fait. Hermès fait un peu plus attention que les autres, mais ça n’est pas pour autant toujours parfait. Le pire c’est bien souvent “les petits ateliers de Normandie” des private labels, comprendre par-là les petites usines qui ne sont pas parvenues à faire de la sous-traitance par Vuitton. Ils n’ont bien souvent ni le matériel dernier cri ni le temps (ou la capacité humaine) de bien faire et vous obtenez souvent quelque chose de proprement risible.

Un parfait exemple d’application industrielle des tranches. Ces images proviennent du même atelier et permettent donc de juger du résultat obtenu. C’est particulièrement criant sur la tranche bleue claire qui n’est absolument pas uniforme avec ses creux, ses bosses...
Un parfait exemple d’application industrielle des tranches. Ces images proviennent du même atelier et permettent donc de juger du résultat obtenu. C’est particulièrement criant sur la tranche bleue claire qui n’est absolument pas uniforme avec ses creux, ses bosses...
Vous avez bien évidemment une grande variété de machines, certaines sont sophistiquées, d’autres moins. (Source: gallipolycolor)
Vous avez bien évidemment une grande variété de machines, certaines sont sophistiquées, d’autres moins. (Source: gallipolycolor)
Petit florilège de tranches nazes. Avec dans l’ordre, Lotuff et une superbe tranchée digne de la guerre 14. Hermès, porte feuille à plus de 8000€, dans l’absolu le résultat est correct, mais pour le prix on distingue quand même très nettement un sillon sur le bord de la languette, un problème très courant chez toutes les marques. John Lobb, là aussi irrégularité générale et superbe sillon central. Enfin mention spéciale pour el famoso Vuitton, qui mélange les styles avec sillon, pâtés, coulures, et irrégularités.
Petit florilège de tranches nazes. Avec dans l’ordre, Lotuff et une superbe tranchée digne de la guerre 14. Hermès, porte feuille à plus de 8000€, dans l’absolu le résultat est correct, mais pour le prix on distingue quand même très nettement un sillon sur le bord de la languette, un problème très courant chez toutes les marques. John Lobb, là aussi irrégularité générale et superbe sillon central. Enfin mention spéciale pour el famoso Vuitton, qui mélange les styles avec sillon, pâtés, coulures, et irrégularités.
Mais qu’en est-il des “petits-ateliers” de Normandie, de Paris ou de nos private labels adorés ? Bah c’est pareil. Là aussi dans l’ordre, Valet de pique donne dans le sillon de profondeur agraire. Guibert appliquent leur peinture à la truelle et en font littéralement un boudin, on n’est plus dans la maroquinerie mais dans la charcuterie. Léon Flan, pardon, Léon Flam font des photos floues en espérant cacher la misère, mais on voit quand même bien les sillons et les pâtés, et enfin, on termine par BG avec un travail pratiquement aussi sale que Vuitton.
Mais qu’en est-il des “petits-ateliers” de Normandie, de Paris ou de nos private labels adorés ? Bah c’est pareil. Là aussi dans l’ordre, Valet de pique donne dans le sillon de profondeur agraire. Guibert appliquent leur peinture à la truelle et en font littéralement un boudin, on n’est plus dans la maroquinerie mais dans la charcuterie. Léon Flan, pardon, Léon Flam font des photos floues en espérant cacher la misère, mais on voit quand même bien les sillons et les pâtés, et enfin, on termine par BG avec un travail pratiquement aussi sale que Vuitton.
Pour référence, des tranches ultra vénères en artisanat, c’est ça. Travail de Steven Wu.
Pour référence, des tranches ultra vénères en artisanat, c’est ça. Travail de Steven Wu.
On notre quand même que chez Hermès, plus le prix est élevé, plus ils font un effort, les tranches du Kelly par exemple c’est ça : 
C’est loin d’être parfait, et pour le prix c’est toujours aussi abusif, mais au moins ils essayent. En général, chez les autres marques, plus l’objet est gros plus les tranches sont grossières.  (Source: Hermès)
On notre quand même que chez Hermès, plus le prix est élevé, plus ils font un effort, les tranches du Kelly par exemple c’est ça : C’est loin d’être parfait, et pour le prix c’est toujours aussi abusif, mais au moins ils essayent. En général, chez les autres marques, plus l’objet est gros plus les tranches sont grossières. (Source: Hermès)

Chez les industriels, même industrialisée cette étape peut mobiliser jusqu’à 1/3 du temps de production à elle seule. Si vous pensez que c’est beaucoup, gardez en mémoire que c’est relatif, car ils ne passent vraiment pas beaucoup de temps sur les autres étapes. TOUT est automatisé ou presque. Néanmoins, comme ils doivent tenir des cadences infernales c’est cette raison qui les pousse à expédier l’astiquage. Ce qui ne les empêche pas de revendiquer tout le contraire dans leur communication.

