Inspirations sartoriales sur Instagram : Mit1h

Avant-propos

Troisième article dans notre série "inspirations sartoriales sur Instagram". Si vous ne connaissez pas le principe, vous pouvez lire le premier article ici

Inspiration: Mit1h

Instagram: Mit1h

Mit1h 1

La tenue est assez remarquable car il porte une chemise grise de façon tout à fait naturelle.
L’alchimie est difficile à expliquer, le gris étant une couleur pour le moins difficile à porter pour une chemise. J’imagine que la matière est légèrement travaillée mais c’est surtout le jean bleach qui permet de porter une chemise pareille. Les mocs sont en velours clair, portés sans chaussettes comme il se doit en été. On remarque l’absence de ceinture, mais une ceinture en coton ou en cuir tressé peut être utilisée.

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Le polo gris est en revanche bien plus facile à porter et il se marie à merveille avec le beige ou l’ivoire, lesquels fonctionnent avec le violet. Je suis en revanche très sceptique sur la possibilité de porter une tenue pareille dans la vraie vie sans passer pour le clown de service. Autrement, tout est très bien coupé avec un boutonnage au bon endroit, le pantalon qui monte également à la bonne taille et qui emboite bien les hanches. La veste est à la bonne longueur (arrêtez de porter des vestes courtes comme celles des femmes, sauf si vous êtes vendeur chez un concessionnaire).

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Ce type de veste est en revanche bien plus adaptée à un jean. C’est idéal pour le printemps ou le début de l’été et même si vous êtes assez jeune ou que vous évoluez dans un milieu de gros ploucs vous ne ferez pas déguisé. A mon sens, c’est bien mieux d’assortir un jean à ce type de veste plutôt qu’à une veste marine (cliché de cadre quinqua qui veut faire « cool » (sic) tout en étant « classe » (sic) bien que la veste soit de plus en plus souvent remplacée par une doudoune imitation sac plastique). Ensuite, ce genre de veste tolère une très grande diversité de couleurs ou de pièces. Vous pouvez mettre toute sorte de chemise (rayures bleues, rouges, vertes…, de l’uni saumon, vert clair, marine, gris…) ou tenter un polo (encore une fois, la majorité des couleurs iront). Je doute que des sneakers minimalistes ou des espadrilles aillent ici en raison de la veste mais ça reste à voir, préférez des mocassins en veau velours sans chaussettes.

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Porter un pantalon taille haute et ample * n’est pas facile en l’absence de veste à moins d’avoir une très forte carrure avec des clavicules très longues pour que les épaules restent plus large que le bassin. Si malgré tout vous souhaitez porter un pantalon pareil sans veste : portez une chemise ample avec les manches retroussées juste avant les coudes comme ici et déboutonnez-la assez franchement comme ici afin de gagner le maximum d’ampleur afin de rééquilibrer la silhouette. Si cela ne suffit pas, vous pouvez porter la chemise en dehors du pantalon (uniquement possible si elle est suffisamment décontractée mais une OCBD suffit). Certes, vous perdrez les avantages visuels de la taille haute mais vous éviterez d’avoir la même allure qu’un vieillard incontinent.

*L’un va avec l’autre en général, bien que de plus en plus de marques de PAP tentent de refourguer des leggings avec un montant démesurément long pour s’engouffrer dans la hype du taille haute et malheureusement tout un tas de ploucs y adhèrent. Vous pouvez lire notre série “la bonne coupe” consacrée au pantalon pour en savoir plus sur ce sujet.

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A titre comparatif, le pantalon est plus ajusté. Il sied mieux à l’absence de veste.

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En revanche, problème inverse ici. La taille du pantalon est trop basse et il emboite mal les hanches. Le résultat est assez étrange, comme si on avait greffé des jambes d’enfants à un torse d’adulte.

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Deux enseignements à tirer : lorsque vous portez un croisé, il est possible de le rendre plus acceptable aux yeux des ploucs en le portant avec un col roulé ou un polo comme ici. Pour que l’effet escompté se produise, vous devez respecter un camaïeu (si votre veste est bleue, prenez un polo ou un col roulé bleu, si votre veste est grise, portez un polo gris ou un col roulé gris, etc) autrement vous allez de nouveau trancher et faire ressortir le croisé (ce qui se passe visuellement avec une chemise plus claire que le croisé). Veillez ensuite à ce que le polo ou le col roulé soit plus foncé. Ici la veste est bleue un peu foncé mais le polo est bleu marine. Si jamais la veste est gris moyen, vous pouvez porter un polo ou col roulé gris moyen, foncé ou carrément du noir.

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Le propos marche aussi pour toutes les vestes dont le tissu est très marqué. L’idéal est de les porter avec un polo ou un col roulé. Porté avec une chemise, un tissu de veste daté fera franchement vieillot et vous semblerez déguisé. En revanche, un col roulé ou un polo sont associés à la décontraction ou du moins à un degré de formalisme bien moindre qu’une chemise dans la tête des gens. Ce qui permet de porter des pièces plus datées en jouant sur le détournement au profit d’une certaine décontraction.

