Les risques du métier, le prix de la passion

Avant-propos

Mai 2023 est un mois qui a été marqué par la disparition du compagnon Stéphane Jimenez à l’âge de 54 ans. Mais également par les disparitions de Jason Amesbury, bottier indépendant et ancien de John Lobb St James, Enzo Bonafé fondateur de la marque Italienne portant son nom, et de Javier Sendra Navarro, propriétaire de l’usine Andrès Sendra utilisée par de nombreux private labels. Nous adressons bien évidemment nos plus sincères condoléances à leurs familles, ainsi qu’à leurs proches.

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Stéphane Jimenez, Enzo Bonafé, Javier Sendra Navarro (photo en bas à gauche, à droite) et Jason Amesbury (photo en bas à droite, à gauche). Sur ces 4 décès, 3 peuvent être qualifiés de prématurés. J'ai vu beaucoup d'incompréhension suite à ces disparitions, incompréhension qui tient à une méconnaissance des métiers du cuir.

Cet article sera l’occasion d’explorer un aspect méconnu des métiers du cuir en général et de la botterie en particulier, à savoir les risques auxquels sont confrontés ces professionnels notamment, les risques de cancer, maladie qui a également emporté Stéphano Bemer il y a maintenant une dizaine d’année. Il sera succinct, factuel et assez neutre car je n’ai pas spécialement envie de rire.

C’est un sujet délicat à aborder car morbide et qui bien évidemment ne sera jamais traité par les influenceurs, ou les publications promotionnelles type the Rake ou Pointure car la mort n’est point glamour. Néanmoins nous nous sommes faits pour spécialité d’aborder les sujets délaissés par les autres et il est à notre avis important d’expliquer rapidement aux lecteurs que derrière une profession souvent perçue comme “magique” se cache une réalité malheureusement pas toujours rose.

Tout métier comporte son lot de risques plus ou moins sérieux, ceux du cuir ne font donc pas exception. Les risques ne sont pas les mêmes au niveau de l’artisanat et de l’industrie mais il y a bien souvent des parallèles. Les risques peuvent être regroupés en 3 grandes catégories, il y a les troubles musculo-squelettiques liés à la répétitivité des tâches, il y a les accidents liés à l’utilisation de machines ou d’outils, et enfin les risques liés à l’exposition à des produits nocifs pour la santé. En industrie on pourrait également parler des risques liés à l’exposition au bruit. L'utilisation de machines, en particulier dans les usines de chaussures, peut générer des niveaux de bruit très élevés. Une exposition prolongée à un bruit excessif peut entraîner une perte d'audition et d'autres problèmes auditifs. C’est pour cette raison que les ouvriers doivent porter des protections auditives appropriées, telles que des bouchons d'oreille ou des casques antibruit. Ce risque est relativement inexistant en artisanat, encore que… pour ceux qui travaillent en musique… je plaisante évidemment.

Nous allons maintenant aborder ces catégories en fonction de leur dangerosité.

Les Troubles Musculo-Squelettiques liés au travail

Dans la botterie, la chaussure industrielle, la maroquinerie et plus généralement dans tout métier de production le travail repose sur l’exécution de tâches répétitives. Les ouvriers et artisans doivent couper, coudre, se pencher etc etc. Ces tâches répétitives peuvent ensuite être sources de divers problèmes (syndrome du canal carpien, tendinite, syndrome du défilé thoraco-brachial, le syndrome de la tension cervicale…). Très honnêtement ce genre de risques se rencontrent dans beaucoup de métiers, même les employés de bureaux n’y sont pas étrangers. Une bonne posture, la mise en place de postes de travail ergonomiques, la fourniture d'outils et d'équipements appropriés et la promotion de pauses peuvent contribuer à réduire les risques. Ces derniers, sans être particulièrement élevés peuvent toutefois avoir un impact significatif sur la qualité de vie. Je peux vous garantir qu’après avoir passé une heure sur une couture petit point ou 3 h sur la couture en point sellier d’un sac vous le sentez passer. Ce qui explique en partie le prix élevé de ces prestations, vous payez un peu de sueur.

Les risques liés à l’utilisation de machines ou d’outils

Les fabricants de chaussures, les bottiers, les maroquiniers etc travaillent souvent avec des machines et des outils divers, tels que des machines à coudre, des machines à découper et des outils manuels (très) tranchants. Une mauvaise manipulation ou des mesures de sécurité inadéquates peuvent entraîner des accidents, tels que des coupures très sévères, ou des perforations (tout artisan qui se doit s’est déjà enfoncé une alêne dans un doigt ou dans une paume… ça fait partie de l’initiation). Il circule dans les ateliers de nombreuses anecdotes sur untel ou untel qui s’est coupé avec un couteau à parer ou qui s’est tapé sur les doigts avec un marteau. En général, ce sont des accidents mineurs qui forment la jeunesse et qui font rentrer le métier. Les risques liés à l’utilisation de machines sont plus présents en industrie qu’en artisanat. Toutefois ça n’est pas totalement vrai, la majorité des artisans utilisent des machines à parer, qui sont à traiter avec beaucoup de respect. Leur manquer de respect c’est courir le risque de perdre un ou plusieurs doigts.

Le couteau rond (flèche rouge) utilisé par les pareuses mécaniques est très tranchant et tourne très vite. Ici le couvercle de protection a été retiré pour exposer le couteau, il serait suicidaire d'utiliser la machine ainsi.
Le couteau rond (flèche rouge) utilisé par les pareuses mécaniques est très tranchant et tourne très vite. Ici le couvercle de protection a été retiré pour exposer le couteau, il serait suicidaire d'utiliser la machine ainsi.

