Le guide complet du portfeuille

Avant-propos

Cet article dédié au portefeuille vise à expliquer les bases techniques de cet objet et à vous fournir quelques clés de compréhension afin que vous puissiez différencier un article de qualité d’un produit industriel quelconque promis à une désintégration certaine. Une connaissance d’autant plus utile que nous publions ce guide à l’approche des fêtes de Noël, période durant laquelle le portefeuille fait partie des cadeaux fréquemment offerts.
Ceux qui lisent régulièrement nos articles consacrés à la maroquinerie y retrouveront sans doute quelques notions déjà évoquées ; les autres découvriront un milieu où, trop souvent, la médiocrité a supplanté l’excellence : des marques prétendument luxueuses qui ne valent guère mieux que celles d’entrée de gamme, en passant par les faux artisans et autres opportunistes, le milieu de la maroquinerie est bien loin de l’image d’excellence couramment véhiculée dans les médias. .

L'origine du portefeuille et ce qu'il est devenu.

Nous allons commencer par un peu d’histoire afin de planter le décor. L’évolution du portefeuille suit d’assez près celle des moyens de paiement. Historiquement, on retrouve des objets en cuir servant au transport de petits objets et de documents de valeur bien avant l’Antiquité. Avant que les billets ne fassent leur apparition (aux alentours du XIᵉ siècle), la monnaie existait sous forme de pièces et était transportée dans une bourse attachée à la taille ou autour du cou. L’apparition de la monnaie papier, d’abord sous forme de titres financiers, puis sous la forme de billets tels que nous pouvons les connaître de nos jours, a changé la façon dont les gens transportent leur argent.

À la Renaissance, le portefeuille se démocratise en même temps que les billets et autres titres financiers, mais demeure un objet relativement volumineux puisqu’il est calqué sur la taille des documents qu’il doit transporter. Au fur et à mesure que les billets rétrécissent, le portefeuille suit la même évolution.

Portefeuille en maroquin du début du 19ème siècle. (Source : proantic)
Portefeuille en maroquin du début du 19ème siècle. (Source : proantic)

L’invention de la carte de crédit et sa démocratisation rapide depuis les années 50 ont vu naître un nouveau type de portefeuille, couramment appelé bifold. Ce portefeuille est composé d’une poche à billet centrale et de deux compartiments à cartes qui peuvent comporter deux espaces supplémentaires « cachés » (pour des reçus, par exemple).  C’est plus ou moins le type de portefeuille le plus répandu de nos jours, mais il existe bien évidemment des variantes. Par exemple, on peut trouver des trifold, qui viennent ajouter un compartiment à cartes supplémentaire.

 Les éléments de base déjà en partie assemblés qui composent un bifold. (Source: Sartorialisme)
 Les éléments de base déjà en partie assemblés qui composent un bifold. (Source: Sartorialisme)
Un catalogue des années 50 présentant une sélection de portefeuilles. (Source : archive.org)
Un catalogue des années 50 présentant une sélection de portefeuilles. (Source : archive.org)

Aujourd’hui, un portefeuille qui ne sert pas à emporter des cartes de crédit est plutôt rare, même si cela existe. Une alternative qui s’est beaucoup développée est le porte-cartes, avec une poche à billet centrale. La différence entre le portefeuille et le porte-cartes tient essentiellement à l’encombrement, le porte-cartes n’ayant pas pour vocation d’emporter autant de documents. Il existe des portefeuilles avec un compartiment destiné aux pièces de monnaie, mais il n’y a guère que les fous qui veulent transporter des pièces dans un portefeuille. De toute façon, la monnaie ne sert plus à rien de nos jours, si ce n’est à être jetée au visage des loufiats, de préférence parisiens, même si Hunter Thompson a démontré que la pratique est valide dans d’autres régions du globe. Idéalement, si vous avez besoin de transporter des pièces de monnaie, achetez un porte-monnaie, et non un portefeuille : la différence sémantique n’est pas là uniquement pour faire beau. Nous n’allons pas aborder la question du porte-monnaie au-delà de ce qui vient d’être évoqué, car c’est un objet à part.

Il y a globalement trois catégories de clients : ceux qui veulent un objet basique, fonctionnel et pas cher ; ceux qui veulent un bel objet, bien fabriqué et durable ; et puis il y a les maîtres du (gros) logo, qui veulent un symbole à agiter sous le nez des autres. Paradoxalement, les gens de la première et de la troisième catégorie achètent parfois le même genre de produit sans le savoir, car certaines maisons "de luxe" proposent des portefeuilles tout ce qu’il y a de plus mal fabriqué, car cela leur donne une excellente marge, et ils ne veulent pas que leur durée de vie soit trop grande, afin de pouvoir vous en vendre plusieurs.

Un portefeuille d’entrée de gamme qui coûte environ 100€ (Source: Atelier Auguste)
Un portefeuille d’entrée de gamme qui coûte environ 100€ (Source: Atelier Auguste)
Un portefeuille d’une grande maison de luxe, Goyard pour ne pas la citer qui coûte environ 9 fois plus. Ce sont, malgré la grande différence de prix des objets très, très similaires. (Source: Goyard)
Un portefeuille d’une grande maison de luxe, Goyard pour ne pas la citer qui coûte environ 9 fois plus. Ce sont, malgré la grande différence de prix des objets très, très similaires. (Source: Goyard)

Vous pouvez voir dans la vidéo qui suit, les défauts de durabilité qu'un client rencontre avec son portefeuille Goyard, Après seulement 54 jours d'utilisation. Cas typique du touriste pigeon qui croit que les grandes marques représentent le "savoir faire Fronçais", alors qu'elles en sont les destructrices.

À l'opposé, il existe encore un savoir-faire en France mais il est représenté par une poignée d'artisans indépendants et bien souvent inconnus du grand public.

Un portefeuille de fabrication artisanale, qui n’a absolument rien à voir avec les deux précédents, que ça soit en matière de matériaux, de qualité de fabrication et de durabilité. (Source : Victor Dast)
Un portefeuille de fabrication artisanale, qui n’a absolument rien à voir avec les deux précédents, que ça soit en matière de matériaux, de qualité de fabrication et de durabilité. (Source : Victor Dast)

Avant d’aller plus loin, nous allons clarifier certaines définitions. Il existe en maroquinerie tout un tas d’expressions et d’appellations totalement dépourvues de sens. N’ayant aucune définition ni protection légale, elles se sont retrouvées galvaudées, malmenées et usurpées..

Vous allez régulièrement voir des marques utiliser les expressions “maroquinerie de luxe”, “haute maroquinerie”, “maroquinerie d’art”, “sellier”, “maroquinerie artisanale”, “maroquinerie d’exception”, et j’en passe, sans que cela n’ait la moindre valeur ni ne garantisse en rien la qualité du produit qui vient avec. Même un titre comme “Meilleur Ouvrier de France (MOF)” est parfois à prendre avec des pincettes. Sans une certaine connaissance du milieu, il est très facile de s’y perdre – c’est d’ailleurs l’objectif des commerçants. Nous allons essayer d’apporter quelques éclaircissements afin de vous permettre d’y voir un peu plus clair..

Parmi les métiers du cuir, il existe plusieurs corporations : les maroquiniers, les bourreliers, les gainiers, les selliers, les bottiers (qui sont un peu à part). Toutes ces familles exercent des métiers différents..
Le bourrelier, par exemple (métier qui n’existe pratiquement plus), fabriquait entre autres des attelages de travail pour chevaux, des harnais, etc., dans les campagnes. Son métier était axé sur la fourniture d’objets en cuir pour les chevaux utilisés dans le milieu agricole, à la différence du sellier, qui fabriquait des objets en cuir destinés à la pratique de l’équitation ou au travail dans les villes du temps des voitures hippomobiles..
Les maroquiniers, quant à eux, fabriquent des sacs, cartables et autres objets de petite maroquinerie (portefeuilles, porte-cartes, porte-monnaie...). Il n’est pas sans intérêt de noter qu’à l’époque, les maroquiniers travaillaient déjà beaucoup à la machine. Gardez cela en mémoire, nous allons revenir sur ce point un peu plus tard..

Comme vous l’avez peut-être remarqué, l’invention du moteur à explosion a bouleversé les moyens de locomotion, et le cheval a été remplacé par les véhicules automobiles. Plutôt que de totalement disparaître, certains selliers – et, de façon plus anecdotique, certains bourreliers – ont préféré diversifier leur activité et ont commencé à faire de la maroquinerie, en y transposant leurs savoir-faire respectifs (bord franc, point sellier...). C’est ainsi que sont apparu les selliers-maroquiniers. Notez qu’on ne parle pour ainsi dire jamais de “bourrelier-maroquinier” : la profession s’est surtout reconvertie dans la fabrication d’étuis, de besaces, de poches, même si certains peuvent faire de la petite maroquinerie (portefeuilles et porte-monnaie, par exemple). Comme nous l'avons évoqué précédemment, le maroquinier travaille depuis longtemps avec l’assistance de machines, contrairement aux selliers, qui travaillent normalement à la main et font eux-mêmes “tout le travail de table”, c’est-à-dire qu’ils effectuent eux-mêmes toutes les opérations, de la coupe à l’assemblage en passant par les finitions, là où les maroquiniers divisent typiquement le travail en plusieurs postes (coupeur, piqueur, encolleur…). C’est aussi, malheureusement, là qu’il y a le plus de confusion, puisque chacun fait ce qu’il veut avec ces appellations (sellier, maroquinier, artisan, etc.) et, plus globalement, avec le vocabulaire (fabrication main, etc.)..

Sachez qu’en règle générale, il n’existe que très peu de maroquiniers qui réalisent toutes les étapes de A à Z, sauf s’ils sont indépendants, auto-entrepreneurs. La vaste majorité des usines (ateliers, en vocable d’école de commerce) divisent toujours le travail et, à chaque maroquinier (ouvrier, en vocable gauchiste), correspond un poste : découpe, piqûre, etc. Même Hermès, qui prétend qu’un seul employé (artisan, en vocable des maisons de luxe) fabrique les objets de A à Z, ne raconte pas exactement la vérité : la découpe et l’examen des peaux sont assurés en amont.

Exemple : David Hanna et le mélange des genres

Nous allons donner un exemple du niveau de confusion qui est entretenu dans le milieu de la maroquinerie.

Si nous prenons le cas de David Hanna, il se présente sur le site internet de sa marque Prouès comme ayant suivi une formation de sellier-harnacheur et comme ayant remporté le concours de Meilleur Ouvrier de France (MOF) en 2004 dans le domaine de la sellerie.

 Sur le site de la marque Prouès une page est consacrée à l’obtention du titre de MOF par David Hanna. (Source : Prouès)
 Sur le site de la marque Prouès une page est consacrée à l’obtention du titre de MOF par David Hanna. (Source : Prouès)

Sur son site, vous allez trouver des mentions comme « métiers d’art », « atelier en France »… Le client a donc toutes les raisons de penser qu’il est en présence d’une marque qui fabrique dans le respect des règles et avec les plus grandes exigences en matière de qualité.

 Notez les différents mots clefs que nous avons soulignés. (Source : Prouès)
 Notez les différents mots clefs que nous avons soulignés. (Source : Prouès)

Encore mieux : si vous allez sur l’Instagram de sa marque Prouès, vous trouverez des mises en scène comme celle-ci :

(Source : Prouès)
(Source : Prouès)

… ou encore celle-là :

(Source : Prouès)
(Source : Prouès)

En toute logique, le client peut penser que ces objets sont cousus à la main, au point sellier. Pourtant, les coutures que vous voyez sur les deux photos sont effectuées à la machine. À moins qu’ils n’utilisent une griffe inversée, ce qui serait très étrange…

En réalité, David Hanna travaille dans le domaine de la maroquinerie industrielle de luxe. Il possède une grosse usine et son groupe génère des millions.

Les résultats du groupe Prouès de David Hanna (Source : pappers)
Les résultats du groupe Prouès de David Hanna (Source : pappers)

Mais, pour des raisons d’image, il fait croire que le travail est effectué à la main et utilise son parcours comme argument marketing. C’est une technique de publicité comme un autre.

Au final, vous allez vous retrouver avec un portefeuille qui n’a rien d’exceptionnel, mais qui est cher. Vous avez donc l’impression d’avoir un objet « de qualité », alors qu’il n’est pas particulièrement différent de ce que peuvent produire d’autres industriels. Et bien évidemment, pour le même prix, vous pouvez trouver des portefeuilles véritablement fabriqués à la main ailleurs.

Vous comprenez donc que le milieu de la maroquinerie n’est pas particulièrement transparent. Et des exemples, il y en a plein, mais vous avez compris le principe : c’est un lac rempli de requins.

Les différents styles en maroquinerie

Maintenant que vous êtes plus familier avec les différentes corporations qui existent au sein de la maroquinerie, nous allons parler des différents styles qui sont représentés.

Il existe, d’un côté, une maroquinerie rustique et, de l’autre, une maroquinerie fine. Ce ne sont pas exactement les mêmes domaines. Techniquement, la maroquinerie rustique est plus proche de la tradition bourrelière, c’est-à-dire qu’elle est essentiellement utilitaire. La maroquinerie fine est, à l’opposé, essentiellement luxueuse. Du moins, c’est le principe. Car la réalité peut être bien différente selon les cas.

Dans cet article, nous allons essentiellement traiter du portefeuille de maroquinerie “fine”, mais nous allons tout de même aborder la question du portefeuille rustique, car beaucoup trop de marques utilisent l’argument de la rusticité pour vendre des rebuts d’avortements – c’est-à-dire des produits dont on ne sait pas s’ils sont à moitié terminés ou à moitié commencés, mais qui, dans tous les cas, ne sont pas bien beaux à voir et dont on peut légitimement douter de la viabilité.

La maroquinerie rustique

La maroquinerie rustique est avant tout d’inspiration américaine, mais on la retrouve aussi partout en Europe ainsi qu’en Asie. Il y a plusieurs différences fondamentales entre la maroquinerie fine et la maroquinerie rustique, puisque ce ne sont globalement ni les mêmes cuirs, ni les mêmes techniques qui sont employées. La différence est bien plus que stylistique, même si, bien évidemment, il existe de très nombreux parallèles.

 Un exemple de maroquinerie rustique comme on en trouve absolument partout. (Source : Etsy)
 Un exemple de maroquinerie rustique comme on en trouve absolument partout. (Source : Etsy)

La maroquinerie rustique fait une utilisation très importante du cuir au tannage végétal, teinté ou non. C’est un cuir qui va se patiner avec le temps, qui est idéal pour le repoussage et qui est de base assez rigide. Sans que cela soit péjoratif, c’est ce que l’on peut considérer comme un cuir adapté aux débutants, car il est à la fois relativement abordable et plutôt facile à travailler (parage, filetage, etc.). C’est d’ailleurs pour cela que c’est typiquement le type de cuir proposé dans les kits d’initiation pour amateurs.

Un kit pour débutant comme on en trouve partout. (Source : Buckleguy)
Un kit pour débutant comme on en trouve partout. (Source : Buckleguy)

Il y a bien évidemment des artisans très talentueux qui œuvrent dans la maroquinerie rustique. Comme nous l’avons dit, c’est avant tout un style de maroquinerie, ce qui ne préjuge en rien du niveau de compétence de l’exécutant. Il y a donc des artisans qui travaillent très bien dans ce domaine.

Et puis, il y a les autres.

On pourrait les regrouper sous l’appellation générale de « gros profiteurs ». Dans la maroquinerie moderne, ils sont la norme, pas l’exception.

Maroquinerie rustique : l’exemple Bleu de Chauffe

Pour illustrer ce point, nous allons prendre l’exemple de la marque Bleu de Chauffe. Mais il ne s’agit que d’un exemple : on pourrait faire le même exercice avec des dizaines d’autres marques.

Bleu de Chauffe est une marque qui existe depuis 2010 et qui surfait à l’époque sur la vague du workwear, un style qui a poussé une génération entière de développeurs informatiques et autres gringalets urbains à s’habiller comme s’ils étaient des ouvriers campagnards.

La marque fabrique avant tout des sacs, mais elle propose également, et pour notre plus grand plaisir, des « portefeuilles » dont la rusticité est telle que vous risquez de les confondre avec des déchets industriels.

Quand vous allez sur le site de la marque, vous êtes accueilli par une quantité d’images sans contexte, accompagnées d’un texte générique rempli de mots galvaudés qui ressemblent à des "inspirational quotes" pour idiots du genre : « Ce n’est pas l’événement qui détermine nos vies, mais ce que nous en faisons. »

En général, quand un site vous accueille de cette façon, c’est qu’il vous prend pour un gros dindon – ce que beaucoup de gens sont. J’adore surtout l’image sur l’écologie, vous allez voir pourquoi après. (Source : Bleu de chauffe)
En général, quand un site vous accueille de cette façon, c’est qu’il vous prend pour un gros dindon – ce que beaucoup de gens sont. J’adore surtout l’image sur l’écologie, vous allez voir pourquoi après. (Source : Bleu de chauffe)

Quand on regarde leur gamme de portefeuilles, on a droit à de très belles surprises.

Si l’on prend, par exemple, le modèle Peze, un nom facétieux mais pas pour les raisons que vous imaginez, car on ne fait vraisemblablement pas référence à l’argent que vous mettez dans le portefeuille, mais plutôt à celui que vous mettez dans les fouilles des propriétaires – lesquels semblent vous prendre pour des poubelles à recycler.

Le modèle Peze chez Bleu de chauffe. N'hésitez pas à ouvrir l'image dans un nouvel onglet pour lire la description faite par la marque de son produit. (Source : Bleu de chauffe)
Le modèle Peze chez Bleu de chauffe. N'hésitez pas à ouvrir l'image dans un nouvel onglet pour lire la description faite par la marque de son produit. (Source : Bleu de chauffe)

Nous avons là un exemple parfait de la "rusticité" utilisée comme excuse pour cacher la misère. Vous avez devant vous un portefeuille épais comme une part de flan, car visiblement, réaliser un parage ou sélectionner un cuir d’une épaisseur raisonnable était trop demander aux « artisans » de la marque. Le portefeuille n’est pas doublé, ce qui, sans être véritablement problématique (c’est un style en maroquinerie rustique), reste quand même mesquin – sans compter que le côté chair est plus susceptible d’absorber les liquides. Le portefeuille est bien évidemment piqué à la machine, alors que la marque prétend fabriquer à la main. Et enfin, vous avez un portefeuille de 10 cm de largeur et 8,5 cm de hauteur, qui n’offre que deux emplacements pour cartes de crédit. Un bifold traditionnel, lui, mesure environ 11 cm par 8,5 cm et permet de stocker six cartes. Autrement dit, le design n’est pas là pour être pratique, mais pour économiser un maximum de thunes. Tout ça pour un objet dont la fabrication pourrait être assurée par un pingouin ivre en 15 minutes. MAIS tout va bien, CAR il est fabriqué dans un cuir au TANNAGE VÉGÉTAL.

Si l’on regarde l’onglet « Matière » sur la page produit (visible sur l’image au dessus) la marque énonce quelques généralités très approximatives sur le cuir et présente le tannage végétal sous l’angle d’une alternative « naturelle », comme s’il s’agissait d’un tannage effectué dans la soupe de poireaux de votre grand-mère.

Ce qui, bien sûr, n’est pas du tout le cas. Mais il parait que c'est la mode de jouer aux écolos anxieux.

Je ne vais pas rentrer dans les détails ici : d’autres articles sur le site abordent cette question. Sachez simplement que certaines études récentes suggèrent qu’il est possible que le cuir au tannage végétal présente une génotoxicité supérieure à celle du cuir tanné au chrome. D'autres études, montrent que c'est l'impact environnemental de l'industrie du cuir ne dépend pas tant du type de tannage effectué (chrome/végétal) que de la tannerie elle même. Il existe par exemple cette étude qui se penche sur la question. Bien qu'imparfaite, cette étude permet d’enterrer beaucoup de mensonges avancés par les marques écolo-bobos qui pullulent de nos jours.
L’idée n’est pas de dénigrer le tannage végétal, qui est une très bonne méthode de tannage, mais de remettre les choses dans leur contexte. Et c’est en éludant le contexte que ces marques font des raccourcis qui les arrangent. Par exemple, en crachant sur le tannage au chrome, la marque passe ainsi sous silence la provenance de son cuir, qui peut être indienne, chinoise, brésilienne, etc. Notez qu’ils vont jusqu’à affirmer que le cuir au tannage végétal est plus durable que le cuir tanné au chrome – ce qui, encore une fois, est totalement sorti de tout contexte et au final assez hilarant. Mais ils ne s’arrêtent pas là. Ils continuent de vous jeter des crottes de nez à la figure en vous affirmant que leur cuir a une « finition naturelle souple », ce qui ne veut absolument rien dire. Littéralement, hein. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’ils bavent quand ils annoncent ça. Encore mieux : ils vont jusqu’à faire passer leur flemme (ne pas doubler un cuir est, au mieux, de la flemme, au pire, de la pingrerie) pour une « finition », puisqu’ils annoncent que « l’envers du cuir est poncé façon velours ». Alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de la chair du cuir laissée exposée – ce qui leur permet d’économiser quelques centimes en doublure bas de gamme. Mais bon, on va dire que c’est pour le "style".

Là où la marque Bleu de Chauffe excelle dans l’art du foutage de gueule, c’est que certains modèles de sa gamme se rapprochent dangereusement de kits pour débutants que l’on trouve chez de nombreux revendeurs, comme Déco Cuir ou Tandy.

Si l’on prend le modèle Corto, par exemple.

Le modèle Corto de Bleu de chauffe (source : Bleu de chauffe)
Le modèle Corto de Bleu de chauffe (source : Bleu de chauffe)

Il ressemble beaucoup à ce kit disponible chez Tandy, un gros fournisseur pour amateurs aux États-Unis.

Un kit pour débutant de la marque Tandy, à assembler vous même. Le prix est ici affiché pour un paquet de 10. (Source : Tandy)
Un kit pour débutant de la marque Tandy, à assembler vous même. Le prix est ici affiché pour un paquet de 10. (Source : Tandy)

Ne vous méprenez pas : je ne suis pas en train de dire que Bleu de Chauffe a copié Tandy. Ce n’est pas ça qui est intéressant. Qui plus est, tout le monde copie tout le monde dans la maroquinerie, c’est un fait.

Non, ce qui est plus intéressant, c’est de voir que Tandy propose ces kits pour amateurs aux alentours de 34 € l’unité. N’importe qui avec deux neurones et trois doigts est capable d’assembler ce portefeuille en un rien de temps. En réalité, vous n’avez même pas besoin de doigts : si vous avez suffisamment de dextérité dans vos pieds, cela suffit. Chez Bleu de Chauffe, il faut payer 195 €… Ça fait cher le portefeuille rustique. Mais ça doit être à cause du prix de la main-d’œuvre artisanale au savoir-faire millénaire, ces fameux « passeurs d’un patrimoine culturel ».)

Parce que c’est notre proooojet (Source : Bleu de chauffe)
Parce que c’est notre proooojet (Source : Bleu de chauffe)

Si la connerie était au patrimoine culturel français, Bleu de Chauffe pourrait potentiellement prétendre à une protection par l’UNESCO. En réalité, le business model de Bleu de Chauffe semble être tout l’inverse de ce que la marque prétend. Leur but n’est très probablement pas une « sobriété écologique ». Leur but, c’est vraisemblablement de vendre des produits qui ne coûtent rien à fabriquer, avec une très forte marge, pour pouvoir investir un maximum dans la communication afin de vendre encore plus de merdes à forte marge à d’autres ploucs. C’est un processus de création industrielle qui vise donc à produire toujours plus, et qui s’inscrit directement dans la lignée de n’importe quel grand groupe industriel.Ce qui est, au fond, tout à fait normal… pour une marque industrielle.

Pour le client, en revanche, on se demande où est l’intérêt, puisqu’il y a des randoms sur Etsy qui proposent des portefeuilles similaires pour une fraction du prix.

Comme vous pouvez le voir sur l’image ci-dessous :

85 $, sur une boutique Etsy, pour un portefeuille dont la qualité de fabrication est, si ce n’est supérieure, au moins égale…(Source Etsy)
85 $, sur une boutique Etsy, pour un portefeuille dont la qualité de fabrication est, si ce n’est supérieure, au moins égale…(Source Etsy)

Alors certes, le random sur Etsy n’a pas de service client, n’a pas à payer de charges, et opère dans une structure moindre, ce qui lui permet de proposer un prix plus bas. Je note simplement que, du point de vue d’un client lambda, il coûte moins cher de faire traverser l’Atlantique à un portefeuille que de l’acheter en France… et ne commencez pas avec vos histoires de bilan carbone à la con. D’une part, vous ne savez pas si le cuir utilisé par Bleu de Chauffe vient de Chine ou d’ailleurs. D’autre part, un lambda qui fabrique ce genre de chose chez lui dès qu’il a une commande aura toujours un bilan carbone moindre qu’une usine qui les fabrique à la chaîne, même si le portefeuille doit prendre l’avion pour arriver chez vous. Avion qui, de toute façon, volera que vous passiez commande ou non.

A

vant de clore cette longue parenthèse sur la maroquinerie rustique, nous tenons à dire qu’il existe plein d’alternatives pour ceux qui veulent acheter chez des marques qui ne les prennent pas totalement pour des dindons. Vous pouvez aller voir du côté d’une marque comme Le Sac du Berger, qui propose des articles fabriqués à la machine, bien faits et à des prix raisonnables.Mais ils ne sont pas les seuls.

Pour ceux qui préfèrent le travail à la main, il existe des artisans comme Atelier Subdivise ou Esthète Maroquinerie. En Asie, il y a beaucoup de choix, avec des artisans comme ropapa_leather ou encore Hoy Seoul (spoiler : l’Asie est aujourd’hui en position dominante). Pour ceux qui aiment le style anglais, il y a les légendaires MacGregor & Michael. Bref, vous avez le choix.

