La Bonne Coupe 1 – Le trench : longueur et cintrage.

Survivre aux tranchées

Que serait le beau sans le laid ? Les concepts se complètent un peu : on trouve une chose belle parce qu’on sait laquelle est hideuse et inversement. Il faut parfois vivre à Paris pour apprécier pleinement la campagne, tomber sur une œuvre contemporaine à chier pour s’intéresser à Courbet, ou alors voir un groupe de moches pour vouloir baiser la nana potable dans le tas. Le principe est le même pour les vêtements : c’est une alternance continue entre la vision du beau et du laid qui fait qu’on va développer un goût.
Vous l’aurez plus ou moins compris, dans cette rubrique on va mettre en perspective des tenues ratées et des tenues réussies. Petite clarification d’avance : le but n’est pas de s’acharner sur un blogueur en particulier et lui rappeler ses années de bizutage au collège, ni d’ailleurs de prétendre que tout le travail de telle ou telle personne est à jeter. Ici on croit plutôt au coup de ceinture pédagogique, la bonne tarte de daron à l’ancienne qui remet à la fois le mauvais garçon et la féministe hystérique sur le droit chemin : pas de brutalité gratuite donc.

La mode masculine est devenue un business important, et dans tout ce bordel certains proposent parfois des produits très moyens, vendent des conseils de merde, voire promeuvent un travail de sagouin si ça leur permet en échange de se faire un petit billet. On finit tous un peu par s’y perdre.
Tant qu’on est pauvres – donc impartiaux – et dans une ambiance de second degré dosée au camion-benne par un ouvrier polonais bourré on espère ainsi vous apporter un autre point de vue, le plus objectif possible, sur ce qui peut se faire et se voir sur la toile.  Pour l’heure installez-vous confortablement et découvrez le premier épisode de La Bonne Coupe !
Ce qu’on va décortiquer aujourd’hui tient de ce que j’appelle « le syndrome du chargeur d’iPhone » : les types ont un haut du corps cubique monté sur deux cannes toute fines. Le cas est assez récurrent sur les ports de manteau et peut en dégoûter certains de cette pièce pourtant noble.
Les tenues du jour sont donc composées d’un trench coat. À gauche la version moche, à droite sa copine bonne :

Identique sur le fond mais pas sur la forme : la différence de carrure et de prestance est flagrante.
Identique sur le fond mais pas sur la forme : la différence de carrure et de prestance est flagrante.
Les coupes en 2019.
Les coupes en 2019.

Commençons par l’élément principal qui est ce fameux trench. Pas besoin d’une longue présentation qu’on garde pour un article dédié : retenons juste que c’était le manteau imperméable militaire par excellence durant les deux guerres mondiales, qu’il a beaucoup changé depuis et qu’il est maintenant très apprécié des femmes et des connards qui se prennent déjà pour des ténors en arrivant en fac de droit.

Le trench maintenant.
Le trench maintenant.
Le trench avant.
Le trench avant.

Revenons à notre comparaison initiale. Le premier défaut sur la photo de gauche est la longueur du trench. Un manteau qui s’arrête au-dessus du genou a souvent un mauvais rendu pour des raisons simples de proportions : une bonne longueur donne du volume et de la présence, un effet « cape » en quelque-sorte que n’offre pas le rase-pet. A l’inverse un manteau trop long peut également briser le côté élancé de la silhouette, c’est pourquoi le bon compromis est au niveau du genou ou juste en-dessous comme sur la seconde photo. Le manteau court façon caban ne vous donne pas un côté « jeune et dynamique », comme le prétendent les grosses marques de prêt-à-porter qui cherchent juste à faire des marges de fou en produisant des vêtements raccourcis pauvres en matière, il vous rend juste ridicule en plus de vous donner froid au cul.

Illustration d’un manteau trop court. Source : Julien Scavini, Stiff Collar
Illustration d’un manteau trop court. Source : Julien Scavini, Stiff Collar
On voit de plus en plus de jeunes tenter de retrouver des manteaux à la bonne longueur en friperie.
On voit de plus en plus de jeunes tenter de retrouver des manteaux à la bonne longueur en friperie.
Ce défaut de longueur est omniprésent dans le prêt-à-porter actuel …
Ce défaut de longueur est omniprésent dans le prêt-à-porter actuel …
… même chez les marques réputées « sartoriales ».
… même chez les marques réputées « sartoriales ».

De plus, le niveau de la ceinture est légèrement trop bas. Elle est souvent utilisée sur les vêtements d’origine militaire et tout son intérêt est de marquer le point le plus étroit du corps, la taille donc, pour reformer les angles de la silhouette. La seconde tenue respecte correctement le principe, on a une ligne de taille bien tranchée qui fait apparaître la montée de dorsaux en V. Sur la première le rendu est celui d’un buste plus long et carré.

Marquer la taille redonne des angles à la silhouette. La position de la ceinture par rapport au niveau du coude nous permet de dire qu’elle est un peu plus basse sur la première tenue, pas forcément placée à l’endroit optimal.
Marquer la taille redonne des angles à la silhouette. La position de la ceinture par rapport au niveau du coude nous permet de dire qu’elle est un peu plus basse sur la première tenue, pas forcément placée à l’endroit optimal.
Photo de face de la première tenue : l’impact du pur positionnement de la ceinture est difficile à cerner ici car l’emmanchure joue également un rôle important comme on va le voir juste après. Vous aurez néanmoins compris le principe de la taille marquée.
Photo de face de la première tenue : l’impact du pur positionnement de la ceinture est difficile à cerner ici car l’emmanchure joue également un rôle important comme on va le voir juste après. Vous aurez néanmoins compris le principe de la taille marquée.

On peut aussi remarquer une couture épaule haute avec une emmanchure étroite. C’est la tendance aujourd’hui : avoir une coupe « fittée » (pour reprendre le terme utilisé sur les blogs) avec une manche qui colle littéralement au bras. Le résultat est un manque de place pour les couches inférieures – assez dérangeant pour un manteau donc -, une carrure de gosse en sous-nutrition et une manche qui part tellement en accordéon qu’on te file une pièce si tu restes immobile plus de deux minutes Rue Mouffetard. La photo 2 présente une épaule raglan, pas de question de positionnement de la couture sur l’épaule donc, mais on remarque l’ouverture de manche plus importante et son effet sur la largeur.
Les manches très fines peuvent aussi poser problème si vous avez de grosses cuisses en créant une disproportion de volume entre les membres inférieurs et supérieurs.