Exposition à des produits nocifs

Nous entrons là dans le domaine qui est possiblement le moins connu du grand public. Les métiers du cuir impliquent l'utilisation de divers produits chimiques potentiellement toxiques. Bien évidemment tout le monde connaît les risques qui sont posés par les tanneries. Mais c’est là un exemple parmi tant d’autres. Les produits d’entretien pour le cuir, même ceux de Saphir, ne sont pas sans dangers, loin de là. Et puis il existe les solvants, entre autres, qui font partie du quotidien de nombreux professionnels du cuir, des bottiers en passant par les maroquiniers, tous sont en contact plus ou moins régulier avec. Une exposition prolongée à toutes ces substances peut entraîner des irritations de la peau, des problèmes respiratoires, mais surtout des problèmes de santé à long terme et notamment des cancers. Il y a eu beaucoup de changements, particulièrement dans le domaine des colles. Il existe aujourd’hui des colles de contact à base aqueuse qui sont sans dangers et qui sont de plus en plus utilisées. En revanche, ces colles ne sont pas les plus durables. Autrefois il existait des colles fortes, c'est-à-dire une colle d'origine animale qui nécessitait d'être chauffée au bain-marie pour être utilisée. Il existait également de la colle caoutchouc, qui pouvait (vraiment) très facilement s’enflammer. Aujourd’hui en industrie l’encollage est fait dans un espace bien ventilé, et est de plus en plus réalisé par une machine. Il faut en revanche noter que la colle qui est la plus utilisée en botterie ou en maroquinerie artisanale est la colle néoprène, qui produit des vapeurs particulièrement nocives et qui est également inflammable.

Les précautions de sécurité à prendre lors de l'utilisation du Renomat de Saphir. Au mieux les gens pensent à mettre des gants, mais c'est tout.
Les précautions de sécurité à prendre lors de l'utilisation du Renomat de Saphir. Au mieux les gens pensent à mettre des gants, mais c'est tout.
Les risques liés à l'exposition au Renomat. Ça n'est qu'un exemple, et bien évidemment, c'est sur la durée que cette exposition devient problématique.
Les risques liés à l'exposition au Renomat. Ça n'est qu'un exemple, et bien évidemment, c'est sur la durée que cette exposition devient problématique.

L’autre produit nocif auquel personne ne pense, c’est le cuir lui-même. Les teintures anilines utilisées dans le cuir et en réalité de nombreux produits utilisés lors du tannage et de la finition du cuir sont excessivement cancérigènes. De fait, la poussière et les particules de cuir (tannage végétal comme au chrome) sont elles aussi cancérigènes. Le processus de coupe, de ponçage et de finition du cuir génère de la poussière et des particules très volatiles, qui peuvent être inhalées et causer des problèmes respiratoires et malheureusement des cancers. Il existe de nombreuses études sur le sujet (ici, ou encore ) qui démontrent toutes un risque accru de cancers du poumon, de l’estomac… Les principaux responsables de cancers parmi les ouvriers fabricant des chaussures et les bottiers sont les solvants et la poussière de cuir. Ce phénomène est bien connu de la médecine, mais il l’est moins du grand public.

Le verrage, parage, la réalisation d'un mur gravé, le coupage.... toutes ces étapes génèrent de la poussière de cuir comme vous pouvez le voir dans cette image. Poussière dont la nocivité est ignorée par beaucoup.
Le verrage, parage, la réalisation d'un mur gravé, le coupage.... toutes ces étapes génèrent de la poussière de cuir comme vous pouvez le voir dans cette image. Poussière dont la nocivité est ignorée par beaucoup.
Pareil ici dans cette opération de cadrage qui sert à la préparation pour la pose d'un patin. Les cordonniers ne sont pas à oublier, ils sont autant exposés que les autres.
Pareil ici dans cette opération de cadrage qui sert à la préparation pour la pose d'un patin. Les cordonniers ne sont pas à oublier, ils sont autant exposés que les autres.
Un banc de cordonnier, la quantité de poussière et de particules est beaucoup plus évidente ici. Et encore, j'ai vu pire.
Un banc de cordonnier, la quantité de poussière et de particules est beaucoup plus évidente ici. Et encore, j'ai vu pire.

Conclusion

Nombre de professionnels des métiers du cuir sont au courant de ces risques et les acceptent. La passion des bottiers et des maroquiniers pour leur métier est bien souvent immense et ils ne l’échangeraient pour rien au monde. Leur souci du détail, leur créativité et leur engagement envers l'excellence continueront d'inspirer les générations futures pour les métiers manuels du cuir, qui sont pourtant en train de disparaître. Stéphane Jimenez était un véritable artiste du métier, un maître artisan dont les mains agiles créaient des chaussures d'une beauté et d'une qualité exceptionnelle. Son dévouement à son art était palpable dans chaque paire de chaussures qu'il fabriquait. Chaque couture, chaque détail était exécuté avec une précision méticuleuse, témoignant de son amour et de son expertise inégalée. À tous les jeunes qui s’intéressent aux métiers du cuir, sachez qu’il y a parfois un prix à payer pour cette passion. À tous les clients, ne vous plaigniez pas qu’un artisan du cuir est “cher”, vous payez pour du sang, de la sueur et un monde qui est en voie de disparition.

Méthodes de fabrication dans la maroquinerie: les finitions de tranche

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Avant-propos

Voilà un sujet qui pourrait paraître bien trivial, pourquoi alors lui consacrer un article ? Tout simplement car nous nous sommes aperçus avec notre article « état des lieux dans la maroquinerie » que beaucoup de gens n’avaient pas la moindre idée de comment est fabriqué la maroquinerie et ignorent plus ou moins ce qui permet de différencier les produits ou de déterminer leur valeur.