Nous allons maintenant commencer par attaquer le cœur du sujet.

Comment choisir un portefeuille

Ce qu’il faut savoir avant d’acheter

Les cuirs

Le cuir est une matière relativement méconnue du grand public. Au-delà des quelques mentions légales qui permettent de différencier le cuir de la croûte de cuir etc. il n’y a pas une grande compréhension des différents types de cuir et de leurs caractéristiques.

Pour beaucoup de gens, le plus important est qu’il s’agisse de « vrai » cuir.

Ce qui, d’ailleurs, m’amène à faire une rapide aparté sur les imitations modernes en champignon, ananas et autres matières pétrochimiques.Ce sont des déchets industriels pour idiots utiles. Le seul « cuir vegan » qui puisse exister serait celui réalisé avec la peau de Greta Thunberg et sa clique d’angoissés climatiques. En dehors de ce cas de figure, il n’existe pas de « cuir vegan ». Refermons cette parenthèse.

La relative méconnaissance du cuir par le grand public donne un avantage considérable aux marques, qui peuvent raconter un peu n’importe quoi. Vous n’avez en général que très peu d’informations sur le cuir utilisé, en dehors du fait qu’il est toujours présenté comme étant de la plus haute qualité, puisque toutes les marques, des chinoiseries bas de gamme aux grands noms du luxe, prétendent toutes avoir le meilleur cuir du monde. Au mieux, certaines marques vont nommer une tannerie, mais il serait naïf de considérer que cette information garantit quoi que ce soit, puisqu’au-delà de la tannerie, il y a bien d’autres aspects qui entrent en considération pour déterminer si un cuir est de qualité ou non. Il y a sur ce site de très nombreux articles et développements sur la qualité du cuir. Plutôt que de les répéter ici, je vous y renvoie. Vous pouvez trouver des informations sur ce sujet ici par exemple : (utilisez le sommaire pour aller à la partie en question).

Il est en revanche plus intéressant de s’intéresser aux caractéristiques des cuirs que l’on peut retrouver utilisés dans la fabrication des portefeuilles. Contrairement aux souliers, où vous avez globalement une sélection assez limitée de cuirs à votre disposition pour la tige, en maroquinerie, beaucoup plus d’options s’offrent à vous. D’autant plus que rien ne vous empêche d’avoir plusieurs cuirs différents sur un même portefeuille. En fonction du cuir utilisé, c’est même fortement recommandé si vous voulez avoir une belle structure.

Tout dépend si vous voulez un portefeuille souple ou rigide.

- Plus il sera souple, plus il sera facile à emporter partout, mais plus il se déformera avec le temps.

- Plus il sera rigide, plus il sera durable, mais il peut être peu pratique à emporter et à manipuler.

Tout n’est pas toujours une question de durabilité : on peut vouloir un portefeuille très souple. Sachez simplement qu’il aura tendance à se former en fonction du contenu qu’il contient. Typiquement, les poches prennent souvent le contour des cartes de crédit, comme c’est le cas dans l’exemple ci-dessous.

Un portefeuille souple a tendance à se mouler sur les cartes de crédit, plus rigides. (Source : Ebay)
Un portefeuille souple a tendance à se mouler sur les cartes de crédit, plus rigides. (Source : Ebay)

L’idéal est d’essayer d’avoir un compromis entre souplesse et rigidité. Il existe beaucoup de cuirs souples, comme le cuir de chèvre, qui est très utilisé. Le cuir de chèvre est assez peu coûteux, mais il est également très souple. Même les cuirs de chèvre présentés comme relativement rigides (le Sully d’Alran par exemple) restent toujours assez souples. Idéalement, vous allez vouloir contrebalancer en doublant votre cuir avec du boxcalf (cuir de veau), qui est au contraire un cuir rigide. L’inconvénient de cette technique est qu’elle nécessite du temps et un cuir assez cher, ce qui augmente donc le prix du produit.

Beaucoup de marques ne prennent pas le temps de faire ce travail, car ce sont des étapes supplémentaires, qui viennent complexifier leur chaîne de production ainsi que leur approvisionnement. Typiquement, ce sont donc plus souvent les artisans qui proposent des montages de ce genre.

Chez Asprey ils utilisent de la soie pour doubler leurs portefeuilles. C’est une matière très souple qui ne permet pas de structurer la pièce comme du boxcalf. C’est également une façon pour la marque d’économiser de l’argent tout en faisant croire qu’elle utilise un matériaux luxueux. Ce qu’elle présente comme un avantage au client est en réalité une double économie puisque le portefeuille leur coûte moins cher à fabriquer et qu’il durera moins longtemps. (Source : Asprey)

Voici une vidéo réalisée par le sellier-maroquinier Parisien Victor Dast qui montre comment le parage est effectué à la main sur des poches en cuir de chèvre doublées dans du boxcalf noir, pour une plus grande rigidité.

Au contraire, les marques industrielles, qu’elles soient de luxe ou non, aiment proposer des portefeuilles très souples, voire trop souples, afin qu’ils se déforment rapidement et qu’elles puissent vous en vendre un autre… et un autre… et un autre. Certains cuirs ont tendance à être trop souples pour faire un portefeuille entier. C’est par exemple le cas de l’agneau, dont l’utilisation est plus appropriée en doublure. Bien évidemment, tout cela est à nuancer en fonction du tannage, puisque cette étape a un impact sur la rigidité du cuir. Et là, vous commencez à comprendre pourquoi les marques ne donnent pas beaucoup d’informations sur les cuirs qu’elles utilisent : le sujet est vaste et complexe, et elles n’ont aucun intérêt à donner trop d’informations au client.

Une description qui parle pour ne rien dire, c’est la technique employée par beaucoup de marques (ici Edward Green) quand il s’agit de donner des informations sur les cuirs utilisés. (Source : Edward Green)
Une description qui parle pour ne rien dire, c’est la technique employée par beaucoup de marques (ici Edward Green) quand il s’agit de donner des informations sur les cuirs utilisés. (Source : Edward Green)

À l’opposé des cuirs souples (chèvre, certains veaux, agneau…), vous avez des cuirs typiquement rigides : les exotiques. Le crocodile ou l’alligator sont des cuirs particulièrement difficiles à travailler, car non seulement les peaux ne sont pas des surfaces planes, mais elles changent également de densité. En effet, les écailles, que l’on appelle scutelles, sont constituées, sur leur face externe, de bêta-kératine, et sont plutôt rigides et hautes, tandis que les charnières entre scutelles sont plus basses et faites d’alpha-kératine, qui est plus souple. L’autre inconvénient présenté par les cuirs exotiques réside dans le motif de leurs écailles. Il est de bon ton de garder une certaine harmonie dans le placement des écailles sur le portefeuille, encore plus si ce dernier est intégralement réalisé en exotique.

Voilà typiquement ce qu’il ne faut pas faire quand on réalise un portefeuille intégralement en alligator/crocodile. (Source : johnallenwoodward)
Voilà typiquement ce qu’il ne faut pas faire quand on réalise un portefeuille intégralement en alligator/crocodile. (Source : johnallenwoodward)
Voilà, en revanche, un agencement infiniment plus harmonieux. (Source : Victor Dast)
Voilà, en revanche, un agencement infiniment plus harmonieux. (Source : Victor Dast)

Enfin, et pour conclure sur le sujet du cuir, il faut savoir que les portefeuilles sont des objets très souvent soumis à des forces de friction. Cela va avoir son importance, car énormément de cuirs proposés en maroquinerie sont pigmentés – c'est-à-dire peints, pour simplifier. Avec le temps, et à force de frotter contre vos poches ou l’intérieur de votre sac, il est très probable que la pigmentation commence à disparaître. Le cuir perd alors de son éclat, les couleurs deviennent fades, et, au pire, la finition va tout simplement peler.

Un superbe exemple de cuir pigmenté chez Prada qui a perdu de sa ... superbe. (Source : Ebay)
Un superbe exemple de cuir pigmenté chez Prada qui a perdu de sa ... superbe. (Source : Ebay)

L’autre problème qui peut se poser est celui du transfert des couleurs. Pour faire très simple, comme beaucoup de cuirs de maroquinerie sont peints, les fabricants peuvent se permettre de sélectionner des couleurs très claires. Il n’est pas rare de voir des roses vifs, des blancs éclatants, des jaunes brillants…Toutes ces couleurs sont susceptibles de subir un transfert, surtout si vous portez un jean, par exemple. À force de frottements, la teinture de votre jean va se déposer sur votre portefeuille, qui aura ainsi des marques bleutées.

En général, voilà à quoi ressemble un portefeuille avec un cuir pigmenté après quelques années d’utilisation. Vous avez un peu de tout, du Hermès, Vuitton, Prada… (Source : Ebay)
En général, voilà à quoi ressemble un portefeuille avec un cuir pigmenté après quelques années d’utilisation. Vous avez un peu de tout, du Hermès, Vuitton, Prada… (Source : Ebay)

Ces problèmes se posent moins souvent avec les cuirs anilines ou semi-anilines, car ce n’est pas une peinture qui est appliquée sur le cuir. La couleur est obtenue à partir d’une teinture qui pénètre les fibres. L’avantage de ces cuirs est qu’ils prennent généralement une belle patine avec le temps. L’inconvénient est qu’ils demandent un peu plus d’entretien.

La technique

Le degré de technicité d’un portefeuille varie en fonction de plusieurs facteurs, notamment le patron utilisé et les méthodes de fabrication employées. Globalement, il y a une très forte uniformité dans la façon dont les portefeuilles industriels sont fabriqués, mais il existe bien évidemment quelques différences.

La différence entre le véritable artisanat et l’industrie

Bien que le portefeuille soit, en théorie, un objet assez simple à réaliser, vous avez la possibilité de pousser le raffinement très loin… comme d’en faire le moins possible. La question centrale étant celle de la rentabilité. Sur un portefeuille, les marges des artisans sont très, très minces – bien plus minces que celles de n’importe quelle marque industrielle prétendant faire de l’artisanal. Les cuirs utilisés par les maroquiniers sont chers, beaucoup plus chers que ceux utilisés par les industriels car les artisans favorisent les cuirs avec une finition aniline ou semi-aniline. Ces cuirs ont un aspect et un grain beaucoup plus naturels, mais cela signifie aussi qu’ils sont moins rentables à employer, car une plus faible partie des peaux est utilisable. Les artisans n’utiliseront pas non plus les parties flancheuses ou présentant des défauts, là où beaucoup d’industriels n’ont pas de scrupules. Si vous ajoutez à cela le coût de la main-d’œuvre (temps passé à la coupe, au parage, à la couture, aux finitions…) et les taxes mortifères de l’État bananier… vous obtenez une équation assez difficile à résoudre. Comment se payer un salaire et vivre à Paris (là où est basée une bonne partie de la clientèle) sans tomber dans la semi-clochardisation ? C’est, d’une certaine manière, le problème rencontré par les bottiers indépendants, qui sont tous en train de disparaître.

La solution est bien souvent de se passer de communication. Ils prennent eux-mêmes leurs photos, utilisent essentiellement Instagram et ne sont connus que d’un petit cercle de personnes. C’est l’une des raisons pour lesquelles il y a très peu de maroquiniers ou selliers-maroquiniers en France qui proposent des portefeuilles intégralement réalisés à la main avec une couture au point sellier : ce n’est pas une activité très rentable. D’autant plus que la clientèle française est fauchée… Les marchés porteurs sont plutôt asiatiques, avec également, et de manière un peu moins marquée, le marché américain.

Comme la demande est très forte en Asie, il y a une chaîne de valeur qui est en train de se créer directement sur place. Les Japonais sont encore de bons clients en France, mais beaucoup d’Asiatiques passent maintenant commande directement en Asie, notamment au Vietnam, où vous avez des artisans qui sont en pleine émergence. Le problème, pour ceux qui lisent cet article et qui seraient intéressés par ces nouveaux artisans, c’est qu’ils vont devoir composer avec des achats internationaux. Et donc qu’il faudra payer les taxes à l’importation et potentiellement se prendre la tête avec le CITES, si vous avez envie de commander quelque chose réalisé en cuirs exotiques. Ce qui fait que les options sont plutôt limitées. Il existe par exemple l’excellent Victor Dast, qui nous a fourni des photos et vidéos pour la réalisation de cet article. Il y a Decoster en Belgique et quelques autres, mais c’est un petit monde où être doué n’est pas forcément une garantie de succès.

De l’autre côté, les industriels peuvent vomir des dizaines de portefeuilles à l’heure tout en s’attribuant les mérites de l’artisanat et en inventant littéralement la majorité des « qualités » de leurs produits. Forcément, le combat est inégal. En achetant chez eux, vous devrez remplacer votre portefeuille assez régulièrement, mais c’est apparemment devenu un gage de qualité.

En ce qui concerne la technique pure, le portefeuille est surtout déterminé par sa capacité d’emport et par ce que souhaite en faire le client. On peut faire du très simple comme du très compliqué, le plus complexe étant d’avoir une bonne capacité d’emport tout en préservant au maximum la finesse. Pour obtenir une belle finesse, il y a plusieurs options. Au-delà du simple parage, nous allons parler rapidement du type de poches qu’il est possible d’utiliser. Il en existe globalement trois.

Le type de poche le plus simple à fabriquer est une poche que l’on va appeler, pour des raisons de simplicité, « poche à fente ».

La poche à fente

Il s’agit simplement d’une fente pratiquée dans un morceau de cuir, doublé d’une poche interne en tissu.

Un exemple de poche à fente chez Louis Vuitton avec une vue rapprochée. (Source : Louis Vuitton)
Un exemple de poche à fente chez Louis Vuitton avec une vue rapprochée. (Source : Louis Vuitton)

Si vous vous demandez pourquoi ces fentes sont terminées par un trou de chaque côté, c’est tout simplement pour éviter que la coupe qui est pratiquée ne s’élargisse avec le temps. Sans ces trous, la coupe migrerait et finirait par conduire à l’arrachement de la pièce de cuir dans laquelle elle est pratiquée.

Ces poches sont pratiques pour plusieurs raisons. D’une part, elles sont faciles à réaliser ; quand elles sont bien effectuées, elles sont aussi plutôt solides. Enfin, elles permettent de garder une relative finesse, surtout si vous n’avez pas accès à une pareuse ou que vous voulez économiser en étapes de fabrication. Les industriels qui ont recours à cette technique le font essentiellement en raison du coût bas et de leur simplicité, puisque c’est la façon la plus simple d’avoir des poches « fines ». Notez également que si ces poches ne sont pas bien fabriquées, il peut arriver que la doublure en tissu s’arrache et que votre carte tombe dans le carnet de cartes.

Si je trouve que l’utilisation de ces poches est peut-être justifiée sur un petit objet comme un porte-cartes, leur utilisation sur un portefeuille est plus critiquable, car il existe des solutions plus élégantes. On pourrait donc penser que ces types de poches se retrouvent essentiellement sur des marques d’entrée ou de milieu de gamme. Mais il n’en est rien, et on les retrouve assez couramment chez des marques de luxe détentrices d’un savoir-faire millénaire et qui embauchent des milliers d’artisans d’art aux gants blancs.

C’est notamment le cas chez Goyard, qui propose probablement les portefeuilles les plus cheapos de toutes les marques de luxe. Enfin, cheapos pour eux à fabriquer, pas pour le client. Cela leur garantit une marge fort grasse. (Source : Goyard)
C’est notamment le cas chez Goyard, qui propose probablement les portefeuilles les plus cheapos de toutes les marques de luxe. Enfin, cheapos pour eux à fabriquer, pas pour le client. Cela leur garantit une marge fort grasse. (Source : Goyard)

Les « visites ».

Ces poches sont coupées afin de faire toute la largeur du carnet de cartes. Le problème de ces poches est qu’elles ont tendance à ajouter très rapidement de l’épaisseur à un portefeuille. C’est notamment le cas si elles sont effectuées de la manière la plus basique possible. Certains artisans qui prennent le temps de faire ces poches correctement obtiennent des portefeuilles très fins, au prix de beaucoup d’efforts. Nous ne trahissons aucun secret en disant que la manière d’obtenir un portefeuille fin en utilisant ces poches repose sur deux éléments : minutie et précision. Sans entrer dans les détails, il faut beaucoup plus d’étapes de fabrication pour obtenir un portefeuille fin en utilisant des poches de type visite, et cela coûte donc beaucoup plus cher.

Deux carnets de poches de types visites (Source : Victor Dast).
Deux carnets de poches de types visites (Source : Victor Dast).
L’épaisseur en tranche est d’1,5mm. Ce qui est extrêmement fin. Chez les industriels comptez plutôt 3mm d’épaisseur en tranche. (Source : Victor Dast)
L’épaisseur en tranche est d’1,5mm. Ce qui est extrêmement fin. Chez les industriels comptez plutôt 3mm d’épaisseur en tranche. (Source : Victor Dast)

C’est pourquoi les industriels ne s’embêtent pas et restent en général soit sur des versions très basiques des visites (deux morceaux de cuir collés ensemble sans le moindre traitement en dehors d'un rapide parage machine). Bien évidemment, les industriels ont aussi des petites astuces pour essayer de limiter l’épaisseur. Il est assez courant qu’ils n’appliquent pas de doublure au dos des poches et laissent donc la chair du cuir telle quelle, parfois ils doublent avec du tissu. Ce qui leur permet d’économiser quelques millimètres mais fragilise la poche, surtout si le cuir employé est très souple. Cela ne se voit pas pour le client, mais si vous passez votre main à l’intérieur de la poche, vous pouvez sentir si le cuir est doublé ou s’il est laissé à nu.

Les poches en T

Les poches en T sont une variante du type de poche précédent. Il s’agit en réalité d’une petite astuce afin de gagner en finesse tout en restant à un niveau technique assez simple. Plutôt que d’être coupées en rectangle, ces poches sont coupées en T, comme leur nom l’indique.

Une image sera ici plus pertinente que des explications :

Des poches en T. (Source : Instagram)
Des poches en T. (Source : Instagram)

Les poches en T permettent ainsi de limiter une accumulation de matière sur la tranche, puisque seule la partie haute de la poche vient ajouter de la matière, contrairement à tout le côté sur une poche rectangulaire.

 Voilà comment se monte un carnet de cartes avec des poches en T. La dernière poche qui viendra couvrir le bas sera rectangulaire. (Source : Instagram)
Voilà comment se monte un carnet de cartes avec des poches en T. La dernière poche qui viendra couvrir le bas sera rectangulaire. (Source : Instagram)

Ces poches ont toutefois quelques inconvénients, notamment du point de vue de la netteté de la tranche. Elles peuvent aussi être plus fragiles si elles sont mal fabriquées.

La piqûre/couture

À quelques très rares exceptions, aucun industriel ne propose de portefeuilles cousus à la main, ils utilisent tous une piqûre machine.

Et cela est aussi vrai pour les grands du luxe, donc Louis Vuitton, Goyard, Gucci, Delvaux, Chanel, Cartier et tous les autres n’utilisent pas le point sellier. Hermès fait figure d’exception, où l’on peut trouver quelques coutures effectuées à la main, mais c’est occasionnel. Même leur modèle Sellier Compact semble être piqué à la machine (à l’exception du monogramme), à moins qu’ils n’utilisent une griffe inversée, ce qui est possible mais serait étonnant puisqu’ils ne le font pas sur leurs sacs.

Le problème de la piqûre machine est sa fragilité. Si un point saute, toute la couture va sauter à la suite au fil du temps. C’est inévitable.

Ici un exemple de couture qui se défait. Tout ce qui est dans le cercle rouge est décousu, et cela va continuer après la flèche. (Source : Ebay)
Ici un exemple de couture qui se défait. Tout ce qui est dans le cercle rouge est décousu, et cela va continuer après la flèche. (Source : Ebay)

Les portefeuilles sont des objets du quotidien, ils sont soumis à beaucoup de frottements, mais aussi à beaucoup de tension, surtout si vous avez toujours un portefeuille plein à craquer.

Il n’est donc pas rare que les piqûres sautent.

Pareil ici, mais sur un portefeuille Goyard. (Source : Ebay)
Pareil ici, mais sur un portefeuille Goyard. (Source : Ebay)

Les industriels utilisent le piquage machine, car le gain de temps est considérable. C’est une façon très rapide et donc peu chère d’assembler un portefeuille, ce qui leur permet d’avoir une grosse marge et de faire beaucoup de volume.

Qu’est-ce que le point sellier ?

C’est une façon de coudre le cuir qui permet de nouer chaque point. Si un point saute, il n’entraîne pas les autres avec lui. Comme son nom l’indique, cette manière de coudre le cuir vient de la sellerie, où il est utilisé pour réaliser des pièces d’attelage pour le travail des chevaux. Cette solidité permet de faire des pièces qui résistent très bien au temps. Il n’est pas rare que la couture excède la durée de vie de la pièce de cuir elle-même. L’inconvénient du point sellier réside dans sa technicité : c’est une façon de coudre le cuir qui est très lente et donc chère. Au grand regret des industriels, il n’est pas (encore) possible de mécaniser le point sellier.

Dans cette vidéo réalisée par Victor Dast vous avez toutes les étapes d’une couture réalisée au point sellier.
Détail d’une couture réalisée au point sellier. (Source : Victor Dast).
Détail d’une couture réalisée au point sellier. (Source : Victor Dast).

Tous les artisans n’utilisent pas nécessairement le point sellier, certaines petites marques piquent à la machine, car cela leur permet de travailler beaucoup plus vite. C’est en général reflété dans le prix de vente, mais pas toujours… Sans entrer dans les détails, il est assez facile de reconnaître une couture effectuée à la main. C’est avant tout une question d’orientation de la couture. En réalité, cette méthode d’identification n’est pas infaillible, mais elle permet dans la grande majorité des cas d’avoir une réponse assez fiable. La raison pour laquelle je ne rentre pas dans les détails tient surtout à la technicité du propos : il est possible de modifier l’orientation d’une couture main comme d’une couture machine, mais on entre là dans le domaine des exceptions et non de la norme.

La différence d’orientation entre une couture point sellier et une piqûre machine. (Source : Sartorialisme)
La différence d’orientation entre une couture point sellier et une piqûre machine. (Source : Sartorialisme)

La finition des tranches

Les tranches sont importantes sur un portefeuille, car elles participent à l’épaisseur globale de l’objet. Plus un portefeuille va être épais, plus il va être ennuyeux à transporter. Elles ne sont bien évidemment pas le facteur le plus déterminant de l’épaisseur : il est évident que si vous avez un compartiment pour pièces de monnaie dans votre portefeuille, vous avez déjà l’équivalent d’un parpaing dans votre poche. Alors que les tranches fassent 1,5 mm ou 4 mm, ça n’a guère d’importance.

Il existe plusieurs façons de finir les tranches d’un portefeuille, chaque méthode ayant ses avantages et ses inconvénients. Globalement, les deux finitions les plus représentées sont le rembord et le bord franc peint.

Le rembord

Le rembord est une technique qui consiste à amincir le cuir et à le replier sur lui-même afin de cacher la tranche. C’est une finition que l’on trouve typiquement chez les industriels et qui précède l’invention de la peinture de tranche. Son aspect est donc assez classique, c’est pour cela qu’on le retrouve assez régulièrement sur des marques un peu plus conservatrices.

Une finition rembordée sur un portefeuille Prada. (Source : Ebay)
Une finition rembordée sur un portefeuille Prada. (Source : Ebay)

Un rembord effectué à la main peut être très fin, mais cela demande beaucoup de temps. Afin de gagner en productivité, aujourd’hui, tous les industriels font leurs rembords à la machine. Malheureusement, les machines n’atteignent pas un grand niveau de finesse, et beaucoup de rembords s’apparentent à des bourrelets disgracieux.

Comme vous pouvez le voir ici sur ces portefeuilles de marques Anglaises :

Ettinger (Source : Ettinger)
Ettinger (Source : Ettinger)
John Lobb UK (à ne pas confondre avec John Lobb Paris qui appartient à Hermès) (Source : John Lobb UK)
John Lobb UK (à ne pas confondre avec John Lobb Paris qui appartient à Hermès) (Source : John Lobb UK)

Le rembord a l’avantage d’être une finition assez solide puisqu’elle résiste bien aux frottements. En revanche, une fois que la tranche est endommagée, la réparation n’est pas nécessairement très évidente.

La peinture de tranche

À l’origine, les tranches peintes sont apparues pour gagner du temps par rapport au rembord. Mais aujourd’hui, cela n’est plus tellement vrai, puisque faire de belles tranches peintes demande énormément de temps. Il faut effectuer et répéter toute une succession d’étapes (filetage, ponçage, peinture…).

Le filetage, une étape préparatoire avant la peinture des tranches. Cela permet d’écraser la tranche afin de faire ressortir l'excédant de colle. (Source : Victor Dast)
Le filetage, une étape préparatoire avant la peinture des tranches. Cela permet d’écraser la tranche afin de faire ressortir l'excédant de colle. (Source : Victor Dast)

Les industriels, en revanche, ne s’embarrassent pas et proposent des tranches peintes de très mauvaise qualité. L’inconvénient de la peinture tient dans sa faible résistance à la friction. Les pigments de la peinture ne pénètrent pratiquement pas dans le cuir, ils se déposent dessus et, tôt ou tard, la peinture finira par peler. Avec les tranches peintes des industriels, cela peut arriver très rapidement.