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Si vous souhaitez porter du bordeaux, violet etc, je pense que la meilleure solution est d’opter pour un cardigan comme ici.
Mis à part ça, la tenue procède d’une construction inversée par rapport aux codes classiques car le pantalon est plus foncé que la veste. Si jamais vous avez un pantalon couleur charbon, sachez qu’il se marie assez bien avec les vestes à motifs (PDG, chevrons, pieds de poule etc) peu importe la couleur des vestes (sauf le bleu clair ou moyen). Ici le chevrons gris fonctionne parfaitement mais veillez à ce que la veste soit un minimum texturée pour supporter le dépareillé. A mon sens, la tenue aurait mieux fonctionné sans le cardigan, la chemise étant blanche on pouvait en tirer profit.

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Un autre exemple d’un pantalon charbon et d’une veste à motifs. Association injustement sous-estimée. Le motif pouvant faire daté, tranchez avec une chemise en denim qui est plus actuelle. La pochette est en revanche superflue.

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La tenue est intéressante bien que je m’interroge sur la possibilité de porter une association pareille dans la vie quotidienne. Si vous voulez vous lancer dans l’aventure d’un pantalon pied de poule, c’est sans doute la bonne façon de le faire. La gabardine est assez longue et ample pour contrebalancer visuellement le pantalon. L’écharpe d’une couleur vive permet une nouvelle fois de détourner l’attention du pantalon mais on frise la tenue de clown. Quoi qu’il en soit, le choix de souliers chocolat me semble le plus adéquat pour calmer le pantalon et ajouter un peu de sobriété à cet ensemble détonnant.

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Remonter le col de la veste et nouer une écharpe par-dessus est assez récurrent chez lui. Pourquoi pas, faites-le si cela vous plaît.

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Le meilleur pour la fin : le costume est vraiment sublime. Commençons par le bas : le revers semble être entre 3 et 4cm, loin des gros revers de 5cm arborés sur des pantalons à l’ouverture de cheville de 16cm et feu de plancher le pantalon tombe correctement bien qu’un peu court (goût transalpin je suppose). Avec une pareille ampleur, on pouvait se laisser aller à faire casser le pantalon. Le pantalon est ample, monte haut (la ceinture correspond au boutonnage de la veste, comme il se doit), et emboite bien le bassin. La veste est longue (comme il se doit quand le pantalon est un véritable taille haute) avec des quartiers assez fermés. C’est également ce qui fait que les quartiers sont cohérents avec les revers. Vous pouvez lire notre article sur la “bonne coupe” consacré à la veste pour en savoir plus sur le sujet. La ligne d’épaule est parfaitement droite, et la manche assez large pour tomber correctement (sans mouler l’épaule).

Inspirations sartoriales sur Instagram : Alan See.

Avant-propos

Beaucoup de nos lecteurs nous demandent très régulièrement comment composer une tenue, si tel vêtement va bien avec un autre, si une composition est efficace ou non… Afin de vous donner quelques pistes nous avons décider de lancer une nouvelle série d'articles visant à commenter les tenues d’influenceurs et autres instagrameurs célèbres ou non. Ça permettra également de voir ce qu’ils font de bien, et ce qu’ils foirent complètement, mais que les ploucs approuvent quand même car à partir d’un certain nombre de followers, le bon sens et le bon goût deviennent facultatifs.

Inspiration: Alan See

Instagram: Alan See

Salut les petits ploucs. Flemme de faire une introduction, on passe directement aux photos.

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Ce costume croisé Caraceni présente une dernière rangée de boutons surélevée par rapport à un croisé normal, de façon à pouvoir le boutonner comme un 6x2 ou ici comme un 6x1. Ne tentez pas de boutonner votre 6x2 comme ici, les derniers boutons sont trop bas et le revers n’est pas adapté à un tel boutonnage. Cette configuration permet d’avoir une encolure assez fermée, tout en optimisant sa profondeur de façon à avoir une poitrine drapée et mise en avant (par rapport à la variante proposée par Cifonelli qui opte pour une petite poitrine). Cette configuration impose des épaules assez marquées pour contrebalancer la forte poitrine et être cohérente avec la virilité assumée de la coupe. Le cran sera également placé assez bas pour les mêmes raisons d’horizontalisation de la silhouette.

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Lorsque le croisé est boutonné comme un 6x2, on perd le drapé de la poitrine et on raccourcit le V formé par les revers. Visuellement tout est mis sur les épaules et les manches qui paraissent disproportionnées, comme si on avait greffé des bras de bodybuilder à un anorexique. Le résultat est presque cartoonesque.

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Les épaules plus douces et la manche affinée, le résultat est nettement plus cohérent. Au demeurant, l’accord entre un costume gris et une chemise à bâtons rouges est de bon aloi. Cravate marine unie de préférence.

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Intéressant pour plusieurs raisons. La chemise blanche est traditionnellement vue comme formelle mais dans un monde où le style classique est résiduel et où plus grand chose n’a de sens, que votre chemise soit blanche, bleue, rose ou à rayures peu importe : c’est une chemise et donc un vêtement très formel pour le plouc moyen. L’avantage est de pouvoir employer la chemise blanche en lieu et place d’une chemise plus décontractée (selon les canons classiques) comme une chemise bleue. Le blanc va trancher avec le camel du cardigan et le faire ressortir, et va également trancher avec le marine de la veste pour le renforcer. En renforçant les différentes couleurs, cela permet de se passer de cravate car la tenue sera suffisamment dynamisée par l’opposition entre le blanc et les autres couleurs. L’emploi du cardigan permet également de combler le vide laissé par l’absence de cravate. Pour bien réussir ce type de tenue, l’idéal est une OCBD blanche, un cardigan pas trop lisse (la laine est légèrement feutrée ici) et une veste en flanelle. Pour le pantalon vous pouvez opter pour un pantalon de flanelle grise ou un jean (le cardigan permettant accessoirement de faciliter la transition visuelle entre la taille un peu plus basse du jean et la veste en flanelle). Bien évidemment, ne mettez pas de pochette ou pire de foulard.