En maroquinerie les tranches ne sont normalement pas laissées nues, car en plus d’être inesthétique cela diminue la longévité du produit final. Je dis bien normalement car vous trouverez toujours des escrocs qui sous prétexte de “rusticité” vendent des produits volontairement mal fabriqués ou à moitié terminés. Ce genre de ploucs pullulent sur Youtube, je ne compte pas le nombre de gogoles qui se prétendent “artisans” parce qu’ils mettent du Tokonole sur des tranches et frottent un peu fort ou qui font des vidéos ultra pute à clic “comment fabriquer un portefeuille Hermès pour $70”. Notez que c’est rigolo de se moquer d’Hermès, encore faut-il en avoir les moyens. Cela vaut également pour la multitude d’entreprises de maroquinerie industrielle (en private label ou non) qui existe en France et qui avec leurs produits bâclés “haut de gamme” s’adresse aux bobos urbains.

La finition des tranches en maroquinerie est une étape particulièrement importante car elle permet dans certains cas de juger immédiatement de l’attention au détail qui est portée à un produit et donc de sa qualité. C’est donc un “outil” intéressant pour le consommateur, puisque de nos jours les grands groupes du luxe pratiquent des prix toujours plus exorbitants pour leur maroquinerie. Est-ce que vous payez pour du savoir-faire et de la finesse ou est-ce que vous payez avant tout une image ? Bien évidemment cette question est rhétorique et nous savons tous que la plus grande part du prix est constitué par la marque. Néanmoins, quels sont les fabricants qui vous prennent pour des dindons complets (souvent à juste titre), et ceux qui ne se foutent pas totalement de votre tronche ? Les marques savent parfaitement le temps qu’il faut pour réaliser des belles tranches, mais elles savent également que la majorité des clients ignorent ce point quand ils ne s’en foutent pas tout simplement, obnubilés qu’ils peuvent être par un logo et le soi-disant prestige social qu’il apporte.

Il existe différentes façons de finir les tranches (également appelées bords, sinon ça va devenir monotone) et chacune a ses avantages et inconvénients. Bien évidement toutes ces finitions ne se valent pas, il existe, comme pour tout, une hiérarchie. Certaines demandent plus de temps et de minuties que d’autres, certaines sont plus ou moins industrialisées. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il faille tout observer sur le plan de la technique, certaines finitions peuvent être choisie en raison de leur aspect esthétique ou en raison de contraintes techniques, le tout est de faire preuve de cohérence dans le choix de la finition et surtout de l’exécuter proprement. Le problème c’est que ça n’est bien souvent pas le cas. Car la finitions des tranches est une étape chronophage, et bien évidemment le temps c’est de l’argent. Et d’un coup, vous trouvez LE point commun entre la maroquinerie en private label pour bobos urbains et celle des marques du luxe : des tranches nazes. En même temps, comme tout ça sort bien souvent des mêmes usines, ça n’est guère surprenant.

Évolution des finitions

Traditionnellement la maroquinerie utilisait le rembord, une technique qui consiste à amincir le cuir et le “replier” sur lui-même afin de cacher la tranche, alors que la sellerie utilisait le bord franc, une technique où la coupe, l’arrête du cuir si vous préférez, est visible et est ensuite finie soit à la teinture soit via diverses techniques tels que le brunissage, une action qui vise à lisser les tranches par friction. Aujourd’hui cette distinction n’a plus lieu d’être car le bord franc est devenu extrêmement courant dans la maroquinerie et c’est pour cette raison que nous allons l’aborder en premier. D’ailleurs ne vous étonnez pas si cet article est excessivement disproportionné, le bord franc étant devenu LA norme dans la maroquinerie nous allons parler abondamment de celui-ci, notamment de sa version peinte qui est de loin la finition la plus utilisée de nos jours. Nous n’allons d’ailleurs pas (du tout) aborder toutes les jointures, les bords et les assemblages qui existent, nous allons nous concentrer sur ce que vous allez rencontrer essentiellement en maroquinerie fine.

Nous allons commencer par illustrer ce changement de « mode » afin de vous permettre de cerner de quoi il est question dans cet article.

Selle Hermès utilisant le bord franc, le bord traditionnellement utilisé en sellerie. (Source : artcurial)
Selle Hermès utilisant le bord franc, le bord traditionnellement utilisé en sellerie. (Source : artcurial)
Portefeuille du XVIIIe siècle avec un rembord très fin. Source : fleuronducuir)
Portefeuille du XVIIIe siècle avec un rembord très fin. Source : fleuronducuir)
Maroquinerie pour femme dans un catalogue de 1910, comme finition de tranche vous n’avez que du rembord. (Source : bnf)
Maroquinerie pour femme dans un catalogue de 1910, comme finition de tranche vous n’avez que du rembord. (Source : bnf)
Un portefeuille en crocodile de fabrication industrielle datant des années 50, avec un rembord. (Source: Sartorialisme)
Un portefeuille en crocodile de fabrication industrielle datant des années 50, avec un rembord. (Source: Sartorialisme)
Petite maroquinerie pour femme Cartier, de nos jours vous avez essentiellement du bord franc, c’est le cas sur tous les objets dans cette image. (Source : Cartier)
Petite maroquinerie pour femme Cartier, de nos jours vous avez essentiellement du bord franc, c’est le cas sur tous les objets dans cette image. (Source : Cartier)

La raison de l’apparition du bord franc en maroquinerie est assez simple et est liée à l’invention de la peinture de tranche, nous allons revenir là-dessus dans un instant.