Un portefeuille neuf Louis Vuitton, avec deux mois d’usage. La tranche est déjà en train de s’en aller. (Source : reddit)
Un portefeuille neuf Louis Vuitton, avec deux mois d’usage. La tranche est déjà en train de s’en aller. (Source : reddit)
 Idem. (Source : reddit)
Idem. (Source : reddit)
Après quelques années, la tranche ressemble à ça, et le portefeuille commence à partir en miette puisqu’il n’y a plus rien pour protéger le cuir. (Source Ebay)
Après quelques années, la tranche ressemble à ça, et le portefeuille commence à partir en miette puisqu’il n’y a plus rien pour protéger le cuir. (Source Ebay)
 Idem, le cuir s’endommage et d’autres problèmes arrivent, le cuir s’abîme, les piqûre sautent... (Source : Ebay)
Idem, le cuir s’endommage et d’autres problèmes arrivent, le cuir s’abîme, les piqûre sautent... (Source : Ebay)

La peinture a en revanche un avantage : elle est facilement réparable. Il suffit d’enlever l’ancienne peinture et d’en refaire une nouvelle. Chez les artisans, les peintures sont effectuées avec beaucoup plus de soin, et vous devez normalement obtenir une bien plus grande durabilité de leurs tranches peintes. Notez quand même que la peinture de tranche reste un produit qui fait un peu comme bon lui semble… personne n’est à l’abri de (mauvaises) surprises avec.

Une peinture de tranche effectuée par Victor Dast. (Source: Vitor Dast)
Une peinture de tranche effectuée par Victor Dast. (Source: Vitor Dast)
Chez Louis Vuitton, la peinture de tranche fait des saluts Romain. La consigne a été donnée au RN de ne pas acheter chez cette marque qui fait l’apologie des heures les plus sombres de notre histoire. (Source : Reddit).
Chez Louis Vuitton, la peinture de tranche fait des saluts Romain. La consigne a été donnée au RN de ne pas acheter chez cette marque qui fait l’apologie des heures les plus sombres de notre histoire. (Source : Reddit).

Pour finir sur le sujet, vous verrez que toutes les marques qui utilisent cette finition ne parlent jamais de peinture de tranche, mais de teinture de tranche. C’est une coquetterie mensongère pour ne pas effaroucher le client.

Si vous voulez absolument tout savoir sur le travail des tranches, nous avons un article dédié au sujet.

Savoir regarder au-delà des photos

Afin de conclure cet article, nous allons maintenant vous donner une sorte de guide des prix.

Le portefeuille étant un objet utilitaire, vous avez une palanquée de marques à votre disposition, avec des prix qui peuvent commencer assez bas et monter très haut.

Sans faire de distinction au niveau du style de portefeuille, globalement, le marché est structuré de la façon suivante : vous avez l’entrée de gamme, qui va de la chinoiserie en cuir de pékinois aux « petits artisans du… » (au choix, Tarn, Normandie, Portugal…) qui font de l’industriel fort laid (genre Atelier Fourès, Allen St, Atelier Auguste), et dont les prix tournent aux alentours de 100 €.

Aux alentours de 100 €

Même si beaucoup de marques dans cette gamme de prix disent utiliser des « ateliers » et les « meilleurs cuirs de luxeuh », dans cette gamme de prix, il ne faut pas espérer de miracle. La marque doit couvrir les taxes, sa marge, son marketing pour ploucs…

C’est donc de l’industriel à 100 %, qui doit produire beaucoup et pour pas cher. Bref, vous savez donc que si le portefeuille vous est facturé 150 €, il aura coûté bien moins que ça à fabriquer.

Et vous avez donc dans les mains un produit qui ne vaut pas grand-chose, pas plus de quelques dizaines d’euros. Les marques ont ensuite plusieurs façons de manier leur équation. Si elles fabriquent en France, elles doivent compenser par du cuir vraiment cheap et des produits simples. C’est par exemple le cas chez Atelier Fourès.

Atelier Fourès (Source : Atelier Fourès)
Atelier Fourès (Source : Atelier Fourès)

Leur portefeuille le plus cher, à 114 €, est un parpaing qui fait tout : vous avez de la poche pour la monnaie, du plastique pour mettre vos papiers, des rabats… Bref, c’est de l’utilitaire de base et franchement laid. Si elles fabriquent en dehors de France (notamment au Portugal ou en Espagne), elles ont des coûts de production plus bas et se rattrapent donc sur des cuirs d’aspect (j’insiste sur le mot aspect) immaculé et des designs plus élaborés. C’est un peu la nouvelle mode du « quiet luxury », c’est-à-dire des marques pour pauvres qui pensent avoir un produit de luxe au juste prix. Ce qui est également le nom d’une émission de télé pour ploucs, coïncidence… je ne pense pas.

On peut donner l’exemple d’Atelier Auguste.

Belle peinture de tranche... (Source : Atelier Auguste)
Belle peinture de tranche... (Source : Atelier Auguste)

À 125 €, vous avez un portefeuille en cuir atrocement pigmenté (pour faire très simple, le cuir est caché sous une forte couche de pigments, aka peinture, je simplifie, mais c’est l’idée). Et vous avez un design de bifold tout ce qu’il y a de plus traditionnel, tel qu’on peut les retrouver un peu partout. Les poches sont doublées en coton et non en cuir, pour économiser de la thune. Notez que je vous ai mis la version anglaise de la description, car elle est plus rigolote.

Ça parle en toute décontraction de fabrication main et de « refined craftsmanship », tout en montrant un superbe exemple de je-m’en-foutisme complet sur la finition des tranches (cercles rouges sur la photo).

La version fronçaise, elle, se contente de parler de leur « meilleur cuir de veau ».

C’est assez drôle quand on sait à quoi il ressemble vraiment.

La couche de pigments sur les couirs d’exception utilisés par Atelier Auguste (Source : Youtube)
La couche de pigments sur les couirs d’exception utilisés par Atelier Auguste (Source : Youtube)

Une fois passé à l’acétone (un test classique pour déterminer le niveau de pigment appliqué à un cuir), voilà la couche de merde que vous avez par-dessus. Ça n’est bien évidemment pas du cuir en finition aniline ou semi-aniline, en même temps, ça n’est pas le même prix…

Bon, chez d’autres marques, ici Allen St, à ce prix, ils ne savent même pas coudre droit à la machine…Paradoxalement, c’est aussi le cas chez Vuitton, mais ça, il ne faut pas trop le dire… (Source : Allen St)
Bon, chez d’autres marques, ici Allen St, à ce prix, ils ne savent même pas coudre droit à la machine…Paradoxalement, c’est aussi le cas chez Vuitton, mais ça, il ne faut pas trop le dire… (Source : Allen St)

Entre 250 et 350 €

Les marques « premium » (JM Weston, Montblanc, Carmina, Ettinger...) ont des tarifs qui commencent en général aux alentours de 300 €. Les marques industrielles qui prétendent faire de l’artisanal ou du luxe (marques d’école de commerce et/ou de bobos, genre Laperuque, Léo et Violette, etc.) sont en général juste en dessous (à partir de 200 €) pour faire genre ils sont ultra-disruptifs avec leurs produits d’exception à pas cher.

Pour les marques qui sont en bas de ce segment de prix, comme Léo et Violette, par exemple, qui affichent des prix allant de 180 à 220 €, il n’y a globalement pas de différence flagrante avec les marques du segment inférieur. Vous avez droit à des designs un peu plus recherchés, la fabrication est italienne plutôt qu’ibérique, mais cela ne change pas grand-chose, si ce n’est que ça doit leur coûter un poil plus cher. Les cuirs sont toujours entartés de pigments. Comme toutes les marques de pseudo-luxe, ils se la jouent savoir-faire artisanal alors qu’ils montrent du travail industriel dans la plus grande décontraction.

La finition des tranches artisanale selon Léo et Violette, en toute décontraction. (source : Léo et Violette)
La finition des tranches artisanale selon Léo et Violette, en toute décontraction. (source : Léo et Violette)

Certaines marques comme Laperuque proposent des cuirs plus intéressants, par exemple du cordovan ou du Baranil de la tannerie Degermann, qui a l’avantage de ne pas être atrocement pigmenté. Mais vous êtes sur de la fabrication tout ce qu’il y a de plus basique.

C’est aussi dans ce secteur de prix que vous allez trouver beaucoup de fabricants de chaussures, dont nous allons parler dans une section à part.

À partir de 300 € et au-delà, on commence à trouver des artisans qui fabriquent intégralement à la main.

Mais il y a plein de facteurs à prendre en compte, notamment le lieu où habite l’artisan. Par exemple, les artisans asiatiques peuvent être moins chers, mais vous allez payer les droits/frais de douane et la TVA à la réception du paquet. De la même façon, les types de cuir vont avoir une influence, ainsi que le type de finitions que vous voulez (fil de lin/polyester, doublure, etc.). Comptez donc, de façon plus réaliste, entre 500 et 900 € pour de l’artisanal de qualité, en dehors d’une commande spéciale ou de cuirs exotiques. Ça tombe bien, puisque c’est également la fourchette de prix dans laquelle vous trouvez beaucoup de marques de luxe (Asprey, Lobb, Cartier, Delvaux…).

Chester Mox est un petit atelier basé en Californie proposant des portefeuilles bifold en chèvre à partir de 365 €.

Un modèle de portefeuille chez Chester Mox (Source : Chester Mox)
Un modèle de portefeuille chez Chester Mox (Source : Chester Mox)

Mais en fonction des options et une fois qu’on y ajoute les frais pour faire venir le produit en France, vous arrivez très rapidement aux alentours des 500 €.

Avant d’aller plus loin, nous allons ouvrir une parenthèse sur le cas des marques de chaussures qui font de la petite maroquinerie.

Le cas des chausseurs

Beaucoup de marques de chaussures pour homme (C&J, Edward Green, Lobb, Weston, Carmina, etc.) proposent de la petite maroquinerie, et plus spécialement des portefeuilles à leurs clients. La raison est assez simple : ils ont un accès direct et abondant à la matière première et peuvent ainsi proposer aux obsédés d’acheter un portefeuille assorti à leur dernière paire de pompes. Il est toutefois bon de savoir quelques choses sur ces portefeuilles.

Tout d’abord, dans la vaste majorité des cas, ces derniers sont fabriqués par un sous-traitant. Il n’y a donc pas de corrélation entre la réputation supposée d’une marque de chaussures et la qualité de ses portefeuilles. Certes, les chausseurs vont avoir un cahier des charges, avec des exigences spécifiques (ou non), mais vous ne savez pas qui est derrière la production. Edward Green, par exemple, se contente de mentionner que le sous-traitant est italien. Il faut également prendre en considération le fait que les chausseurs souffrent des mêmes travers que les autres marques de maroquinerie, à savoir qu’ils mentent beaucoup. Par exemple, quand Edward Green dit que ses portefeuilles sont fabriqués à la main, c’est bien évidemment un mensonge complet. Par ailleurs, il n’est pas rare de voir certaines marques utiliser leurs chutes de cuir provenant de la production de leurs chaussures pour réaliser leurs portefeuilles. C’est par exemple le cas avec Carmina, surtout en ce qui concerne les cuirs exotiques. La marque récupère ce qui n’a pas été utilisé pour les chaussures et le réutilise en maroquinerie.

Un portefeuille Carmina qui tape dans une zone qui semble correspondre au cou de l’animal, juste entre les pattes avants. Ce qui explique le prix bas pour de l’exotique. (Source : Carmina)
Un portefeuille Carmina qui tape dans une zone qui semble correspondre au cou de l’animal, juste entre les pattes avants. Ce qui explique le prix bas pour de l’exotique. (Source : Carmina)

’est le cas avec le cordovan, qui, sans être un cuir exotique, est un cuir assez cher. C’est aussi ce qui explique le prix assez attractif des portefeuilles en alligator de la marque, qui sont vendus aux alentours de 500 €, alors qu’il faut en règle générale s’attendre à payer au grand minimum 1 500 € en passant chez un artisan, et beaucoup plus chez une marque de luxe. En utilisant la tête, la queue, les flancs, la marque rentabilise la totalité de sa peau. Mais elle le fait au détriment de la qualité du produit final. Vous allez vous retrouver avec un portefeuille qui sera au mieux laid, au pire rigide et peu durable. Au passage, c’est encore pire sur leurs porte-cartes en exotique, là ils vont vraiment taper dans les fins de poubelles.

Pareil chez Edward Green, ici il semble que ça soit de la queue qui soit utilisée, une zone bien moins désirable que le ventre, ce qui leur permet de se positionner sur des prix très bas. (Source : Edward Green)
Pareil chez Edward Green, ici il semble que ça soit de la queue qui soit utilisée, une zone bien moins désirable que le ventre, ce qui leur permet de se positionner sur des prix très bas. (Source : Edward Green)

Ensuite, même si la vaste majorité des marques de chaussures proposent en général des portefeuilles de milieu de gamme, certaines ont essayé, avec plus ou moins de succès, de se lancer dans le luxe. C’est le cas par exemple avec Berluti – la marque appartenant à LVMH, ça n’a rien de surprenant. Mais ça a également été le cas avec Corthay, qui a lancé une gamme de portefeuilles et de petite maroquinerie en 2015. Et je crois que ça ne s’est pas très bien passé…

Il faut dire que le milieu des portefeuilles de luxe est assez compétitif et codifié, pour ne pas dire tribal. C’est l’identité de la marque qui fait l’intérêt. Pour faire simple, les clients hominoïdes qui achètent un portefeuille Goyard le font pour avoir le motif caractéristique de la marque, les clients Vuitton veulent leur toile PVC, les clients Berluti veulent leurs inspirational quotes et leur patine immonde… Or, chez Corthay, c’est justement l’absence de patine qui faisait défaut. La marque a lancé une gamme autour d’un concept de bande dessinée. Mais en réalité, en dehors d’un design asymétrique tout en arêtes, il n’y avait pas grand-chose d’original. Ni de spécialement Corthay.

L’annonce de la bande dessinée Corthay. Ça n’est pas du Moebius, et ça n’enchante pas les foules. (Source : Instagram Corthay)
L’annonce de la bande dessinée Corthay. Ça n’est pas du Moebius, et ça n’enchante pas les foules. (Source : Instagram Corthay)
Les modèles de la gamme Corthay au lancement. Chaque modèle a sa petite histoire en lien avec le monde de la bande dessinée. Les scénarios ça doit au moins être du Cauvin tant ils sont haletants… (Source : Corthay)
Les modèles de la gamme Corthay au lancement. Chaque modèle a sa petite histoire en lien avec le monde de la bande dessinée. Les scénarios ça doit au moins être du Cauvin tant ils sont haletants… (Source : Corthay)

Cela a donné lieu à un échange très amusant sur BFM Business, quand Pierre Corthay est venu faire la promotion de sa nouvelle gamme de portefeuilles et que la présentatrice a fait remarquer que tout cela était bien beau, mais qu’on ne retrouvait pas la patine typique de la marque.

Nous avons résumé pour vous, à la façon d’un youtube poop simien ce moment télévisuel dans la vidéo ci-dessous :

Un grand moment télévisuel.

Pour ceux qui veulent l’entretien d'origine dans son intégralité, il est disponible ici

Comme vous pouvez vous en douter, la collection de petite maroquinerie de la marque n'a pas fait long feu.

Après avoir été en stock quelques années, elle a disparu du site. Et bien qu’elle se soit « très bien vendue » (dixit Corthay chez BFM). Elle s’est tellement bien vendue que vous pouvez trouver énormément de stock neuf en vente sur les sites de seconde main, ce qui n’est jamais vraiment un témoignage d’une grande réussite. Car on en trouve, vraiment partout...

Les invendus de la collection qui s’est bien vendue. (Source : Ebay)
Les invendus de la collection qui s’est bien vendue. (Source : Ebay)
Et le tout en neuf (Source : vestiaire collective)
Et le tout en neuf (Source : vestiaire collective)

Fermons là cette parenthèse sur les chausseurs.

Au delà des 900€

À partir de 900 € et au-delà, on trouve essentiellement les marques qui appartiennent à des grands groupes du luxe, donc Hermès, Vuitton, Goyard, etc.

Il faut noter que ces marques peuvent avoir dans leur gamme des produits d’appel pour Nabilas/Michou et autres créatures lobotomisées, avec des prix qui peuvent commencer aux alentours des 500/600 €.

En réalité, le portefeuille est globalement un moyen pour ces marques de toucher une clientèle qui ne peut pas se payer leurs sacs. Il est facile d’être très critique des sacs produits par ces marques, mais ils bénéficient au moins d’un certain sens du style. Et, sans qu’ils ne soient bien fabriqués, certaines marques font tout de même quelques maigres efforts pour que le produit ne soit pas bon à jeter au bout de deux ans. C’est beaucoup moins le cas des portefeuilles et de la petite maroquinerie en général, qui sont des produits servant uniquement à faire du volume et à engranger du chiffre. Comme souvent dans les marques de luxe, le prix est sans commune mesure avec les coûts de fabrication. La notion de qualité n’est pas vraiment prise en compte : pour leurs portefeuilles, seule l’image compte. Vous avez l’avantage d’avoir des designs bien pensés, mais qui ne sont pas bien exécutés. Certaines marques se paient le luxe ultime de faire des produits moins bien fabriqués que ce que vous pouvez trouver pour 300 € ailleurs. Je pense par exemple à Goyard, qui, comme nous l’avons vu, fait très fort dans ce domaine, mais ils sont loin d’être les seuls. Je n’ai même pas mentionné des marques comme Yves Saint Laurent ou Balenciaga, car nous sommes des gens sérieux.

Les artisans

Comme nous le disions, il y a assez peu de maroquiniers-selliers en France qui sont spécialisés dans le portefeuille, car ils font face à un problème de taille.

Non seulement ils habitent dans un pays qui n’a globalement pas les moyens d’acheter leur production, mais en plus, ils doivent supporter des taxes aberrantes et un coût de la vie élevé. La France est devenue petit à petit un pays musée. C'est un fait. Ne croyez pas les médias qui s'astiquent en permanence sur la "maroquinerie de luxe" française. Elle n'existe pour ainsi dire presque plus, car ça ne sont pas Hermès et les autres qui sont les véritables représentants du luxe. Aujourd'hui c'est plutôt au Vietnam, au Japon, voire même en Chine que les choses se jouent. Les Chinois font des contrefaçons de produits Hermès qui sont dans certains cas d'une meilleure qualité que l'original...

Bien évidemment, je recommande de passer commande chez un artisan si vous en avez la possibilité. Mais il est difficile d'en faire un catalogue, entre ceux qui exercent à l'étranger, ceux qui ne prennent pas de nouvelles commandes, ceux qui arrêtent leur activité, ceux qui ne sont pas très bons mais ont de gros Instagram, ceux qui sont excellents mais sont très discrets... c'est un milieu de niche. Je verrai dans le futur si j'écrirai une sélection d'artisans, mais j'en doute. Je ne peux dans tous les cas que recommander de contacter Victor Dast si jamais vous avez des envies de petite maroquinerie, il est parmi les plus compétents en France dans ce domaine.

Tous les secrets des sacs à main de luxe dévoilés, un guide complet

Avant-propos

Tout a commencé par une blague, une de plus à ajouter notre longue liste de méfaits. Un commentateur s’est plaint que le site ne parlait plus que de sujets techniques, alors qu'il voulait des "conseils". Un benêt de plus qui a besoin qu’on lui tienne la main. De temps en temps, vous avez comme ça des ploucs un peu plus débiles que la moyenne (déjà fort basse) qui pensent que nous devrions nous soucier de leur opinion, que nous écrivons pour satisfaire autre chose que notre envie d’amusement. C’est l’internet, rien d’étonnant. Pour nous moquer, nous avions répondu que le prochain article conseillerait justement aux ploucs fragiles dans son genre comment se choisir un sac à main. J'étais même allé jusqu'à commencer la rédaction de l'article en question, pour voir. Et puis, en cours de route, je me suis rendu compte qu'au fond, pourquoi pas. Le site a (paradoxalement) une petite base de lectrices, les articles sur la maroquinerie fonctionnent très bien, alors autant faire quelque chose de complet. 40 pages et plus de 18 000 mots plus tard, vous avez devant vous la blague la plus longue de l'histoire, derrière la carrière du 46ème président des États-Unis. Ça ne va pas faire rire les débiles, mais qu’importe ils adorent nous lire la bave aux lèvres. Bref, messieurs ramenez vos femmes, mesdames attachez vos ceintures, on va bien rigoler.

Introduction

Si nous en croyons nos données Google Analytics, une quantité surprenante de femmes lisent notre babillage. Est-ce que ces dames sont curieuses ? Cherchent-elles à emprunter des éléments au vestiaire masculin, où est-ce que nos lecteurs masculins ne savent pas proprement renseigner leur sexe sur leur compte Google ? Pire, serions-nous essentiellement lus par des invertis? Toujours est-il que nous culpabilisons un peu car nous ne connaissons pas grand-chose à la mode féminine et il nous est par conséquent impossible de façon extensive d’écrire sur le sujet. Nous en profitons pour dire en passant, que si une lectrice est calée sur son sujet et se sent suffisamment langue de pute pour écrire dans nos colonnes, nous sommes preneurs. Nous parlons bien évidemment de mode féminine qui soit classique et classieuse, histoire de rester un peu sur le sujet. Non que nous ayons une dent contre les femmes qui portent le costume, mais c’est un épiphénomène, pratiquement une légende. Un influenceur très célèbre qui se revendique “gentleman” malgré ses problèmes avec la justice habille sa femme de façon à ce qu’elle soit son parfait doppelgänger, poupée de cire poupée de son. Est-ce là une forme particulière d’onanisme ? Toujours est-il que Narcisse avait eu au moins la pudeur de tomber amoureux de son reflet, il n’a pas été jusqu’à faire de sa femme une travestie. Mais je digresse, je disais donc, mesdames, si vous vous sentez l’âme d’une paria et avez la langue d’une poissonnière, nos portes sont ouvertes.

En attendant, nous allons nous charger d’effectuer quelques incursions dans votre domaine. Mais, de loin, et en n’abordant que ce que nous connaissons, soit la maroquinerie et les chaussures. Vous, vous en doutez à la lecture du titre, nous allons aujourd’hui parler de sac à main. Pièce essentielle du vestiaire féminin. Trou noir insondable qui semble défier toutes les lois de la physique en matière de contenant et de contenu pour les hommes. Comme toujours, cet article n’a pas pour vocation de vous dire quoi acheter, mais plutôt de vous expliquer comment sont fabriqués vos sacs, ce qu’ils valent objectivement, ce à quoi vous pouvez vous attendre en échange de votre argent durement gagné ou de celui de votre conjoint. Bien évidemment il sera impossible de ne pas aborder la question du style et de l’image car ce sont des éléments en général déterminants dans l’achat d’un sac. J’ai bien conscience que ces aspects sont vus avec mon œil d’homme rétrograde et sexiste ou je ne sais quoi (blabla, patriarcat toussa toussa) votre avis différera sûrement du mien sur ces aspects et c’est tant mieux. J’espère que cela vous divertira ou dans le cas contraire que je serai au moins parvenu à vous faire perdre votre temps, l’écume aux lèvres voire à vous faire me mentionner auprès de votre thérapeute, assurez vous seulement que ça ne soit pas Gérard Miller, il semblerait que la bien-pensance incarnée ait potentiellement quelques problèmes en ce moment.

Cet article a été pensé pour être plus ou moins autonome par rapport aux autres articles sur la maroquinerie déjà présents sur le blog. Je traite donc d’éléments qui ont parfois déjà été abordés dans nos colonnes et je renvoie aux articles en question pour approfondissement si besoin est.

L'article est long, pour votre santé mentale, lisez-le en plusieurs fois. Si vous appréciez notre travail vous pouvez également nous soutenir en rejoignant notre Patreon ou en partageant cet article sur les réseaux sociaux et avec vos proches.

Quelques définitions, histoire de savoir de quoi nous parlons

Avant de commencer je tiens à préciser que je ne parle dans cet article que du sac à main de “maroquinerie fine”, au sens large, le terme "maroquinerie fine" étant largement vidé de sens. Il existe deux branches dans la maroquinerie, la fine et la rustique (certains parlent de tradition Européenne et de tradition Américaine). Les techniques ne sont pas les mêmes, le degré de complexité et de finition non plus. Je n’ai absolument rien contre la maroquinerie rustique quand elle est bien faite, mais ça n’est tout simplement pas le sujet ici.

Il existe principalement deux grandes traditions de la maroquinerie. La maroquinerie “fine” (à gauche), et la maroquinerie “rustique” (à droite), au sens non péjoratif du terme. Cette maroquinerie utilise beaucoup le repoussage et est par exemple très populaire chez les médiévistes ou aux États-Unis. Nous traitons uniquement de la maroquinerie fine. (Source : 20 minutes / tandy museum)
Il existe principalement deux grandes traditions de la maroquinerie. La maroquinerie “fine” (à gauche), et la maroquinerie “rustique” (à droite), au sens non péjoratif du terme. Cette maroquinerie utilise beaucoup le repoussage et est par exemple très populaire chez les médiévistes ou aux États-Unis. Nous traitons uniquement de la maroquinerie fine. (Source : 20 minutes / tandy museum)

Sac de luxe, sac industriel, sac artisanal... quelles différences?

Tout d’abord j’insiste sur le fait que nous allons avant tout traiter du sac à main “de luxe”, ce qui nous amène naturellement à la question suivante qu’est-ce qu’un sac de luxe ? Ou commence le sac de luxe ou termine le sac de bougresse (ou de plouqette), est-ce qu’il existe encore vraiment des sacs de luxe dans notre époque industrialisée à outrance ? Car c’est bien là le problème, est en général considéré comme luxueux ce qui est rare. Or avec l’avènement du luxe industriel, plus grand-chose n’est rare car TOUT ce qui est produit par des marques est fabriqué en masse. Nous verrons d’ailleurs que la gestion de la rareté est un critère qui est pris en compte par les marques, qui doivent mettre en place des stratégies totalement artificielles pour limiter la prolifération de leurs produits. J’ai volontairement choisi de parler de sac de luxe plutôt que de sac de “mode” ou de “designer” même si la différence est essentiellement sémantique. Car d’une part je ne suis pas un moddeux, et d’autre part le sac de mode n’obéit à aucune règle tangible. N’importe quel sac peut devenir tendance pour peu qu’une Karadachiante s’affiche avec. La mode ne procède pas d’une recherche qualitative, ce qui est au contraire l’essence de ce blog. À l’heure où le mot “luxe” est très galvaudé j’ai fait le choix de m’en tenir à une définition assez traditionnelle à savoir un produit qui soit exécuté selon les règles de l’art, qui soit composé de matériaux nobles, c’est donc face à ce standard que les sacs de designers seront jugés. J’ai bien conscience que cet article soit à contre-courant de ce qu’est le marché de la mode et du sac à main en général, mais c’est justement là tout son intérêt. D’autant plus que l’on parle de plus en plus du sac à main comme d’un investissement ou comme placement financier, ce qui est une nouveauté.