Une petite ouverture de manche ne joue pas en faveur de la carrure sur un manteau.
Une petite ouverture de manche ne joue pas en faveur de la carrure sur un manteau.
Une manche raglan avec son arrondi d’épaule naturel, pas trop étroite et bien coupé : la différence est nette.
Une manche raglan avec son arrondi d’épaule naturel, pas trop étroite et bien coupé : la différence est nette.
Taille marquée, emmanchure sortante, ouverture de manche généreuse : la formule pour une caisse de dos argenté.
Taille marquée, emmanchure sortante, ouverture de manche généreuse : la formule pour une caisse de dos argenté.

Dernier point avec le trench, on peut noter la position des boutons : quatre au-dessus de la ceinture dans la tenue ratée, la volonté est ici encore d’amplifier un effet de longueur sur le haut au désavantage de la carrure.

Les boutons jouent un rôle dans les proportions en tant que repères visuels. Remarquez qu’ils sont purement alignés à gauche alors qu’ils suivent les courbes du corps à droite.
Les boutons jouent un rôle dans les proportions en tant que repères visuels. Remarquez qu’ils sont purement alignés à gauche alors qu’ils suivent les courbes du corps à droite.

Enfin le pantalon joue un rôle important dans l’aspect général de la silhouette même s’il est en partie caché avec un manteau. Le trench est ample dans sa partie inférieure pour des raisons fonctionnelles, ce qui fait qu’un bas de pantalon trop étroit peut faire paraitre la jambe très fine. Le slim avec un manque de matière au genou donne un rendu de jambes faiblardes, comme des baguettes. Sur la bonne tenue le bas du pantalon a plutôt une forme fuselée qui participe à la projection globale en V de l’ensemble.

Même si avec un manteau la majeure partie des jambes est masquée, la forme du bas du pantalon permet de l’évoquer inconsciemment par un jeu de proportions. Un pantalon correctement coupé donne l’aspect d’une base solide en conservant le côté élancé de l’ensemble.
Même si avec un manteau la majeure partie des jambes est masquée, la forme du bas du pantalon permet de l’évoquer inconsciemment par un jeu de proportions. Un pantalon correctement coupé donne l’aspect d’une base solide en conservant le côté élancé de l’ensemble.

Force est de constater que le prêt-à-porter n’est pas encore au point en terme de manteaux malgré un net regain d’intérêt pour la pièce. Si vous comptez vous en procurer un privilégiez actuellement l’occasion ou la fripe et retenez les essentiels de la coupe : une longueur satisfaisante, un cintrage ou ceinturage correct sur la taille, et une manche qui laisse respirer suffisamment le bras.

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La Bonne Coupe 1 : Survivre aux tranchées
Sur la longueur du trench, son cintrage, la position de la ceinture et des boutons... feat nos amis de chez BonneGueule 🙂

La Bonne Coupe 2 : Remonte ton froc
Début d'une série d'articles traitant les différents aspects de la coupe du pantalon et pointant du doigt les problèmes récurrents, à commencer par la hauteur du pantalon. Résumé : les tailles basses, c'est de la merde !

La Bonne Coupe 3 : La fin du legging
On continue avec les pantalons en abordant cette fois le point du tombé, c'est à dire l'allure générale que prend le tissu : sa forme, son amplitude, ses plis et sa longueur.

 

La Bonne Coupe 2 – Le pantalon : hauteur (taille haute / basse)

Remonte ton froc

Le pantalon est une pièce déterminante car il définit complètement le style d’une tenue. Une forme inadaptée fait directement sortir du registre recherché. Dans les épisodes qui arrivent on va traiter les différents aspects de sa coupe et pointer du doigt les problèmes récurrents. Commençons tout de suite avec cet article consacré à la hauteur du pantalon.

J’entends beaucoup de personnes aujourd’hui dire que les tailles hautes sont dépassées. Il faut avouer qu’on a grandi dans un culte des tailles basses impressionnant. Je me souviens encore de cette période où porter un pantalon à ras du fion en laissant dépasser son caleçon rose fluo était considéré comme cool.
Difficile de dire comment on est arrivés à un tel point. La démocratisation du jeans a probablement poussé à une mode généralisée des tailles basse qui a ensuite été maintenue pour ses avantages en terme de coût. S’il existe une clientèle prête à acheter de la merde autant produire des demi-pantalons en tissu synthétique.
Même si ces dernières années les tailles ont eu tendance à remonter légèrement on voit encore souvent des catastrophes dans les ensembles « classiques ». Le pantalon a un impact important sur la silhouette et trop bas il pourrit complètement le rendu d’une tenue.

Il faut savoir pour commencer que le mot « taille haute » est dévoyé aujourd’hui. La mode masculine est tellement aux tailles basses qu’un pantalon qui ne laisse pas la raie du cul apparente façon plombier est déjà considéré comme « taille haute ». La vraie taille haute dans le jargon sartorial s’arrête – attention surprise – sur le haut de la taille, au dessus du nombril, sous les côtes, à la base du « V » des grands dorsaux.

A gauche, le montant du pantalon est très long, la ceinture remonte au-dessus du deuxième bouton de la veste, on se rapproche ici d'une véritable taille haute au sens technique. A droite cependant, observez le placement de la ceinture par rapport au ceintrage et au boutonnage de la veste : il s’agit clairement d’une taille basse.
A gauche, le montant du pantalon est très long, la ceinture remonte au-dessus du deuxième bouton de la veste, on se rapproche ici d'une véritable taille haute au sens technique. A droite cependant, observez le placement de la ceinture par rapport au ceintrage et au boutonnage de la veste : il s’agit clairement d’une taille basse.

Etant donné que les tailles classiques sont systématiquement plus hautes que les tailles modernes, il peut quand même être pertinent de parler de « tailles hautes » en opposition aux « tailles basses » proposées par la grande majorité du prêt-à-porter. Pour éviter à vos esprits un trop gros choc conceptuel en cette période d’élections et de vulgarisation à outrance je vais conserver cette terminologie simple.

Une belle illustration de l’ami Julien Scavini alias Stiff-Collar qui résume le tout. La taille classique/naturelle basse indiquée sur le dessin peut être considérée comme la limite basse de ce qu’on appelle vulgairement aujourd’hui les « tailles hautes ». Bien sûr en fonction des morphologies ces points de référence varient légèrement.
Une belle illustration de l’ami Julien Scavini alias Stiff-Collar qui résume le tout. La taille classique/naturelle basse indiquée sur le dessin peut être considérée comme la limite basse de ce qu’on appelle vulgairement aujourd’hui les « tailles hautes ». Bien sûr en fonction des morphologies ces points de référence varient légèrement.

Après cette parenthèse technique entrons dans le vif du sujet : les tailles basses, c’est de la merde.