Le bord franc

Le bord franc n’est pas à proprement parler une finition en elle-même puisqu’il désigne avant tout une tranche dont on voit la coupe.

Illustration concrète de ce qu’est un bord franc pour ceux qui ont un peu de mal, c’est une tranche nue où vous pouvez voir les différentes épaisseurs de cuir. Sur cette tranche une finition doit être appliquée. (Source : Sartorialisme)
Illustration concrète de ce qu’est un bord franc pour ceux qui ont un peu de mal, c’est une tranche nue où vous pouvez voir les différentes épaisseurs de cuir. Sur cette tranche une finition doit être appliquée. (Source : Sartorialisme)

Nous allons regrouper dans cette catégorie toutes les finitions qui peuvent être appliquées sur un bord franc. Il existe essentiellement deux grandes familles de finitions que l’on peut réaliser sur un bord franc. Il y la peinture de tranche et le lissage (également appelé brunissage). Nous allons commencer par parler de la peinture de tranche.

La peinture de tranche

Tout d’abord il est important de clarifier un point de vocabulaire, nous parlons bien de peinture de tranche, et non de teinture de tranche. Et il ne s’agit pas d’un point de détail de l’histoire mais bien d’une explication importante, car il est également possible de teindre les tranches, mais il s’agit alors d’une autre finition utilisant un produit différent. Je précise car les fabricants de peinture de tranche vendent souvent leur produit sous la dénomination de “teinture” de tranche, mensonge ensuite répété par littéralement TOUTE l’industrie, les revendeurs, les grands groupes du luxe, les private labels nazes, et bien évidemment nos experts en expertise favoris : les influenceurs. (Coucou les cons). Concrètement la différence entre une peinture et une teinture tient en leur pouvoir couvrant. La peinture de tranche vient recouvrir les fibres du cuir, les pigments sont déposés sur le cuir, qu’ils ne pénètrent donc pas. C’est d’ailleurs là le défaut principal de cette finition, qui peut littéralement se détacher de la tranche comme une vulgaire peau de saucisson. La teinture quant à elle est un colorant (à base aqueuse ou alcoolique) qui vient pénétrer les fibres du cuir. Contrairement à la peinture, la teinture ne se dépose pas sur le cuir, elle rentre dans les fibres et ne peut donc pas être “pelée”.

Les revendeurs parlent de “teinture de tranche”. (Source: cuirenstock)
Les revendeurs parlent de “teinture de tranche”. (Source: cuirenstock)
Cartier parle de “teinture de tranche” et propose même un service de réparation.  (Source: Cartier)
Cartier parle de “teinture de tranche” et propose même un service de réparation. (Source: Cartier)
Et enfin les influenceurs, ici Valérien Cuck, parlent également de “teinture de tranche”. Au passage 10 minutes pour l’application, c’est le temps qu’il faut en industrie, le produit est présenté comme artisanal... (Source: jamaisvulgaire)
Et enfin les influenceurs, ici Valérien Cuck, parlent également de “teinture de tranche”. Au passage 10 minutes pour l’application, c’est le temps qu’il faut en industrie, le produit est présenté comme artisanal... (Source: jamaisvulgaire)

La raison derrière ce mensonge éhonté de toute une industrie est facile à comprendre et tient tout simplement à l’image. Dans la tête du clampin lambda, la peinture s’applique sur un mur ou sur une toile, pas sur un sac Hermès à 8000€. Voilà, c’est tout. Il ne faut pas chercher plus loin. Le marché de la maroquinerie fait preuve d’une extrême préciosité notamment chez les industriels du luxe, qui tentent de justifier leurs marges exorbitantes d’une façon ou d’une autre. Alors on enjolive et tel Didier qui se change en Brigitte la peinture devient miraculeusement de la teinture. C’est juste du folklore grammatical, tout le monde utilise de la peinture. Les gens achètent de l’image alors autant leur servir des fables, ils adorent ça. Notez que cette “confusion” est également présente chez les Anglophones même si ces derniers parlent beaucoup plus ouvertement “d’edge paint”, l’un des rares cas où ils sont moins puritains que les francophones dans leur langage.

Avant d’aborder en quoi consiste la peinture de tranche nous allons expliquer rapidement d’où elle vient. Nous expliquions qu’historiquement la finition de tranche la plus commune de la maroquinerie était le rembord. Le rembord c’est deux mille cinq cents ans de civilisation occidentale, le Parthénon, l’Odyssée, Versailles, Haendel. Or les rembords sont difficiles et donc chronophage à réaliser. C’est dans l’optique d’accélérer les cadences de production que la peinture de tranche a été développée. Seulement, la peinture de tranche c’est le Mal. Tout comme le diable, elle vous susurre à l’oreille : je suis progrès ; je suis modernité ; je suis séduction. Vois ma facilité d’utilisation, admire mes teintes chatoyantes. Sans surprise, c’est aujourd’hui devenu l’une des finitions les plus chiantes et surtout les plus consommatrices en temps si on veut qu’elle soit effectuée correctement, ce qui est un amusant cas d’hétérotélie. Beaucoup de marques ne prennent donc pas la peine de finir leurs tranches proprement et vous rient à la gueule avec leurs bords dégueulasses.