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Un costume gris peut s’avérer assez triste, sinon austère. Vous pouvez le raviver avec une traditionnelle pochette en lin blanc ainsi qu’une chemise à rayures et une cravate à motifs paisley. Mais ce qui se démarque ici, c’est le cardigan camel. Dans un précédent article, nous avions vanté le cardigan comme une pièce pouvant apporter de la couleur sans vous faire passer pour un clown ou un influenceur à 3-4K abonnés sur instagram *, c’est une nouvelle illustration de l’intérêt d’avoir une petite rotation de cardigans colorés (sans abus hein). Le cardigan camel égaye un costume assez austère et sans le dénaturer. Il permet également de porter des souliers marrons voire un peu bordeaux alors que sans ce cardigan le choix se serait plutôt porté sur des souliers noirs. Des souliers en veau velours pourrait également être employés.

* (vous voyez sans doute de qui on veut parler, le genre de mec à bander sur le style ivy et à spammer des tenues sans queue ni tête pour faire rire les copains et améliorer le recensement de l’algorithme instagram et gratter des partenariats avec des marques minables. Heureusement les photos de leurs chiards ou du week-end chez belle-maman dans la cambrousse nous donne un peu de répit.)

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Un autre exemple où cette fois le cardigan tranche moins avec le reste. La veste est croisée mais peut être laissée ouverte

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Ce n’est pas ma tasse de thé mais ça le sera surement de nos ploucs de lecteurs (on en voit des cons dans les commentaires). Le marine et le marron (surtout dans ce genre de teinte) fonctionne assez bien en général. J’ai quelques doutes sur l’opposition entre l’aspect mat du lin et le brillant de la soie de la cravate mais pourquoi pas. La chemise est assez forte visuellement mais le croisé permet de limiter son exposition (on y reviendra).

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J’ai une préférence pour cette tenue bien que la cravate soit très extravagante. La cravate est moins brillante et la couleur bordeaux des motifs se marie bien avec le marron du costume.

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A mon sens, c’est encore mieux. La cravate est assez mate grâce à la soie madder. Les couleurs sont harmonieuses et la chemise blanche permet une nouvelle fois d’offrir un fond neutre tout en ravivant les couleurs par le contraste offert.

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Le même effet se retrouve ici. La cravate est visuellement assez forte et le motif assez osé.

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L’avantage du gilet droit avec un boutonnage assez haut est qu’il limite l’exposition de la cravate. Si vous avez une cravate assez excentrique, limiter son exposition permet de la tempérer.

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Ultra classique et ultra efficace. La combinaison « blazer » (inutile de venir s’exciter dans les commentaires pour nous dire que la veste n’a pas de boutons en métal, on s’en branle) et pantalon de flanelle grise peut faire un peu datée mais le port d’un col roulé permet de rendre cette combinaison fort classique tout à fait actuelle. Bien que nos plus gros connards de lecteurs vont regretter l’absence de boutons en métal, des boutons en corne permettent de rendre la tenue plus contemporaine. On peut également se féliciter de l’emploi de chukka en veau velours marron qui vont bien avec la tenue : le daim va avec la flanelle, le marron renforce l’aspect décontracté et moderne de la tenue. Bref, si vous évoluez au milieu des ploucs et que vous voulez tenter de le dépareillé c’est une combinaison gagnante. Elle vous évitera d’être marqué comme le type bizarre qui n’a jamais vu de chatte de sa vie (profil qu’on imagine assez récurent chez nos lecteurs).

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Variante de la précédente mais plus habillée bien que la cravate soit un tricot. La cravate tranchant assez peu dans le cas présent, pensez à mettre une pochette blanche ou bleu clair (mais rien d’autre) pour égayer un peu la tenue. Si jamais la cravate est plus bariolée, évitez de mettre une pochette car elle sera surement de trop.

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Autre variante, mais cette fois avec une veste sport à motifs. Plus votre veste sera rustique dans sa texture et ses motifs, et plus il sera facile de la porter parmi les ploucs. Evitez la pochette. Un jean peut être plus indiqué car le pantalon de flanelle et la veste rustique risquent de faire désuet.

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L’association d’un jean brut et d’un col roulé noir avec ce type de veste me parait bien plus adéquat pour les moins de 30 ans. Notez qu’une chemise à rayures (bleues ou rouges) vont également très bien avec un jean bleach si vous souhaitez porter une veste dans les tons beiges ou marrons.

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Le polo peut également remplacer un col roulé. Je doute qu’on vous accuse d’en faire trop.