Par ailleurs, on peut diviser le marché du sac à main femme en 4 grandes catégories à savoir le sac industriel, le sac industriel dit de luxe, le sac semi-industriel (en réalité Hermès) et enfin le sac artisanal. Contrairement à ce qui est avancé par beaucoup de marques d’entrée de gamme ou de start-ups (Léon Flan ; Fourrès etc etc) ça n’est pas la taille d’une entreprise qui détermine son degré d’industrialisation mais les processus de fabrication qui sont utilisés. C’est assez simple à comprendre, et pourtant tout un travail de distorsion de la vérité est mené par de nombreuses entreprises qui veulent pouvoir prétendre faire de l’artisanat quand en réalité elles font du mauvais travail à la chaîne. Pour faire simple une personne qui travaille avec 50 machines fait de l’industriel, alors que 50 personnes qui travaillent à la main avec éventuellement une machine font de l’artisanat. C’est une façon assez synthétique de voir les choses, et donc au final assez simpliste, mais c’est la meilleure façon d’expliquer l’une des plus grosses arnaques de notre siècle, à savoir l’usurpation, pour ne pas dire le viol en masse organisé et répété de l’appellation artisanat par des industriels avides de shekels.

Maintenant que vous avez ces bases en tête, nous allons passer à l’étape suivante, à savoir qu’est-ce qui différencie le sac industriel, du sac industriel dit de luxe ?

Et bien pas grand-chose à vrai dire. Essentiellement, le prix. En fait on peut résumer les différences à 3 grands concepts, tout d’abord “l’expérience client” (les belles boutiques, le packaging poussé et créatif, le service après-vente…), ensuite la communication (les shows/défilés, la publicité, les influenceurs et célébrités à sponsoriser) et enfin, le plus important pour beaucoup : la marque (reconnaissance sociale et montrer que vous avez de la maille). Vous noterez que la qualité de fabrication n’est pas un critère de distinction déterminant dans l’industriel, car il n’existe pas véritablement de différence flagrante de ce point de vue entre un sac industriel Jacquanus à 700€ et un sac Balenciaga à 3000€. Du moins, pour ce qui concerne la production destinée aux pécores lambda. Les commandes spéciales des très grandes marques (LVMH/Hermès) peuvent parfois être réalisées dans des conditions (un peu) différentes, mais très honnêtement, cette production est minoritaire nous ne nous attarderons donc pas dessus. Donc au risque de vous surprendre, il est tout à fait possible de sortir un sac identique qualitativement parlant à ce que font Chanel ou Dior, pour le tiers du prix, c’est même ce que font pas mal de “nouvelles” marques en private label comme Polène etc. Est-ce que c’est bien ? Non, c’est toujours globalement pas terrible mais au moins le prix n’est pas (encore) abusé. Vous pouvez être certain qu’au fur et à mesure que ces “nouvelles” marques gagnent en popularité les prix vont augmenter. Attention toutefois, je ne parle ici que des marques qui sont aux alentours des 600/700€. En dessous de ce prix vous avez de nombreuses marques qui existent mais sont en général très en dessous en savoir-faire industriel et en qualité de fabrication. Toutes les marques qui disent faire “l’upcyclée gnagnan” qui disent fabriquer “100 % main en France” (les No(bo)dies et compagnie) et sortent un produit à 300€ font en général des produits nazes et qui n’ont pas vraiment d’intérêt en dehors d’être fonctionnels. Ces sont les Dacia du monde de la maroquinerie. Ça plaît à certains, c’est fonctionnel, mais ça n’a jamais fait briller en société.

Un sac Delvaux (à gauche) un sac Polène à droite. Foncièrement, il n’y a pas de différence majeure du point de vue de la qualité de fabrication entre les deux marques, pourtant le prix n’a rien à voir. Bien évidemment, les budgets marketing sont différents, la présence en boutique, le service etc etc. Mais tout de même, est-ce que cela suffit à expliquer un prix multiplié par 18!!
Un sac Delvaux (à gauche) un sac Polène à droite. Foncièrement, il n’y a pas de différence majeure du point de vue de la qualité de fabrication entre les deux marques, pourtant le prix n’a rien à voir. Bien évidemment, les budgets marketing sont différents, la présence en boutique, le service etc etc. Mais tout de même, est-ce que cela suffit à expliquer un prix multiplié par 18!!

Vous noterez également qu’en fonction de ces critères, certaines marques pourtant perçues comme luxueuses dans l’imaginaire collectif sont en réalité assez banales. Longchamp, par exemple c’est typiquement le sac qui est perçu comme luxueux par la lycéenne vaguement bourgeoise qui cherche à affirmer son statut avec prétention, mais qui passé 25 ans devient une marque lambda. Sauf peut-être si vous venez de l’étranger et que votre image mentale de la France c’est Amélie Poulain. Lancel tombe aussi dans cette catégorie, Yves Saint Laurent s’en approche très dangereusement, bref vous avez compris l’idée. Ça n’est pas parce qu’une marque se dit “luxueuse” qu’elle l’est vraiment, loin de là, nombre de marques sur Instagram s’auto-qualifient de luxueuses de façon totalement injustifiée. C’est une posture, de la comm. À la rigueur on pourrait qualifier certaines de ces marques de “premium”. Cette nouvelle catégorie qui fait son apparition un peu partout pour répondre à la lente mais certaine partition de la classe moyenne en classe moyenne populaire d’un côté et classe moyenne pas encore trop laborieuse de l’autre. Le premium ça n’est pas le luxe, où plutôt c’est le luxe des personnes sans imagination et sans moyens. Dans le monde du sac à main les marques “premium” sont en général d’anciennes marques de luxe qui ont diluées leur image pour vendre au plus grand nombre ou des private labels qui viennent de se lancer et cherchent une clientèle.

Maintenant, comment distinguer entre un sac industriel de luxe, et un sac artisanal ? Cette fois le prix n’est pas véritablement un facteur, car il tend à être similaire, ce qui est surprenant quand on considère que l’un est fabriqué intégralement à la main par (en général) une personne, et l’autre intégralement à la machine par plusieurs, c’est dire si les marges ne sont pas les mêmes. Toujours est-il que c’est surtout du côté de la qualité de fabrication que la différence se joue, et éventuellement de la personnalisation. Le service client et le marketing sont aussi des différenciateurs, puisque les artisans sont à un désavantage évident dans ce domaine dans la mesure où ils n’ont pas de département marketing pouvant inonder le monde et dicter ce qu’est LEUR image du luxe, et par conséquent, ce qui DOIT être la vôtre. L’artisanat c’est avant tout une personne qui assure la fabrication, parfois, seule, parfois en coopération avec d’autres, mais qui dans tous les cas met sa peau sur la table. Paradoxalement, c’est aussi le “véritable” luxe, comprendre par là celui des détenteurs du pouvoir réel amateurs de discrétion, pas des poseurs qui étalent leur existence dans les médias et les réseaux.

La plus grosse différence entre les industriels du luxe et les artisans réside dans l'attention aux détails... une notion vague chez beaucoup de marques comme l'illustre ce sac Prada. Fun fact, il s'agit du sac qui a été sélectionné pour le packshot... (Source: Prada)
La plus grosse différence entre les industriels du luxe et les artisans réside dans l'attention aux détails... une notion vague chez beaucoup de marques comme l'illustre ce sac Prada. Fun fact, il s'agit du sac qui a été sélectionné pour le packshot... (Source: Prada)

Qu’en est-il du sac semi-industriel ? C’est une solution intermédiaire qui se rencontre globalement assez peu dans le cadre du sac à main. Il s’agit d’un mélange de processus industriels et de fabrication traditionnelle à la main. C’est plus ou moins ce que peut faire Hermès, et encore cela va dépendre des sacs, toute la gamme n’est pas du tout sur un pied d’égalité. En réalité, c’est une façon de faire que l’on retrouve essentiellement dans les ateliers des industriels du luxe réservés aux commandes spéciales. Ces dernières sont, en général, réalisées en dehors des chaines d’assemblage propres au reste de la fabrication. Il s’agirait de ne pas se mettre à dos les célébrités qui passent commandes. On trouve également certains artisans qui font le choix du semi-industriel afin de pouvoir proposer des tarifs plus bas que s’ils travaillaient exclusivement à la main et donc d’être accessible à un plus grand nombre de clients.

Les sirènes du marketing

Lorsque vous êtes à la recherche d’un sac à main, qui plus est un peu “luxueux” et donc cher il est facile de se faire berner par les sirènes du marketing, qui vous mangeront sans hésitation. Dès lors il s’agit, tel Ulysse attaché au mat de son navire, de leur résister. Ou tout du moins de ne pas être dupe malgré la beauté de leurs fables. Car toutes les marques industrielles, de luxe ou non, racontent en général n’importe quoi.

Parfois certaines marques font l’effort louable de montrer les coulisses de manière vaguement transparente. Par exemple Camille Fournet dispose d’une page interactive sur leur site internet, qui montre pratiquement étape par étape la fabrication d’un de leur sac. Cette page montre clairement que leur production de sac est tout ce qu’il y a de plus industriel, le fait qu’ils appellent leurs ouvriers des “artisans” n’y changent rien. C’est d’ailleurs pour cela que je dis “vaguement transparente” car le montage est forcément avantageux, il ne montre pas tout, et les légendes sont parfois franchement en décalage avec ce qui est présenté en image. Comme c’est l’exemple dans l’illustration suivante :

Dire que l’outil de refente est réglé “savamment” alors qu’il s’agit de tourner une roue pour afficher les bons chiffres est révélateur. Quand les plus basiques des tâches sont élevées au rang de science “savante”, vous savez qu’il y a arnaque quelque part. C’est comme appeler un caissière, une “hôtesse de caisse”, ou un éboueur un “agent de maintenance”, ça n’est pas parce que l’adjectif est plus flatteur qu’il change la teneur du travail effectué (Source: camillefournet)
Dire que l’outil de refente est réglé “savamment” alors qu’il s’agit de tourner une roue pour afficher les bons chiffres est révélateur. Quand les plus basiques des tâches sont élevées au rang de science “savante”, vous savez qu’il y a arnaque quelque part. C’est comme appeler un caissière, une “hôtesse de caisse”, ou un éboueur un “agent de maintenance”, ça n’est pas parce que l’adjectif est plus flatteur qu’il change la teneur du travail effectué (Source: camillefournet)
Autre exemple que je trouve encore plus amusant dans cette image il est dit que de la colle à base aqueuse est utilisée car non toxique pour “nous, les artisans”. Sauf, que dans la vidéo, cette étape est 100 % automatisée, c’est un robot qui fait l’encollage. Qu’en déduire, sinon que c’est le robot, l’artisan. C’est le genre d’image totalement révélatrice qui est amusante car elle illustre parfaitement la déconnexion totale entre les marques de luxe et l’artisanat. Pour eux, tout peut devenir artisanat du moment que les marges sont juteuses. (Source: camillefournet)
Autre exemple que je trouve encore plus amusant dans cette image il est dit que de la colle à base aqueuse est utilisée car non toxique pour “nous, les artisans”. Sauf, que dans la vidéo, cette étape est 100 % automatisée, c’est un robot qui fait l’encollage. Qu’en déduire, sinon que c’est le robot, l’artisan. C’est le genre d’image totalement révélatrice qui est amusante car elle illustre parfaitement la déconnexion totale entre les marques de luxe et l’artisanat. Pour eux, tout peut devenir artisanat du moment que les marges sont juteuses. (Source: camillefournet)

Bref, utilisez votre jugement (si vous en avez), ça n’est pas parce qu’on vous montre une photo de Staline avec comme légende “le gros Roudoudou Bienveillant” qu’il cesse de devenir un taré génocidaire. Ça n’est pas parce qu’on vous montre une main actionner des machines avec comme légende “nos artisans ont du talent” que cela cesse d’être de l’industriel.

J’ai déjà longuement abordé cette question du marketing dans l’article état des lieux de la maroquinerie, je ne vais donc pas m’y attarder outre mesure. Néanmoins, les fables, mythes et mensonges qui circulent sur internet et dans l’imaginaire collectif ont la vie dure et il n’est pas mauvais de faire un rappel. Le marché de la maroquinerie brasse beaucoup d’argent. À titre de rappel, le chiffre d’affaires de la maroquinerie en France pour 2022 était de 4,9 milliards d’euros. Je rappelle également que 88 % de ce chiffre est réalisé par seulement 40 entreprises de plus de 200 salariés. Autrement dit, les gros bonnets du milieu que sont LVMH et compagnie. Au risque de vous choquer mesdames, cette réussite n’est pas due au marché national, les Françaises achètent des sacs plutôt cheapos dans l’ensemble. C’est à l’exportation que beaucoup d’argent est brassé puisque la maroquinerie Française a exporté pour 12 milliards d’euros de produits en 2022. Merci la Chine. Devant de tels enjeux économiques il est important pour les marques de ne pas négliger leur image.

Rappelons aussi la base, aucun des sacs des marques de “luxe” traditionnelles (en groupe ou non) ne sont fabriqués à la main. L’essentiel du marché de la maroquinerie est composé par des marques industrielles, qu’il s’agisse de Chanel, Balenciaga, Dior, Cartier, Céline, Polène, Vuitton…. En dehors d’Hermès qui par certain aspect (et par certains aspects seulement, j’insiste là-dessus) fait un peu cavalier seul, virtuellement tous les acteurs utilisent des processus industriels. Ce qui ne les empêchent pas de prétendre le contraire à travers leur communication. Elles emploient des techniques volontairement trompeuses pour vous faire croire que la fabrication est artisanale alors que ça n’est bien évidemment pas le cas, tout est calibré et tout est mécanisé. J’avais déjà utilisé cette vidéo de Chanel pour illustrer à quel point les marques mentent à leur clientèle et ou tout n’est plus ou moins que mise en scène.

Je trouve hilarant que Chanel mette bien en avant le mot “savoir-faire” quand en arrière-plan vous avez une machine CNC (contrôlée par ordinateur donc, même pas par un humain) qui s’occupe de faire le quilting  (matelassage si vous préférez) si cher à la marque. (Source: chanel)
Je trouve hilarant que Chanel mette bien en avant le mot “savoir-faire” quand en arrière-plan vous avez une machine CNC (contrôlée par ordinateur donc, même pas par un humain) qui s’occupe de faire le quilting (matelassage si vous préférez) si cher à la marque. (Source: chanel)

Mais Chanel n’est pas la seule marque à être coupable de ce genre de petit arrangement avec la réalité. Prenez Colombo par exemple, une marque Italienne spécialisée dans les sacs en peaux exotiques. C’est exactement le même principe, mais qui parodie un peu plus l’artisanat. Dans cette vidéo vous avez le sempiternel ouvrier à gant blanc qui “fabrique seul” un sac. Sauf que lors du montage de très nombreuses étapes sont sautées, vous ne voyez en réalité pas un tiers du processus de fabrication. La vidéo donne d’ailleurs l’étrange impression que le sac se fabrique tout seul tant il est montré à des stades de fabrications très différents. La raison derrière cela est bien simple, la marque n’a pas envie de montrer le travail qui est effectué, car il est réalisé à la machine. Concrètement, vous ne voyez que ce que l’on veut bien vous montrer. Et si vous faites vraiment attention, l’ouvrier ne fait pas grand-chose sinon couper, et tenir du cuir entre ses doigts…

Vous ne verrez jamais les usines gigantesques bondées de piqueuses, vous ne verrez jamais l’intégralité des machines qui sont utilisées, vous verrez encore moins les sous-traitants. Sauf à aller chercher dans la presse… et encore… Car bien évidemment, les marques ne sont pas les seules à travailler dans le sens du mensonge elles payent aussi des influenceurs pour cela. Et puis elles reçoivent aussi le concours des médias. La presse “du luxe” travaille bien évidemment main dans la main avec l’industrie du luxe. C’est un système qui fonctionne en symbiose et qui n’a aucun intérêt à ce que la réalité ne soit révélée. Donc quand vous lisez la presse du milieu, elle aborde toujours ce qui plait, jamais ce qui dérange.

Un article du New York Times qui sous-entend qu’Hermès est resté loyal à la façon de fonctionner des guildes du Moyen Age. L’image Américaine du Moyen Age c’est une fois l’an dans des foires médiévales pleines de cosplayers avec des armures en mousse et des épées en plastique, et ça se voit. Ils n’ont absolument aucune idée de ce dont ils parlent. Le monde moderne de la maroquinerie est autant éloigné des guildes du Moyen Age que Joe Bidon l’est de son cerveau. (Source : NYT)
Un article du New York Times qui sous-entend qu’Hermès est resté loyal à la façon de fonctionner des guildes du Moyen Age. L’image Américaine du Moyen Age c’est une fois l’an dans des foires médiévales pleines de cosplayers avec des armures en mousse et des épées en plastique, et ça se voit. Ils n’ont absolument aucune idée de ce dont ils parlent. Le monde moderne de la maroquinerie est autant éloigné des guildes du Moyen Age que Joe Bidon l’est de son cerveau. (Source : NYT)
Hermès dans les années 40 c’était ça. (Source: draeger)
Hermès dans les années 40 c’était ça. (Source: draeger)
L’usine d’Hermès à Guyenne de nos jours. Je peux vous assurer que ces gens ne travaillent pas de la même façon que les ouvriers de la photo précédente malgré tout ce que peut raconter la marque. (Source lefigaro)
L’usine d’Hermès à Guyenne de nos jours. Je peux vous assurer que ces gens ne travaillent pas de la même façon que les ouvriers de la photo précédente malgré tout ce que peut raconter la marque. (Source lefigaro)

Il en va bien évidemment de même avec les influenceurs, qui ne répandent que les opinions pour lesquelles ils sont payés. Un influenceur n’a pas de sens critique, il n’a qu’un compte en banque. Le seul endroit où vous pouvez trouver des informations qui sont contradictoires sont les cercles d’initiés qui vous sont par définition fermés (autrement dit faire partie du milieu), et la presse généraliste ou “d’investigation” qui malgré toutes ses lacunes cherche de temps en temps à aller chercher des histoires intéressantes… Encore faut-il qu’elle le puisse. Car dans les groupes du luxe, ce qui est important c’est la notion de groupe, vous êtes-vous jamais demandé pourquoi certaines marques dans ces groupes ne réalisent jamais de bénéfices ? Pourquoi ces groupes investissent dans des domaines parfois très éloignés de leurs compétences ? LVMH possède le Parisien et les Échos, François Pinault (Gucci, Yves Saint Laurent, Balenciaga via Kering) détient via sa holding Artémis Le Point. Je ne suis bien évidemment pas en train de dire que ces gens dictent mot à mot ce qui sort dans leurs journaux. Mais tout de même, je vous invite à avoir la curiosité d’aller voir combien d’articles du Parisien ou des Échos émettent la moindre critique, même à voix basse envers Louis Vuitton….

Si jamais vous avez la flemme d’aller voir par vous-même… voici le ton des articles que vous pouvez trouver sur Louis Vuitton sur le Parisien. Ça parle de savoir-faire ancestral (qui n’existe pas), de la méchante contrefaçon, des voleurs de magasins ou d’entrepôts, des défilés de mode et de directeurs artistiques “géniaux”. Ça n’est guère différent chez les Échos.

Petit florilège des articles du Parisien sur Vuitton, je ne doute pas une seule seconde de la qualité de travail journalistique ni de l’indépendance absolue de la rédaction. (Source : leparisien)
Petit florilège des articles du Parisien sur Vuitton, je ne doute pas une seule seconde de la qualité de travail journalistique ni de l’indépendance absolue de la rédaction. (Source : leparisien)
Petit florilège des articles sur LVMH/Vuitton dans les Echos. La brosse à reluire fonctionne pas mal. Pourquoi n’y a-t-il pas d’article sur les fondations d’art du propriétaire ou sur sa pratique habile de l’optimisation fiscale ? C’est de l’économie non ? (Source : lesechos)
Petit florilège des articles sur LVMH/Vuitton dans les Echos. La brosse à reluire fonctionne pas mal. Pourquoi n’y a-t-il pas d’article sur les fondations d’art du propriétaire ou sur sa pratique habile de l’optimisation fiscale ? C’est de l’économie non ? (Source : lesechos)
Bonus : assez peu critique envers LVMH (voire pas du tout) les Echos se payent en revanche le concurrent Kering. (Source : lesechos)
Bonus : assez peu critique envers LVMH (voire pas du tout) les Echos se payent en revanche le concurrent Kering. (Source : lesechos)

La qualité de fabrication, ça n’est pas parce que vous ne le voyez pas que ça n’existe pas.

Avant de commencer à détailler ce point je tiens à préciser que les marques ont des gammes vastes, et que tous les produits ne sont pas fabriqués selon les mêmes standards. Ils ne sont même pas tous fabriqués aux mêmes endroits. Il y a des sacs “ambassadeurs” qui tiennent le rôle d’icônes et dont le but est de faire rayonner la marque (au hasard, à l’heure actuelle le Birkin et le Kelly de chez Hermès), mais il y a aussi des produits à très forte marge (au hasard, la ligne petit H d’Hermès). En règle générale les produits iconiques peuvent bénéficier d’un traitement de faveur et être mieux fabriqués que les produits qui sont destinés à une plus grande diffusion. Mais il y a bien évidemment des exceptions, toutes les marques ne fonctionnent pas de la même façon. Il faut donc s’abstenir de juger une marque sur un seul de ses produits, et privilégier une vue d’ensemble.

Un sac ambassadeur à gauche (le steamer de Vuitton), un sac à très forte marge (le onthego de Vuitton). Seulement 2000€ (plus ou moins) séparent les deux modèles, pourtant l’un rapporte beaucoup plus au fabricant que l’autre. Le steamer a quelques passages mains, l’onthego, n’en a pas). (Source : LVMH)
Un sac ambassadeur à gauche (le steamer de Vuitton), un sac à très forte marge (le onthego de Vuitton). Seulement 2000€ (plus ou moins) séparent les deux modèles, pourtant l’un rapporte beaucoup plus au fabricant que l’autre. Le steamer a quelques passages mains, l’onthego, n’en a pas). (Source : LVMH)

Il se trouve que l’un des éléments sur lequel les marques mentent le plus est la qualité de fabrication, car c’est précisément l’un des aspects les plus honteux de leur production. Ça et les conditions de travail des salariés, mais ces derniers sont défendus par des syndicats… alors que la qualité de fabrication, bizarrement il n’y a personne pour la défendre. Le monde de la maroquinerie a considéré que l’industrie avait fait son œuvre et qu’il n’y avait pas d’autre façon valable de produire. Ils auraient tort d’y renoncer, puisque l’industrialisation leur permet de faire exploser les marges. Alors qu’à la base, le travail du sellier maroquinier est avant tout manuel. Je ne suis pas en train de dire qu’il faille lutter contre la technologie, que certaines étapes ne gagnent pas à être mécanisées ou automatisées… Mais cela ne veut pas dire qu’il soit pour autant nécessaire d’absolument tout sacrifier sur l’hôtel du progrès. Notamment quand on sait que la qualité de fabrication est en chute libre, et que même la clientèle commence à le remarquer.

J’ai déjà détaillé dans les précédents articles comment au sortir de la seconde guerre mondiale l’artisanat de luxe s’est petit à petit transformé en industrie du luxe. Aujourd’hui cette transition est terminée et toutes les marques se satisfont parfaitement d’utiliser des méthodes qui sont intégralement mécanisées. Ce que j’essaye d’expliquer par-là, c’est que dans les années 70 ou encore 80, toute la production n’était pas encore totalement industrielle partout. Certaines marques fonctionnaient encore de façon plus ou moins hybride. Un peu à la façon d’Hermès aujourd’hui. Aujourd’hui, ça n’est plus le cas. Hermès fait figure d’exception, et a maintenu, pour certains produits seulement, une façon de faire qui emprunte encore des techniques utilisées en artisanat. Notamment le cousu sellier, mais pas que.

Qu’est-ce que le cousu sellier ?