La peinture de tranche est un produit bien souvent de base acrylique mélangé à de la cire et à divers produits qui varient en fonction du fabricant. Peu importe qu’il s’agisse de Giardini, Uniters, Stahl, Fenice, ce sont toutes des putes. Car une fois à l’œuvre la peinture de tranche révèle sa vraie nature : rétive sous l’homme, hypocrite avec l’applicateur, chafouine avec le support, tortillant sans cesse du cul, incapable de décider si elle va se poser ici où là. Bien évidemment, certaines sont plus putes que d’autres. Giardini est la plus vicelarde du lot. Uniters et Stalh, les plus dociles. Fenice, entre les deux. Mais ça n’est pas tout, non seulement la peinture de tranche est une pute, mais c’est une pute de luxe : elle ne tolère pas la médiocrité. Elle exige le mariage en blanc, même après 30 ans de rue Saint-Denis. La peinture de tranche s’applique lors d’un long processus contenant plusieurs étapes dont l’astiquage (ça n’est pas sale). Nous allons vous expliquez cela en détails.

La longueur du processus est l’une des raisons pour laquelle la vaste majorité des tranches peintes que vous allez trouver sur le marché sont médiocres, puisque pour économiser du temps de plus en plus de marques utilisent des machines, qui ne donnent pas un bon résultat. Mais il faut aussi prendre en considération que l’opération demande également de la minutie. Il existe d’ailleurs des astuces chez les industriels du luxe (Vuitton et compagnie) afin de faciliter la tâche à leur main d’œuvre d’handicapés mais chaque chose en son temps. Il est bien évident que chaque entreprise (et chaque artisan) à sa propre façon de procéder, car vous l’ignorez certainement, mais les fabricants de ces peintures de Satan sont assez vagues quant à la façon dont vous êtes censés les utiliser. Il s’est dès lors développé une sorte de religion secrète de l’application de la peinture de tranche à mi-chemin entre le culte de Cthulhu et le maraboutage qui promet santé + réussite + retour de l'être aimé en 24 h Chrono. Sérieusement, je ne compte plus le nombre de tutoriaux, conseils, astuces et autres trucs que l’on voit passer sur le sujet. Il est donc entendu que je ne présente pas ma manière de faire, mais celle qui est plus ou moins la plus répandue au sein des adorateurs de ChtulUniters. Tout d’abord, il faut préparer les tranches et agiter légèrement les fibres du cuir avec du papier de verre. Ensuite vous pouvez optez pour l’application d’une sous-couche spéciale (un primer), mais même là, ça n’est pas un choix qui est canon. Certaines liturgies l’imposent, d’autres l’interdisent. Une fois la sous-couche appliquée, vous pouvez mettre votre première couche de peinture. À partir de là trois étapes principales se succèdent et vont se répéter jusqu’à l’obtention du résultat désiré. Il faut poncer la peinture, la lisser à l’aide d’un fer à fileter et enfin appliquer une nouvelle couche. C’est cela qu’on appelle l’astiquage. Vous devez répéter ces 3 opérations, dans cet ordre jusqu’à obtenir un bord qui soit légèrement bombé et lisse au toucher comme à la vue. Il n’est pas rare de devoir répéter toutes ces opérations au moins 3 ou 4 fois de suite. Tout en laissant le temps à la peinture de sécher entre les différentes couches, ce qui peut prendre 40 minutes pour la première couche et 20 minutes pour les couches suivantes. Et forcément, la peinture étant comme nous l’avons établi une pute, s’il fait froid et humide dans votre atelier la durée de séchage peut être multipliée par deux.

Application d'une peinture de tranche à la main. (Source: ksblade)
Application d'une peinture de tranche à la main. (Source: ksblade)
La tranche de notre porte-carte, entièrement réalisé à la main. (Source: Sartorialisme)
La tranche de notre porte-carte, entièrement réalisé à la main. (Source: Sartorialisme)

Bien évidemment, toutes des étapes répétitives, ces histoires de séchage interminable c’est du temps perdu. Et le temps perdu c’est de l’argent qui n’est pas gagné, et donc de l’essence en moins dans les jets des grands de ce monde. Et de l’essence en moins c’est autant moins d’occasion pour eux de se rendre à leurs ballets ros… pardon, parties fin… euh, non, galas de charité, c’est ça le mot que je cherchais. Quelle tristesse. Aujourd’hui la vaste majorité des usines (petites comme grandes) sont équipées dans le but d’automatiser au maximum le processus de peinture des tranches. Des accélérateurs sont ajoutés aux peintures afin de les faire sécher plus vite, des agents chimiques sont ajoutés pour bomber les tranches artificiellement (on parle de bombeur de tranche), des fours permettent ensuite d’expédier encore plus rapidement le processus, et même l’application de la peinture est déléguée aux machines.
Le problème, c’est que le résultat n’est pas terrible… certes, ça aide la main-d’œuvre sans savoir-faire mais c’est du vite fait mal fait. Hermès fait un peu plus attention que les autres, mais ça n’est pas pour autant toujours parfait. Le pire c’est bien souvent “les petits ateliers de Normandie” des private labels, comprendre par-là les petites usines qui ne sont pas parvenues à faire de la sous-traitance par Vuitton. Ils n’ont bien souvent ni le matériel dernier cri ni le temps (ou la capacité humaine) de bien faire et vous obtenez souvent quelque chose de proprement risible.