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Encore une fois, l’idéal reste la chemise blanche (sans pochette ni cravate) si vous avez une veste texturée et sur une base gris / beige. Le pantalon sera charbon ou beige. Raffiné sans tomber dans le sartorialisme de pacotille.

Anatomie de la cravate

Avant-propos

Cet article n’a pas pour vocation d’être une anthologie de la cravate, mais plutôt une réflexion sur l’objet, ses qualités et sa fabrication. Il ne va pas s’agir de débattre de l’utilité ou non de la cravate ou de sa place dans le vestiaire masculin, je laisse ça aux branlettes en cercle de forums.

Rapide histoire de l’objet.

La cravate est un accessoire moderne puisqu’elle apparaît, sous la forme qu’on lui connaît aujourd’hui, au début du 20ème siècle. En effet, le premier dépôt de brevet d’une cravate moderne similaire à ce qui se fait aujourd’hui remonte à 1922 et a été fait par l’américain Jesse Langsdorf. Notez que Langsdorf ne prétend pas avoir inventé la cravate, il a simplement amélioré ce qui existait déjà. Dans les pays anglo-saxons les hommes portaient souvent le four-in-hand qui était déjà une forme de cravate et qui aujourd’hui fait surtout référence à un type de nœud. De la même façon en France la régate était déjà un accessoire proche de la cravate actuelle. Le brevet de Langsdorf vise surtout à améliorer la durabilité et la tenue des four-in-hand en faisant en sorte que la souplesse de la triplure soit en adéquation avec celle de l’enveloppe. Il suggère pour cela l’utilisation de matériaux appropriés et coupés “on the bias” autrement dit, à un angle de 45°. Vous en savez maintenant assez pour briller dans les dîners mondains de la capitale, vous pouvez glisser cette anecdote au détour d’une discussion sur votre prochaine faillite frauduleuse ou entre deux petits fours. Ça impressionnera bien Karen cette riche américaine récemment divorcée d’un avocat devenu impuissant.

Schéma explicatif déposé par Jesse Langsdorf pour son brevet. (Source: Google patents)
Schéma explicatif déposé par Jesse Langsdorf pour son brevet. (Source: Google patents)
Une photo datant de 1890 illustrant le "four-in-hand". La différence avec la cravate moderne tient surtout dans le processus de fabrication.  (Source: photosmadeperfect)
Une photo datant de 1890 illustrant le "four-in-hand". La différence avec la cravate moderne tient surtout dans le processus de fabrication. (Source: photosmadeperfect)
Une page provenant d'un catalogue du magasin B. Altman & Company illustrant au milieu les nouveaux "four-in-hand". (Source: Harvard Library)
Une page provenant d'un catalogue du magasin B. Altman & Company illustrant au milieu les nouveaux "four-in-hand". (Source: Harvard Library)

Les critères de qualité, entre magie noire et science textile.

Contrairement à un soulier, probablement l'un des éléments les plus complexes du vestiaire masculin ou à une veste, il est très facile de décortiquer une cravate. Après tout, il ne s'agit que de tissu replié sur lui-même et cousu avec du fil. On ne parle donc pas exactement d'un élément qui nécessite un diplôme en physique nucléaire pour être compris. Pour autant, il serait trop simple de limiter la cravate à cette définition, il s'agit en réalité d'un élément plus complexe qu'il n'y paraît. Pas nécessairement dans sa fabrication, mais plus souvent dans ce qui fait ses qualités.

La cravate est un accessoire qui est par définition fasciste, de par sa connotation élitiste bien sûr, mais surtout elle élève au rang de qualité des critères que d'aucuns jugeront comme subjectifs alors qu'ils sont objectifs. Tout d'abord il y a la beauté du tissu, ses motifs et ses couleurs. Par exemple une cravate ornée d'un 7 démesuré dans des tons criards donnera immédiatement à son porteur l'apparence d'un gros plouc. Une cravate doit ensuite fournir un tombé qui soit satisfaisant, critère particulièrement abscons qui tient plus du vaudou que de la science dure, nous avons tous des cravates qui sont des gagneuses de peu de foi et refusent de produire le nœud qui leur a été demandé, tous les sacrifices humains du monde n'y changeront rien. Il y a aussi les cravates gauchistes, qui forment des nœuds impeccables car le tissu semble suivre comme un mouton vos mouvements, mais qui sont incapables de rester nouées convenablement, trahissant ainsi leur nature hypocrite, perfide et probablement pédophile. Enfin comme une femme battue, une cravate doit être capable de retrouver rapidement sa forme initiale, peu importe la façon dont vous la maltraitez, si la moindre occasion se présente elle doit être capable de cacher les atrocités que vous lui avez fait subir la veille afin d'avoir l'air présentable en public et de vous éviter des questions embarrassantes.

Le genre de cravate à éviter, sauf si vous voulez être le roi des ploucs. (Source: Delsignore)
Le genre de cravate à éviter, sauf si vous voulez être le roi des ploucs. (Source: Delsignore)
Une cravate objectivement atroce. Le porteur marque son appartenance à la communauté des iGents en laissant bien dépasser le petit pan. C'est un peu leur "code foulard".  (Source:rincondecaballeros)
Une cravate objectivement atroce. Le porteur marque son appartenance à la communauté des iGents en laissant bien dépasser le petit pan. C'est un peu leur "code foulard". (Source:rincondecaballeros)

La dichotomie commerciale, la belle cravate ou la cravate idéale?