Le cousu sellier également appelé point sellier est une technique de couture réalisée à la main. Originellement assez régulièrement utilisé en maroquinerie “industrielle” il est aujourd’hui surtout utilisé par les artisans selliers-maroquiniers. Le point sellier n'est pas choisi par les artisans par hasard ou par caprice, il existe une raison derrière son utilisation en maroquinerie. Cette raison est simple : la solidité. Il s’agit d’une couture virtuellement indestructible. Et pour cause, le cousu sellier est comme son nom l’indique issu de l’univers de la sellerie où il est utilisé pour réaliser des pièces d’attelage pour le travail des chevaux. Comme vous pouvez l’imaginer ces pièces sont soumises à des contraintes particulièrement importantes. La sellerie-maroquinerie est la transposition en maroquinerie des techniques de fabrication de la sellerie, sur les sacs on devrait normalement trouver le point sellier à minima sur toutes les parties dites d’usure (poignées, lanières...) ou toutes les parties qui sont exposées à des forces importantes. C’est malheureusement de moins en moins le cas, car le point sellier est obligatoirement réalisé à la main, il n’existe pas de machine à coudre qui puisse effectuer ce type de couture. Il est réalisé avec un fil et deux aiguilles. Le fil passe donc alternativement du dessus au dessous pour se croiser, ce qui forme un point d’arrêt (un nœud si vous vous préférez) à chaque point de couture. Si un point “casse” car il est usé par des frottements, ou coupé, il n’entraine pas avec lui le reste de la couture… au contraire de la piqure machine. La piqure machine est effectuée avec deux fils, où le fil du dessus retient le fil du dessous. Comme un fil tient l’autre, si le moindre point casse, il suffit de tirer dessus et toute la couture se défait. C’est exactement le même problème lorsque vous tirez sur un fil qui a sauté dans la couture d’un vêtement, l’intégralité de la couture va venir avec.
L’inconvénient du cousu sellier c’est qu’il coûte très cher à réaliser. Car c’est une technique longue à apprendre, difficile à maitriser et lente à réaliser. Alors qu’une piqure machine est rapide à apprendre, (certaines formations professionnelles vous l’apprennent en 9h alors qu’il faut des jours voire des semaines pour maitriser le point sellier) et surtout elle est rapide à effectuer puisqu’elle ne demande que quelques secondes ou quelques minutes de temps de travail. À contrario réaliser un sac à main intégralement au point sellier demande plusieurs heures, pour ne pas dire plusieurs jours. Vous comprenez donc que les industriels du luxe dont le combat principal est l’augmentation de leur capacité de production font le choix de compromettre la durabilité de leurs produits au profit de la rapidité. Pour faire simple, plus ils vont vite, plus ils peuvent vendre cher des sacs de merde, plus ils feront de profit.

Illustration 11 exemple de point sellier. (Source : Sartorialisme)
Illustration 11 exemple de point sellier. (Source : Sartorialisme)

Le piquage machine bâclé des industriels

Il n’est pas rare de voir divers problèmes liés au piquage sur les sacs industriels. Pire, c’est en réalité assez commun. Parfois c’est déjà le cas sur des sacs neufs qui n’ont même pas encore quitté la boutique. Bien souvent ce sont des problèmes liés aux cadences élevées qui sont pratiquées dans les usines de maroquinerie (grand groupe de luxe, comme sous-traitant). Il arrive donc que les ouvrières piqueuses, qui je le rappelle sont à leur machine à coudre toute la journée, fassent des erreurs ou manquent de conscience professionnelle. Elles peuvent sauter des points, bien souvent certaines coutures ne sont pas droites, parfois elles ne terminent pas leurs coutures correctement, parfois les bons processus ne sont pas implémentés par l’usine. Par exemple, une fois qu’une couture est terminée elles devraient couper le fil, et dans la mesure où elles travaillent majoritairement avec du fil de polyester, elles devraient ensuite bruler “la queue” du fil qui dépasse de la couture. Lorsqu’elles travaillent avec du fil de lin (c’est le cas chez Hermès mais sinon c’est assez rare), ce dernier devrait être repoussé dans la couture et maintenu par un point de colle. Beaucoup d’usines ne prennent pas le temps de faire cela.

Fils qui n’ont pas été coupés/brulés par l’ouvrière une fois sa couture terminée sur un sac Vuitton (à gauche) et Chanel (à droite)
Fils qui n’ont pas été coupés/brulés par l’ouvrière une fois sa couture terminée sur un sac Vuitton (à gauche) et Chanel (à droite)

Globalement il y a un désintérêt assez marqué des industriels dans la question de la solidité de leurs coutures (et de leur produit), ce qui conduit à un certain nombre de problèmes, qui sont ensuite la source de retours. Mais les marques s’y retrouvent car les coûts engendrés par les retours sont moins importants que ceux qui seraient engendrés par la mise en place du cousu sellier ou par un contrôle qualité plus strict. À ce sujet je vais vous raconter une anecdote qui m’a été confié par un ancien employé de SIS, un sous-traitant de Louis Vuitton. Je tiens à préciser que je me contente de rapporter ce qui m’a été dit, je ne suis donc pas en mesure de confirmer la véracité ou non du propos. Toujours est-il que SIS dispose de plusieurs usines, certaines sont en France, mais le groupe est également présent en Asie et à Madagascar. Dans le cadre de la fabrication en sous-traitance du sac Speedy de Louis Vuitton SIS réaliserait le gros du travail dans son usine Française, et enverrait les sacs à Madagascar pour effectuer l’enchappage de la poignée et feraient ensuite renvoyer les sacs en France. L’enchappage ne présente pas de difficulté particulière, si ce n’est qu’il y a quelques pauvres petits points qui sont effectués en cousu sellier. En réalité, la véritable difficulté, c’est que cette partie du sac ne peut pas passer dans la machine… d’où la nécessité de faire la petite dizaine de points à la main. Visiblement, il est plus rentable de faire embraquer des sacs en conteneur, de leur payer une petite croisière aller-retour à Madagsacar pour que les employés locaux se chargent de cette étape, plutôt que de former le personnel Français à réaliser quelques points de couture sellier. On en est là aujourd’hui. Je vais revenir sur ce point plus tard, car cela soulève aussi une question sur l’hypocrisie massive des marques (et des clientes) en matière “d’écologie”.

L’enchape est cette pièce de cuir à la base des poignées (cercle rouge). La couture de cette enchape est réalisée à la main car la pièce ne peut pas passer dans une machine à coudre. (Source : LVMH)
L’enchape est cette pièce de cuir à la base des poignées (cercle rouge). La couture de cette enchape est réalisée à la main car la pièce ne peut pas passer dans une machine à coudre. (Source : LVMH)
Puisqu’on en est au piquage machine chez Vuitton, voilà un belle exemple de couture qui n’est pas rectiligne. Une preuve de l’excellent savoir-faire ancestral de la maroquinerie Française. (Source : Sartorialisme)
Puisqu’on en est au piquage machine chez Vuitton, voilà un belle exemple de couture qui n’est pas rectiligne. Une preuve de l’excellent savoir-faire ancestral de la maroquinerie Française. (Source : Sartorialisme)
Petit florilège de coutures nazes sur des sacs Dior, Chanel, Vuitton. Toutes les marques industrielles sont concernées, ne croyez pas que ça soit mieux ailleurs. (Source : Sartorialisme)
Petit florilège de coutures nazes sur des sacs Dior, Chanel, Vuitton. Toutes les marques industrielles sont concernées, ne croyez pas que ça soit mieux ailleurs. (Source : Sartorialisme)

Comment reconnaître un point sellier ?

Je vais commencer par dire que vous n’avez pas vraiment besoin d’être capable différencier un piquage machine d’une couture point sellier. Car en dehors d’Hermès, et de Vuitton (sur une toute petite partie du steamer bag), très peu de marques utilisent le point sellier de façon répandue. Personne dans le département marketing de ces marques n’est capable de faire la différence. Beaucoup de marques ne l’utilisent pas du tout en ce qui concerne les sacs, en dehors d’un point doublé ici où là, et encore. Mais comme toutes les marques aiment à faire croire que leurs coutures sont effectuées à la main (comme vous pouvez le voir ci-dessous), je vais vous donner l’astuce qui permet de faire la différence entre une piqûre machine et un point sellier noué. Car il existe plusieurs variantes du point sellier, mais je ne vais pas rentrer dans les détails. Celui qu’on rencontre le plus est le point sellier noué.

Simagrée chez Camille Fournet. Voilà le genre de mises en scène totalement mensongères qui sont réalisées par les grandes marques du soi-disant “luxe”. On vous montre TOUT pour vous faire croire que les coutures sont effectuées à la main, on vous met même négligemment dans un coin une alêne aux pinces (l’outil entouré en rouge) qui sert à la réalisation d’une couture main. Sauf que TOUTES les coutures que vous voyez dans cette photo sont réalisées à la machine. Le seul point qui n’est pas réalisé à la machine est le point à cheval (entouré en bleu, si, si, cherchez bien). Autrement dit, vous avez deux points réalisés à la main sur toute la photo…. Vous parlez d’un “savoir-faire” transmis de génération en génération. (Source: camillefournet)
Simagrée chez Camille Fournet. Voilà le genre de mises en scène totalement mensongères qui sont réalisées par les grandes marques du soi-disant “luxe”. On vous montre TOUT pour vous faire croire que les coutures sont effectuées à la main, on vous met même négligemment dans un coin une alêne aux pinces (l’outil entouré en rouge) qui sert à la réalisation d’une couture main. Sauf que TOUTES les coutures que vous voyez dans cette photo sont réalisées à la machine. Le seul point qui n’est pas réalisé à la machine est le point à cheval (entouré en bleu, si, si, cherchez bien). Autrement dit, vous avez deux points réalisés à la main sur toute la photo…. Vous parlez d’un “savoir-faire” transmis de génération en génération. (Source: camillefournet)

En général la piqure machine est réalisée avec une aiguille ronde, ce qui produit une couture droite. Parfois, les machines à coudre sont équipées d’une aiguille losangique, ce qui produit une couture avec un angle, c’est surtout décoratif. Il existe tout de même une raison derrière ce choix, les anguilles rondes sont essentiellement utilisées quand on travaille avec du tissu (sur une doublure par exemple), elles évitent de couper la trame de celui-ci, ce que ferait une aiguille losangique.

Une couture machine droite réalisée avec une aiguille ronde (Source : sailrite)
Une couture machine droite réalisée avec une aiguille ronde (Source : sailrite)
Une couture machine avec angle réalisée avec une anguille losangique. Le fil suit toujours la forme du trou. Comparez avec l’image précédente pour bien voir la façon dont le fil se comporte et comme cela affecte l’angle de la couture (Source sailrite)
Une couture machine avec angle réalisée avec une anguille losangique. Le fil suit toujours la forme du trou. Comparez avec l’image précédente pour bien voir la façon dont le fil se comporte et comme cela affecte l’angle de la couture (Source sailrite)

Le point sellier est assez facile à reconnaître, la couture forme un angle, comme pour une couture machine à aiguille losangique, mais son orientation est différente. Bien évidement l’orientation change selon si l’on est sur la face ou sur l’arrière de la couture.

Comparaison entre une couture main point sellier à gauche et une piqure machine à droite. (Source : Sartorialisme)
Comparaison entre une couture main point sellier à gauche et une piqure machine à droite. (Source : Sartorialisme)

Enfin, à titre d’information j’avais déjà réalisé une illustration qui montre plus ou moins quelle proportion d’un sac Birkin est cousu main

En bleu, la piqure machine, en orange la couture main point sellier.  (Source : Sartorialisme)
En bleu, la piqure machine, en orange la couture main point sellier. (Source : Sartorialisme)

Uniformisation du produit, rapport qualité-prix et perfection industrielle

Nous allons prendre un peu de hauteur et considérer maintenant la qualité de fabrication (ou le manque de) sous un angle passablement philosophique. Ne vous inquiétez pas, ça ne fait pas mal. Avant toute chose il est important de comprendre qu’aucun produit de maroquinerie industrielle ne sera jamais exempt de défaut. Ce que beaucoup de clients ont tendance à prendre pour une “qualité de fabrication” exceptionnelle est en réalité un degré d’uniformisation et d’industrialisation très poussé. Tous les produits sont calibrés, toutes les coupes sont effectuées au laser ou à la presse hydraulique, les pièces déjà parées sont livrées numérotées dans des bacs aux assembleuses, qui mettent le sac en forme et le passent aux piqueuses, qui le donnent ensuite aux ouvrières qui sont chargées de faire les finitions. Sur le principe il n’y a pas de problème à cette division du travail. Ce qui pose un problème c’est que toute cette chaine repose plus ou moins sur le travail de machines. L’humain intervient peu, dans la majorité des cas il n’est là que pour manier la machine. Or la machine est là pour permettre d’augmenter la productivité et de faire baisser les coûts. Notez comme je n’ai pas dit, faire baisser les prix. Car c’est là tout le génie du luxe industriel, c’est de pouvoir fabriquer beaucoup, vite, et à bas coûts. Les économies réalisées par les industriels ne sont pas reportées sur les clientes. Et c’est là que nous arrivons au problème du serpent qui se mord la queue. Puisque les prix pratiqués par les marques de la mode sont astronomiques, les clientes ont des exigences qui sont astronomiques. Parfois elles vont jusqu’à prendre pour défauts des éléments qui n’en sont pas. Leurs attentes sont irréalistes car les prix pratiqués sont irréalistes. Le travail de l’homme est par définition variable, mais LVMH vend de la “perfection”. On est en droit de se demander s’il y a le moindre mérite à faire payer aussi cher des objets qui ne sont pas le résultat d’un savoir-faire humain. Car c’est là que le client est berné. Les artisans travaillent très dur pour obtenir un niveau d’uniformité élevé (c’est ce que l’on appelait à une époque pas si lointaine, le savoir-faire) là où la machine ne travaille pas du tout. Pire, beaucoup des défauts qui existent sur les sacs de designers sont souvent le résultat des (rares) étapes effectuées à la main par leur main d’œuvre… Le client voit d’ailleurs dans ces défauts la preuve que leurs sacs sont fabriqués à la main par une main d’œuvre compétente, c’est au contraire une preuve de son manque de compétence. Car beaucoup des défauts que vous voyez sur les sacs des grands groupes du luxe sont facilement évitables, et sont en général absent de la production artisanale. Je dis en général, car l’artisan travaillant à la main il n’est jamais à l’abri d’une erreur. Certains préfèrent jeter un projet pratiquement complet s’il a un défaut, d’autre le vendent, c’est bien souvent une question d’éthique mais ça peut aussi être une question alimentaire.

un défaut typiquement évitable en artisanat de haut vol, mais terriblement commun dans l’industrie du luxe : une rigole longue et profonde comme un tranchée de Verdun sur la peinture de tranche d’un sac Jacquemus. Et c’est le modèle qui a été choisi pour le packshot, mais pour être honnête c’est comme ça chez toutes les marques. (Source : Jacquemus).
un défaut typiquement évitable en artisanat de haut vol, mais terriblement commun dans l’industrie du luxe : une rigole longue et profonde comme un tranchée de Verdun sur la peinture de tranche d’un sac Jacquemus. Et c’est le modèle qui a été choisi pour le packshot, mais pour être honnête c’est comme ça chez toutes les marques. (Source : Jacquemus).

La main d’œuvre

Je ne vais pas mettre tous les ouvriers de maroquinerie dans le même panier. Comme partout, il y en a des bons, et puis il y en a des mauvais. Le problème c’est que la proportion de mauvais dépasse largement celle des bons, à cause de la forte croissance de la maroquinerie “de luxe” cursus LVMH. J’ai déjà parlé des pratiques de sous-traitance dans les groupes de luxe, j’ai déjà parlé des employés recrutés par Pôle emploi qui sont formés pendant 9 mois avant d’être lâchés sur les lignes de production. La demande en maroquinerie de luxe est telle que la main-d’œuvre ne suit pas. La réalité c’est que la majorité des ouvriers ont une vision parcellaire de leur métier, beaucoup se plaignent de sa répétitivité (dans les grosses usines, vous êtes attaché à un poste et n’effectuez qu’une seule et même étape toute la journée). Beaucoup d’ouvrières s’imaginaient trouver un monde glamour, beaucoup en reconversion pensaient trouver un métier manuel qui faisait sens. Au final beaucoup trouvent que le métier est tout autant dénué de sens qu’un bête job de bureau. La vaste majorité des gens qui travaillent dans ces usines ne sont pas des maroquiniers, ils font ce qu’on leur dit de faire et n’ont aucune latitude dans l’exécution de leur travail. Pourquoi est-ce que je vous dis tout ça ? Pour vous faire rentrer dans la tête que le maroquinier expert à gant blanc que LVMH met en avant dans sa communication n’existe pas. Avec le blog je suis assez régulièrement en contact avec des gens qui passent ou sont passés dans les usines des sous-traitants, et beaucoup disent la même chose : ils sont déçus. Forcément, il y a aussi des ouvriers qui, touchés par le syndrome de Stockholm sont contents de leur boulot de misère. Je me promène aussi régulièrement sur les forums, sites, réseaux sociaux dédiés à la maroquinerie et je vois toujours des ouvriers des grandes marques qui ne comprennent tout simplement pas ce qu’ils font. Littéralement. C’est à dire qu’ils font ce qu’on leur dit de faire, et c’est tout. Encore récemment, je suis tombé sur une ouvrière de chez Maison Goyard qui disait que la peinture de tranche Uniters n’était pas supposée être chauffée. Alors que la documentation technique du fabricant dit le contraire, que tous les artisans maroquiniers que je connais font le contraire. Je sais que pour vous en tant que profane ça ne vous dit pas grand-chose, mais pour vous donner un point de comparaison que vous pouvez comprendre, c’est comme si un vendeur de voiture vous disait qu’un cabriolet n’était pas fait pour être conduit cheveux aux vents. Heureusement qu’il existe toujours des gens qui dans ces usines sont curieux, consciencieux, appliqués, heureusement, heureusement que certains font de leur mieux, et que certains en sortent et décident de se lancer dans l’artisanat.

Une discussion comme on en voit souvent sur les réseaux sociaux qui évoquent la maroquinerie. L’intervenant masqué en rouge mentionne que la peinture Uniters se chauffe (ce qui est correct et confirmé par le fabricant). L’intervenant masqué en noir dit que ça n’est pas conseillé. C’est faux. Mais d’où vient le “savoir-faire” de cette personne… (Source : facebook)
Une discussion comme on en voit souvent sur les réseaux sociaux qui évoquent la maroquinerie. L’intervenant masqué en rouge mentionne que la peinture Uniters se chauffe (ce qui est correct et confirmé par le fabricant). L’intervenant masqué en noir dit que ça n’est pas conseillé. C’est faux. Mais d’où vient le “savoir-faire” de cette personne… (Source : facebook)
Oh…. De chez Maison Goyard. L’orthographe est d’origine, je précise. Au passage, si ces grandes marques interdisent à leurs employés de chauffer la peinture de tranche, c’est justement parce que c’est une étape qui demande un peu de savoir-faire.... (Source : facebook)
Oh…. De chez Maison Goyard. L’orthographe est d’origine, je précise. Au passage, si ces grandes marques interdisent à leurs employés de chauffer la peinture de tranche, c’est justement parce que c’est une étape qui demande un peu de savoir-faire.... (Source : facebook)
Puisqu’on en est à parler d’ouvriers (in)compétents, il n’y a pas de raison pour ne pas mettre un taquet à Hermès puisque la marque sacralise parfois un peu trop sa main d’œuvre. Un sac Constance, avec une couture probablement réalisée par un collégien en stage d’entreprise. Les ouvriers d’Hermès considèrent que le Constance est un sac difficile à réaliser car il utilise beaucoup le point sellier. Je sais que les coutures contrastantes sont chiantes à faire et font que les défauts sautent aux yeux, mais là, il y a un peu d’abus. (Source : purseblog)
Puisqu’on en est à parler d’ouvriers (in)compétents, il n’y a pas de raison pour ne pas mettre un taquet à Hermès puisque la marque sacralise parfois un peu trop sa main d’œuvre. Un sac Constance, avec une couture probablement réalisée par un collégien en stage d’entreprise. Les ouvriers d’Hermès considèrent que le Constance est un sac difficile à réaliser car il utilise beaucoup le point sellier. Je sais que les coutures contrastantes sont chiantes à faire et font que les défauts sautent aux yeux, mais là, il y a un peu d’abus. (Source : purseblog)

La qualité des cuirs

Il y a deux façons de traiter de la qualité des cuirs, soit succinctement, soit en profondeur. Contrairement à nos habitudes je vais cette fois n’aborder cet aspect que succinctement. Il y a plusieurs raisons derrière ce choix. Tout d’abord le domaine est vaste et complexe, et il existe déjà beaucoup d’informations à ce sujet sur le blog. Par ailleurs la clientèle des sacs à main n’est en général pas tant préoccupée par la qualité du cuir que par son aspect visuel immaculé. Il y a une nuance majeure et j’espère que vous la saisissez, nous allons y revenir dans un instant.
Depuis que les grands groupes du luxe industriel se sont mis à racheter des tanneries à grand coups de cuillères à pot il existe plus ou moins deux cas de figure. Soit vous achetez un sac chez une marque dont le groupe possède des tanneries (LVMH, Chanel, Hermès...) soit vous achetez un sac chez une marque qui se fournit chez des fournisseurs tiers (tanneries indépendantes, ou revendeurs, qui peuvent dans certains cas appartenir à des grands groupes, tel HCP d’Hermès).
Au final, tout ça n’a que peu d’importance car la vaste majorité des cuirs qui sont utilisés pour la maroquinerie sont “maquillés”. Concrètement ils sont traités avec une couche de peinture, littéralement. Les marques n’aiment pas beaucoup parler de peinture sur leurs cuirs (même si ça en est, au sens littéral du terme) alors elles préfèrent parler de “finition”. Mais c’est un euphémisme destiné à ne pas effaroucher la clientèle. Il y a toujours eu des finitions sur le cuir, mais il faut distinguer entre une finition dite aniline (transparente) et une finition pigmentée (opaque). Il existe une finition intermédiaire que l’on appelle semi-aniline, et qui comme son nom l’indique se situe entre les deux précédentes. Les finitions pigmentées ne sont pas une nouveauté, mais elles gagnent en popularité ces dernières années car elles permettent plusieurs choses. La première, et c’est bien souvent l’objectif recherché par les marques, est de masquer les imperfections. Devant l’explosion des prix des sacs à main de luxe, la clientèle a des attentes irréalistes. Et exige donc des cuirs immaculés. Sauf qu’il existe une quantité finie de cuirs naturellement immaculés, et la demande dépasse l’offre. Dès lors, la solution est de peindre les cuirs pour leur donner un aspect immaculé, au détriment de leur aspect naturel. Autre avantage des finitions pigmentées, le cuir devient imperméable. Pour les marques les avantages sont évidents. Le premier est d’éviter aux clients d’avoir à entretenir le cuir et de réaliser des sacs qui résistent mieux au quotidien (griffures, tâches...). Le second est de pouvoir utiliser des cuirs de qualité visuelle variable et de masquer les potentielles imperfections. Mais il y a plusieurs contreparties à cela. La première est de donner au cuir un aspect uniforme. Plus la couche de peinture est épaisse, moins le cuir a l’air naturel. Cela veut aussi dire que le cuir ne se patine pratiquement pas avec le temps. Au contraire d’un cuir avec une finition aniline (ou semi aniline) qui ne se comporte pas de la même façon.

Comparaison entre les pores d’un cuir en finition aniline, finition semi-aniline et pigmenté. La pigmentation bouche les pores, rendant le cuir imperméable. (Source : colorlock)
Comparaison entre les pores d’un cuir en finition aniline, finition semi-aniline et pigmenté. La pigmentation bouche les pores, rendant le cuir imperméable. (Source : colorlock)

Malgré tout ce que je viens de dire, je ne vois pas de problème avec les cuirs légèrement pigmentés comme il peut en exister chez certaines tanneries, même si ma préférence va vers les couleurs naturelles obtenues par une teinte dans la masse. En réalité le problème n’est pas sur l’utilisation des pigments, tant que celle-ci est raisonnée tout va bien. Le problème c’est celui des cuirs pigmentés qui ont un aspect totalement artificiel (les roses pétants, les noirs profonds, les bleus vifs, les blancs…) et qui donnent une image totalement faussée de ce qu’est le cuir. Si l’on devait faire un parallèle, le cuir pigmenté des marques de luxe, c’est un peu comme les mannequins ultra-photoshopées en couverture des magazines, ça n’existe pas vraiment dans la réalité. Et cela fait naitre des attentes totalement irréalistes dans l’esprit de la clientèle.
Pire, cela conduit la clientèle à voir des défauts là où il n’y en a pas. J’ai découvert par hasard que sur les blogs, et forums féminins qui ont pour sujet les sacs de luxe le cuir Togo de chez Hermès avait la réputation d’être un cuir “veiné”. Ce qualificatif a normalement un sens, car si des veines étaient visibles sur le Togo cela serait considéré comme un défaut et les parties impactées seraient délaissées, or ça n’est pas le cas et les sacs réalisés par Hermès en Togo présentent assez souvent des plis assez marqués.

La saga des “veines” sur le cuir dit Togo d’Hermès sur les forums “spécialisés” dans le sac à main de luxe. (Source forumpurseblog)
La saga des “veines” sur le cuir dit Togo d’Hermès sur les forums “spécialisés” dans le sac à main de luxe. (Source forumpurseblog)
Selon cette “experte” Hermès, les “veines” du Togo seraient un signe d’une vache avec une plus grande vascularisation… (Source forumpurseblog)
Selon cette “experte” Hermès, les “veines” du Togo seraient un signe d’une vache avec une plus grande vascularisation… (Source forumpurseblog)
Le pire c’est que ce truc est validé par des publications qui font “autorité” parmi le public visé. (source:purseblog)
Le pire c’est que ce truc est validé par des publications qui font “autorité” parmi le public visé. (source:purseblog)
Ça n’est pas limité à Purse blog, si vous vous posiez la question, c’est un phénomène chez tous les anglophones. (Source: lemon8)
Ça n’est pas limité à Purse blog, si vous vous posiez la question, c’est un phénomène chez tous les anglophones. (Source: lemon8)

Ce sont justement ces plis que beaucoup de personnes mal informées qualifient de “veines” sur le Togo. Comme vous pouvez le voir sur les sacs Hermès ci-dessous la marque n’essaye pas du tout de les cacher, bien au contraire. Car il se trouve que c’est bien une caractéristique propre à ce cuiret non des veines.

Un Birkin de chez Hermès qui présente les plis et creux caractéristique du Togo. (source: instagram)
Un Birkin de chez Hermès qui présente les plis et creux caractéristique du Togo. (source: instagram)
Le phénomène est présent sur toutes les couleurs. (Source: instagram)
Le phénomène est présent sur toutes les couleurs. (Source: instagram)

Pour votre culture personnelle voilà à quoi ressemblent véritablement des veines sur le cuir, l’aspect est très différent des plis du Togo.