Une seule situation justifie pour moi le port d’une taille basse : lorsqu’il s’agit de mettre le corps en valeur en dévoilant le ventre. Le vêtement est dans ce cas moins utilisé dans une optique de structure que pour éviter l’attentat à la pudeur.

C’est classique chez les femmes de montrer un peu de chair quand le temps se réchauffe pour <del>exciter le mâle</del> se sentir plus à l’aise.
C’est classique chez les femmes de montrer un peu de chair quand le temps se réchauffe pour exciter le mâle se sentir plus à l’aise.
Pour les hommes on pense au classique short de plage taille basse qui permet d’exhiber les abdos et la fameuse « ceinture d’apollon ». Dans ces cas on cherche simplement à se dénuder le plus possible.
Pour les hommes on pense au classique short de plage taille basse qui permet d’exhiber les abdos et la fameuse « ceinture d’apollon ». Dans ces cas on cherche simplement à se dénuder le plus possible.

Hors des situations estivales les vêtements recouvrent le corps et l’enjeu est de reformer une silhouette harmonieuse. En porter dans une tenue classique donne alors un résultat catastrophique.

Les problèmes concernent d’abord la structure-même de la silhouette : les tailles basses abaissent la ligne de taille sous un point qui est situé en-dessous de la zone de la taille anatomique.
La taille est un repère visuel important car c’est l’endroit le plus étroit du corps. Elle peut être complètement masquée par l’amplitude des vêtements contrairement aux parties larges comme les épaules qui les supportent. De manière classique on se sert d’un marquage (cintrage, gilet, ceinture du pantalon, etc) pour diviser les silhouettes en une portion haute et une portion basse à partir de la taille.

Cocteau dans sa tenue d’académicien : notez comme la silhouette est littéralement coupée en deux à partir de la taille.
Cocteau dans sa tenue d’académicien : notez comme la silhouette est littéralement coupée en deux à partir de la taille.
Tenue cérémonielle avec queue-de-pie et gilet croisé. Encore ici on peut discerner deux « blocs », des formes clairement distinctes.
Tenue cérémonielle avec queue-de-pie et gilet croisé. Encore ici on peut discerner deux « blocs », des formes clairement distinctes.
Avec une veste fermée le cintrage marque la base du « V » du torse. La « jupe » de la veste quant à elle est correctement plaquée contre les hanches pour garder une continuité avec la ligne de jambes. 
Le principe est le même avec les manteaux, c’est pour ça que bien coupés on peut tout à fait les porter longs et fermés sans avoir l’air d’un nain<a href="https://www.sartorialisme.com/guide-manteau-hiver-sartorial/">
(cf. notre article sur les manteaux).</a>
Avec une veste fermée le cintrage marque la base du « V » du torse. La « jupe » de la veste quant à elle est correctement plaquée contre les hanches pour garder une continuité avec la ligne de jambes. Le principe est le même avec les manteaux, c’est pour ça que bien coupés on peut tout à fait les porter longs et fermés sans avoir l’air d’un nain (cf. notre article sur les manteaux).
Sur cette tenue par contre impossible de discerner la ligne de taille.
Sur cette tenue par contre impossible de discerner la ligne de taille.

Une taille marquée contraste avec les parties larges du dessous et du dessus, retrace les angles du corps et met en valeur les caractères sexuels secondaires. Sur des morphologies standard d’homme et de femme ça se traduit respectivement par un torse en V et une plongée de bassin accentués.

Une ceinture très épaisse qui marque la taille de haut en bas : le pantalon encadre complètement les dorsaux et épaules pour une forme en V accentuée.
Une ceinture très épaisse qui marque la taille de haut en bas : le pantalon encadre complètement les dorsaux et épaules pour une forme en V accentuée.
Chez les femmes la taille marquée accentue le ratio hanches/taille en général élevé. C’est comme ça qu’elles vous maraboutent avec leur taille haute H&M en polyplouc.
Chez les femmes la taille marquée accentue le ratio hanches/taille en général élevé. C’est comme ça qu’elles vous maraboutent avec leur taille haute H&M en polyplouc.
Une taille marquée peut à contrario renforcer une allure androgyne chez une femme étroite de bassin et féminiser un <del>gros lâche</del> homme sans carrure. On peut corriger le premier cas avec des coupes amples plus féminines (proches des jupes en fait), et le second avec des vestes au montage épaule structuré.
Une taille marquée peut à contrario renforcer une allure androgyne chez une femme étroite de bassin et féminiser un gros lâche homme sans carrure. On peut corriger le premier cas avec des coupes amples plus féminines (proches des jupes en fait), et le second avec des vestes au montage épaule structuré.

En marquant un endroit plus large que la taille naturelle, les tailles basses gomment les angles du corps. Elles donnent en général des silhouettes plates et peu structurées assez caractéristiques.

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A gauche on voit bien que le polo ne peut pas correctement épouser la silhouette à cause de la taille trop basse. Un léger ajustement et le rendu est complètement différent.
A gauche on voit bien que le polo ne peut pas correctement épouser la silhouette à cause de la taille trop basse. Un léger ajustement et le rendu est complètement différent.
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Si on rajoute le port d’une veste la ligne du pantalon dépasse sous le boutonnage. On a alors un travail digne des plus grands écarteleurs du Moyen-âge puisque la silhouette est étirée en son milieu sur 30cm.
Le cintrage de la veste et la ceinture du pantalon situés à des niveaux différents créent un double-marquage. On a l’impression que la silhouette n’est plus divisée en deux mais en trois, avec un haut, un bas et une partie intermédiaire qui n’a rien à foutre là.

Voici schématiquement ce que l'inconscient perçoit. Le cintrage marque la taille en un point haut et la ceinture du pantalon qui dépasse sous la veste la marque en un point bas. Rappelez-vous de la structure en deux blocs dont je parlais plus haut : elle est brisée puisqu'une troisième partie intermédiaire apparait entre ces deux marquages.
Voici schématiquement ce que l'inconscient perçoit. Le cintrage marque la taille en un point haut et la ceinture du pantalon qui dépasse sous la veste la marque en un point bas. Rappelez-vous de la structure en deux blocs dont je parlais plus haut : elle est brisée puisqu'une troisième partie intermédiaire apparait entre ces deux marquages.
Bien sûr avec les coupes rase-pet le résultat est encore pire. On doit dans ce cas remonter le cintrage et la taille est encadrée sans être marquée : une structure que l'on peut retrouver chez la femme mais pas chez l'homme.
Bien sûr avec les coupes rase-pet le résultat est encore pire. On doit dans ce cas remonter le cintrage et la taille est encadrée sans être marquée : une structure que l'on peut retrouver chez la femme mais pas chez l'homme.
Ici on voit que la ceinture du pantalon accompagne logiquement le cintrage de la veste.  Source : Anglo-Italian
Ici on voit que la ceinture du pantalon accompagne logiquement le cintrage de la veste. Source : Anglo-Italian