Un parfait exemple d’application industrielle des tranches. Ces images proviennent du même atelier et permettent donc de juger du résultat obtenu. C’est particulièrement criant sur la tranche bleue claire qui n’est absolument pas uniforme avec ses creux, ses bosses...
Un parfait exemple d’application industrielle des tranches. Ces images proviennent du même atelier et permettent donc de juger du résultat obtenu. C’est particulièrement criant sur la tranche bleue claire qui n’est absolument pas uniforme avec ses creux, ses bosses...
Vous avez bien évidemment une grande variété de machines, certaines sont sophistiquées, d’autres moins. (Source: gallipolycolor)
Vous avez bien évidemment une grande variété de machines, certaines sont sophistiquées, d’autres moins. (Source: gallipolycolor)
Petit florilège de tranches nazes. Avec dans l’ordre, Lotuff et une superbe tranchée digne de la guerre 14. Hermès, porte feuille à plus de 8000€, dans l’absolu le résultat est correct, mais pour le prix on distingue quand même très nettement un sillon sur le bord de la languette, un problème très courant chez toutes les marques. John Lobb, là aussi irrégularité générale et superbe sillon central. Enfin mention spéciale pour el famoso Vuitton, qui mélange les styles avec sillon, pâtés, coulures, et irrégularités.
Petit florilège de tranches nazes. Avec dans l’ordre, Lotuff et une superbe tranchée digne de la guerre 14. Hermès, porte feuille à plus de 8000€, dans l’absolu le résultat est correct, mais pour le prix on distingue quand même très nettement un sillon sur le bord de la languette, un problème très courant chez toutes les marques. John Lobb, là aussi irrégularité générale et superbe sillon central. Enfin mention spéciale pour el famoso Vuitton, qui mélange les styles avec sillon, pâtés, coulures, et irrégularités.
Mais qu’en est-il des “petits-ateliers” de Normandie, de Paris ou de nos private labels adorés ? Bah c’est pareil. Là aussi dans l’ordre, Valet de pique donne dans le sillon de profondeur agraire. Guibert appliquent leur peinture à la truelle et en font littéralement un boudin, on n’est plus dans la maroquinerie mais dans la charcuterie. Léon Flan, pardon, Léon Flam font des photos floues en espérant cacher la misère, mais on voit quand même bien les sillons et les pâtés, et enfin, on termine par BG avec un travail pratiquement aussi sale que Vuitton.
Mais qu’en est-il des “petits-ateliers” de Normandie, de Paris ou de nos private labels adorés ? Bah c’est pareil. Là aussi dans l’ordre, Valet de pique donne dans le sillon de profondeur agraire. Guibert appliquent leur peinture à la truelle et en font littéralement un boudin, on n’est plus dans la maroquinerie mais dans la charcuterie. Léon Flan, pardon, Léon Flam font des photos floues en espérant cacher la misère, mais on voit quand même bien les sillons et les pâtés, et enfin, on termine par BG avec un travail pratiquement aussi sale que Vuitton.
Pour référence, des tranches ultra vénères en artisanat, c’est ça. Travail de Steven Wu.
Pour référence, des tranches ultra vénères en artisanat, c’est ça. Travail de Steven Wu.
On notre quand même que chez Hermès, plus le prix est élevé, plus ils font un effort, les tranches du Kelly par exemple c’est ça : 
C’est loin d’être parfait, et pour le prix c’est toujours aussi abusif, mais au moins ils essayent. En général, chez les autres marques, plus l’objet est gros plus les tranches sont grossières.  (Source: Hermès)
On notre quand même que chez Hermès, plus le prix est élevé, plus ils font un effort, les tranches du Kelly par exemple c’est ça : C’est loin d’être parfait, et pour le prix c’est toujours aussi abusif, mais au moins ils essayent. En général, chez les autres marques, plus l’objet est gros plus les tranches sont grossières. (Source: Hermès)

Chez les industriels, même industrialisée cette étape peut mobiliser jusqu’à 1/3 du temps de production à elle seule. Si vous pensez que c’est beaucoup, gardez en mémoire que c’est relatif, car ils ne passent vraiment pas beaucoup de temps sur les autres étapes. TOUT est automatisé ou presque. Néanmoins, comme ils doivent tenir des cadences infernales c’est cette raison qui les pousse à expédier l’astiquage. Ce qui ne les empêche pas de revendiquer tout le contraire dans leur communication.

Application d’une peinture de tranche à la machine chez Chanel dans les ateliers Verneuil. (Source: Chanel)
Application d’une peinture de tranche à la machine chez Chanel dans les ateliers Verneuil. (Source: Chanel)
Un bombeur de tranche. C’est un produit qui essaye d’imiter le rendu bombé de plusieurs couches de peinture. L’idée est intéressante, mais en réalité c’est un produit qui décuple le risque de voir la peinture s’enlever comme une pelure. (Source: decocuir)
Un bombeur de tranche. C’est un produit qui essaye d’imiter le rendu bombé de plusieurs couches de peinture. L’idée est intéressante, mais en réalité c’est un produit qui décuple le risque de voir la peinture s’enlever comme une pelure. (Source: decocuir)
Un portefeuille avec le syndrome de la "pelure de saucisson", un problème courant avec la peinture de tranche. (Source: Reddit)
Un portefeuille avec le syndrome de la "pelure de saucisson", un problème courant avec la peinture de tranche. (Source: Reddit)
Même chose chez Vuitton, avec la peinture de tranche qui commence à peler là où les tensions sont fortes. Le problème ne va qu'empirer. (Source: purseblog)
Même chose chez Vuitton, avec la peinture de tranche qui commence à peler là où les tensions sont fortes. Le problème ne va qu'empirer. (Source: purseblog)

Bien qu’elle soit devenue le contraire de ce qu’elle était originalement prévue pour, à savoir un produit rapide à appliquer, la peinture de tranche présente quand même de nombreux avantages. Certes, elle est difficile à utiliser mais elle n’en demeure pas moins très pratique. D’un point de vue technique, c’est une finition qui est extrêmement versatile qui trouve très facilement sa place sur n’importe quel objet de maroquinerie. C’est également une finition qui se soumet extrêmement bien aux réparations et qui permet une grande flexibilité dans le choix des couleurs (vous pouvez par exemple partir sur des couleurs contrastantes, ce qu’un rembord ne permet pas) et de la brillance. Elle est également assez résistante à l’eau et salissures. Enfin c’est une finition qui est applicable sur le cuir tanné au chrome, cuir qui ne se prête pas au brunissage qui est la finition que nous allons aborder maintenant.