Application d’une peinture de tranche à la machine chez Chanel dans les ateliers Verneuil. (Source: Chanel)
Application d’une peinture de tranche à la machine chez Chanel dans les ateliers Verneuil. (Source: Chanel)
Un bombeur de tranche. C’est un produit qui essaye d’imiter le rendu bombé de plusieurs couches de peinture. L’idée est intéressante, mais en réalité c’est un produit qui décuple le risque de voir la peinture s’enlever comme une pelure. (Source: decocuir)
Un bombeur de tranche. C’est un produit qui essaye d’imiter le rendu bombé de plusieurs couches de peinture. L’idée est intéressante, mais en réalité c’est un produit qui décuple le risque de voir la peinture s’enlever comme une pelure. (Source: decocuir)
Un portefeuille avec le syndrome de la "pelure de saucisson", un problème courant avec la peinture de tranche. (Source: Reddit)
Un portefeuille avec le syndrome de la "pelure de saucisson", un problème courant avec la peinture de tranche. (Source: Reddit)
Même chose chez Vuitton, avec la peinture de tranche qui commence à peler là où les tensions sont fortes. Le problème ne va qu'empirer. (Source: purseblog)
Même chose chez Vuitton, avec la peinture de tranche qui commence à peler là où les tensions sont fortes. Le problème ne va qu'empirer. (Source: purseblog)

Bien qu’elle soit devenue le contraire de ce qu’elle était originalement prévue pour, à savoir un produit rapide à appliquer, la peinture de tranche présente quand même de nombreux avantages. Certes, elle est difficile à utiliser mais elle n’en demeure pas moins très pratique. D’un point de vue technique, c’est une finition qui est extrêmement versatile qui trouve très facilement sa place sur n’importe quel objet de maroquinerie. C’est également une finition qui se soumet extrêmement bien aux réparations et qui permet une grande flexibilité dans le choix des couleurs (vous pouvez par exemple partir sur des couleurs contrastantes, ce qu’un rembord ne permet pas) et de la brillance. Elle est également assez résistante à l’eau et salissures. Enfin c’est une finition qui est applicable sur le cuir tanné au chrome, cuir qui ne se prête pas au brunissage qui est la finition que nous allons aborder maintenant.

À partir d’un bord franc vous pouvez aussi décider de simplement teindre les tranches et de les lisser, à condition que le cuir soit au tannage végétal.

Le lissage des tranches

Le lissage des tranches, également appelé brunissage, est une finition qui est effectuée avec de la gomme adragante, ou des dérivés, tels que la gomme arabique, le tokonole, de la colle de farine, voire tout simplement de l’eau. Il est possible au préalable de teindre les tranches, avec de la teinture qui va pénétrer les fibres en profondeur ou vous pouvez les laisser brutes. On parle de brunissage car sous l’effet de la friction la tranche va s’assombrir et se polir, donnant au cuir une teinte foncée.

C’est une finition que l’on rencontre majoritairement sur la maroquinerie dite “rustique” même s’il est possible de la trouver chez des artisans de maroquinerie fine, c’est en revanche une finition qui est assez rare en maroquinerie industrielle. Le lissage des tranches comporte un avantage majeur, il s’agit d’une technique très facile à maitriser et le résultat est pratiquement instantané. C’est de loin celle qui demande le moins de savoir-faire. À partir d’un bord franc vous appliquez un peu de gomme et vous frottez avec un chiffon ou un brunissoir. Le brunissage a l’avantage de produire des bords extrêmement brillants, façon glaçage miroir sur des souliers. En revanche cette brillance ne perdure pas dans le temps. Au contact de l’humidité et des frottements elle s’estompe extrêmement rapidement (on parle en semaine voire jours) et vous vous retrouvez rapidement avec un bord mat. Il existe certaines techniques qui permettent de maintenir cette brillance plus longtemps mais le but est de vous permettre de comprendre ce que vous achetez, pas de donner des conseils gratuits à tous les amateurs du travail du cuir.