Les tailles basses en abaissant la longueur perçue des jambes tassent aussi plus facilement les silhouettes. A l’inverse les tailles hautes sont connues pour les allonger en donnant l’illusion de jambes plus grandes.
En fait les tailles hautes « élancent » plutôt la silhouette, c’est-à-dire qu’elles donnent une stature, une hauteur aux éléments principaux du corps qui sont le torse et la tête. Il faut penser au fonctionnement d’un piédestal : mettez une jolie statue sur une colonne de trois mètres et elle parait majestueuse ; foutez-la sur un vieux socle en pierre à quelques centimètres du sol et elle est juste bonne à servir d’éponge-pisse aux clodos et étudiants du coin.

La différence de taille est énorme mais les silhouettes sont fondamentalement construites de la même façon. On aurait plus tendance à remarquer la grandeur du type de droite que la petitesse du type de gauche.
La différence de taille est énorme mais les silhouettes sont fondamentalement construites de la même façon. On aurait plus tendance à remarquer la grandeur du type de droite que la petitesse du type de gauche.

On peut lire parfois que ces jambes allongées raccourcissent trop le torse et créent un déséquilibre de proportions entre le haut et le bas de la tenue. Cette idée que haut et le bas devraient obligatoirement avoir la même longueur pour un résultat équilibré est complètement stupide. Le pantalon a un tel impact sur les proportions horizontales (taille et carrure) que chercher l’équilibre sur les proportions verticales (longueur des vêtements), par exemple en ayant ce rapport pantalon-chemise 50/50, est complètement désavantageux.
Rien n’empêche de moduler légèrement la hauteur du pantalon en fonction du port envisagé.

Certains seraient capables de dire que la silhouette est plus équilibrée à droite qu’à gauche.
Certains seraient capables de dire que la silhouette est plus équilibrée à droite qu’à gauche.
Vous verrez souvent des types comme Andreas Weinas adapter légèrement la hauteur de leur pantalon en fonction du port envisagé. Les ensembles plus formels (e.g. costumes ou dépareillés foncés) s’accommodent facilement des tailles hautes.
Vous verrez souvent des types comme Andreas Weinas adapter légèrement la hauteur de leur pantalon en fonction du port envisagé. Les ensembles plus formels (e.g. costumes ou dépareillés foncés) s’accommodent facilement des tailles hautes.
On peut par contre prévoir un pantalon légèrement plus bas pour un port casual sans veste. Mais c’est plutôt le port ou non d’une veste que le degré de formalité qui va influencer le choix de la taille.
On peut par contre prévoir un pantalon légèrement plus bas pour un port casual sans veste. Mais c’est plutôt le port ou non d’une veste que le degré de formalité qui va influencer le choix de la taille.

Cette manie de raccourcir les jambes oblige par la même occasion à resserrer le pantalon pour éviter l’effet de volume (quand on dit que ça flingue les proportions horizontales). On se retrouve donc systématiquement avec des coupes foireuses.

Trop bas, un pantalon ample peut être catastrophique pour la silhouette. On sent ici les limites chez le type dont le pantalon aurait mérité d’être légèrement plus haut (et long dans le bas). Le contraste est marquant avec sa nana qui affiche des vêtements très amples sans soucis grâce à une taille naturelle très marquée.
Trop bas, un pantalon ample peut être catastrophique pour la silhouette. On sent ici les limites chez le type dont le pantalon aurait mérité d’être légèrement plus haut (et long dans le bas). Le contraste est marquant avec sa nana qui affiche des vêtements très amples sans soucis grâce à une taille naturelle très marquée.
Même bonhomme et même pantalon : on voit bien le problème d’un pantalon ample de longueur insuffisante. Le bas du corps a un aspect féminin, amplifié en plus par la coupe de la veste qui semble trop chargée en matière dans le bas.
Même bonhomme et même pantalon : on voit bien le problème d’un pantalon ample de longueur insuffisante. Le bas du corps a un aspect féminin, amplifié en plus par la coupe de la veste qui semble trop chargée en matière dans le bas.

On peut aussi lire sur certains blogs que les grands ne devraient pas porter de taille haute pour éviter un aspect trop longiligne. C’est peut-être vrai quand on porte un legging mais pas un pantalon correctement coupé. Les exemples de perches qui portent des tailles hautes sont nombreux dans le milieu.

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Ces problèmes ont encore des conséquences d'un point de vue plus fonctionnel, comme le fait de mettre le bide en évidence. L’abdomen doit être couvert en partie, un pantalon situé juste en-dessous comprime les tissus adipeux vers le haut et fait déborder le gras. Même le plus petit ventre finit avec une gueule de blobfish. Pas besoin de vous dire que laisser traîner sa pense de cette manière donne l'air avachi et vous prive de toute possibilité d'être élégant. Vous êtes relégué à la ligue du loukoum.

Pensez à faire des esquives à la Mike Tyson pour éviter de vous faire crever l’œil par un tir de bouton.
Pensez à faire des esquives à la Mike Tyson pour éviter de vous faire crever l’œil par un tir de bouton.
Pour garder une dignité rentrez votre bide dans votre pantalon comme Bruce Boyer.
Pour garder une dignité rentrez votre bide dans votre pantalon comme Bruce Boyer.

Dernier problème important qu'on peut mentionner : les tailles basses sont moins confortables. Mais j’en vois déjà certains s’agiter dans leur sarouel Tati en lisant ça donc je vais nuancer le propos.

Il y a deux manières de porter le pantalon : serré ou avec bretelles.
Serré au niveau des parties dures du bassin, un pantalon taille basse a l’avantage de ne pas comprimer le bide en position assise, mais aussi une fâcheuse tendance à tomber et créer du frottement. On évite ces problèmes avec une taille légèrement relevée, juste au-dessus des pointes de l’os iliaque. C’est la meilleure manière de porter un pantalon avec ceinture ou pattes de serrage.

Un pantalon très bien proportionné signé Ardentes Clipei. La hauteur est parfaite pour un port avec pattes de serrage.
Un pantalon très bien proportionné signé Ardentes Clipei. La hauteur est parfaite pour un port avec pattes de serrage.

Mais impossible cependant de serrer un pantalon avec une taille trop haute sans compresser totalement le ventre en position assise. Il faut donc adopter les bretelles, et c’est la manière la plus confortable de porter le pantalon puisqu’on maintient un tombé parfait dans toute position sans aucune pression excessive sur l’abdomen.