À partir d’un bord franc vous pouvez aussi décider de simplement teindre les tranches et de les lisser, à condition que le cuir soit au tannage végétal.

Le lissage des tranches

Le lissage des tranches, également appelé brunissage, est une finition qui est effectuée avec de la gomme adragante, ou des dérivés, tels que la gomme arabique, le tokonole, de la colle de farine, voire tout simplement de l’eau. Il est possible au préalable de teindre les tranches, avec de la teinture qui va pénétrer les fibres en profondeur ou vous pouvez les laisser brutes. On parle de brunissage car sous l’effet de la friction la tranche va s’assombrir et se polir, donnant au cuir une teinte foncée.

C’est une finition que l’on rencontre majoritairement sur la maroquinerie dite “rustique” même s’il est possible de la trouver chez des artisans de maroquinerie fine, c’est en revanche une finition qui est assez rare en maroquinerie industrielle. Le lissage des tranches comporte un avantage majeur, il s’agit d’une technique très facile à maitriser et le résultat est pratiquement instantané. C’est de loin celle qui demande le moins de savoir-faire. À partir d’un bord franc vous appliquez un peu de gomme et vous frottez avec un chiffon ou un brunissoir. Le brunissage a l’avantage de produire des bords extrêmement brillants, façon glaçage miroir sur des souliers. En revanche cette brillance ne perdure pas dans le temps. Au contact de l’humidité et des frottements elle s’estompe extrêmement rapidement (on parle en semaine voire jours) et vous vous retrouvez rapidement avec un bord mat. Il existe certaines techniques qui permettent de maintenir cette brillance plus longtemps mais le but est de vous permettre de comprendre ce que vous achetez, pas de donner des conseils gratuits à tous les amateurs du travail du cuir.

Une tranche lissée avec un effet miroir très impressionnant mais qui ne va pas durer dans le temps.  (Source: reddit)
Une tranche lissée avec un effet miroir très impressionnant mais qui ne va pas durer dans le temps. (Source: reddit)
Lissage des tranches au Tokonole, un produit de hipster par excellence. Non qu’il soit mauvais, mais la hype autours me dépasse totalement. (Source: aacrak)
Lissage des tranches au Tokonole, un produit de hipster par excellence. Non qu’il soit mauvais, mais la hype autours me dépasse totalement. (Source: aacrak)

Le rembord

Nous l’avons déjà dit, le rembord est la finition la plus traditionnelle qui soit dès que l’on parle de maroquinerie de luxe. Le rembord était virtuellement présent sur toutes les pièces de maroquinerie de luxe du début du 20ème siècle. En raison de sa technicité il a petit à petit laissé place à la peinture de tranche. Certaines marques de maroquinerie industrielle comme Chanel utilise encore énormément le rembord car cela correspond à l’image un peu “vintage” et vaguement “traditionnelle” qu’elle souhaite donner à ses produits. C’est une finition qui est simple à comprendre, il s’agit tout simplement de parer le cuir et de le rabattre sur lui-même afin de former une sorte d’ourlet. L’intérêt de cette finition repose dans l’uniformité et la continuité visuelle qu’elle permet. Vous avez un produit qui utilise le même cuir sur sa face avant et sur ses tranches ce qui est esthétiquement plaisant. En revanche le rembord est assez sensible aux frottements et il est difficile à réparer. Prise individuellement cette finition n’est plus indicative d’un savoir-faire particulièrement poussé car elle a beaucoup perdu de sa superbe, notamment en raison de la mécanisation de la maroquinerie. C’est donc une finition que l’on trouve indifféremment sur de la maroquinerie industrielle comme traditionnelle. Traditionnellement le rembord demande un bon niveau de compétence et était effectué intégralement à la main (ou avec une pareuse mécanique). Cela demandait de la minutie, notamment en coins. Aujourd’hui il existe des rembordeuses automatiques. Ce n’est donc pas en regardant uniquement un rembord que vous allez pouvoir vous faire une idée sur la qualité d’une pièce. Il est toutefois important de noter que bien qu’il existe des rembordeuses automatiques, ces dernières ne permettent pas de toujours d’effectuer un rembord en raison de contraintes techniques, certains industriels font donc toujours des rembords mains quand ils n’ont pas le choix. Mais en général, tout le travail de préparation aura déjà été fait en amont.

Un rembord fait main. (Source: fingersstyle)
Un rembord fait main. (Source: fingersstyle)
 Il existe aujourd’hui des machines à remborder (Source: francecuir)
Il existe aujourd’hui des machines à remborder (Source: francecuir)
Le rembord permet une belle continuité visuelle. (Source: Chanel)
Le rembord permet une belle continuité visuelle. (Source: Chanel)