Comme vous l'avez sûrement remarqué dans notre paragraphe précédent, les critères que nous retenons pour une bonne cravate ne sont pas des critères qui tiennent à la fabrication de la cravate, mais à sa tenue et à son apparence. Car comme il a été expliqué, c'est très con à fabriquer une cravate. N'importe qui peut le faire, ou presque. Munissez-vous du livre, “Custom Making Neckties at Home” achetez du tissu, du fil et des aiguilles et vous pouvez vous improviser maître cravatier es enculade. Avec un peu de chance, vous serez invité sur le talk show le plus célèbre de St Florentin. Un million d’abonnés selon lui, 170 000 selon la préfecture. Car bien qu'il soit très facile de comprendre comment est fait une cravate, personne ne prend vraiment la peine de le faire, et il est aisé à n'importe quel arnaqueur de devenir la coqueluche de toutes les influences sans trop d'effort. Plus d’information là-dessus dans un prochain article qui sera particulièrement savoureux.

La cravate est en réalité l'un des rares domaines dans lequel, cher ne veut pas nécessairement dire “mieux”. Alors évidement, il n'est pas question de dire que les cravates luisantes en polyester fabriquées en masse dans les pays du tiers monde sont meilleures que les cravates fabriquées à la main dans les ateliers Italiens par mama Rossa, le lecteur étant souvent distrait et parfois un peu con, il a tendance à extrapoler, il est donc bon de préciser ces évidences. Néanmoins les cravates des grands noms sont souvent plus des machines à marge qu'autre chose. Vous achetez avant tout un bel objet, cela ne veut pas pour autant dire que cet objet fera des nœuds impeccables ou qu'il aura un impact sur votre style proportionnel à son prix. De toute façon, la majorité des gens ne verront pas la différence entre une cravate Brooks Brothers et une Charvet et même les attar... génies des forums ne sont pas capables de faire la différence entre une véritable cravate E.Marinella, d'une contrefaçon. La preuve qu'il s'agit avant tout d'une question de perception et non de qualité intrinsèque.

Comment est fabriquée une cravate ?

Les différentes parties de la cravate et leurs matériaux.

Tout d’abord il faut comprendre qu’une cravate est généralement composée de trois parties : l’enveloppe, la doublure et la triplure. C’est le principe, et comme tout principe il y a des exceptions, certaines cravates ne sont pas doublées ou triplées, voire les deux à la fois.

Laine, cachemire, donegal tweed. Un simple exemple de matières disponibles. Notez que ces cravates 3 plis ne sont pas doublées. (Source: Styleforum)
Laine, cachemire, donegal tweed. Un simple exemple de matières disponibles. Notez que ces cravates 3 plis ne sont pas doublées. (Source: Styleforum)
L’enveloppe

L'extérieur de la cravate s'appelle donc l'enveloppe. Il est préférable que cette dernière soit fabriquée avec des fibres naturelles (soie, laine, cachemire, lin…) plutôt que des fibres chimiques (polyester, polyamide...). Non que cela ait un quelconque rapport avec l’écologie, je m'en tamponne les amygdales à coup de klaxon, il s’agit simplement d’une question de bonne tenue du tissu.

Mais cela n'est pas suffisant pour parler d’une “bonne cravate” il existe en effet différentes qualités de soies, de laines, etc... et toutes ne se valent pas loin de là. Dans le cadre de la soie par exemple il faut prendre en compte le poids, le détail du tissage, la qualité et la précision de l’impression. Non qu'une soie imprimée de façon industrielle soit meilleure qu'une soie imprimée par cadrage, au niveau de la tenue de votre nœud c’est du pareil au même, en revanche la différence est à chercher du côté du prix de vente et du marketing qui est fait autour. Vient ensuite la question de l'exclusivité du motif, un sujet que j’ai toujours trouvé particulièrement risible et qui est bien souvent l’apanage des ploucs les plus flamboyants, en général un grand nombre d’entre eux postent sur Style Forum ou Instagram pensant être les nouveaux Cary Grant. Les soieries et autres fabricants d’étoffes disposent tous d’une vaste librairie de motifs à leur disposition, certains “exclusifs” d’autres anciens, en fait il en existe tout simplement une quantité illimitée. Il est parfaitement ridicule de chercher “LE” motif parfait, ou original ou je ne sais quelle autre fadaise pour montrer votre individualité fantasmée quand on sait que les motifs sont copiés, refabriqués, dupliqué, modifiés en permanence et cela depuis des décennies. Si vous voulez impérativement le motif Hermès petit pingouin numéro 605988TA de je ne sais quelle année, votre existence est très certainement misérable. Que vous vouliez accorder le motif à votre tenue, c’est très bien, que vous vouliez achetez un motif uniquement parce qu’il est “rare” ou “vintage” c’est très con.