La ceinture et les pattes de serrages deviennent problématiques si le serrage est trop haut au-dessus du bassin (zone rouge). Il vaudra mieux dans ce cas adopter des bretelles.
La ceinture et les pattes de serrages deviennent problématiques si le serrage est trop haut au-dessus du bassin (zone rouge). Il vaudra mieux dans ce cas adopter des bretelles.
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Conclusion

Il est temps d’ouvrir les yeux sur les effets dégueulasses des tailles basses. Un pantalon, sans forcément être très haut, devrait au moins monter au-dessus des hanches et couvrir partiellement le ventre.
On sort d’une période du tout-slim/tout-skinny. La mode féminine qui évolue très rapidement retravaille l’amplitude et la hauteur du pantalon depuis quelques années là où les hommes sont encore dans une tendance au serré bas.

Le retour du pantalon classique chez la femme a sûrement permis de travailler une dichotomie sexuelle des silhouettes : jeans skinny taille basse pour les hommes et pantalon ample taille (très) haute pour les femmes.
Le retour du pantalon classique chez la femme a sûrement permis de travailler une dichotomie sexuelle des silhouettes : jeans skinny taille basse pour les hommes et pantalon ample taille (très) haute pour les femmes.

Si le serré est encore le standard chez nous on voit quant même qu’une porte a été ouverte et que le style sartorial s’y infiltre. Le classique pullule sur les réseaux sociaux, les gens redéveloppent leur culture, ce qui explique aussi le succès du prêt-à-porter asiatique en Occident.

Le prêt-à-porter asiatique avec son influence classique marquée propose des pantalons amples aux tailles relevées.
Le prêt-à-porter asiatique avec son influence classique marquée propose des pantalons amples aux tailles relevées.

La taille haute va vraisemblablement se démocratiser dans la décennie à venir. Je vois bien ce retour passer le pantalon gurkha qui peut plaire au plus grand nombre avec sa personnalité et sa versatilité.

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Donc arrêtez les pantalons bas avec costumes et vestes, apprenez à remonter progressivement, osez une taille qui monte jusqu’au nombril avec vos tenues casual, … bref reconsidérez sérieusement la hauteur de vos pantalons si ce n’est pas déjà fait.

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La Bonne Coupe 3 : La fin du legging
On continue avec les pantalons en abordant cette fois le point du tombé, c'est à dire l'allure générale que prend le tissu : sa forme, son amplitude, ses plis et sa longueur.

 

La Bonne Coupe 3 – Le pantalon : forme, amplitude, plis et longueur.

La fin du legging

Après l’épisode sur la hauteur de la taille on continue avec les pantalons en abordant cette fois le point du tombé.
Qu’est-ce qu’on entend par « tombé » ? C’est l’allure générale que prend le tissu une fois porté : sa forme, son amplitude, ses plis et sa longueur.

À gauche, ce que l'on voit trop souvent, à droite, ce que l'on aimerait voir.
À gauche, ce que l'on voit trop souvent, à droite, ce que l'on aimerait voir.

Le tombé : une question de longueur avant tout

Pour un bon tombé la première idée est justement de permettre au pantalon de « tomber ». Le tissu doit pendre au lieu de s’écraser sur la chaussure en tirant la tronche, d’où l’importance de ne pas avoir un pantalon trop long.

Voilà un pantalon qui pend. Source : Spalla Korea.
Voilà un pantalon qui pend. Source : Spalla Korea.
Trop long le tissu s’affaisse sur lui-même et la jambe est déformée. Source : Flamby
Trop long le tissu s’affaisse sur lui-même et la jambe est déformée. Source : Flamby

Il est plutôt rare aujourd’hui de voir des pantalons trop longs comme c’était le cas il y a dix ans. On est passés globalement à l’extrême opposé avec des pantalons très courts qui dévoilent les chevilles, et c’est aussi vrai dans le milieu sartorial. Le second cas est mieux esthétiquement que le premier car le pantalon conserve un tombé, mais autant le trop long que le trop court tassent la silhouette.

Le pantalon trop long élargit la silhouette dans le bas alors qu’elle doit justement s’affiner à cet endroit pour conserver une projection en V. Le pantalon trop court réduit la hauteur perçue de la jambe.
Le pantalon trop long élargit la silhouette dans le bas alors qu’elle doit justement s’affiner à cet endroit pour conserver une projection en V. Le pantalon trop court réduit la hauteur perçue de la jambe.
Les crétins du Pitti se sentent subversifs en dévoilant leurs mi-bas jaunes sur 10cm alors qu’aujourd’hui certains se baladent en short et chaussettes hautes blanches Fila. Normalement la cheville se découvre qu’en position assise.
Les crétins du Pitti se sentent subversifs en dévoilant leurs mi-bas jaunes sur 10cm alors qu’aujourd’hui certains se baladent en short et chaussettes hautes blanches Fila. Normalement la cheville se découvre qu’en position assise.

Comme tu l’as sûrement déjà lu, un pantalon qui casse légèrement dans le bas est acceptable, de même qu’un pantalon un peu court. Le choix dépend du goût et de la mode.
Vu que dans le style classique la beauté est souvent dans le détail et la précision on peut quand même considérer un pantalon qui frôle juste la chaussure sans jamais casser comme la solution optimale. Difficile techniquement vu que le pantalon a tendance à glisser légèrement au fil du port : en général on opte pour du court afin de se laisser une marge et éviter que le pantalon ne finisse par casser de manière imprévue.

Certaines chaussures sont plus hautes que d’autres donc attention lors des essayages : un pantalon qui tombe juste sur mocassin peut être trop long sur derby ou richelieu.
Certaines chaussures sont plus hautes que d’autres donc attention lors des essayages : un pantalon qui tombe juste sur mocassin peut être trop long sur derby ou richelieu.
Sans bretelles le pantalon a tendance à changer de niveau. L’accessoire est indispensable pour un résultat de haute précision.
Sans bretelles le pantalon a tendance à changer de niveau. L’accessoire est indispensable pour un résultat de haute précision.

Les coupes du pantalon

Il y a deux visions de la coupe du pantalon en fonction du rôle laissé au corps dans la définition de la silhouette :
- La coupe ample/structurante : Le tissu laisse entièrement respirer la jambe et la forme du pantalon détermine aussi celle de la silhouette. C’est la vision classique/sartoriale.
- La coupe serrée/peu structurante ou non-structurante : Le tissu est proche du corps et c’est la jambe qui définit cette fois partiellement ou entièrement la silhouette. On peut parler de slim ou skinny pour reprendre la terminologie moderne.