Le bord à cheval

Le bord à cheval est une finition que l’on voit assez souvent sur les sacs, notamment au niveau de l’ouverture mais pas seulement, elle se retrouve dans la bagagerie, dans la sellerie et parfois même en botterie. Il s’agit simplement de masquer le bord par une autre pièce de cuir placée dessus “à cheval”. C’est une finition très facile à mettre en place, c’est d’ailleurs là son intérêt principal. En revanche comme c’est une finition souvent utilisée à des endroits exposés à des frottements importants (ouvrir/fermer le sac, chercher dedans etc etc) elle a tendance à s’user assez vite, d’autant plus vite que peu de gens entretiennent correctement leur maroquinerie. C’est une finition un peu à double tranchant car elle s’use vite et n’est pas facile à réparer, en revanche son remplacement intégral est relativement simple à réaliser, d’où son intérêt. Elle permet également une grande diversité dans le choix des couleurs, puisque vous pouvez partir sur des cuirs contrastants ou non. C’est une finition que l’on retrouve parfois sur la petite maroquinerie, même si c’est assez rare. Elle est employée par les industriels comme les artisans, sauf que les industriels n’hésitent pas à utiliser des matières synthétiques plutôt que du cuir…

Exemple typique de bord à cheval sur un sac Vuitton. (Source: LVMH)
Exemple typique de bord à cheval sur un sac Vuitton. (Source: LVMH)

Conclusion

Les tranches sont l'une des nombreuses finitions qui sont totalement bâclées en industrie, peu importe la marque. L'industrialisation de la maroquinerie permet de diminuer le temps de production, mais c'est au détriment du soin qui est apporté aux produits. Autant il est compréhensible que pour des produits utilitaires cela ne soit pas dramatique, mais TOUTES les marques évoquées dans cet se targuent de faire du “luxe”, même quand elles n'en font pas.

Comment faire de l’argent avec des déchets. Ou pourquoi le cuir blanc est une immondice

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Avant-propos

Aujourd’hui il est très facile pour une marque de faire de l’argent en recyclant des déchets. Et non, je ne parle pas d’écologie mais plutôt de la façon dont certaines marques utilisent des produits bas de gamme et qui par un subtil jeu de communication le transforment en produit de luxe à la mode. En soi la stratégie n’est pas nouvelle, elle est même très bien rodée, c’est pour ainsi dire la base de l’industrie du luxe depuis les années 70 et à juger par les fortunes amassées par les quelques noms du milieu, c’est une voie excessivement lucrative. C’est également la tendance actuelle dans le tekouère, cette mode qui consiste à vendre aux petits bobos écolos du marais des vêtements supposés permettre de partir en OPEX ou à la conquête de l’Everest. Il faudra d’ailleurs qu’on m’explique cette propension qu’on les écolos hypocondriaque des villes à acheter du tekouère fabriqué avec du polytétrafluoroéthylène, du polyester, et autres polyéthers, des matériaux très éco-responsables, fabriqués dans des pays très impliqués dans la sauvegarde de l’environnement, dans des conditions probablement ultra nettes. Même si je sais très bien qu’ils ont des arguments tout trouvés “non mais en fait les matériaux viennent du recyclage“, ce qui nous ramène à notre point de départ, ils vendent bien des déchets au prix de l’or. Entre nous, l’un des intérêts du tekouère, du point de vue des fabricants de matériau est de pouvoir breveter leurs nouvelles trouvailles et leurs isolants magiques, le reste hein ils s’en foutent bien. Mais comme ce sont des marques cool et rigolotes, le bobo est content. Comment est-ce que je sais que ce sont des marques cools et rigolotes ? Elles le disent elles-mêmes. Connaissez-vous “Sympatex” ? C’est réputé dans le milieu et leur nom est un mot-valise qui vient de l’assemblage entre “sympathetic” et “textiles”. Comment ne pas leur faire confiance ?

Un autre déchet que l’on croise assez souvent chez les bobos urbains sont les sneakers en cuir blanc. Ce qui ne me dérange pas plus que cela tant qu’elles sont vendues à des prix normaux mais dès qu’on essaye de les refourguer à des prix plus élevés, ça coince, surtout si c’est sous prétexte d’avoir utilisé un cuir de qualité. Tout simplement car le cuir blanc c’est jamais “de qualité” et peu importe là où vous le trouvez : que ce soit des spectators voire pire…. des mocassins… ou de la maroquinerie, le cuir blanc est une engeance. Car le cuir blanc, c’est comme les licornes, ou le yéti, ça n’existe pas. Le cuir blanc c’est une illusion, une chimère, comme les sourcils d’Edouard Philippe, une minute ils sont là, le lendemain ils ont disparus. Ont-ils seulement jamais existé ? Le cuir blanc c’est comme l’assimilation, ça ne fonctionne que dans la tête de ceux qui y croient. Est-ce que quelqu’un a déjà réellement vu du cuir blanc ? C’est comme la bête du Gévaudan. Certains disent l’avoir croisé, mais de loin, tard le soir, par une nuit de pleine lune. Le cuir blanc, c’est comme l’hétérosexualité de Manu 1er, une perpétuelle quête… de la quéquette.

Le cuir n’est tout simplement pas fait pour être blanc, le cuir au tannage végétal naturel a une couleur un peu pêche, le cuir tanné au chrome est bleuté, quand le cuir est blanc c’est qu’il est aussi artificiel qu’un sourire Colgate, il sonne faux comme un journaliste et vieillit comme une starlette hollywoodienne botoxée qui a dépassé sa date de péremption. Le cuir blanc c’est un discours de campagne, du vent et des promesses sans aucune substance. Le cuir blanc, chez Hermès, c’est une erreur de casting entre le craie et le gris perle, c’est une occasion manquée de montrer qu’on a du goût, une preuve de cécité, un aveu d’appartenance aux classes laborieuses. Le cuir blanc chez Chanel, c’est un plafond en mousse polyuréthane projetée. Le cuir blanc chez Weston c’est de la peau d’albinos vendue au prix de l’or. Le cuir blanc d’Asphalte, c’est une visite chez le dermato.

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