Notez la différence dans la direction prise par les veines par rapport aux plis du Togo, les veines sont beaucoup moins rectilignes.  (Source: leathershoppes)
Notez la différence dans la direction prise par les veines par rapport aux plis du Togo, les veines sont beaucoup moins rectilignes. (Source: leathershoppes)

En réalité il existe deux façons d’obtenir un cuir grainé comme le Togo, soit par utilisation d’une presse avec une plaque qui vient imprimer un motif sur le cuir (ce qui est le cas sur le Clémence). Soit par un processus de tannage qui vient rétracter la peau. C’est ce qui se passe dans le cadre du Togo qui est un cuir dit crispé, ce qui veut dire qu’il est tanné par des procédés spéciaux qui rétractent la fleur donnant à cette dernière un relief inégal de plis et de creux. Ce sont ces plis qui sont à l’origine de cette légende urbaine des “veines”. Si jamais vous voulez briller en société et impressionner votre SA Hermès, vous pouvez lui dire que lors du processus de tannage les peaux destinées au Togo perdent environ de 20 à 30 % de leur surface à cause du rétrécissement qu’elles subissent.
Puisque nous en sommes à parler du cuir, nous allons maintenant aborder la nouvelle tendance des cuirs “écologiques” mais nous allons le faire dans une nouvelle section.

L’hypocrisie écologique

Les marques de luxe sont en train de faire leur petit greenwashing car elles sentent que c’est une mode qui a le vent en poupe. Les industriels suivent toujours les grandes tendances de l’histoire, peu importe leur bien fondé, du moment qu’elles font fureur auprès des masses. L’objectif n’est donc pas de discuter de l’importance supposée d’une “économie plus verte” mais de pointer quelques contradictions et hypocrisies dans le milieu.

J’ai entendu parler du cuir “upcyclé” c’est quoi ?

C’est l’explication vaseuse des marques d’entrée de gamme (sub 600€) ou des private labels pour expliquer pourquoi ils ont bien souvent du cuir qui sort des poubelles de tanneries (no name ou réputées). Littéralement, ne vous laissez pas berner par cette expression, c’est à 2000 % du marketing pour gogol, la pratique ne date pas d’hier et ne procède pas d’une recherche écologique, mais d’une incapacité financière à commander les volumes minimums exigés par les grandes tanneries. Si vous avez assez d’argent, rien ne vous empêche de travailler directement avec les tanneries d’Hermès et des autres. Mais les prix sont élevés, car ces tanneries ne fabriquent pas des petites quantités. Du coup ces marques passent par des revendeurs tiers qui se fournissent (parfois littéralement) dans les poubelles des tanneries ou des usines de fabrication, ou qui rachètent les stocks d’invendus ou de surplus. Il arrive aussi simplement que ces revendeurs passent directement auprès des tanneries pour ensuite vendre au détail.
Cette tendance n’est pas encore parvenue chez les grandes marques de luxe, pour la simple raison que ce sont elles qui possèdent les tanneries. Elles n’ont pas investi des millions dans des tanneries parfois peu rentables pour utiliser les fonds de poubelles. La clientèle asiatique qui n’en a littéralement rien à branler de l’angoisse climatique du petit bobo blanc et urbain ne comprendrait pas. Les groupes qui possèdent des tanneries (Hermès/LVMH/Chanel) ont donc un contrôle total sur la production de leur matière première et se réserve logiquement le meilleur. Le reste est destiné au marché public et est acheté par des détaillants qui se chargent de la revente à des particuliers ou à des petits artisans. Les petits artisans font de l’upcyclage depuis des années sans vous le dire parce qu’il n’y a objectivement rien de glorieux à faire les poubelles. Comme quoi, ils sont encore à la pointe de l’écologie, c’est dommage que personne n’achète leur production parce qu’elle est “trop chère” et qu’à la place la clientèle préfère les industriels en private label d’entrée de gamme ou les marques de luxe à gros logos.

Des chutes de box qui proviennent des poubelles d’Hermès. Vous pouvez voir les trous laissés par les emporte-pièces des ouvriers à l’usine. Beaucoup de petits artisans se fournissent de cette façon sans le dire. Certaines start-ups industrielles aussi, mais elles s’en vantent. (Source: Sartorialisme)
Des chutes de box qui proviennent des poubelles d’Hermès. Vous pouvez voir les trous laissés par les emporte-pièces des ouvriers à l’usine. Beaucoup de petits artisans se fournissent de cette façon sans le dire. Certaines start-ups industrielles aussi, mais elles s’en vantent. (Source: Sartorialisme)
L’étiquette identifiant ce lot de box comme provenant d’Hermès. (Source: Sartorialisme)
L’étiquette identifiant ce lot de box comme provenant d’Hermès. (Source: Sartorialisme)

Il est important de comprendre autre chose vis à vis de “l’upcyclage”. Cette expression ne veut rien dire, elle n’a pas de définition légale, il n’existe pas de cadre. Vous pouvez lui faire dire ce que vous voulez, dans le meilleur des cas il s’agit simplement de stocks inutilisés. Dans le pire il peut s’agit de faire passer des produits inférieurs (comme du salpa) pour du cuir. Mais là encore, la problématique ne concerne pas vraiment les marques de luxe.

Le "cuir" de poisson, d’ananas, de bambou, de plastique, de soleil vert on en fait quoi ?

Une marque de pseudo luxe dans des cuirs de poisson “upcyclés”. La cour des miracles (Source : instagram)
Une marque de pseudo luxe dans des cuirs de poisson “upcyclés”. La cour des miracles (Source : instagram)

On le jette à la poubelle, c’est la seule place qui soit convenable pour ces ersatz dignes des heures les plus sombres de notre histoire. Ça n’est pas du cuir, ça n’en a pas les caractéristiques, et c’est parfois fabriqué avec des dérivés du pétrole. Si vos achats de cuir vous font paniquer à ce point là pour vos “émissions carbones”, je recommande le suicide, mais insistez bien par testament sur l’inhumation. La crémation rejette du CO2.

La véritable raison derrière l’abandon des cuirs exotiques par Chanel

En 2018 Chanel a annoncé renoncer à l’utilisation des cuirs exotiques (alligator, crocodile, serpent, lézard…). Au détour de plusieurs communiqués, la marque justifie son choix en utilisant tout un tas de mots à la mode (développement durable, environnement, bien-être animal blabla). Vous êtes excessivement naïfs si vous pensez que ce sont là les véritables raisons derrière cet abandon. En réalité, Chanel, et Kering dans une moindre mesure, se sont fait couper l’herbe sous le pied par Hermès et LVMH qui ont massivement investi dans les fermes de reptiles et les tanneries spécialisées dans les cuirs exotiques. N’ayant pas été capable d’anticiper, Chanel s’est retrouvé devant le fait accompli, les meilleurs acteurs du marché avaient déjà été achetés. Dans l’impossibilité de trouver des peaux d’une qualité suffisante de façon fiable, le groupe a préféré se feindre d’une courbette et prétendre qu’il s’agissait d’une décision basée sur des considérations éthiques. Il n’est pas impossible que d’autres marques leur emboitent le pas et surfent sur cette vague, Kering (qui s’est surtout concentré sur les serpents) commence déjà à vendre de l’imitation de cuir d’alligator ou de crocodile (du cuir de vache avec un motif imprimé) à des prix délirants alors que ces copies sont des cuirs très bon marché. Je ne serai même pas étonné s’ils disaient faire cela pour des considérations “éthiques” alors que la motivation financière est évidente.

Logistique de fabrication et service client

D’une façon générale il est amusant de voir les marques de luxe essayer de surfer sur l’expansion de la religion écologiste quand on sait que littéralement toute leur structure, toute l’essence même de leur fonctionnement est l’antithèse de l’écologie. Souvenez-vous des sacs Speedy que nous avons évoqués plus haut, et de la façon dont ils seraient envoyés à l’autre bout du monde pour la réalisation d’une seule et unique étape de fabrication. Il serait amusant de voir de quelle façon LVMH et leur sous-traitant pourrait justifier cela. Il en va de même avec les problèmes de fabrication qui génèrent des retours, qu’il faut ensuite traiter. En fonction du problème les sacs sont réparés et remis au client, ou remplacés par du neuf et détruits. Détruits car ces marques n’ont pas d’outlet, ou ne font pas de soldes, ça affaibli l’image de marque. Alors qu’il serait probablement plus “écologique” de mettre en place des techniques de fabrication plus solides, et de renforcer le contrôle qualité. Mais, ça, les marques ne le veulent pas. Ce qu’il reste aux marques de luxe c’est justement leur service client souvent exceptionnel, la substance - elle - n’existe plus, elle a été sacrifiée pour faire du profit. Alors on vous sert souvent de la merde, mais avec des gants blancs, on accepte les échanges, les retours, peu importe la nature du défaut, peu importe s’il y a même un défaut. Imaginez un restaurant de grand standing, où l’on sert avec gants blancs des plat tout préparés achetés chez Metro pour ensuite vanter “la gastronomie locale” ou “le terroir”. C’est ça aujourd’hui la maroquinerie des groupes de luxe. Si vous croyez à leurs discours sur le développement durable vous êtes bien naïfs. Et si vous êtes un minimum logique dans votre conversion à l’écologisme, cesser d’acheter chez les industriels.

Les différents types de montage d’un sac à main

Maintenant que nous avons évoqué ces bases, nous allons commencer à parler des différents types de montage. Sachez qu’il existe plusieurs façons de “monter” un sac, ou de l’assembler si vous préférez. Ça n’est pas véritablement une question fondamentale pour le client, et je ne vais donc pas l’évoquer en profondeur, toutefois sachez que cela va avoir un impact sur “la tenue” du sac, comprendre par-là, sa capacité à maintenir sa forme sans s’affaisser, sa rigidité si je devais utiliser un mot simpliste. On voit trop souvent des clients acheter des sacs souples et se plaindre d’un manque de tenue, ou vis versa.

Nous allons donc essayer de donner quelques explications. Il existe trois grandes familles de montages qui se distinguent de la façon suivante : il y a le montage de sellerie, qui se caractérise par un bord d’objet “franc ou net”, le montage de maroquinerie qui regroupe les travaux dont le bord de la pièce est "rembordée", et le montage piqué retourné, qui est aussi un travail de maroquinerie. Aujourd’hui avec la démocratisation du sac souple et surtout l’industrialisation du milieu cette distinction est à prendre avec un grain de sel car la frontière entre sellerie et maroquinerie est devenue plus “poreuse” qu’elle ne pouvait l’être historiquement. Les techniques de sellerie et de maroquinerie pouvant très bien être utilisées ensembles sur un même objet. Nous allons y revenir sur la question du point sellier. Toujours est-il que ces trois grandes familles comportent plusieurs types de montages. Il existe par exemple le montage Allemand, le montage Cavour, le montage Gousset, le montage Mexicain le montage rembordé contrecollé (parfois simplement appelé contrecollé), le piqué retourné simple, le piqué retourné avec jonc… pour ne citer que les plus courants.

Dans l’industriel grossier voire même très grossier (de luxe ou non) on trouve assez régulièrement des montages contrecollés (comme c’est le cas dans l’illustration suivante) qui sont utilisés notamment en raison de leur grande simplicité, c’est un montage qu’on retrouve sur des sacs Fourrès à 200€, autrement dit, du montage “sac poubelle”, ça fait le taf, mais c’est tout.

Sac de la marque Darovia en montage contrecollé, le prix est délirant pour un sac aussi simple à réaliser (au delà de 1000€). On se penchera sur le cas dans un futur article histoire de se marrer un peu. (Source: Darovia)
Sac de la marque Darovia en montage contrecollé, le prix est délirant pour un sac aussi simple à réaliser (au delà de 1000€). On se penchera sur le cas dans un futur article histoire de se marrer un peu. (Source: Darovia)

L’autre montage qui a la faveur des industriels est le piqué retourné. Le sac est piqué sur l’envers (à l’intérieur donc), et est ensuite retourné à l’endroit. Cette technique de montage permet de masquer les coutures “structurantes”, mais elle requiert un cuir souple ce qui va forcément avoir une influence sur la tenue du sac qui sera moindre. C’est pour cette raison que l’on appelle parfois les sacs en piqués retournés des sacs “souples” (à l’époque où ces sacs sont devenus à la mode, les professionnels parlaient de sac chiffon, ou sac serpillière) et je sais que ce que je vais dire est une évidence, mais leur principale caractéristique est donc… leur souplesse. Dès lors j’ai été étonné d’apprendre que certaines clientes achetaient sur Amazon des plaques en acrylique fabriquées en Chine dans des dimensions correspondant spécifiquement à certains modèles (le Speedy notamment, qui est en piqué retourné avec jonc) pour les placer au fond du sac et le rigidifier. Comportement étrange qui conduit à ne pas vouloir qu’un sac souple soit... souple. C’est comme acheter un SUV et se plaindre qu’il soit trop gros pour la ville, ou choisir un mec violent qui vous met des tartes dans la gueule en espérant qu’il devienne doux. C’est une erreur de casting. Je ne vais pas prétendre que ce genre d’évènement est rare dans la société, bien au contraire c’est même trop fréquent. Toutefois je ne saurais que recommander chaudement d’acheter un sac pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il représente. C’est malheureusement trop souvent l’inverse et il est fatiguant de voir des gens acheter un Speedy parce que c’est un Speedy, pour ensuite se plaindre qu’il ne correspond pas à ce qu’ils voulaient.

Pour pallier à cette déficience du comportement humain certaines marques font le choix de proposer leurs sacs dans des montages différents. C’est le cas par exemple du célèbre Kelly d’Hermès. Dans sa version originelle des années 30 il s’agit d’abord d’un sac piqué retourné avec jonc. Plus tard la marque lance sa version sellier et dans cette configuration, il s’agit d’un sac à montage gousset. Si tout cela vous semble compliqué, les photos qui vont suivre vont éclaircir beaucoup de choses.

À gauche vous avez un sac Kelly en piqué retourné avec jonc, à droite un Kelly sellier, qui est en réalité un sac avec gousset. Le gousset est la partie centrale du sac qui détermine de son épaisseur et de sa profondeur. Observez bien la différence de tenue entre les deux sacs. Différence qui peut s’accentuer avec le temps en fonction de l’utilisation qui est faite et du soin qui est portée au sac. (Source: sartorialisme)
À gauche vous avez un sac Kelly en piqué retourné avec jonc, à droite un Kelly sellier, qui est en réalité un sac avec gousset. Le gousset est la partie centrale du sac qui détermine de son épaisseur et de sa profondeur. Observez bien la différence de tenue entre les deux sacs. Différence qui peut s’accentuer avec le temps en fonction de l’utilisation qui est faite et du soin qui est portée au sac. (Source: sartorialisme)
Une sélection d’éléments structurants plus ou moins efficace. (Source: amazon)
Une sélection d’éléments structurants plus ou moins efficace. (Source: amazon)

Si vous tenez absolument à rigidifier un sac souple, je recommande l’astuce de grand-mère qui consiste à remplacer la plaque Acrylique Chinoise d’Amazon par une brique. Il n’y a que du positif, non seulement vous allez rigidifier votre sac, mais vous allez en plus vous faire les bras sans avoir besoin de payer un abonnement au tarif prohibitif dans une salle de gym naze. Cerise sur le gâteau, votre sac deviendra une arme par destination qui pourra faire voler en éclat les dents de n’importe quel Jean-François ou Mathéo qui demande votre numéro dans la rue avec des sifflets. Starfoullah.

Un sac souple s’affaissera avec le temps, je comprends qu’on veuille limiter le processus, mais sachez qu’il existe des sacs rigides pour une raison… (Source : purseblog)
Un sac souple s’affaissera avec le temps, je comprends qu’on veuille limiter le processus, mais sachez qu’il existe des sacs rigides pour une raison… (Source : purseblog)

Comment entretenir et stocker son sac

Pour l’entretien, très franchement je n’ai pas envie de donner des conseils. Il est beaucoup trop facile de faire des erreurs et je ne tiens pas à être responsable d’un suicide par barbiturique ou par “accident de personne” dans le métro à cause d’une erreur de manipulation d’un produit sur votre sac favori. Les marques réputées proposent des services d’entretien utilisez-les, je pense notamment au “spa Hermès”. Le service client impeccable c’est ce que vous payez chez certaines de ces marques (presque plus que le produit), ayez au moins la cohérence de les utiliser même s’ils coûtent un peu d’argent et que votre sac sera indisponible pendant un certain temps.

Pour le stockage, loin de la lumière, dans un endroit sec mais loin du chauffage, dans la boite d’origine, à plat mais pas à vide. Si possible en hauteur pour éviter les dégâts causés par les enfants, les chiens, les chats, les maris jaloux… Il est préférable d’enlever les bandoulières. Vous pouvez laisser des poches d’airs en plastique telle qu’on les trouve dans les colis postaux pour éviter que le sac ne s’affaisse s’il est stocké pour une longue période. C’est particulièrement vrai pour les sacs en toile Vuitton. La toile enduite Vuitton est en PVC et il arrive très régulièrement qu’elle craque là où elle fait des plis. Si vous habitez Paris et n'avez pas la place, c'est votre choix d'habiter dans un trou à rats.

Le design et l’image

Une partie conséquence du prix des sacs de luxe tient à deux choses, le design et l’image. Je ne vais pas trop évoquer l’image, je vais plutôt le faire dans la partie guide des marques. En ce qui concerne le design il est évident que les grandes marques sont excessivement fortes. Elles ont des gens talentueux qui sont payés très chers, qui se droguent beaucoup et dont les déviances et perversions font passer celle de Casanova pour des enfantillages. Ce sont clairement des gens qui sont plus proches de Dutroux que du ciel et lorsqu’ils touchent la Grâce du doigt elle porte plainte pour attouchement. Toujours est-il qu’il y a des créations qui font mouche auprès du public et c’est pour ça que qu’ils sont adulés par les actionnaires. Il ne faut pas se voiler la face, il y a aussi des créations qui sont des échecs complets et qui ne rencontrent pas leur public. Hermès souffre un peu de cette tendance mais ils ne sont pas les seuls. Ils ont 3 designs qui sont très forts, le Kelly est un design qui date des années 30 et qui était à l’origine appelé “sac de voyage à courroies pour dame” il a existé 30 ans avant Grace Kelly cela fait plus de 30 ans qu’il existe après son décès tragique. Il ne fait aucun doute qu’il continuera à se vendre bien après le souvenir de la Princesse, si jamais l’on pouvait oublier un jour une existence aussi gracieuse. Ils ont aussi le Birkin, et puis dans une moindre mesure le Constance. La marque lance assez souvent des nouvelles déclinaisons de ces poids lourds, mais en face elle ne propose pas toujours des choses convaincantes. Il y a par exemple le modèle “verrou” qui s’est avéré être décevant, mais ça n’est pas le seul qui n’a pas rencontré le succès escompté. Hermès a tellement des designs iconiques qu’il est parfois difficile pour la concurrence de ne pas les imiter. C’est d’ailleurs le problème que l’on trouve sur une grande partie de la production artisanale, cette dernière est d’une qualité et d’une exclusivité incomparable à ce que l’on peut trouver chez les grandes marques, mais elle manque parfois de personnalité. C’est bien souvent une production de techniciens, de gens qui maitrisent parfaitement leur artisanat, mais qui ignorent tout des drogues dures et de la créativité débridée des designers. Les deux pourraient bénéficier d’une coopération mutuelle, mais ce sont deux mondes diamétralement opposés qui ne se côtoient que de temps en temps et dans des circonstances très particulières. De fait, bien que la production artisanale soit à mon sens la plus gratifiante, et la plus exclusive, elle manque malheureusement parfois de personnalité. Personnalité qui est LA caractéristique primordial pour la clientèle car elle en est souvent dépourvue et elle cherche par l’achat d’un sac de designer à affirmer quelque chose. Quand elle ne cherche pas souvent à combler une certaine vacuité. Nous le faisons tous plus ou moins, il n’y a rien d’étrange ou de mal dans cela mais il faut admettre que s’il y a bien une chose à mettre au crédit des sacs de designers c’est justement leur design… qui l’eu crut.

La grande force des marques et des designers est de pouvoir imaginer des designs qui vont s'imposer. La petite malle de Louis Vuitton est un exemple concret de ce phénomène puisqu'il s'agit d'un best-seller depuis des années. (Source: Sartorialisme)
La grande force des marques et des designers est de pouvoir imaginer des designs qui vont s'imposer. La petite malle de Louis Vuitton est un exemple concret de ce phénomène puisqu'il s'agit d'un best-seller depuis des années. (Source: Sartorialisme)
Autre exemple de réussite des designers, lancer des modes. Gucci comme d'autres sont en pleine vague "rétro" avec des designs qui s'inspirent du passé. Exemple le Diana qui avait été lancé en 91 et a été "relancé" en 2021 après un redesign. (Source: Gucci)
Autre exemple de réussite des designers, lancer des modes. Gucci comme d'autres sont en pleine vague "rétro" avec des designs qui s'inspirent du passé. Exemple le Diana qui avait été lancé en 91 et a été "relancé" en 2021 après un redesign. (Source: Gucci)

La limitation artificielle de la rareté

Le marché du sac à main de luxe s’est beaucoup développé ces 20 dernières années, rien qu’entre 2012 et 2021, la valeur de la production française de sacs à main a progressé de 91,2% tandis que la valeur des exportations augmentait de 152% sur la même période. La demande a toujours été forte aux États-Unis, mais de nouveaux marchés se sont ouverts notamment en Russie, Chine et au Moyen Orient. Devant cette forte augmentation de la demande les marque se sont ajustées et ont procédé à l’ouverture de nouvelles usines et ont de plus en plus recours à la sous-traitance. Malgré cette augmentation pratiquement constante des capacités de productions, plusieurs marques disent toujours avoir du mal à satisfaire la demande. Il existe là un léger paradoxe, les marques utilisent des techniques de productions industrielles (qui sont par définitions rapides), recrutent littéralement les premiers venus, et ont un recours massif à la sous-traitance, et malgré tout cela elles n’arriveraient toujours pas à satisfaire la demande. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que le marché de la revente est si vivace ? Est-ce que la demande est si forte qu’elle ne saurait avoir de limites ? Est-ce que les industriels sont des incapables ? Ou est-ce qu’ils ont au contraire tout intérêt à faire en sorte que la demande ne soit jamais satisfaite ? Pour éviter de diluer leur “prestige” et donc perdre en image de marque certains industriels limitent volontairement la disponibilité de leurs produits sur le marché, tout en produisant autant que possible. Même une marque comme Louis Vuitton, portant très largement disponible, et dont l’image est quand même déjà en partie diluée tente de limiter sa présence. La marque a fait pas mal de ménage dans ses réseaux de distributions, les produits Louis Vuitton sont vendus exclusivement dans les magasins de la marque et sur son site internet officiel. La société n'accorde pas de licence à d'autres pour la revente de ses produits. Paradoxalement la marque est l’une des plus agressive à l'égard des intermédiaires, des licences et des franchises, alors que vous pouvez trouver leurs sacs sur n’importe quelle escort Parisienne, marcheuses comprises. En plus de cette politique d’exclusivité sur leur réseau de distribution, Louis Vuitton limite également la quantité d’objets qu’un client peut acheter. Pas plus de 3 articles de maroquinerie (y compris la petite maroquinerie) par transaction, avec pas plus de 2 produits identiques par transaction. En outre, les clients ne peuvent, au cours de 4 semaines consécutives, acheter plus de 6 articles de maroquinerie (y compris la petite maroquinerie), ou acheter dans plus de 3 magasins LV différents dans le réseau mondial, ou effectuer plus de 8 transactions pour tous les types de produits. Restrictif…. mais pas trop. Louis Vuitton n’est bien évidemment pas la seule marque à avoir des canaux de distribution exclusifs limités et des quotas. De nombreuses autres ont suivies la tendance, mais certaines vont également plus loin. Chanel par exemple a décidé de limiter la vente de ses modèles “Classique” et “Coco Handle” à deux (voire un selon les marchés) par client par an. Ces politiques ne sont pas nouvelles, cela fait plus de 15 ans qu’elles sont en place. Les magasins Américains Saks Fifth Avenue, Neiman Marcus et Bergdorf Goodman limitaient déjà l’achat de certains sacs de designers à 3 par mois au début des années 2000. Il est simplement intéressant de voir qu’à l’heure ou le sac à main est devenu un investissement la politique des quotas a tendance à se généraliser.