Une coupe ample structure entièrement la jambe.
Une coupe ample structure entièrement la jambe.
Le principe du slim au contraire est de faire ressortir les fesses, les cuisses, les mollets, et parfois les burnes.
Le principe du slim au contraire est de faire ressortir les fesses, les cuisses, les mollets, et parfois les burnes.

Est-ce qu’on doit absolument se diriger vers le pantalon large si on prétend s’inscrire dans la mouvance sartoriale ? Contrairement à ce qu'on pourrait croire la pièce est minoritaire dans l’histoire. Les pinces, plis et autres standards classiques actuels sont des inventions du XXe siècle. Chez les premiers Dandys et même avant la Révolution les pantalons étaient plutôt serrés. Ce type de coupe a donc une légitimité historique, et la rejeter complètement reviendrait à résumer le classicisme aux années 20-30.
Le serré n’est pas en soi un problème, le vrai soucis est qu’il est généralisé aujourd’hui plutôt que de coexister avec les coupes amples, ce qui a pour conséquence que :
1° on applique des coupes slim ou skinny à des types de pantalons qui ne les supportent pas ;
2° on a une tendance naturelle à se diriger vers ces coupes même si on devrait l’éviter.

Les dandys du XIXe portaient des pantalons serrés. Illustration : Paul Rainer
Les dandys du XIXe portaient des pantalons serrés. Illustration : Paul Rainer
Les coupes amples sont un détail de l’histoire du pantalon.
Les coupes amples sont un détail de l’histoire du pantalon.

Ceci étant dit il faut quand même affirmer que la coupe ample a de gros avantages par rapport à la coupe ajustée :
1° elle donne de la stature et une allure robuste ;
2° elle gomme les défauts physiques ;
3° elle est beaucoup plus confortable.
Le seul avantage du serré est en définitive de mettre un beau corps en évidence (ce qui se défend).

Photo extraite de l’excellent article de Stiff-Collar sur la ligne des jambes. Un pantalon ample permet de garder une bonne ligne malgré une posture de jambes atypique ou un excès de gras, alors qu’elle serait complètement déformée avec une coupe ajustée.
Photo extraite de l’excellent article de Stiff-Collar sur la ligne des jambes. Un pantalon ample permet de garder une bonne ligne malgré une posture de jambes atypique ou un excès de gras, alors qu’elle serait complètement déformée avec une coupe ajustée.
A cause de la complexité des articulations du bas du corps les pantalons ont toujours causé problème. La solution la plus pratique est théoriquement de séparer la jambe en deux, avec une culotte et des bottes/bandes molletières par exemple (solution choisie par les militaires durant la Première Guerre Mondiale). Les pantalons du XIXe étaient réputés inconfortables, tout comme ceux du prêt-à-porter actuel, problème que résout le pantalon classique grâce à son amplitude généreuse.
A cause de la complexité des articulations du bas du corps les pantalons ont toujours causé problème. La solution la plus pratique est théoriquement de séparer la jambe en deux, avec une culotte et des bottes/bandes molletières par exemple (solution choisie par les militaires durant la Première Guerre Mondiale). Les pantalons du XIXe étaient réputés inconfortables, tout comme ceux du prêt-à-porter actuel, problème que résout le pantalon classique grâce à son amplitude généreuse.

La coupe du pantalon classique

Le pantalon classique, à plis ou à pinces, est sans aucun doute la pièce la plus caractéristique du style classique et de la mouvance sartoriale. Il est composé de plis ou de replis de tissu à l’avant et à l’arrière.

Tout le monde connait le « pantalon de costume » avec pli central avant et arrière. Quand les plis consistent en fait en des replis du tissu sur lui-même pincés dans la ceinture, on parle de pantalon « à pinces ».
Tout le monde connait le « pantalon de costume » avec pli central avant et arrière. Quand les plis consistent en fait en des replis du tissu sur lui-même pincés dans la ceinture, on parle de pantalon « à pinces ».

Ici pas le choix : la pièce est pensée pour être portée large, c’est-à-dire ne pas épouser les formes de la jambe.
Pour un même confort le pantalon a besoin de beaucoup plus de matière en position assise qu’en position debout. Si on place assez de matière pour la station assise, aucun problème d’aisance sur toute l’amplitude de mouvement, en revanche il y a un excès de matière debout qui peut être désavantageux pour la silhouette (assez fâcheux puisque c’est debout que le pantalon se remarque et a intérêt à être beau). C’est là que les plis interviennent : le tissu a assez de matière pour couvrir tout le mouvement mais se plie debout pour paraitre moins volumineux et désencombrer la jambe. Les pinces quant à elles permettent de rajouter encore plus de matière –et donc de confort- en conservant le même rendu.

Les pinces orientées vers l'intérieur sont dites pinces françaises. Pour celles vers l'extérieur (voir photo précédente) on parle de pinces italiennes.
Les pinces orientées vers l'intérieur sont dites pinces françaises. Pour celles vers l'extérieur (voir photo précédente) on parle de pinces italiennes.
Sur ce pantalon, pas de pinces mais un pli très marqué.
Sur ce pantalon, pas de pinces mais un pli très marqué.

Donc au niveau de la coupe, le pli avant doit être marqué, droit et continu, sans jamais s’effacer sur la cuisse, le pli arrière doit partir en ligne droite de la fesse jusqu’à la cheville, et les poches et pinces éventuelles doivent êtres fermées debout.

Pantalon Bernard Zins
Pantalon Bernard Zins
Si vous avez peur de porter un pantalon à pinces coupé ample, vous pouvez casser le côté "papy" avec une veste très décontractée et brut comme une veste en jean (veillez à ne pas trop la prendre ajustée afin de respecter les proportions du pantalon et ne pas donner l'impression que vous avez des hanches larges). Source : PermanentStyle.
Si vous avez peur de porter un pantalon à pinces coupé ample, vous pouvez casser le côté "papy" avec une veste très décontractée et brut comme une veste en jean (veillez à ne pas trop la prendre ajustée afin de respecter les proportions du pantalon et ne pas donner l'impression que vous avez des hanches larges). Source : PermanentStyle.
En hiver, vous pouvez oser le bombardier avec un col roulé rentré dans un pantalon taille haute en flanelle. Source : Milad Abedi.
En hiver, vous pouvez oser le bombardier avec un col roulé rentré dans un pantalon taille haute en flanelle. Source : Milad Abedi.