Le genre de motif enfantin qui hurle: "je fais ma crise de milieu de vie et je me crois drôle" ou pire  "je suis un membre de l’intelligentsia française et un kiddy fiddler". (Source: Grailed)
Le genre de motif enfantin qui hurle: "je fais ma crise de milieu de vie et je me crois drôle" ou pire "je suis un membre de l’intelligentsia française et un kiddy fiddler". (Source: Grailed)
En 1977, le président égyptien Anouar el-Sadate devient le premier dirigeant arabe à effectuer une visite officielle en Israël. Il arbore pour l’occasion une cravate au motif représentant le symbole universel de la paix et de l’amour chez les hindous, démontrant son fin flair sartorial ainsi que sa volonté de normaliser les relations entre les deux pays. (Source: Reddit)
En 1977, le président égyptien Anouar el-Sadate devient le premier dirigeant arabe à effectuer une visite officielle en Israël. Il arbore pour l’occasion une cravate au motif représentant le symbole universel de la paix et de l’amour chez les hindous, démontrant son fin flair sartorial ainsi que sa volonté de normaliser les relations entre les deux pays. (Source: Reddit)

L’enveloppe de la cravate est le plus souvent fabriquée en plusieurs parties, généralement entre deux et trois mais il existe parfois des cravates fabriquées en une seule pièce. La raison principale derrière le nombre de parties qui composent l’enveloppe est plus économique qu’autre chose, cela a une influence sur l’optimisation du patronage à la coupe et sur la taille de la pièce de tissu d’origine. Contrairement au cuir où le coupeur doit lever sa peau avec attention (dans le cadre de l’artisanat) afin d’éviter les défauts, un tissu ne présente pas les mêmes difficultés et de fait est beaucoup plus facile à travailler tout en générant moins de chutes. Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas d’imperfections sur les rouleaux de tissus, elles sont simplement beaucoup moins courantes.

Cette photo illustre parfaitement comment le tissu est utilisé à la découpe. En fonction du placement des différents patrons il est possible d'éviter au maximum les chutes et donc d'augmenter la rentabilité. (Source: Quarantalocatelli)
Cette photo illustre parfaitement comment le tissu est utilisé à la découpe. En fonction du placement des différents patrons il est possible d'éviter au maximum les chutes et donc d'augmenter la rentabilité. (Source: Quarantalocatelli)
Une cravate réalisée en deux parties, reconnaissable à la couture unique sur l'endroit. (Source: Sartorialisme)
Une cravate réalisée en deux parties, reconnaissable à la couture unique sur l'endroit. (Source: Sartorialisme)
Une cravate réalisée en trois parties, reconnaissable aux deux coutures sur l'endroit. (Source: Sartorialisme)
Une cravate réalisée en trois parties, reconnaissable aux deux coutures sur l'endroit. (Source: Sartorialisme)
La doublure

La doublure est visible sur le grand pan et sur le petit pan une fois la cravate mise à l’envers. Elle peut être réalisée dans le même tissu que l’enveloppe. On parle alors de self tipping. Ce morceau de tissu provient dans la grande majorité des chutes à la coupe et n’est donc pas facteur d’un coût supplémentaire, il s’agit au contraire d’une économie. Il est donc amusant de voir que certaines marques via l’intermédiaire des influenceuses fassent passer cela pour une finition de luxe coûteuse à réaliser. Il existe également des cravates sans doublures, également appelées untipped.
Certaines cravates utilisent une doublure dans un autre tissu que celui de la cravate, parfois en fibres synthétiques, très honnêtement cela ne change pas grand-chose à la qualité de la cravate, la seule différence encore une fois se jouera sur le babillage ennuyeux qu’on appelle “communication” ou encore enculage de mouches. Ça plait aux ploucs il paraît, la preuve certains blogs ne font que ça.

Une cravate en grenadine de soie avec doublure. (Source: Poszetka)
Une cravate en grenadine de soie avec doublure. (Source: Poszetka)
Une cravate en grenadine de soie, cette fois sans doublure. (Source: kydos)
Une cravate en grenadine de soie, cette fois sans doublure. (Source: kydos)
La triplure

La triplure est l’élément qui permet à la cravate de maintenir sa souplesse et son élasticité, tout en lui donnant la tenue voulue. C'est elle qui lui donne vraiment corps et d’ailleurs les Italiens qui aiment en faire des tonnes pour pas grand-chose appellent parfois cette partie “l’anima”, l’âme. Bon, ils l’appellent aussi “teletta” que l’on peut traduire par l’entoilage mais c’est tout de suite moins vendeur. La matière choisie pour la triplure est donc un point particulièrement important, traditionnellement la triplure est faite en laine, parfois en soie voire en coton. Il existe bien évidement de très nombreuses variations en fonction du résultat voulu, le poids, le tissage vont donc changer en fonction des objectifs que le fabricant cherche à accomplir. L’essentiel étant de faire correspondre les caractéristiques de la triplure avec celles de l’enveloppe. Par exemple les soies fines s’accommodent mal d’une triplure trop épaisse. En général toutes les cravates trois plis ont une triplure, au moins au niveau de l’encolure mais voilà, toutes les cravates n’ont pas de triplure. Si l’on suit la logique des Italiens, toutes les cravates n’ont donc pas d’âme. Un peu comme les roux quoi, surtout celui de B… oups je m’égare. Je disais donc que toutes les cravates n’ont pas de triplure. Les cravates sept plis en sont parfois dépourvues puisqu’elles réclament plus de tissus pour leur fabrication, il n’est pas forcément nécessaire de rajouter du poids via la triplure. Dans un sens c’est un pied de nez assez amusant fait par le vocabulaire. Certaines cravates sept plis sont donc sans âmes, alors qu’elles sont de loin les modèles les plus snobs… un juste retour de bâton au non-sens du marketing. Nous reviendrons sur les cravates sept plis un peu plus loin.