Bien évidemment, au sommet de cette pyramide de l’exclusivité artificiellement organisée, il y a Hermès. La marque est championne dans ce domaine puisque l’expérience boutique pour l’achat de la maroquinerie, en particulier des sacs, s’apparente à un mélange entre un jeu de piste, une loterie et une partie de poker menteur. Une version condensée des 12 travaux.
Hermès commence par vous demander de prendre un rendez-vous, ouverture de la loterie à 10h30, il y a quelques centaines de places au maximum pour plusieurs milliers de candidats. Vous trouvez une place et recevez confirmation de votre rendez-vous. Mais leur conception du rendez-vous est étrange car l’heure change. Ça c’est la partie jeu de piste qui commence. Vous avez rendez-vous à 14h. Et puis vous recevez un message vous indiquant que votre rendez-vous est déplacé à 13h30… il est 12h45 et vous êtes à l’autre bout de Paris en pantoufle en train de glander tranquillement. Vous sautez dans le premier Uber venu, vous lui demandez de se grouiller autant que possible… vous avez à peine le temps d’attacher votre ceinture que vous recevez un nouveau message, votre rendez-vous est avancé à 13h… cette fois vous savez que c’est mort. Vous vous dites que foutu pour foutu vous y allez quand même. À peine arrivé devant la porte du magasin votre téléphone sonne à nouveau, votre rendez-vous est de nouveau décalé à 14h30… Cette fois vous entrez bien décidé à en découdre… On vous demande votre laisser-passer A38… pardon, l’heure de votre rendez-vous. Vous vous expliquez, ils disent qu’ils vont vous accommoder et on vous amène au fond du magasin. Vous vous détendez, erreur de débutant, ils vous mettent en confiance afin de faire baisser votre garde pour la séance de poker menteur qui se prépare. Hermès sait que si vous êtes une femme, relativement jeune, et aisée, vous voulez un Birkin ou un Kelly. Ils ont une position facile, ils connaissent vos désirs et ont préparés leur ligne de défense en conséquence. Ils demandent tout de même ce que vous voulez. Vous répondez un Kelly 28 bleu foncé, mais vous dites que vous n’avez rien contre le rouge ou le bordeaux. Le vendeur prend l’air grave, jette un coup d’œil à sa tablette (où il a accès à l’inventaire) et disparaît dans la réserve. Il revient 20 minutes plus tard, l’air triomphant. “J’ai quelque chose qui devrait vous plaire !”. Et il déballe un Constance rose vif, le sourire aux lèvres. Vous êtes perplexe, et demandez des explications. “On n’a pas de Kelly en stock, il est très demandé en ce moment”. Ça c’est en général le cul de sac, il n’y a pas d’issue. Il y a des dizaines de variation autour de scénario. Parfois ils vont dire qu’ils ont des Kelly ou des Birkin, mais pas dans la taille que vous désirez, parfois ils vont dire qu’ils n’ont pas votre couleur, ou le cuir de vos souhaits. Mais est-ce la vérité ? Le plus souvent, non. Toutes les boutiques ont des Kelly et des Birkin en stock, bien souvent ils ont mêmes des modèles exotiques, pourtant si “inaccessibles”.

Vous êtes-vous déjà demandé ce que font les vendeurs Hermès dans la réserve pendant que vous poireautez ? Voilà la réponse :

37 jacquemus

Bon en réalité, si vous vous demandez vraiment à quoi ça ressemble une réserve Hermès, c’est une salle plus ou moins grande avec plein de boites. Un peu comme toutes les réserves. Les images sont relativement rares, mais elles existent comme celles de dessous.

Le stock d'une boutique Hermès, il y a de tout. (Source: purseblog)
Le stock d'une boutique Hermès, il y a de tout. (Source: purseblog)

Vous pouvez voir qu’il y a du Kelly 35 en crocodile, du Birkin 30 en crocodile et beaucoup d’autres choses. Les boutiques Hermès servent de goulot d’étranglement, en réalité il n’y a pas tellement de difficulté d’approvisionnement de leur côté. Ils veulent tout simplement préserver une image d’exclusivité, même s’ils ont pratiquement de tout dans leurs réserves. Il y a eu des gangs qui se sont montés, de “faux acheteurs” qui recrutaient des comédiens. Pour ensuite alimenter un marché de revente parallèle. Ils se sont fait choper. Je suis d’ailleurs étonné qu’aucun vendeur Hermès n’ait pensé à monter un trafic de sac en échange de services sexuels ou quelque autre truc un peu sordide. Peut-être qu’ils n’ont pas l’initiative de la vente et que c’est réservé au responsable boutique, mais même là je ne serais pas étonné qu’il y a des combines. Bref, vous avez compris, quand Hermès vous dit qu’ils n’ont pas votre sac en stock, c’est très probablement un bobard aussi gros que leurs bénéfices.

D’autres images des réserves Hermès (Source : Instagram)
D’autres images des réserves Hermès (Source : Instagram)

Est-ce que les sacs à main peuvent être de bons placements financiers ?

Oui et non. En réalité, la question est plutôt de se demander si c’est une bonne idée de considérer les sacs à main comme des investissements financiers. Pas vraiment. Mais il faut nuancer un peu. Ça ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de faire beaucoup d’argent. Mais que c’est très risqué, c’est un marché hautement spéculatif et versatile. La valeur d’un sac est surtout dictée par la mode, or la mode est un élément volatile et imprévisible. Aujourd’hui le Kelly mini est un sac excessivement populaire, il se vend vite et bien. Mais ça ne sera pas toujours le cas. Si je prends le Bolide par exemple il était très populaire de 2002 à 2012. Et puis le bolide a perdu de la vitesse, si vous me passez l’expression, pour pratiquement disparaître des boutiques et de la rue. Quand la mode était aux gros sacs (à main, ça va de soi) le Birkin 40 était Roi, aujourd’hui vous devez presque payer pour vous en débarrasser. Il ne faut pas non plus croire que n’importe quelle marque a le potentiel de représenter un investissement, certaines sont plus représentées que d’autres dans les enchères. Hermès est en bonne place, suivi par Vuitton et Chanel, le reste est loin derrière. Si l’on prend le Downtown bag d’Yves Saint Laurent il a été très populaire au début des années 2000 mais est aujourd’hui trouvable pour une bouchée de pain un peu partout, comme beaucoup d’autres modèles de la marque. À moins d’être excessivement affûté, et surtout très chanceux, il est difficile de prévoir quel sac présente le potentiel d’un bon retour sur investissement ou non. Surtout chez les marques de fast fashion à la Gucci. Mais même chez Hermès, il y a des choses qui me font tiquer, vous avez peut-être entendu parler du Birkin en crocodile “Himalaya” qui a dépassé allègrement les $300 000. Heureusement que la bijouterie était en or blanc et qu’elle était incrustée de diamants car au risque de vous décevoir il n’y a pas de crocodiles en Himalaya. Je précise parce que je suis persuadé que beaucoup se sont posés la question. C’est juste le nom d’une finition qui “rappelle les sommets Himalayens” enfin ça c’est que dit le marketing, vous me dites que ça vous rappelle Bure sur Yvette un jour de neige ça marche aussi hein. Bref c’est à 100 % du marketing, il n’y a rien de spécial à ce sac, cette finition n’est pas rare, elle n’est pas difficile à obtenir, elle coûte plus ou moins exactement le même prix que toutes les autres finitions que l’on peut trouver sur le crocodile, le prix reflète juste le caprice de quelqu’un de très riche et n’a aucun lien avec la valeur intrinsèque de l’objet. Et ça n’est même pas de l’artisanat, encore moins de l’art, on est sur de la bête fabrication semi industrielle à la Hermès. Je doute très fortement qu’une fois la mode passée le sac puisse prétendre à réaliser le même prix aux enchères, mais je ne peux pas prévoir le futur et donc peut-être que je me trompe. Enfin, et pour conclure sur le sujet, rappelez-vous que les sacs à main de designers ne sont pas rares, les marques limitent artificiellement leur rareté en imposant des quotas ou en utilisant des petites astuces de boutiquiers. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’il existe un marché de la revente, et c’est ce qui tire les prix vers le haut. Mais allez faire un tour sur Ebay et sur tous les autres sites de seconde main. Si je veux un Birkin ou un Kelly dans une taille et une couleur définie, j’en trouve des centaines voire des milliers. Beaucoup sont des contrefaçons, en fonction des marques, la majorité même. Mais pas tous et l’on ne peut pas dire qu’entre les dizaines et les dizaines de sites de reventes il y a exactement une pénurie de sacs de designer.

Un Birkin "Himalaya" du genre de celui qui a défrayé la chronique aux enchères. Ça n'est que de la hype. (Source: christies)
Un Birkin "Himalaya" du genre de celui qui a défrayé la chronique aux enchères. Ça n'est que de la hype. (Source: christies)

La contrefaçon

Puisque je viens de l’évoquer nous allons maintenant nous pencher sur la question de la contrefaçon. Je ne vais pas m’étendre dessus, bien qu’elle soit une offre attractive, le fait qu’elle soit également illégale m’empêche de la recommander comme une alternative sérieuse. Et pourtant elle n’a probablement jamais été aussi attirante, notamment car il devient de plus en plus difficile de faire la différence entre les contrefaçons et les originaux. En partie car l’accès à l’information et aux fournisseurs s’est démocratisé (merci internet), et parce que les processus industriels standardisés facilitent le travail des contrefacteurs. D’autant plus que certains contrefacteurs sont des anciens ouvriers des marques de luxe ou de leurs sous-traitants. Devant l’explosion des prix ils trouvent là un moyen facile et rentable d’arrondir leurs fins de mois et s’organisent en de véritables réseaux. Il existe même des ouvriers d’usines parfaitement légitimes qui organisent leur propre production de contrefaçon avec leur outil de travail. Autrement dit, ils s’arrangent pour fabriquer sur leur temps de travail, quelques sacs qu’ils essayent ensuite de mettre de côté pour les revendre sur le marché parallèle. Les marques font tout pour éviter ces pratiques, mais puisqu’elles disposent de beaucoup de sous-traitants, parfois dans des pays lointains où les questions d’éthique ne sont pas aussi poussées qu’elles peuvent l’être ailleurs… il est difficile pour elles de totalement enrayer ce phénomène. Vous avez donc sur le marché noir, des sacs qui ne sont pas des contrefaçons mais qui sont illégitimes car ils n’ont pas été fabriqués pour la vente dans le cadre du marché légal. Hermès a été confronté à un cas similaire, la marque permettait à ses ouvriers de fabriquer un sac par an pour leur usage personnel à condition qu’ils ne soient ni en box, ni en exotique. Ces sacs étaient identifiés avec une étoile filante et ne devaient en principe pas se retrouver sur le marché. Des ouvriers ont trouvé des failles dans le système, et se sont mis à faire leur production de “vrai faux” sacs Birkin et Kelly. D'autres revendaient purement et simplement les sacs qu'ils fabriquaient malgré l'interdiction. Hermès a depuis révoqué ce privilège, les ouvriers n’ont plus le droit de fabriquer de sac pour leur usage personnel.
Il est aussi amusant de noter que de nos jours contrefaçon ne rime plus avec mauvaise qualité. Les marques diront forcément le contraire, mais la qualité de leur production a tellement décliné ces dernières décennies qu’il n’est pas rare aujourd’hui de trouver des copies qui sont largement mieux fabriquées que les produits qu’elles imitent. C’est notamment le cas des copies asiatiques où vous pouvez trouver des imitations de Birkin ou Kelly intégralement en cousu sellier. La tendance s’est donc inversée par rapport aux 20/30 dernières années où contrefaçon était presque toujours synonyme de mauvaise qualité. Comme il est possible d’acheter les mêmes cuirs que les grandes marques, qu’il est possible d’acheter les mêmes outils, les mêmes colles, les mêmes peintures de tranche, la seule limite de nos jours se situe au niveau de la bijouterie (les fermoirs, loquets, clefs…). Eeeet encore, c’était sans compter sur l’ingéniosité des Chinois, si je sais où trouver des fermoirs estampillés de grand noms, vous pouvez être certain que les contrefacteurs le savent également.

Le plus grand risque avec la contrefaçon réside bien évidement sur le marché de l’occasion. Si vous pensez pouvoir échapper aux contrefaçons en utilisant les services d’authentification en ligne de grands sites (real real, ebay et j’en passe) vous vous trompez. Ces experts authentifient des faux, et rejettent parfois des vrais. En passant, c'est aussi parfois le cas de certains grandes maisons de ventes aux enchères. Car ils n’ont globalement pas d’expérience réelle de ce qu’ils font. Ils se contentent de suivre de la documentation fournie par les marques. Or les méthodes de fabrication évoluent avec le temps, les marques changent leurs processus, et il est impossible de fournir une documentation exhaustive qui couvre toutes les variations d’un seul et même sac des années 60 à nos jours. Par exemple je rappelle que le Kelly est un design qui date des années 30… il y a eu des changements sur la façon de faire chez Hermès depuis… D’ailleurs n’importe quelle personne qui prétend pouvoir authentifier le sac de n’importe quelle marque est un menteur. En général les gens qui connaissent leur métier se spécialisent dans une ou deux marques, il y a trop de modèles, trop de variations, trop paramètres qui entrent en compte pour tout connaître. Ne vous fiez donc pas aux site qui prétendent pouvoir authentifier tout et n'importe quoi du genre de legitgrails évitez également de faire confiance aux sites qui font des comparaisons de sacs "real vs fake", en général ils ne savent pas trop de quoi ils parlent.

Enfin pour finir sur ce sujet, il faut dire que la contrefaçon n’est plus réservée aux gens pauvres. Il existe aujourd’hui divers degrés de contrefaçons, avec des contrefaçons très haut de gamme qui peuvent coûter quelques milliers d’euros. Certains contrefacteurs sont même plus compétents que les ouvriers des marques qu'ils copient (surtout en Asie). Et puis je peux vous assurer que certains clients (très) fortunés achètent des copies, tout simplement car ça les fait marrer, car ils savent que personne ne peut faire la différence, et que de toute façon personne ne les suspecterait de faire une chose pareille. Ils ont donc leur petite dose de frisson à moindre prix et ont enfin l’impression de vivre.

Une reproduction d'un Kelly (le sac ne porte pas la marque Hermès) réalisée par un artisan ou un amateur. Le travail est plus que convaincant. (Source: Kaia)
Une reproduction d'un Kelly (le sac ne porte pas la marque Hermès) réalisée par un artisan ou un amateur. Le travail est plus que convaincant. (Source: Kaia)

J’ai entendu parler d’un type sur TikTok qui démontait les sacs de grandes marques, Marie Claire dit que c’est un expert est-ce que je peux lui faire confiance ?

D’une oreille seulement, et en vous bouchant le nez. Un peu comme le font ceux qui sont les premier à cliquer dès nous publions un nouvel article, pour ensuite avoir le plaisir de pleurnicher sur les réseaux sociaux parce que nous sommes des méchants. Mais je m’égare. Je disais donc, d’une oreille et en vous bouchant le nez. Fondamentalement il est intéressant de démonter la production des grandes marques pour voir ce qu’il y a derrière. Mais il y a plusieurs problèmes très conséquents avec le personnage. Ayant un QI à 3 chiffres comme toute personne un tantinet civilisée j’ignorais tout de TikTok, et j’ignore en général tout des réseaux sociaux. Quelqu’un a attiré mon attention sur cet “expert” et j’ai été y jeter un œil (très) distrait. À première vue je pensais juste que c’était quelqu’un qui faisait son petit buzz en se contentant de démontrer des sacs de grandes marques pour les clasher. Pour cet article j’ai été creuser le sujet un peu plus en profondeur et j’ai rapidement découvert qu’il n’est lui-même qu’un maroquinier très médiocre, et qu’il profite de sa popularité pour vendre ses propres produits de merde. Malin. Pour paraphraser Claude Riche (un mort, ne cherchez pas) il fait sans doute autorité en matière de buzz, d’algorithme et d’audience, mais ses opinions sur la maroquinerie et sur le cuir en général je vous conseille de ne les utiliser qu'en suppositoire, et encore, pour enfants. D’ailleurs ça tombe bien, il sort beaucoup de ses estimations en matière de coût de fabrication de son derrière. Ça, ça n’était pas dans la citation originale, je me suis permis un petit ajout de circonstance. Bref, vous avez compris qu’à mon avis il n’est pas une référence.

Un expert selon Marie Claire. Il est effectivement expert, mais en communication. (Source: marieclaire)
Un expert selon Marie Claire. Il est effectivement expert, mais en communication. (Source: marieclaire)

Guide des marques

guide_sac_de_luxe

Voici enfin le moment que vous attendiez toutes et tous (..?), le guide des marques.

Nous allons diviser ce guide en deux parties, d’un côté l’industriel, de l’autre l’artisanal. Le classement n’est bien évidemment pas exhaustif. L’objectif du côté des industriels est d’aborder un peu l’image de certaines marques et puis surtout de présenter les modèles qui vous en donnent plus pour votre argent. Coté artisanat l’objectif est de présenter des gens dont vous n’avez probablement jamais entendu parler et qui travaillent dans les règles de l’art, pour un prix bien souvent similaire aux grandes marques du "luxe".

Les industriels du luxe

Chanel

(Source : Chanel)
(Source : Chanel)

Une marque au look typiquement traditionnel, qui est en général reflété chez une partie de la clientèle qui normalement plutôt BCBG/femme active urbaine jamais très loin des positions de cadre quand elles ne sont pas cadres elles même. En général c’est là qu’on trouve le combo tailleur/trench crème sac Chanel Classique noir. C’est aussi un sac qui est typiquement perçu comme “parisian chic” et est accommodé tel quel. Pensez t-shirt blanc, veste décontractée et jean/ trench coat crème/tailleur. Malheureusement la qualité de fabrication des sacs Chanel est en baisse constante depuis la fin des années 80. Les problèmes sont assez communs, mais vous avez le service client pour y remédier. Il y a une gamme qui est un peu plus “rock n roll” dans l’esprit et que je trouve personnellement d’assez mauvais goût mais ça n’a pas d’importance. En revanche ils sont aussi en général encore plus bâclés. Enfin il ne faut pas négliger que devant la popularité de la marque ses sacs sont trouvables partout et à tous les prix, ce qui donne assez souvent un grand écart dans le style des propriétaires, mais c’est une remarque qui est valable pour beaucoup de marques. En neuf les prix sont éclatés et sans rapport avec le produit, quand je pense que pour moins cher vous pouvez vous payer un Birkin ou un Kelly…

L’image “traditionnelle” de Chanel à gauche, le tout venant à droite. (Source : whowhatwear)
L’image “traditionnelle” de Chanel à gauche, le tout venant à droite. (Source : whowhatwear)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : probablement un Classique noir. Sinon, un modèle vintage d’avant les années 80 en bonne condition.

Le Classique de Chanel (Source : Chanel)
Le Classique de Chanel (Source : Chanel)

Colombo

(Source : Colombo)
(Source : Colombo)

Une marque pratiquement inconnue du grand public Occidental qui peine à gagner en visibilité même si elle est d’origine Italienne et existe depuis 1937. Je dis bien d’origine italienne car Colombo appartient aujourd’hui au géant Coréen Samsung qui a une “petite” présence dans le domaine du vêtement et de la mode. La marque fait la majorité de son business en Corée avec pas loin de 13 points de vente, mais elle dispose aussi d’une boutique en Italie sur la célèbre Via della Spiga de Milan. Le cœur de cible de la marque étant les populations fortunées de Corée du Sud le style est excessivement classique et Européen. La marque s’est spécialisée dans l’exotique, et propose diverses finitions ainsi que des couleurs originales. Le Pantheon et le Hera sont plutôt sympa. La marque essaye quand même de proposer quelques modèles plus “actuels” (ce qui n’est pas forcément une bonne chose) il existe donc des modèles en exotique moins traditionnels et il y a une gamme en cuir lisse. Les modèles en cuir lisse sont un peu plus tapageurs et pas toujours de bon goût... La fabrication est toujours italienne mais il ne faut pas se laisser berner par le marketing, c’est du 100 % industriel, pas de point sellier. Comme il s’agit essentiellement d’exotique, le prix est forcément élevé, l’avantage est que vous êtes certaines de ne voir personne avec le même sac… Le manque d’image de marque fait que ce ne sont pas des sacs spéculatifs, mais l'exotique tend à mieux conserver sa valeur.

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : probablement un Pantheon small ou medium vert foncé. Même si je trouve le système de fermeture naze.

Le Panthéon de Colombo (Source : Colombo)
Le Panthéon de Colombo (Source : Colombo)

Balenciaga

(Source : Balenciaga)
(Source : Balenciaga)

La marque a tendance fin de race par excellence, entre leurs penchants ayant une odeur de pédophilie affichés en campagne marketing (suivie d’une grosse séance de damage control), la laideur sans fin de leur gamme et les prix délirants (plus de 3000€ pour de la vache imprimée crocodile…) je doute que si vous lisez ces colonnes quelque chose vous attire chez eux. Pour couronner le tout la qualité de fabrication est catastrophique. On s’en doutait un peu mais c’est la cerise sur le gâteau à la merde.

Chez Balenciaga on aime les enfants… (Source : balenciaga)
Chez Balenciaga on aime les enfants… (Source : balenciaga)
… mais pas les lignes droites. (Source : balenciaga)
… mais pas les lignes droites. (Source : balenciaga)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : un modèle vintage des années 80 en lézard noir et bijouterie or. Tout achat dans la gamme moderne serait motif de divorce pour faute (de goût).

Un sac d'avant la déchéance (Source: ebay)
Un sac d'avant la déchéance (Source: ebay)

Gucci

(Source: Gucci)
(Source: Gucci)

La marque propose une gamme qui mélange le classique et le moderne, elle a un peu mauvaise réputation en raison de la très grande quantité de copies qui circulent, mais leur gamme n’est actuellement pas trop dégueulasse. Au contraire de la qualité de fabrication qui est quand même assez moyenne, l’attention aux détails n’est pas vraiment une priorité, mais c’est la norme et leurs concurrents ne sont pas différents. En général chez les grandes marques du luxe j’ai tendance à recommander les produits en peaux exotiques, tout simplement parce qu’ils sont parfois un peu plus soignés. Chez Gucci c’est plutôt l’inverse Kering (les propriétaires) ont massivement investi dans le serpent et ça se voit, la marque en propose beaucoup et si c’est votre truc je vous recommande ça plutôt que leurs crocodiles. Gucci est visiblement à la ramasse sur le crocodile. Les peaux ne sont pas belles, la pigmentation est vraiment abusive afin de masquer les défauts, pour le prix qu’ils font payer ça n’est vraiment pas la peine. Pareil pour l’autruche, je ne vois pas l’intérêt de la tartiner dans une mer de pigments alors qu’elle n’en a pas besoin. J’aime bien l’utilisation de bambou pour les poignées sur certains modèles de la gamme. En général les poignées en cuir sont assez moches sur les sacs industriels, et elles s’abiment assez vite (ce qui n’est pas de leur faute, la sueur et la friction sont en cause). Du coup les poignées en bambou sont une solution que je trouve élégante, tant qu’ils ne décident pas de les remplacer par du plastique, je suis preneur.

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : le Gucci Diana shoulder bag, dans sa version small ou medium. Probablement le noir ou le crème.

Le Gucci Diana (Source: Gucci)
Le Gucci Diana (Source: Gucci)

Delvaux

(Source: Delvaux)
(Source: Delvaux)

Delvaux est une marque très ancienne, qui a été pendant longtemps sous contrôle Chinois avant d’être rachetée en 2021 par le groupe Suisse Richemont. Le style est classique chic et assez moderne mais pas vraiment à l'avant garde, ni toujours de bon goût..

Ce qui est un succès chez Hermès (le crocodile Himalaya) est un désastre chez Delvaux. (Source: Delvaux)
Ce qui est un succès chez Hermès (le crocodile Himalaya) est un désastre chez Delvaux. (Source: Delvaux)

Il y a quelques modèles qui se veulent vaguement irrévérencieux (motif camouflage, ou griffé “ceci n’est pas un Delvaux” façon citation conne pour adolescent) et qui sont ratés. Globalement Delvaux est une marque qui doit probablement souffrir de la concurrence offerte par des marques comme Polène. Sans aller jusqu’à dire que c’est la même chose, le concept est similaire et Polène le fait pour beaucoup moins cher. Delvaux aime bien se faire mousser sur la qualité de fabrication mais elle n’a rien de spécial, pire elle est même en dessous de ce qu’on peut trouver chez Vuitton qui n’est pas aussi mauvais qu’on aime à la dire. Enfin, c’est plutôt que toutes les marques sont médiocres, Vuitton l’est juste un peu moins. Donc chez Delvaux, pas de point sellier, pas de points doublés, les finitions de tranche sont simplistes, bref c’est dans la norme des autres marques de luxe. Il n’y a pas d’exotique, probablement car la marque n’a pas de chaine d’approvisionnement adéquate. Les couleurs sont sympas, les modèles sont bien pensés, le prix est juste difficilement justifiable, plus que pour d’autres marques de luxe, mais on ne peut pas dire qu’ils soient une exception dans ce domaine.

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Le brillant PM est sympa et passe partout.

Le Birllant PM de Delvaux (Source: Delvaux)
Le Birllant PM de Delvaux (Source: Delvaux)

Fendi

(Source: Fendi)
(Source: Fendi)

Fendi est une marque de la galaxie LVMH et ça se voit, puisqu’ils racontent n’importe quoi, comme essayer de faire passer un point gantier pour un point sellier.

Un point gantier que Fendi essaye de faire passer pour un point sellier... (Source: Fendi)
Un point gantier que Fendi essaye de faire passer pour un point sellier... (Source: Fendi)

Forcément, la gamme est large et essaye de satisfaire le plus grand nombre. Fendi est une marque qui se cherche un peu et qui n’est peut-être plus aussi populaire que durant les années où Karl Lagerfeld était à la direction créative. Le Fendi First est assez orignal, le Baguette et le Peekaboo sont des classiques. À titre personnel les seuls modèles que je trouve regardables sont ceux en exotiques, le reste est beaucoup trop de mauvais goût, comme le Fendi Baguette en paillasson de bain. J’espère pour eux que c’est du paillasson d’élevage, où ils auront des problèmes avec les écolos.

Tapis de bain à $4k où sac de luxe? (Source: Fendi)
Tapis de bain à $4k où sac de luxe? (Source: Fendi)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Le baguette "à peindre soit même".... Non je déconne, c'est de la merde. Autant donner mon argent à un artisan.

Fendi, sponsor des artistes en herbe (Source: Fendi)
Fendi, sponsor des artistes en herbe (Source: Fendi)

Yves Saint Laurent

(Source: Yves Saint Laurent)
(Source: Yves Saint Laurent)

Je mentionne uniquement pour éviter que quelqu'un vienne me dire que j’ai “oublié” Yves Saint Laurent. Globalement, aucun intérêt tant l’image a été diluée ça n’est ni beau, ni innovant, ni bien fait, et le prix est délirant. Aux alentours de 3500€ pour un sac en vache imprimée crocodile, pas de doute on est bien chez Kering. À la rigueur les sacs en lézard sont passables et encore… il y a tellement mieux ailleurs pour le même prix.