Si le pantalon marque les fesses ou les cuisses, les plis et pinces sont déjà ouverts en position debout, ce qui ruine à la fois leur esthétique et leur effet pratique.
Aujourd’hui on voit pas mal de pantalons à pli revenir dans des coupes slim voire skinny : les plis centraux s’effacent sur la cuisse alors que poches et pinces potentielles sont ouvertes en permanence. Certains vont défendre cette vision,  je trouve pour ma part le résultat grotesque : arborer de cette manière des éléments afonctionnels donne vraiment un rendu surfait, j’ai la même impression qu’en regardant un mauvais remake d’un film des années 80.

Ici la coupe est trop serrée. Les pinces sont ouvertes, le pli central est complètement plaqué sur la cuisse et perd son effet.
Ici la coupe est trop serrée. Les pinces sont ouvertes, le pli central est complètement plaqué sur la cuisse et perd son effet.
C’est d’un manque de matière dans la zone des fesses que vient souvent le problème : à partir de l’angle des fessiers le pantalon doit partir en ligne continue vers le bas. Les coupes slim sont plus serrées à la fois sur le haut de la cuisse (la base des fesses) et le tour de fesses en lui-même.
C’est d’un manque de matière dans la zone des fesses que vient souvent le problème : à partir de l’angle des fessiers le pantalon doit partir en ligne continue vers le bas. Les coupes slim sont plus serrées à la fois sur le haut de la cuisse (la base des fesses) et le tour de fesses en lui-même.
Illustration d’un manque de matière au niveau du fessier : le tissu plaque sur l’ischio et la ligne du pli part complètement de travers dans le bas.
Illustration d’un manque de matière au niveau du fessier : le tissu plaque sur l’ischio et la ligne du pli part complètement de travers dans le bas.
Si le pantalon tire trop au niveau du tour de fesse les poches s’ouvrent (comme ici à gauche) et créent un effet disgracieux.
Si le pantalon tire trop au niveau du tour de fesse les poches s’ouvrent (comme ici à gauche) et créent un effet disgracieux.

Quoiqu’il en soit les pantalons sartoriaux actuels sont quand même influencés par cette mode du serré. Ils tendent souvent à être le plus ajusté possible et à appuyer légèrement la forme des fesses (sans toutefois les marquer complètement comme sur du slim). Le rendu de profil n’est plus le même qu’il y a un siècle.

La règle classique veut que le pantalon parte en ligne droite jusqu’en bas depuis le point le plus large de la fesse. Le pli est fermé à l’arrière et forme ce qu’on appelle un « drapeau ». Comme sur la photo beaucoup de pantalons aujourd’hui tendent à être le plus ajustés possibles. Source : Zane Lim.
La règle classique veut que le pantalon parte en ligne droite jusqu’en bas depuis le point le plus large de la fesse. Le pli est fermé à l’arrière et forme ce qu’on appelle un « drapeau ». Comme sur la photo beaucoup de pantalons aujourd’hui tendent à être le plus ajustés possibles. Source : Zane Lim.

La coupe des autres pantalons

A côté des pantalons classiques à plis/pinces, on a ce qu’on appelle les pantalons « plats », qui concernent aujourd’hui les chinos et les jeans.
Traditionnellement le chino militaire était porté de manière assez large, mais on voit aussi des coupes plus serrées sur des vieilles photos de la Ivy League. Le jeans quant à lui est presque devenu un vêtement serré par nature.

Les pantalons plus casual comme les chinos ou jeans peuvent- et doivent- se porter plus près du corps en raison de l’absence de plis.
Les pantalons plus casual comme les chinos ou jeans peuvent- et doivent- se porter plus près du corps en raison de l’absence de plis.
Des étudiants de la Ivy League en chino.
Des étudiants de la Ivy League en chino.
Le jeans est une pièce qui revient de plus en plus dans les vestiaires sartoriaux malgré son origine workwear.
Le jeans est une pièce qui revient de plus en plus dans les vestiaires sartoriaux malgré son origine workwear.

Comme je l’ai développé le pantalon plat ajusté est une vraie régression technique et esthétique par rapport au pantalon classique. Il est moins confortable et ne va qu’à peu de personnes. Pourquoi tout le monde se trimballe en jeans skinny aujourd’hui alors ? On peut distinguer plusieurs facteurs :
- le pantalon plat est plus facile à entretenir
- la mode du serré s’est ancrée comme symbole de la libération sexuelle après 68, mode fitness
- resserrer les pantalons a été un avantage économique (plus facile et rapide à produire, plus facilement présentable, etc).
Vu cet état de fait c’est quasiment impossible de ne pas posséder quelques pantalons ajustés aujourd’hui. C’est même par le chino qu’on se lance dans le sartorialisme.

Ici le chino est suffisamment ajusté. Source : Bernard Zins.
Ici le chino est suffisamment ajusté. Source : Bernard Zins.
Cependant j’exclurais le serré total (le skinny) : trop passager, beaucoup trop éloigné des standards esthétiques classiques actuels.
Cependant j’exclurais le serré total (le skinny) : trop passager, beaucoup trop éloigné des standards esthétiques classiques actuels.
Le « fold appeal » est une pratique marketing qui consiste à rendre les vêtements présentables en étalage une fois pliés. Il a poussé les pantalons à devenir plus droits (et donc serrants) au niveau des hanches.
Le « fold appeal » est une pratique marketing qui consiste à rendre les vêtements présentables en étalage une fois pliés. Il a poussé les pantalons à devenir plus droits (et donc serrants) au niveau des hanches.

Pour des coupes ajustées type slim le pantalon devrait dans l’idéal suivre la cuisse sans trop la marquer de sorte à conserver une ligne logique et ne pas créer de tensions excessives. Un haut étroit sur la jambe couplé à un bas ample est disgracieux.

Les chinos plats paraissent bien fades par rapport aux pantalons à pinces. C’est pourtant une bonne pièce sur bien des aspects : elle est peu coûteuse, on en trouve partout dans une grande variété de coupes, elle est essentielle en débutant et joue ensuite un rôle de pantalon d’appoint. Source : Drake's.
Les chinos plats paraissent bien fades par rapport aux pantalons à pinces. C’est pourtant une bonne pièce sur bien des aspects : elle est peu coûteuse, on en trouve partout dans une grande variété de coupes, elle est essentielle en débutant et joue ensuite un rôle de pantalon d’appoint. Source : Drake's.
Les fesses sont marquées et la coupe suit la jambe de manière équilibrée : jamais le tissu n’est plaqué excessivement sur le corps.
Les fesses sont marquées et la coupe suit la jambe de manière équilibrée : jamais le tissu n’est plaqué excessivement sur le corps.
Grâce à leur toile épaisse les jeans peuvent être très ajustés tout en conservant un aspect assez uniforme. Source : @david_park07
Grâce à leur toile épaisse les jeans peuvent être très ajustés tout en conservant un aspect assez uniforme. Source : @david_park07

Si le pantalon plat n’a pas de plis ou de pinces il a quand même des poches qui s’ouvrent surtout lorsque celui-ci est trop ajusté. Une astuce dans ce cas est de choisir des chinos à poches cavalières plutôt qu’à poches en biais. Le montage horizontal empêche l’ouverture en cas de tension.