Un choix de triplures avec des compositions différentes. (Source: Artlining)
Un choix de triplures avec des compositions différentes. (Source: Artlining)
Installation d'une triplure à la main chez Drake's. (Source: Spitalfieldslife)
Installation d'une triplure à la main chez Drake's. (Source: Spitalfieldslife)
La même étape mais plus avancée. (Source: Spitalfieldslife)
La même étape mais plus avancée. (Source: Spitalfieldslife)

Les méthodes de fabrication.

Toutes les cravates ne suivent pas la même méthode de fabrication. Il y a plusieurs façons de procéder, comme pour les chaussures l’industrie aime perpétuer ses petits mensonges et faire croire au tout artisanal, la réalité est assez souvent autre. Pour faire simple disons qu’il y a trois façons de faire. La première et la plus artisanale est évidement la fabrication à la main. Il y a ensuite la fabrication semi mécanisée où certaines étapes sont faites à la main et d’autres à la machine. Et enfin il y a la production totalement mécanisée. Comme pour les souliers ou les costumes vous allez donc retrouver un certain nombre de fabricants qui vont se vanter d’une fabrication entièrement à la main, pour en réalité être essentiellement mécanisée.

Les machines de Brooks Brothers qui coupent la soie au laser viennent certainement de Dominion, vous n’avez donc aucune raison de douter de la mention “fait main”. (Source: Youtube)
Les machines de Brooks Brothers qui coupent la soie au laser viennent certainement de Dominion, vous n’avez donc aucune raison de douter de la mention “fait main”. (Source: Youtube)

Nous n’allons pas entrer dans les détails de fabrication, car il est impossible de synthétiser les différentes méthodes de production entre l’artisanat le plus traditionnel et l’industrialisation intégrale il existe un monde de différence et tout un lot de techniques qui mélangent les deux. Sachez simplement qu’il existe trois grandes étapes de fabrication, le coupage, l’assemblage et le repassage. Normalement la coupe s'effectue à 45° par rapport au sens des fibres du tissu, pour permettre à la cravate de facilement retrouver sa forme et afin d’éviter qu'elle ne se vrille une fois nouée. Plus on peut obtenir de cravates à partir d'un rouleau de tissu, moins elles sont chères à produire, ce qui explique à la fois la tendance des cravates “skinny” de ploucs, et pourquoi certaines marques ne coupent pas en biais. Dans le cadre d’une cravate sept plis une marque comme Drake’s réalise deux cravates par bloc de soie. D’après eux en ne coupant pas en biais ils pourraient réaliser le double de cravates par bloc de soie, donc quatre. Toujours chez Drake’s n’imaginez pas que le coupeur s’amuse à couper chaque cravate une par une, jusqu’à cinquante “feuilles” de soie sont coupées simultanément ce qui est un exercice assez délicat à réaliser. C’est pourquoi la coupe est maintenant très largement automatisée et peu de marques font cela à la main. Il en va de même avec l’assemblage, il est encore parfois réalisé à la main mais cela fait bien longtemps que beaucoup de fabricants prestigieux ou non ont recours à la LIBA, une machine qui se charge de l’entoilage des cravates.
Comme dans toute industrie de confection, l’excellence dans la maîtrise et la réalisation de chacune des étapes de fabrication va distinguer les bonnes usines des mauvaises.

Découpe de la soie à la main chez Drake's. Notez l'orientation du patron à 45°.  (Source: Spitalfieldslife)
Découpe de la soie à la main chez Drake's. Notez l'orientation du patron à 45°. (Source: Spitalfieldslife)
Toujours chez Brooks Brothers, “handcrafted in Queens” alors que l’entoilage est fait à la LIBA. Ce n’est pas l’utilisation de machines qui est gênant, mais l’usurpation de la mention “fait main”. L’usurpation, un problème qui semble courant ces derniers temps outre-Atlantique. (Source : Youtube)
Toujours chez Brooks Brothers, “handcrafted in Queens” alors que l’entoilage est fait à la LIBA. Ce n’est pas l’utilisation de machines qui est gênant, mais l’usurpation de la mention “fait main”. L’usurpation, un problème qui semble courant ces derniers temps outre-Atlantique. (Source : Youtube)
Certains ateliers vont jusqu'à coudre les étiquettes à la main. (Source: Timeslessman).
Certains ateliers vont jusqu'à coudre les étiquettes à la main. (Source: Timeslessman).

Les finitions manuelles ou l’art du décorum superflu.

Il existe pléthore de finitions et autres arguments marketing qui sont avancés par les marques bien souvent pour justifier un prix de vente plus élevé, et qui ont en général peu ou pas du tout d’impact sur la qualité finale du produit. L’objectif est avant tout de générer de l’attrait “artisanal” pour un objet qui devient de plus en plus marginal dans le vestiaire d’aujourd’hui. Cela permet de faire fonctionner le commerce et de brosser le plouc dans le sens du poil puisqu’il a l’impression d’acheter un objet “rare”. Je n’ai absolument rien contre le superflu, le beau inutile et tout autre finition qui n’a pour finalité que l’embellissement de l’objet, après tout je m’extasie bien devant des roulettes d’emboitage. Mais il faut bien comprendre une fois pour toute que l’objectif est ici purement marketing et ne vise qu’à embellir l’objet. Les conséquences sur la qualité sont négligeables voire inexistantes malgré ce que peut avancer la clique d’influenceuses habituelle.