De la vache motif crocodile au prix de l'or. (Source: YSL)
De la vache motif crocodile au prix de l'or. (Source: YSL)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Même pas en rêve, autant se payer un week-end dans un relais & château ou acheter un bijou.

Cartier

(Source: Cartier)
(Source: Cartier)

Il y a des choses sympas chez Cartier de temps en temps, surtout si vous aimez le bordeaux, le noir et le vert. Niveau qualité de fabrication ce ne sont pas les pires des industriels, même si ça dépend des années. Bon il ne faut pas rêver non plus, la marque ne fait pas dans le point sellier, et globalement ça reste quand même très basique. Il y a quelques créations intéressantes parfois, notamment la collection Cactus qui était absolument hors de prix (plus de 100K pour des petits sacs) mais la bijouterie y était pour beaucoup. L’image de la marque est sinon pas mal diluée.

Une partie de la gamme Cactus (Source: Cartier)
Une partie de la gamme Cactus (Source: Cartier)
Le prix était absolument délirant, mais au moins la marque a fait quelque chose d'original (Source: Cartier)
Le prix était absolument délirant, mais au moins la marque a fait quelque chose d'original (Source: Cartier)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Il y a tellement de modèles (authentiques) de seconde main qui viennent du Japon pour presque rien que ça n'est la peine de vous ruiner pour du neuf.

Hermès

(Source: Hermès)
(Source: Hermès)

La seule marque de luxe qui fait dans le semi-industriel et non dans l’industriel complet. Je suis le premier à me moquer d’Hermès, mais ce sont les seuls à encore fabriquer certains de leurs modèles avec de véritables étapes à la main. Même si un Birkin ou un Kelly n’a que 10 à 15 % de coutures en cousu sellier, c’est mieux que 99,9 % de la concurrence qui en a… 0 %. Le Kelly et le Birkin sont des designs éprouvés, j’aime moins le Constance, mais si c’est votre truc et que vous en trouvez un qui n’a pas été bâclé, c’est aussi un bon sac. Posséder un sac Hermès est à double tranchant, en posséder un sans avoir l’air de détenir le compte en banque qui va avec vous rangera immédiatement dans la catégorie des pauvres bougresses qui ont une copie chinoise. Autre élément à considérer, on pourrait penser la clientèle d’Hermès un peu classieuse, mais il y a une proportion non négligeable de Nabila Karadashian eco+.

Pas mal de gens pense que la clientèle Hermès c'est ça. (Source: agencevu)
Pas mal de gens pense que la clientèle Hermès c'est ça. (Source: agencevu)
Alors qu'en réalité c'est plutôt ça. Ça peut surprendre quand on pense qu'il s'agit d'une marque pour la bourgeoisie versaillaise. (Source: cnbc)
Alors qu'en réalité c'est plutôt ça. Ça peut surprendre quand on pense qu'il s'agit d'une marque pour la bourgeoisie versaillaise. (Source: cnbc)

Au passage, des influenceurs profitent de leur position pour refourguer des copies de sacs Hermès (ou autre), la clientèle du sac de luxe, ça n'est vraiment plus ce que c'était...

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : il n’est pas possible de se tromper avec un Kelly, un Birkin ou un Constance de préférence dans une couleur un peu originale genre vert cyprès. Le reste est un peu comme un enfant non désiré, on l’aime quand même, mais ça reste une erreur.

Sac Kelly de Hermès (Source: Hermès)
Sac Kelly de Hermès (Source: Hermès)

Louis Vuitton

(Source: Louis Vuitton)
(Source: Louis Vuitton)

Une marque clivante si elle en est. La dilution de l’image est très forte, notamment à cause des innombrables contrefaçons, mais aussi à cause de la prévalence de la marque parmi certaines catégories socio-professionnelles. Le nom de Louis Vuitton est associé à la profession des marcheuses de rue comme pouvait l’être la chtouille ou la syphilis à une époque. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas s’intégrer idéalement dans une tenue. Mais c’est une association aussi automatique que touriste allemand = tong chaussette. Ça n’est pas péjoratif, mais il faut être au courant. Le Steamer Bag est le dernier sac Vuitton à incorporer du point sellier autrement que de façon anecdotique. Bon il n’y a que la couture du bas qui est encore faite au point sellier, mais comme c’est la plus importante on ne va pas trop se plaindre. Les prix ont tendance à s'envoler chez Louis Vuitton, et il y a de plus en plus de sacs laids, mais la marque propose encore des choses qui restent relativement classiques

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : une des nombreuses versions de la petite malle, de préférence celle en crocodile vert foncé ou bleu.

La petite malle par Louis Vuitton (Source: Louis Vuitton)
La petite malle par Louis Vuitton (Source: Louis Vuitton)

Goyard

(Source: Goyard)
(Source: Goyard)

Goyard est un peu le sous Louis Vuitton de la personne qui ne voulait pas de LV par simple esprit de contradiction tout en gardant un style similaire. Pour preuve, les modèles sont très similaires à LV, mais moins bien fabriqués. Si l'on prend simplement comme exemple le steamer de Goyard n’a aucune couture au point sellier, là où celui de Vuitton a encore sa base cousue de cette façon. Globalement il y a quelques modèles originaux, la Dé trunk (le nom est stupide) ou le Saïgon mini trunk (le nom évoque plus les bordels d’Indo et les fumeries d’opium que le luxe) par exemple… dommage que Gucci ait déjà eu l’idée des poignées en bambou, du coup le Saïgon a des poignées moches qui jurent un peu.

Le Saïgon, la poignée fait ultra cheap pour un sac à 10k. (Source: Goyard)
Le Saïgon, la poignée fait ultra cheap pour un sac à 10k. (Source: Goyard)

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Le Bellechasse Biaude PM, parce qu'on peut le trouver avec l’immonde toile PVC à l’intérieur et non à l’extérieur, mais c'est uniquement sous la menace, sinon autant aller chez LV voire mieux, Hermès.

Le Bellechasse Biaude PM par Goyard (Source: Goyard)
Le Bellechasse Biaude PM par Goyard (Source: Goyard)

Moynat

(Source: Moynat)
(Source: Moynat)

Un énième ancien malletier qui a été racheté par LVMH pour faire des sacs en toile PVC. Cela étant dit il y a quelques modèles très sympathiques. Les modèles en toile sont presque abordables, signifiant leur place en bas de l’échelle LVMH de la toile enduite, avec Goyard juste au-dessus et Louis Vuitton couronnant le tout. En revanche les sacs sont globalement plutôt modernes et sobres ce qui change de certaines autres marques du groupe. Il y a quelques belles réussites notamment le Réjane ou le Flori (en nano).

Si je devais en offrir un à ma femme (je pense aux quelques hommes qui se sont perdus jusqu’ici) : Le Réjane BB, dans une couleur sympathique.

Le Réjane par Moynat (Source: Moynat)
Le Réjane par Moynat (Source: Moynat)

Les artisans

Nous n’allons pas évoquer les prix dans cette section, car ils sont assez proches de ce que vous allez payer pour les grandes marques, ils commencent environ à 3 ou 4000€ pour un sac et peuvent monter beaucoup plus haut. Cela étant dit, contrairement aux grandes marques industrielles, les prix sont directement corrélés à la valeur de l’objet, vous payez essentiellement de la main d’œuvre et de la matière première et une petite marge. Alors que dans l’industriel vous payez essentiellement la marge Les produits artisanaux sont fabriqués intégralement à la main, les prix varient donc un peu en fonction des artisans (le coût de la vie n’est pas identique partout), en fonction des cuirs et bijouteries utilisés, et dans le cas des commandes sur mesure en fonction de la difficulté du projet.

L’artisanat est un univers différent du monde mécanique et calibré des grandes marques, vous travaillez directement avec un être humain et non avec une multinationale gigantesque, cela comporte des avantages, mais aussi des inconvénients.

Il existe assez peu d'artisans en France qui vont produire des sacs intégralement à la main, qui développent leurs propres modèles et qui contrôlent tous les aspects de la fabrication, je limite pour l'instant cette section à trois noms, donc un est étranger mais travaille en Suisse. Il faut se méfier de certains "maroquiniers" qui utilisent leur nom, ou leur titre de MOF pour vendre de la maroquinerie bas de gamme fabriquée dans une usine. Comme il faut se méfier des marques qui prétendent faire de l'artisanal et n'en sont pas. Je ne liste pas Hosoï, bien qu'il s'agisse d'un des meilleurs maroquiniers en France, il travaille surtout sur du sac homme.

Si certains artisans veulent figurer dans cette liste et que ce qu'ils font nous plait, ils peuvent toujours nous contacter.

Serge Amoruso

(Source: Amoruso)
(Source: Amoruso)

Serge Amoruso est un maroquinier Parisien, vous trouverez sa boutique au 37 Av. Daumesnil, dans le Viaduc des Arts. Il a été formé à l’école Grégoire, est passé par le département malles d’Hermès puis a enseigné la maroquinerie pendant plusieurs années avant de se lancer en indépendant. Comme pour beaucoup de maroquiniers il bénéficie d’une certaine popularité en dehors des frontières hexagonales, notamment au Japon. En 2010 Serge Amoruso a obtenu le titre de Maitre d’Art, ce titre est décerné à vie aux professionnels des métiers d'art possédant un savoir-faire remarquable et rare, qui s'engagent pendant trois ans dans un processus de transmission à un élève. Ses créations sont épurées et modernes et en plus du cuir il travaille de nombreux types de matériaux différents. Il s’occupe également de réalisations sur mesure.

Peter Nitz

Peter Nitz n’est pas un maroquinier de formation. Originaire des États-Unis il a d’abord travaillé pour une maison d’enchère à Chicago. Il a ensuite déménagé en Europe où il s’est lancé dans la revente en lignes de vêtement et accessoires de luxe d’occasion à une époque où le marché était encore désert. Il a rapidement acquis une certaine notoriété dans ce domaine et une clientèle. Il s’est lancé dans la maroquinerie aux alentours de 2008 après avoir rencontré une ouvrière d’Hermès, avec laquelle il a appris le métier. Depuis il a ouvert son atelier indépendant à Zurich.

Plusieurs variations du dream bag de Peter Nitz en alligator et crocodile (Source: Peter Nitz)
Plusieurs variations du dream bag de Peter Nitz en alligator et crocodile (Source: Peter Nitz)

Sa production est moderne et imite par certains aspects la communication des designers des grandes marques mais la qualité est évidemment irréprochable. Son sac le plus populaire est le dream bag mais il a d’autres créations et propose aussi de la fabrication sur mesure.

Victor Dast

Victor Dast est un jeune maroquinier Parisien excessivement prometteur qui ne laisse rien au hasard dans ses créations. Il est passé par une école d’arts appliqués puis a rejoint les Compagnons du Devoir. Il commence son Tour de France en 2016, il se forme auprès de maîtres d'art de renom dont Jacques Ferrand. Durant son apprentissage il est amené à travailler pour les grands groupes de luxe, position qu’il quitte lassé par le manque d’intérêt flagrant que portent ces marques envers la qualité de leurs produits. Poussé par son amour des belles matières et de la précision du geste il lance Atelier Dast avec sa compagne en 2022. À l’heure actuelle Atelier Dast travaille à la réalisation de leur premier modèle de sac à main. Ce modèle sera décliné dans deux variantes, une medium et une mini.

Nous vous proposons quelques images du prototype. Le style se veut moderne et coloré, Victor réalise également des créations sur mesure dans un style feutré et moderne. C'est un maroquinier très sympathique, un ami de la maison, qui nous a laissé le suivre durant toutes les étapes de l'élaboration du nouveau sac. Nous allons donc pouvoir proposer à ceux qui nous suivent sur Patreon du contenu très rare sur toutes les étapes qui accompagnent la naissance d'un nouveau produit intégralement fabriqué à la main. C'est plus que rare de nos jours.

Élaboration de la maquette (Source: Victor Dast)
Élaboration de la maquette (Source: Victor Dast)
Le prototype terminé (Source: Victor Dast)
Le prototype terminé (Source: Victor Dast)

Guide d’achat des souliers aux alentours de 1000€

Avant-propos

À partir d’un certain prix les guides d’achat deviennent difficile à élaborer. Il est compliqué de mettre sur un même plan une marque comme Edward Green et une marque comme Aubercy, tout ou presque les séparent sauf le prix. Dans un guide d’achat dédié à l’entrée ou au milieu de gamme la logique est simple, En dessous de 200€ le client cherche avant tout un rapport qualité/prix qui va pencher en faveur du prix, à partir de 350€ le client cherche un rapport qualité/prix qui soit équilibré, au-delà des 500€ le client cherche un rapport qualité prix qui va pencher en faveur de la qualité. Bien évidemment, c’est une vision schématique qui vise uniquement à poser le principe, il y aura toujours des gens qui voudront des chaussures cousue trépointe dans un cuir génial pour moins de 300€, et d’autres qui voudront coûte que coûte une chaussure avec une patine bleu fluo. Mais ce sont des cas relativement isolés qui relèvent plus de la misère intellectuelle ou sociale que de la norme. À partir d’une certaine somme en revanche il n’y a plus vraiment de logique. Par exemple certaines personnes veulent impérativement une esthétique et se moquent totalement la qualité. C’est l’unique raison d’être du prêt-à-porter Corthay, cible facile mais ça pourrait être pire, on pourrait parler du PAP Berluti. Les deux marques sont absolument inattaquables en mesure, mais pour ce qui est du prêt à porter… C’est d’ailleurs un problème que l’on retrouve aussi dans le vêtement, mais là n’est pas la question. La question est de savoir comment articuler ce guide pour qu’il soit un minimum utile ?

Le problème de beaucoup de marques premium, est qu’elles offrent toutes (ou presque) une qualité… premium. Très peu de marques réputées font payer un prix exorbitant pour un produit douteux, à l’exception de quelques cas isolés et de Church’s, mais ça fait bien longtemps que plus personne ne prend la marque au sérieux. Que faire par exemple de l’offre en prêt à porter de Fukuda ? Cette dernière n’est pas du tout mauvaise, mais vous payez un premium pour sa notoriété et pour son style. Est-ce qu’il est possible de trouver quelque chose de techniquement similaire pour moins cher ? Possiblement. Mais si c’est le style Fukuda que vous cherchez, cela vous importe peu.

Dans ce guide je ne vais pas aborder de certaines lignes spécifiques qui appartiennent à des marques connues pour appartenir au milieu de gamme (ou légèrement au-dessus). Je pense par exemple à la ligne Handcrafted de Carlos Santos ou à la ligne Handgrade de Paul Sargent, tout simplement car ces marques figurent déjà dans notre guide 2023 des souliers que vous pouvez consultez ici. Ces deux lignes sont de très bonne qualité et méritent de figurer dans ce guide. Il faut tout de même noter que la ligne Handcrafted de Carlos Santos est virtuellement introuvable, et la Handgrade de Sargent est exclusivement en MTO. Je ne vais pas non plus parler des marques totalement de niche comme Yanagimachi qui a une ligne en MTO aux alentours de 1700€, Hung ou Mogada par exemple. Je pars du principe que si vous avez le budget pour et que vous avez un attrait pour ce genre de marques, vous les connaissez déjà, elles pourront éventuellement faire l'objet d'un guide à part. En revanche, si vous avez le budget, mais que vous lisez ce guide c’est que vous cherchez des pistes sur quoi acheter et que vous n’êtes donc pas un calcéophile forcené. Vous avez probablement donc besoin de marques relativement accessibles du point de vue géographique afin d’éviter les déceptions au niveau du chaussant. Je rappelle que la base d’un achat soulier doit être le chaussant, les considérations esthétiques ou qualitatives doivent venir après. La sélection peut donc paraître assez convenue, et elle l'est. L'objectif étant d'éviter de faire comme certains gogoles, acheter des chaussures et ne jamais les mettre car le chaussant ne convient pas, ces handicapés se reconnaîtront.

Volontairement ce guide n’inclut pas certaines marques sur lesquelles j’aimerais avoir plus de retours. Zonkey Boots ou Meccariello par exemple sont des marques qui ont le potentiel d’être intéressantes, mais elles comportent également leur lot de réserves (accessibilité géographique mais aussi qualité). Globalement il y a beaucoup de marques italiennes sur lesquels on peut se poser des questions. Si vous voulez de l’Italien solide, allez chez Bonafe, qui n’est pas dans le guide car les chaussures sont très difficilement trouvables en dehors de quelques offres en MTO ou GMTO. L’autre alternative est de passer par Aubercy mais vous avez le style maison et non le style Bonafe. J’ai également contacté d’autres marques basées en Chine ou en Roumanie, mais je n’ai pas eu de réponse positive à mes demandes de démontage, je préfère donc éviter de les recommander dans un guide pour l'instant.

Les prix sont donnés simplement à titre indicatifs, ils ne tiennent pas compte des frais éventuels (douane) et il peut y avoir des variations importantes entre les différentes gammes des marques citées.

Edward Green

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Prix aux alentours de 1200€
Site Internet: https://www.edwardgreen.com/

Le Rolls Royce (période pré-rachat par BMW) de la chaussure Goodyear industrielle, avec tout ce que cela comporte de bon et de moins bon. De façon amusante on peut d’ailleurs pousser cette analogie avec la marque automobile assez loin. Si vous avez les moyens et que vous ne voulez pas vous prendre la tête, vous allez là-bas et vous savez que vous allez être bien traité. Les clients se dirigent vers ces deux marques pour une qualité de fabrication soignée et une image impeccable. On ne va pas chez Green pour les dernières fioritures à la mode et bien souvent approximativement réalisées qui sortent d’ateliers semi-industriels de Transylvanie par exemple. Les montages sont bien effectués, les finitions sont très soignées, les cuirs sont très bons (sans égaler ceux de Lobb). L’expérience boutique est bonne, le personnel compétent. La marque propose également un service MTO excessivement complet. Elle dispose également d’un très gros parc de formes, de tailles et de largeurs, ce qui est essentiel pour les clients difficiles à chausser ou débutants.

Il y a malgré tout quelques petites tracasseries. Tout d’abord il y a des mesquineries incompréhensibles, comme le prix des embauchoirs ou le prix d’un ressemelage usine même si malheureusement la marque ne fait qu’imiter la concurrence. Et puis il y a l’esthétique des modèles, qui a un peu le cul entre deux chaises. D’un côté la marque maîtrise ses classiques, au point où l’on frise un peu l’ennui, et de l’autre elle est totalement incapable de proposer quelque chose qui sorte des canons et ne soit pas raté, ne cherchez pas des paires très racées ou quelque chose d’original chez EG.

Points positifs

- La qualité de fabrication très soignée (mais un peu banale)

- Très gros choix de modèles, tailles, largeurs

- Une très bonne boutique à Paris

Points négatifs

- Les modèles d’été non doublés, légers et flexibles genre Penzance sont à un prix exorbitant pour l’usage qui en sera fait et sont à mon avis un non-sens complet (pour le client, la marque doit y trouver son compte niveau marge)

- Leur idée du frisson c’est le missionnaire lumière éteinte, sans aller jusqu’à demander du crocodile bariolé, un brin d’originalité ne ferait pas de mal.

John Lobb

Lobb

Prix aux alentours de 1600€
Site Internet: https://www.johnlobb.com/

Les deux forces de Lobb sont les cuirs et les designs iconiques, pour le reste on repassera. Il faut reconnaître que malgré toutes les critiques que l’on peut formuler à l’égard de Lobb (et Dieu sait qu’il y en a) la marque propose toujours les meilleurs cuirs du marché. La chaussure idéale doit avoir un bon montage ET une bonne tige, mais si vous n’avez que l’un et pas l’autre, autant avoir une bonne tige sur un montage moyen que l’inverse. La tige représente la partie irremplaçable de la chaussure et chez Lobb le fait est que, pour l’instant, niveau cuir ils assurent toujours autant. En ce qui concerne le montage, et certains détails, Lobb n’est pas au niveau pour leur créneau tarifaire, mais dans l’absolu ça n’est pas non plus totalement infamant. Bien évidemment, il ne fait pas acheter autre chose que les modèles iconiques, ceux qui étaient des création des bottiers de la maison, (d'où le nom de William, Lopez etc etc) les trainers, les designs douteux (et pompés) de l’infâme Gerbaise on n’y touche pas, même avec un bâton. Forcément qui dit grosse marque dit gros parc de formes et de tailles, normalement si vous allez en boutique vous n’aurez pas de mal à trouver le chaussant idéal.

Points positifs

- Le cuir, le cuir, et encore le cuir.

- Des modèles iconiques (c’était ça ou j’allais remettre le cuir)

- Une bonne présence en boutique

Points négatifs

- Pléthores de modèles à éviter

- La qualité de fabrication est très en dessous de ce qu’on est en droit d’attendre à ce prix

Gaziano & Girling

G&G

Prix aux alentours de 1100€
Site Internet: https://www.gazianogirling.com/

Une alternative à Edward Green, pour continuer dans l’analogie de l’automobile Anglaise si Green sont Rolls, G&G sont Bentley. Vous avez une qualité de fabrication équivalente entre les deux marques, mais G&G ont des formes et un style plus racé, plus moderne tout en conservant tout de même un certain “British flair”. La gamme de prêt à porter s’est réduite, la marque mise de plus en plus sur le MTO et le bespoke. Le service MTO est d’ailleurs très poussé (en réalité, il en existe 2 mais leur offre Optimum lancée en 2021 dépasse allègrement les 3k€ et sort du contexte de ce guide) et vous laisse faire pratiquement tout ce que vous voulez. Il n’y a pas grand-chose à reprocher à la marque, les cuirs sont un peu en dessous de Green en prêt à porter, mais globalement c’est une offre qui est qualitativement similaire. Il n’existe pas de boutique Parisienne, mais la marque dispose d’un showroom à Londres sur Savile Row, si vous pouvez vous payer une paire, vous pouvez vous payer l’Eurostar. Un détail à noter, la marque propose un vaste panel de tailles et 3 largeurs, mais seule la largeur standard est disponible immédiatement. Il faut attendre 6 à 8 semaines pour une largeur D ou F, autant passer par le MTO.

Points positifs

- Très bonne qualité de fabrication

- Un équivalent plus flamboyant d’Edward Green

- Le service MTO de base est très poussé

Points négatifs

- L’offre en PAP est un peu limitée

- 3 largeurs en PAP, mais seulement la E est disponible immédiatement

- Pas de boutique en France

Aubercy

Aubercy

Prix aux alentours de 1200€
Site Internet: https://aubercy.com/

Pour ce qui concerne leur prêt à porter Aubercy est un private label, ce qui est relativement rare dans cette gamme de prix. Le fabricant est Enzo Bonafe, une marque Italienne tout à fait sérieuse. Il y a toujours eu une certaine forme de détestation envers Aubercy de la part des singes savants de l’internet, car oh mon Dieu c’est du cousu Blake. C’est bien évidemment un non-sens complet, et si le Blake vous dérange, faites poser un patin.... Aujourd’hui Aubercy a un cahier des charges exigeant, les chaussures sont bien fabriquées et le cuir est très bon. Si vraiment vous tenez impérativement à avoir un cousu trépointe, la marque propose ce montage en option (sur le PAP) pour un supplément de 200€. À voir avec eux si le cousu trépointe est intégralement fait main, ou partiellement machine, car ils parlent de « Goodyear trépointe » ce qui est une expression typiquement Italienne qui porte à confusion. Il faut savoir que les Italiens ont plusieurs acceptations de ce qu’est un cousu trépointe. (Mise à jour: il apparaît d'après un ancien employé que le cousu trépointe est bel et bien effectué intégralement à la main). Sinon j’ai toujours trouvé que le cuir de tige est un peu fin mais c’est également une caractéristique de l’esthétique de la marque, tout en finesse. Esthétique forte qui peut être clivante selon les modèles, la marque a une identité qui tire vraiment sur le dandysme. À vous de voir si cela vous convient ou non. Il est en revanche impossible de dire qu’Aubercy est insipide. En matière de chaussant la marque taille un peu petit et ne propose qu’une largeur standard pour le prêt à porter, mais il est possible sur demande spéciale d'avoir accès à d'autres largeurs.

Points positifs

- Bonne qualité de fabrication

- Cousu trépointe disponible contre supplément

- Très belle boutique Parisienne avec un excellent service

Point négatif

- Une esthétique clivante, parfois de mauvais goût

- Une seule largeur de disponible immédiatement en PAP, il faut prendre commande pour une largeur spécifique

Weston

Weston

Prix aux alentours de 900€
Site Internet: https://eu.jmweston.com/

Terminons par un sujet épineux, Weston. La marque est à mon avis en perdition depuis plusieurs années, les prix grimpent, la qualité baisse, les immondices se multiplient. D’ailleurs la marque enregistre des pertes de façon constante depuis maintenant 3 ans. Au final vous en avez de moins en moins pour votre argent, mais encore une fois, dans ce segment tarifaire, c’est un concept un peu vague. Sauf que Weston ne se trouvait pas vraiment dans ce segment tarifaire à l’origine… la marque a petit à petit fait son chemin vers les cimes du luxe pour le meilleur, du point de vue des actionnaires, et pour le pire, du point de vue des clients. Pour autant les cuirs restent bon, et ce qui fait surtout la force de la marque c’est son vaste parc de formes, de taille et de largeurs ainsi qu’un gros réseau de boutiques en France. C'est donc une destination évidente si vous avez les moyens et que vous êtes un néophyte Il y a également ses modèles iconiques, qui un peu comme Lobb génèrent toujours un gros attrait. D’ailleurs ce sont sur ces modèles qu’il faut rester, car le reste commence à franchement être d’un goût douteux.

Oh et tant que j'y suis l'image qui illustre cet article est "la chasse", n'espérez pas l'avoir aux alentours des 1000€...sauf à l'acheter en seconde main.

Points positifs

- Gros réseau de boutiques

- Beaucoup de choix niveau chaussants

Points négatifs

- Les prix en hausse constante

- La qualité en baisse constante

- De plus en plus de modèles immondes