Au départ prévues pour être accessibles depuis un cheval monté, les poches « cavalières » sont également présentes sur la plupart des jeans. Elles sont un peu plus rares sur les chinos mais sont un choix judicieux pour éviter l’ouverture des poches debout.
Au départ prévues pour être accessibles depuis un cheval monté, les poches « cavalières » sont également présentes sur la plupart des jeans. Elles sont un peu plus rares sur les chinos mais sont un choix judicieux pour éviter l’ouverture des poches debout.
Sur un pantalon classique elles peuvent apporter une variation subtile. Source : Ambrosi / The Armoury.
Sur un pantalon classique elles peuvent apporter une variation subtile. Source : Ambrosi / The Armoury.

Enfin en cas d’excès de gras, de cuisses trop imposantes ou de posture de jambes « anormale » (arquées ou cogneuses) un pantalon ajusté se déforme et ne fait pas une belle jambe. Il vaut mieux dans ce cas privilégier les coupes larges.

Notez que plus le buste se verra structurer par le vêtement pour lui donner une allure athlétique et anguleuse (hauteur de boutonnage, forme des revers, forme de l'épaule, découpe du dos...) et plus le bas devra être ample afin de ne pas créer une disproportion. C'est aussi pour cette raison qu'un pantalon ample porté sans veste n'est pas forcément très esthétique car le bas apparaît disproportionné par rapport au buste (à moins d'être musclé, et dans ce cas là le réequilibrage visuel se fait naturellement, c'est également pour cette raison qu'une veste moins structurée sied mieux aux physiques athlétiques car autrement il y a surcompensation de carrure). A l'inverse, on peut être amateur de la silhouette "saint galmier" (bouteille de Badoit), qui reprend les codes esthétiques des vêtements à taille. La taille est serrée et les épaules étroites pour des manches amples et un bassin assez large mais la cuisse et le mollet sont également à l'étroit. Ce genre de silhouette est plutôt réservée à un homme petit et très mince, autrement elle apparaît vraiment grotesque.

Evitez d'associer une veste avec un chino ou jeans à coupe trop ajustée, le décalage de structure et d’amplitude peut créer une rupture trop importante dans la ligne de silhouette. Avec un pantalon plus large, la silhouette redevient équilibrée. Source : Giovanni D'Antonio.
Evitez d'associer une veste avec un chino ou jeans à coupe trop ajustée, le décalage de structure et d’amplitude peut créer une rupture trop importante dans la ligne de silhouette. Avec un pantalon plus large, la silhouette redevient équilibrée. Source : Giovanni D'Antonio.

L’ouverture de cheville

Reste à parler de l’ouverture de cheville.
La tendance aujourd’hui est d’avoir un bas de pantalon étroit, ce qui n’altère pas forcément le rendu d’ensemble. Par contre l’ouverture  de cheville sert à rétablir une harmonie avec la longueur des souliers. Un bas étroit avec un derby un peu long ou des grands pieds peut donne une allure de clown. Attention donc à moduler correctement l’ouverture en fonction des situations.

L’ouverture de cheville peut être plus ou moins étroite mais doit respecter une harmonie avec la chaussure et le haut du pantalon.
L’ouverture de cheville peut être plus ou moins étroite mais doit respecter une harmonie avec la chaussure et le haut du pantalon.
Le chino ne recouvre pas assez la chaussure pour supporter ce modèle. Le pied parait trop long.
Le chino ne recouvre pas assez la chaussure pour supporter ce modèle. Le pied parait trop long.
Si le pantalon est trop serré sur le haut (souvent au genou) le bas peut être déporté complètement vers l’arrière : dans ce cas la partie inférieure forme une sorte « d’éperon », le pantalon ne recouvre plus la chaussure mais est plaqué contre l’avant de la cheville. Le port de chaussures longues devient problématique car le bas du pantalon ne joue plus son rôle.
Si le pantalon est trop serré sur le haut (souvent au genou) le bas peut être déporté complètement vers l’arrière : dans ce cas la partie inférieure forme une sorte « d’éperon », le pantalon ne recouvre plus la chaussure mais est plaqué contre l’avant de la cheville. Le port de chaussures longues devient problématique car le bas du pantalon ne joue plus son rôle.

Conclusion

Il est délicat d’émettre une vérité générale concernant la coupe d'un pantalon même du point de vue des canons du genre. L'idéal est d'avoir une coupe respectueuse de votre morphologie (votre taille, votre corpulence, cuisses fines ou musclées, taille des pieds, fessiers prononcés ou non, posture...) et ensuite de chercher la cohérence. Par cohérence, nous entendons qu'une veste structurée (par exemple) s’accommode mieux d'un pantalon ample à pinces françaises dont le rendu est un peu bouffant. Si vous souhaitez des pinces sur un pantalon plus ajusté préférez les pinces italiennes, et si vous voulez un pantalon encore plus ajusté préférez le sans pince de crainte qu'elles ne s'ouvrent. Un pantalon casual supporte mieux les fantaisies de coupe et de matière qu'un pantalon formel. Sur un jean ou un chino, vous pouvez vous permettre de le faire couper assez court, de faire un revers à la main, le porter assez ajusté ou très ample... et le reste doit être cohérent, par exemple une veste totalement déstructurée coupée un peu plus courte que la norme si le pantalon est assez ajusté et que sa taille est naturelle-basse (une veste longue sied mieux à un pantalon taille haute). De la même façon, suivant la matière vous devez vous orienter vers telle ou telle coupe : un pantalon dans une matière lourde supporte mieux une coupe ample avec une longueur qui donne un beau cassant, alors qu'une coupe ajustée sera inconfortable et donnera un cassant disgracieux en forme de tire-bouchon. En revanche une matière fine supporte mieux une coupe ajustée et un feu de plancher voire une coupe assez courte (le cassant sera disgracieux avec une matière légère). De même, une paire de mocassins supporte bien mieux le pantalon coupé court car les deux sont associés à la décontraction estivale. Si vous comptez garder vos pantalons longtemps, essayez de rester proche des canons classiques au lieu de tendre vers les extrêmes qui seront plus marqués dans la mode de leur époque.

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