Voici quelques exemples de finitions futiles mais belles:

- Le roulottage à la main. Une finition très populaire ce qui en soi devrait déjà être une bonne indication qu’elle n’est pas si difficile à réaliser. Il est toujours amusant d’entendre parler de “finitions exclusives” alors qu’elles sont très répandues. Pour information une roulotteuse expérimentée ne passe pas plus d’une à deux minutes maximum pour faire un roulottage à la main. Il n’existe d’ailleurs pas de modification congénitale qui empêcherait les Chinois de roulotter aussi bien que les Italiens, vous avez donc potentiellement un milliard de roulotteurs dans le monde, cqfd.

Roulottage main sur une cravate Calabrese 1924. (Source: Zampa di gallina)
Roulottage main sur une cravate Calabrese 1924. (Source: Zampa di gallina)

- Arrêt de la dernière couture avec un fil de friction, il s’agit d’une petite longueur de fil qui dépasse pour pouvoir retendre le fil et donc la cravate. Parfois le fil forme une simple boucle parfois il est agrémenté d’un bouton, ou même d’une décoration. Je n’ai jamais eu à retendre mes cravates mais peut être que je ne traîne pas dans les bons cercles.

Fil de friction sur une cravate Shibumi Firenze. Notez que le roulottage est également fait main. (Source: Shibumi Firenze)
Fil de friction sur une cravate Shibumi Firenze. Notez que le roulottage est également fait main. (Source: Shibumi Firenze)
Juste pour le plaisir, voici une finition inutile supplémentaire, le travetto aux couleurs du drapeau Italien. (Source: Lanieri)
Juste pour le plaisir, voici une finition inutile supplémentaire, le travetto aux couleurs du drapeau Italien. (Source: Lanieri)

Enfin comment ne pas parler de l’un des “nouveaux” arguments de vente et d’inflation des prix, la multiplication des plis.

La cravate que l’on connaît aujourd’hui ne comporte historiquement que trois plis. La multiplication du nombre de plis est une invention récente. Il existe un nombre incalculable d’histoires sur l’apparition des cravates sept plis toutes plus improbables les unes que les autres. C’est le propre du monde des “élégants”, s’inventer une histoire est quelque chose de très courant dans le milieu, cela passe parfois des changements de patronymes. d’Olga Squeri on devient Olga Berluti, de Massimo Caiselli on devient Massimo Cifonelli. Certain s’inventent des clients prestigieux, des vies antérieures, d’autres ont des délires de noblesse, ou s’inventent des compétences qu’ils n’ont pas. D’apiéceur on devient tailleur, d’alcoolique dépressif on devient bottier formé chez Bemer. Vous l’avez compris, le révisionnisme est une pratique courante dans le milieu.
Certains attribuent l’apparition des cravates sept plis à une pénurie de triplure dans l’Italie d’après-guerre. D’autres disent que la technique est ancestrale mais avait disparue parce que les nonnes qui les fabriquaient avaient cessé de les produire. Dans les années 80, Robert Talbott racontait dans le cadre d'une campagne de marketing pour sa nouvelle ligne de cravate sept plis qu’il aurait "redécouvert" cette technique perdue depuis longtemps lorsqu'il a rencontré Lydia Grayson, une immigrée yougoslave qui les fabriquait aux alentours de 1920. Certains aurait vu des publicités pour des sept plis dans des magazines américains des années 30, mais leurs photos sont toujours floues. Luca Rubinacci lui, les a vues dans une révélation que la Sainte Vierge lui a fait alors qu’il comptait ses millions…bref on ne sait pas d’où ça vient, juste que ça sert à faire de la thune.

Les cravates sept plis peuvent être doublées comme celles de chez E.Marinella ou juste roulottées comme celles de chez Arnys ou de Ralph Lauren. Elles utilisent plus de tissus que les cravates normales et demandent plus de travail au niveau du pliage. La réalité est qu’elles permettent de tromper le plouc en lui expliquant que plus il y a de plis, mieux c’est. Le raisonnement numérique prévaut et comme pour les laines et leur “super 100, 120, 130…” le chaland va penser qu’il est l’homme du 21ème siècle si à la place d’une 3 plis on lui propose une 7 plis. Ou une 9 plis. Voire une 12 plis. La seule limite étant la crédulité du client et le niveau de fumisterie du vendeur. Les deux étants infinis j’annonce en exclusivité pour Sartorialisme le lancement de notre collection de cravates 77 plis au prix “très serré” de 3250 euros. Cheers les cons.

Une sept plis de chez Turnbull & Asser (Source: turnbullandasser)
Une sept plis de chez Turnbull & Asser (Source: turnbullandasser)
Un patron pour cravate sept plis. La multiplication du nombre de plis demande plus de tissus. (Source: Tieatie)
Un patron pour cravate sept plis. La multiplication du nombre de plis demande plus de tissus. (Source: Tieatie)