Une tranche lissée avec un effet miroir très impressionnant mais qui ne va pas durer dans le temps.  (Source: reddit)
Une tranche lissée avec un effet miroir très impressionnant mais qui ne va pas durer dans le temps. (Source: reddit)
Lissage des tranches au Tokonole, un produit de hipster par excellence. Non qu’il soit mauvais, mais la hype autours me dépasse totalement. (Source: aacrak)
Lissage des tranches au Tokonole, un produit de hipster par excellence. Non qu’il soit mauvais, mais la hype autours me dépasse totalement. (Source: aacrak)

Le rembord

Nous l’avons déjà dit, le rembord est la finition la plus traditionnelle qui soit dès que l’on parle de maroquinerie de luxe. Le rembord était virtuellement présent sur toutes les pièces de maroquinerie de luxe du début du 20ème siècle. En raison de sa technicité il a petit à petit laissé place à la peinture de tranche. Certaines marques de maroquinerie industrielle comme Chanel utilise encore énormément le rembord car cela correspond à l’image un peu “vintage” et vaguement “traditionnelle” qu’elle souhaite donner à ses produits. C’est une finition qui est simple à comprendre, il s’agit tout simplement de parer le cuir et de le rabattre sur lui-même afin de former une sorte d’ourlet. L’intérêt de cette finition repose dans l’uniformité et la continuité visuelle qu’elle permet. Vous avez un produit qui utilise le même cuir sur sa face avant et sur ses tranches ce qui est esthétiquement plaisant. En revanche le rembord est assez sensible aux frottements et il est difficile à réparer. Prise individuellement cette finition n’est plus indicative d’un savoir-faire particulièrement poussé car elle a beaucoup perdu de sa superbe, notamment en raison de la mécanisation de la maroquinerie. C’est donc une finition que l’on trouve indifféremment sur de la maroquinerie industrielle comme traditionnelle. Traditionnellement le rembord demande un bon niveau de compétence et était effectué intégralement à la main (ou avec une pareuse mécanique). Cela demandait de la minutie, notamment en coins. Aujourd’hui il existe des rembordeuses automatiques. Ce n’est donc pas en regardant uniquement un rembord que vous allez pouvoir vous faire une idée sur la qualité d’une pièce. Il est toutefois important de noter que bien qu’il existe des rembordeuses automatiques, ces dernières ne permettent pas de toujours d’effectuer un rembord en raison de contraintes techniques, certains industriels font donc toujours des rembords mains quand ils n’ont pas le choix. Mais en général, tout le travail de préparation aura déjà été fait en amont.

Un rembord fait main. (Source: fingersstyle)
Un rembord fait main. (Source: fingersstyle)
 Il existe aujourd’hui des machines à remborder (Source: francecuir)
Il existe aujourd’hui des machines à remborder (Source: francecuir)
Le rembord permet une belle continuité visuelle. (Source: Chanel)
Le rembord permet une belle continuité visuelle. (Source: Chanel)

Le bord à cheval

Le bord à cheval est une finition que l’on voit assez souvent sur les sacs, notamment au niveau de l’ouverture mais pas seulement, elle se retrouve dans la bagagerie, dans la sellerie et parfois même en botterie. Il s’agit simplement de masquer le bord par une autre pièce de cuir placée dessus “à cheval”. C’est une finition très facile à mettre en place, c’est d’ailleurs là son intérêt principal. En revanche comme c’est une finition souvent utilisée à des endroits exposés à des frottements importants (ouvrir/fermer le sac, chercher dedans etc etc) elle a tendance à s’user assez vite, d’autant plus vite que peu de gens entretiennent correctement leur maroquinerie. C’est une finition un peu à double tranchant car elle s’use vite et n’est pas facile à réparer, en revanche son remplacement intégral est relativement simple à réaliser, d’où son intérêt. Elle permet également une grande diversité dans le choix des couleurs, puisque vous pouvez partir sur des cuirs contrastants ou non. C’est une finition que l’on retrouve parfois sur la petite maroquinerie, même si c’est assez rare. Elle est employée par les industriels comme les artisans, sauf que les industriels n’hésitent pas à utiliser des matières synthétiques plutôt que du cuir…

Exemple typique de bord à cheval sur un sac Vuitton. (Source: LVMH)
Exemple typique de bord à cheval sur un sac Vuitton. (Source: LVMH)

Conclusion

Les tranches sont l'une des nombreuses finitions qui sont totalement bâclées en industrie, peu importe la marque. L'industrialisation de la maroquinerie permet de diminuer le temps de production, mais c'est au détriment du soin qui est apporté aux produits. Autant il est compréhensible que pour des produits utilitaires cela ne soit pas dramatique, mais TOUTES les marques évoquées dans cet se targuent de faire du “luxe”, même quand elles n'en font pas.